Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite tout d'abord remercier le président du Sénat, M. Christian Poncelet, qui a bien voulu inscrire à l'ordre du jour réservé cette question orale avec débat.
Cette question est d'actualité puisque le Sénat examine ces jours-ci en deuxième lecture le projet de loi relatif au développement des territoires ruraux. Les solutions qui doivent être apportées à la crise de la filière fruits et légumes ont d'ailleurs fait l'objet la semaine dernière de discussions vives et passionnées.
Par ailleurs, je veux également remercier le président de la commission des affaires économiques, M. Jean-Paul Emorine, et le président du groupe d'études sur l'économie agricole alimentaire, M. Gérard César, qui ont bien voulu soutenir la création d'une section, au sein de ce groupe d'études, consacrée à la filière fruits et légumes.
L'importance de ce secteur, d'un point de vue tant économique que social, doit tout d'abord être soulignée. Ce secteur représente en effet 12, 6 % de la valeur de la production agricole nationale ; il concerne environ 34 000 exploitations spécialisées, il emploie près de 650 000 actifs et fait de notre pays le troisième producteur de fruits et légumes de l'Union européenne, derrière l'Italie et l'Espagne.
Pourtant, ce secteur connaît aujourd'hui une grave crise qui alimente de forts mécontentements chez les professionnels, des actions sociales parfois spectaculaires et de grandes attentes de la part des producteurs.
Cette crise est tout d'abord conjoncturelle.
Après une année 2003 relativement satisfaisante en termes de revenus du fait d'une augmentation des prix due à la canicule et à la sécheresse, l'année 2004 a été particulièrement difficile pour le secteur : très forte baisse des prix due à des volumes de production en forte progression, difficultés d'écoulement en raison d'une faible demande intérieure, augmentation notable des coûts de production liée à la hausse du prix du fioul.
Mais cette crise a également, et c'est le plus inquiétant, des racines structurelles.
Naturellement fragiles et périssables, les fruits et légumes sont très vulnérables aux aléas climatiques. De plus, la main-d'oeuvre dans ce secteur souffre, en France, d'un coût élevé comparativement à d'autres pays, y compris certains pays de l'Union européenne, ainsi que d'une insuffisance de l'offre de travail. La pression concurrentielle, qu'elle provienne du marché mondial ou européen, est extrêmement agressive. La faiblesse de l'Organisation commune de marché, l'OCM, qui ne reçoit que 4 % des crédits du FEOGA-Garantie, ne permet pas de remédier à cette situation. Enfin, la production est trop dispersée par rapport à la transformation et, plus encore, par rapport à la distribution.
Tous ces éléments se trouvent d'ailleurs développés et approfondis dans le rapport pour avis sur le budget de l'agriculture, rédigé par mon collègue Gérard César, et dont une partie est consacrée à la crise que traverse actuellement le secteur des fruits et légumes.
Nombre de producteurs se trouvent donc cette année dans une situation difficile et hésitent à se lancer dans une nouvelle campagne de production. C'est pourquoi il est de notre devoir d'envoyer à ces acteurs économiques un signal fort destiné à leur redonner confiance quant à la volonté des pouvoirs publics de les aider à traverser cette crise et de conserver cette filière.
Certes, la prise de conscience de l'ensemble des acteurs a permis de mettre en place certaines mesures. Cependant, la poursuite de cette situation de crise montre que ces mesures sont aujourd'hui insuffisantes.
D'une part, le Gouvernement a engagé un vaste audit de la filière fruits et légumes, dont les conclusions ont été présentées au mois de juin dernier. Plusieurs recommandations sont formulées, qui se concentrent tout particulièrement sur la nécessité d'instaurer au niveau européen un véritable dispositif de gestion des crises.
D'autre part, après les aléas météorologiques connus en 2003 - gel de printemps, canicule estivale -, le Gouvernement a mis en place des mesures d'urgence. Monsieur le ministre, je tiens ici à saluer votre prédécesseur, M. Hervé Gaymard, pour la réactivité dont il a fait preuve. Ainsi, une aide directe de 10 millions d'euros pour soulager la trésorerie des agriculteurs a été débloquée ; l'ONIFLHOR, l'Office national interprofessionnel des fruits, des légumes et de l'horticulture, a aussi reçu 10 millions d'euros pour engager des actions structurantes ; 50 millions d'euros ont été débloqués pour des prêts de consolidation et 1 million d'euros pour une prise en charge de cotisations de la Mutualité sociale agricole. Ces aides étaient nécessaires et ont été reçues avec soulagement.
Hélas ! nous en sommes tous conscients, cela n'est pas suffisant. Je reprendrai l'exemple que j'avais évoqué à l'occasion de l'examen du budget pour 2005 : depuis septembre 2004, nous savons, monsieur le ministre, que la MSA aura besoin pour le Lot-et-Garonne de 500 000 euros de crédits, soit la moitié des crédits accordés par le ministère. Une enveloppe complémentaire est donc absolument nécessaire et, pour l'instant, nous ne disposons pas d'informations sur ce sujet.
