Intervention de Claude Bérit-Débat

Réunion du 28 septembre 2010 à 14h30
Nouvelle organisation du marché de l'électricité — Article 1er

Photo de Claude Bérit-DébatClaude Bérit-Débat :

L’article 1er du projet de loi constitue le cœur de la future architecture du marché de l’électricité. Or cette architecture est irréfléchie, bancale, inappropriée et dangereuse.

Tout d’abord, elle est irréfléchie parce qu’elle acte le souci du Gouvernement de privilégier, comme à son habitude, les intérêts de quelques groupes privés, au détriment de ceux des Français. Non, on ne peut pas éternellement se cacher derrière les volontés de l’Europe : ce texte favorise délibérément les groupes privés, au risque d’affaiblir considérablement EDF.

Le patriotisme économique a visiblement ses limites et, entre un champion français et la croissance artificielle de quelques groupes privés, votre gouvernement, monsieur le secrétaire d’État, a choisi son camp.

Vous nous proposez d’ouvrir ce marché à la concurrence dans des conditions si invraisemblables que cela ferait sourire si les Français n’étaient pas directement concernés !

Ensuite, l’architecture de ce marché est bancale, car, une fois de plus, c’est au prix d’une gymnastique extrêmement complexe qu’un nouvel objet, l’ARENH, a été inventé. Avec cet accès régulé, il s’agit de fixer un prix à l’électricité nucléaire que les fournisseurs privés pourront se procurer auprès d’EDF.

Sa mise en place pose problème parce qu’il va bien falloir fixer le prix de cet accès régulé. Trop élevé, il empêcherait la concurrence de se nourrir de la rente nucléaire ; trop bas, il mettrait en péril EDF. Le sujet est épineux et l’on apprécierait d’ailleurs que vous nous donniez, monsieur le secrétaire d’État, quelques éléments chiffrés pour apprécier la manière dont ce prix sera fixé.

On aimerait aussi savoir ce qui est prévu pour l’après-ARENH : que se passera-t-il après 2025, quand cet accès régulé sera supprimé ? On n’en sait rien ! À cet égard, le texte présente une vraie lacune. Comme si cela ne suffisait pas, le projet de loi prévoit un système d’accès à l’électricité nucléaire d’EDF pour les fournisseurs privés. Le hic, c’est que ces fournisseurs pourront, dans un premier temps, faire valoir leur volume d’électricité, proportionnellement à leurs propres anticipations relatives à leur portefeuille de clients. On marche sur la tête avec un tel système ! Mais, après tout, pourquoi faire simple et équitable quand on peut faire compliqué et injuste ?

Injuste et inapproprié : voilà d’ailleurs deux autres caractéristiques de cette architecture.

Elle est injuste, car les Français, qui bénéficient aujourd’hui d’une électricité bon marché, verront – nombre de mes collègues l’ont dit – leur facture augmenter considérablement.

Si l’on retient l’hypothèse formulée par Henri Proglio d’un accès régulé à 42 euros par mégawattheure, l’augmentation, pour les consommateurs, sera de 11 % après la réforme et de 3, 5 % par an entre 2011 et 2025 !

Je suis tout disposé à croire aux vertus de la concurrence, à condition que l’on m’explique en quoi une concurrence accrue et des factures plus lourdes représentent un bénéfice pour les consommateurs.

Surtout, j’en suis convaincu, elle est profondément injuste et inappropriée dans le contexte de crise que nous connaissons actuellement.

Enfin, cette architecture est dangereuse à plus d’un titre, car elle menace le service public de l’électricité – je vous renvoie au long débat qu’a suscité l’un de nos amendements, finalement rejeté.

Nous constatons déjà, dans nos territoires, des difficultés d’alimentation et des coupures ; nous rencontrons chaque jour des citoyens qui n’ont plus accès à l’électricité.

Pour nous, monsieur le secrétaire d'État, l’électricité n’est pas un luxe ; c’est un droit pour tous ! Hier, c’étaient la santé et La Poste, aujourd’hui, c’est l’électricité : cette marchandisation des services publics est insupportable et intolérable !

Ce n’est ni un progrès social, ni une réussite économique et encore moins un gage de compétitivité. L’architecture que vous nous proposez, c’est uniquement – malheureusement – un cadeau que vous faites à quelques groupes privés.

Il y avait en France une rente nucléaire ; jusqu’à présent, c’étaient les Français qui en bénéficiaient. Aujourd’hui, il y a toujours une rente nucléaire, mais ce sont quelques groupes qui la confisquent.

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