Intervention de Jean-Pierre Godefroy

Réunion du 15 novembre 2007 à 15h00
Financement de la sécurité sociale pour 2008 — Article 35

Photo de Jean-Pierre GodefroyJean-Pierre Godefroy :

Monsieur le président, madame la ministre, mes collègues ont pratiquement tout dit mais vous me permettrez d'insister sur quelques points particuliers.

Tout d'abord, je voudrais rappeler que, dans son allocution de politique sociale du 18 septembre dernier au Sénat, le Président de la République a annoncé l'ouverture d'un grand débat sur le financement de la santé. Il a demandé au Gouvernement d'organiser ce débat pour en tirer les conclusions au cours du premier semestre de l'année prochaine. Dans ce contexte, les nouvelles franchises sur les médicaments, les transports sanitaires et les actes paramédicaux contenus dans cet article 35 conduisent à amputer une partie de ce grand débat.

En effet, vous avez décidé de trancher dès aujourd'hui pour une plus grande mise à contribution des assurés sociaux, personnes handicapées, accidentés du travail, personnes souffrant d'une maladie professionnelle et reconnues en affection de longue durée.

Madame la ministre, il est inadmissible que les mesures initialement prévues par le texte en matière d'offre de soins aient finalement été retirées et renvoyées, elles aussi, à un grand débat - on sait dans quelles conditions - pour laisser place à la tenue préalable d'états généraux de la santé. En fait, vous acceptez de discuter de tout avec tout le monde sauf avec les assurés sociaux que vous allez taxer. Il est vrai qu'ils ne peuvent pas bloquer les hôpitaux, comme je l'ai dit à votre collègue M. Woerth ; ils n'ont pas de moyens de pression, ils ne se font entendre malheureusement que dans les centres communaux d'action sociale ou dans des endroits où l'on essaie de leur venir en aide.

Les recettes que vous escomptez de ces mesures - 850 millions d'euros - devraient servir à réduire le déficit. Or vous en faites un moyen de financer une politique, c'est-à-dire que les malades financent une politique pour les malades, ce qui est contraire aux principes de la sécurité sociale. C'est donc un vrai changement.

Mais je voudrais aussi attirer votre attention, madame la ministre, sur le fait que ce système de franchises est très inégalitaire.

La Cour des comptes, dans son dernier rapport, a émis des propositions. Avec votre collègue M. Woerth, nous avons eu un débat très long sur les stock-options. Croyez-vous qu'il soit normal de prélever 850 millions d'euros sur les assurés sociaux, sauf ceux qui en seront exonérés, j'y reviendrai tout à l'heure, et de dire, s'agissant des détenteurs de stock-options, que l'on ne peut quand même pas trop taxer ces pauvres gens, car ils risqueraient de quitter le pays ? Les travailleurs salariés, ceux qui vont être soumis à votre franchise, eux, ne risquent pas de partir. Ils sont attachés à leur travail, du moins quand on ne le leur enlève pas, quand les entreprises ne ferment pas pour délocaliser ; je pourrais citer de nombreux exemples à cet égard.

Donc, on prélève 250 millions d'euros sur ceux qui ont les moyens de payer et que l'on pourrait taxer davantage, c'est-à-dire comme tout le monde, en les mettant à égalité avec les assurés sociaux. Mais non, pour eux, on prend des mesures dérogatoires. Ainsi, vous faites en sorte que le financement du plan Alzheimer et du plan cancer soit pris en charge par les assurés sociaux, sans qu'on puisse en discuter.

Je voudrais insister sur ces points, madame la ministre, qui me paraissent très importants.

Il suffit de se reporter aux enquêtes de l'INSEE pour constater que, toutes catégories socioprofessionnelles confondues, ceux qui dépensent le moins pour leur santé sont les ouvriers. Avec votre franchise, ils dépenseront encore moins, ils se soigneront encore moins. Vous allez donc renforcer l'inégalité puisque les classes sociales les plus démunies, qui seront les plus taxées, seront les moins enclines à se soigner.

Vous allez me rétorquer que la franchise sera plafonnée à 50 euros. Mais il faut aussi tenir compte du forfait d'un euro par consultation, du forfait hospitalier, sans compter les dépassements d'honoraires, auxquels on ne s'attaque pas vraiment. Pour les personnes les plus modestes, 50 euros représentent une somme importante, madame la ministre ! Bien sûr, pour ceux qui possèdent des stock-options, ce ne sont que quelques pièces jaunes !

Il y a là véritablement un traitement inégalitaire. Je tenais à attirer votre attention sur ce point, avant le grand débat voulu par le Président de la République.

Sans doute allez-vous nous dire que des exonérations sont prévues. Nous le savons !

Nous avons effectué au Sénat, sous la responsabilité de notre collègue Valérie Létard, un travail sur les minima sociaux. Nous nous sommes aperçus qu'il fallait à tout prix éviter les effets de seuil. Or vous êtes en train d'accroître ces effets de seuil, d'en « remettre une couche », si vous me permettez l'expression. Les travailleurs les plus pauvres, ceux qui font fonctionner les entreprises mais qui n'ont pas de couverture complémentaire, les « travailleurs pauvres » comme on les appelle, vont encore être les plus taxés alors que, pour tous les autres, on prend le temps de réfléchir.

Ces franchises sont contestables sur le plan économique, sur le plan comptable, mais surtout sur le plan humain. Elles instaurent une inégalité de traitement entre ceux qui ont les moyens de payer pour la solidarité nationale et qui sont exonérés et ceux qui n'ont pas beaucoup de ressources et qui sont taxés !

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