Enfin, le Gouvernement a déposé une demande d'aide au niveau européen concernant plus spécialement le chou-fleur, dont le marché est particulièrement défavorable. Consistant à mettre en place un système de gestion de crise, cette tentative a malheureusement été bloquée au niveau de la Commission européenne.
Si le Gouvernement n'est pas, loin s'en faut, resté inactif devant la crise, les producteurs et les opérateurs ont également tenté d'apporter des solutions. Durant l'été dernier, et afin de redynamiser une consommation atone, ils ont mené des actions exceptionnelles, qu'il s'agisse d'initiatives promotionnelles fortement médiatisées ou d'une tentative expérimentale d'instaurer un prix minimum pour la tomate.
Ils ont également signé un accord interprofessionnel permettant la publicité sur le prix des fruits et des légumes hors des lieux de vente. Cet accord a ouvert la voie à une modification de la loi sur les nouvelles régulations économiques qui a consacré l'autorisation de ce type de publicité.
Enfin, par l'intermédiaire d'Interfel, l'Interprofession des fruits et légumes, et d'Aprifel, l'Agence fruits et légumes frais, la profession a demandé au Président de la République la reconnaissance du label « Grande cause nationale » au profit du secteur ainsi que la mise en place d'un plan national fruits et légumes pour la prévention des grandes pathologies.
Je le disais la semaine dernière dans ce même hémicycle, je sais, en tant qu'élu rural, combien il est difficile de créer des emplois dans des zones non urbaines. Le projet de loi relatif au développement des territoires ruraux essaie de remédier à cette difficulté. Mais, avant de penser à créer des emplois, il nous faut lutter pour conserver les emplois existants.
Je voudrais aborder aujourd'hui les différents problèmes auxquels se heurte la filière fruits et légumes et envisager avec vous les actions possibles.
En matière de production, tout d'abord, il existe plusieurs leviers sur lesquels nous pourrions agir pour redonner de la compétitivité à cette filière : le coût du travail, l'amélioration de la productivité, les aléas climatiques, les distorsions de concurrence liées aux intrants, l'accompagnement des producteurs face à l'arrivée de dix nouveaux pays sur le marché.
La filière fruits et légumes n'est pas la seule en France où le coût du travail entraîne un manque de compétitivité. Ce secteur est de plus soumis à une très forte concurrence, intracommunautaire d'abord, mondiale ensuite. Il ne faut pas oublier que le coût de l'emploi représente 50 % du coût total de production.
Que le coût du travail et les charges sociales soient nettement plus faibles au Maroc ou en Tunisie qu'en France, nous ne pouvons pas y faire grand-chose ; mais que l'Allemagne réussisse à produire à un coût horaire saisonnier de 6, 15 euros contre 8, 52 euros pour la France est moins acceptable. Une harmonisation est nécessaire afin que ces distorsions cessent. Il nous faut donner aux exploitants les moyens de produire à des coûts plus faibles.
J'avais proposé, dans le cadre du projet de loi relatif au développement des territoires ruraux, que soient adoptées différentes mesures destinées à faciliter le recours à des travailleurs étrangers pour les récoltes, à étendre à tout type de récolte agricole les conditions avantageuses du contrat de vendanges qui permet des allégements de charges sociales, patronales et salariales, et à augmenter la durée pendant laquelle les producteurs paient des charges sociales à taux réduits pour les travailleurs occasionnels.
Ces propositions n'ont pas été adoptées et je le regrette, car je pense qu'elles auraient été de nature à encourager les producteurs à continuer leur activité, à employer plus de main-d'oeuvre et à produire de manière plus concurrentielle.
Si nous voulons, monsieur le ministre, maintenir notre production, nous serons fatalement amenés à faire des efforts en matière de coût de main-d'oeuvre et de recours à des travailleurs étrangers.
Pour ce qui concerne l'amélioration de la productivité, il serait sûrement souhaitable que les pouvoirs publics aident les exploitants à améliorer leurs structures de production et de commercialisation. Aujourd'hui, avec l'arrivée dans le marché européen des pays de l'Est, nos exploitations ont besoin d'un plan d'adaptation structurel prenant en compte l'économie, l'environnement et le social. Il s'agit de parvenir à un produit de qualité et d'être compétitif, tout en respectant les règles environnementales, en particulier en maîtrisant les intrants.
La profession travaille sur ce sujet en liaison avec le ministère pour que soient inclues des mesures dans le PDRN, le plan de développement rural national. Quelles sont les avancées sur ce sujet ?
L'entrée de l'Espagne et du Portugal dans le marché commun a été accompagnée par des mesures très importantes, notamment des financements européens au niveau du PIM, le programme intégré méditerranéen, mesures qui ont été complétées à l'échelon national en 1992 et en 1993. Il faudrait prendre exemple là-dessus.
Aujourd'hui, monsieur le ministre, ce sont non pas deux mais dix pays qui nous rejoignent et, à l'inverse de ce qui avait été fait en 1992 et en 1993, non seulement les producteurs déjà intégrés dans la politique agricole commune, la PAC, ne disposent pas de mesures d'accompagnement mais les producteurs des nouveaux pays européens vont de plus être prioritairement éligibles aux fonds structurels et seront de ce fait encore plus concurrentiels, notamment dans la filière fruits et légumes.
