Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'article 35 a pour objet d'instaurer une franchise sur le remboursement des médicaments, des actes paramédicaux et des transports sanitaires.
Ces franchises auraient pour vocation de financer les investissements de santé publique en faveur de la maladie d'Alzheimer, des soins palliatifs et du cancer.
Ces trois franchises viendront s'ajouter à une liste de plus en plus longue de contributions supportées par les malades, et eux seuls. En effet, il faut le rappeler, ce sont bien les malades qui paieront !
Ces franchises s'ajouteront non seulement au forfait hospitalier de 16 euros par jour, à la franchise de 1 euro sur chaque consultation chez le médecin, à celle de 18 euros pour un acte médical lourd, mais également aux dépassements d'honoraires de plus en plus fréquents et aux pénalités liées au non-respect des parcours de soins.
En diminuant toujours plus les remboursements, en contraignant les mutuelles à augmenter leur participation, donc leurs tarifs, les assurés sont, une fois de plus, les grands perdants.
Il est inadmissible et révoltant que seuls les malades doivent payer la facture !
On ne peut pas tolérer qu'en France les malades, parce qu'ils sont malades, assument seuls ce qui devrait être pris en charge par la solidarité nationale.
Les franchises constituent une atteinte grave au principe de solidarité entre les malades et les bien portants, principe fort de l'assurance maladie avec lequel elles marquent une rupture importante. Ces nouvelles franchises sont contre-productives en termes de santé publique et sont surtout très injustes socialement.
Inévitablement, les malades hésiteront à se faire soigner et les traitements seront retardés.
Or ignorer ou reporter les soins qui sont nécessaires, c'est prendre le risque d'aggraver l'état de santé des malades, ce qui entraînera, à terme, des soins plus lourds, donc plus onéreux pour la collectivité. C'est l'inverse d'une politique efficace de santé publique et l'antithèse d'une politique de prévention.
Seule une politique de prévention permet de réaliser des économies réelles.
De plus, une telle désorganisation des soins ne peut que contribuer à aggraver le déficit de la sécurité sociale.
Vous voulez « responsabiliser » les malades. En quoi serions-nous « responsables » de nos maladies et des prescriptions médicales ?
Par ailleurs, le fait de payer plus ne réduira pas le nombre de malades. Rappelons que 70 % des dépenses médicales sont engagées par 10 % de patients atteints de lourdes pathologies, parfois en fin de vie.
Aujourd'hui, le résultat est accablant : 13 % de la population renoncent aux soins, faute de moyens financiers. Avec la mise en place de la franchise médicale et les maigres retraites, les personnes âgées malades seront financièrement incapables de se soigner. De plus, cette franchise pèsera également sur les personnes à revenus modestes, ce qui aggravera les inégalités. Notre pays ne doit pas stigmatiser et culpabiliser les plus fragiles, les malades et les pauvres.
Autre contradiction : les malades en soins palliatifs, atteints de la maladie d'Alzheimer ou du cancer, qui devraient pourtant être les premiers bénéficiaires de ces franchises, devront, eux aussi, les payer.
Je comprends les inquiétudes des associations et de nombreux concitoyens face à ce nouveau système. Aujourd'hui, vous proposez un plafonnement du dispositif, mais nous savons que cela n'empêchera pas ces franchises d'augmenter dans le futur. Vous l'avez déjà fait pour d'autres franchises, telles que la franchise sur la consultation du médecin traitant ou le forfait hospitalier en cas de pathologie grave. Accepter aujourd'hui la franchise, c'est accepter qu'elle augmente chaque année.
Je relève une autre injustice : ces franchises médicales portent atteinte au principe de gratuité des soins dont bénéficient les victimes d'accidents du travail ou de maladies professionnelles, en réparation de leurs préjudices. Ces victimes devront prendre à leur charge une partie des frais médicaux causés par l'accident ou la maladie. Les franchises vont, une fois de plus, peser sur les salariés et non sur les entreprises, pourtant responsables devant la loi. C'est, là encore, une atteinte aux droits acquis des victimes du travail.
Comme la majorité de nos concitoyens, nous vous rappelons que d'autres moyens existent pour assurer un financement pérenne de notre protection sociale.
En effet, le rapport de la Cour des comptes indique qu'une cotisation sur les stock-options à hauteur de la cotisation sur le travail rapporterait 3 milliards d'euros. Voilà une piste plus appropriée et surtout plus juste, car équitable.
Nous nous opposons au système de franchises et au démantèlement de la sécurité sociale, qui place progressivement la santé face à des choix économiques et de société.
Pourquoi choisir de mettre en place ce dispositif aujourd'hui, alors qu'un grand débat sur le financement de la santé est prévu en 2008 ? L'urgence est, au contraire, d'organiser au préalable un débat de fond sur les dépenses de santé et leur financement et non d'instaurer par avance et sans concertation des franchises qui sont moralement et socialement inacceptables.
Ainsi, pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression pure et simple de l'article 35.