Aujourd'hui comme hier, nous avons besoin de mesures d'accompagnement pour les agriculteurs.
J'en viens aux aléas climatiques qui, dans la production légumière et fruitière, ne sont pas rares : citons le gel de 2003 ainsi que le terrible orage de juin 2004 qui a détruit les vergers de pruniers dans le Lot-et-Garonne et les départements voisins ; les exemples ne manquent pas. Depuis de nombreuses années, je me prononce en faveur de la mise en place d'un dispositif d'assurance récolte permettant de pallier les effets parfois dévastateurs du climat sur une production. J'ai donc été ravi de voir dans le budget pour 2005 l'amorce d'un tel dispositif.
Le système proposé par le Gouvernement, en pourcentage et en montant, me semble tout à fait correct. Je regrette cependant que seulement 10 millions d'euros soient prévus pour le financer et que les interventions soient plafonnées à 130 millions d'euros. Je rappelle que les Espagnols consacrent 230 millions d'euros à leur système d'assurance, ce qui est un montant considérable au vu de leur agriculture.
En outre, il me semble indispensable de prévoir une réassurance publique, et il est dommage que l'examen de cette question soit renvoyé à plus tard.
La mise en place d'une assurance récolte ne doit être, à mon avis, qu'une étape vers une assurance-revenu, à l'instar de ce que font les Espagnols. L'application de ce type d'assurance s'avérera vite nécessaire dans une Union européenne contrainte de supprimer les aides à l'exportation ou de baisser les aides internes considérées comme portant atteinte à la libre concurrence. Monsieur le ministre, comment comptez-vous aborder ce dossier et dans quelle direction, notamment lors de l'examen du projet de loi d'orientation agricole ?
Enfin, pour ce qui est des intrants, la filière fruits et légumes se heurte à de fortes distorsions de concurrence. En effet, la législation française est l'une des plus sévères en matière d'intrants, qu'ils soient chimiques ou non. Certains pays voisins peuvent autoriser l'utilisation de produits auxquels n'ont pas accès les producteurs français. Il faut absolument agir afin que la législation en la matière soit harmonisée à l'échelon européen. Dans un espace à vingt-cinq, il est absolument inconcevable que de telles distorsions de concurrence existent, et j'espère, monsieur le ministre, que vous pourrez agir auprès de vos confrères européens.
De nombreux producteurs font d'ores et déjà de très gros efforts de maîtrise des intrants ; certains se sont engagés dans des démarches de production fruitière intégrée, de lutte intégrée dans les serres ou d'agriculture raisonnée. De plus, les problèmes de coût incitent à la modération.
J'en arrive aux difficultés liées à la commercialisation des produits.
Le principal point qui pose problème à la filière en matière de distribution et de commercialisation est la régulation du marché. De par la spécificité des produits, des produits périssables notamment, les producteurs sont en position de faiblesse dans leur relation avec les distributeurs, et ils apparaissent souvent divisés ou mal organisés pour faire face aux cinq grands distributeurs.
Premièrement, nous devons développer un outil efficace de connaissance de la production avant la mise sur le marché. La connaissance du volume et de la qualité du produit avant sa mise sur le marché peut permettre d'anticiper sur les phases sensibles qu'il va connaître et les problèmes qu'il va rencontrer lors de la saison. L'idéal serait bien entendu que cet outil soit développé au niveau communautaire afin d'anticiper également sur les flux d'importation et d'exportation.
Deuxièmement, afin que la première mise sur le marché se passe dans les meilleures conditions, il faut absolument aider les producteurs à s'organiser face aux distributeurs et aux grossistes, qui, je le rappelle, sont extrêmement concentrés. Il s'agit non pas de permettre une entente sur les prix, contraire au droit communautaire, mais, compte tenu des caractéristiques de la production, de permettre aux producteurs de se concerter sur leur offre.
Le deuxième point qui pose problème, s'agissant de la commercialisation des produits, concerne les mécanismes de gestion de la crise. S'il y a crise, comme cela a été le cas en 2004 pour un très grand nombre de fruits et de légumes, il nous faut pouvoir appliquer un dispositif ponctuel. A cet égard, je suis ravi que le Sénat ait adopté la semaine dernière la mise en place du mécanisme de coefficient multiplicateur. Ce dispositif, destiné à lier le prix d'achat au prix de vente d'un produit en période de crise, et dans ce cas seulement, c'est-à-dire de façon tout à fait ponctuelle, permet d'éviter l'installation d'une spirale de baisse des prix. Au contraire, il incite les distributeurs à acheter à un prix raisonnable afin de pouvoir dégager une marge.
J'espère que vous saurez entendre l'appel que les sénateurs ont voulu lancer en adoptant cet amendement qui correspond à la demande unanime de la profession. Je vous demande d'en tenir compte et de ne pas le rejeter en commission mixte paritaire. Nous avons certainement les moyens de négocier avec Bruxelles afin qu'un tel dispositif puisse être mis en place ; en effet, je le rappelle, il s'agit non pas de mettre en place des prix administrés, mais de réguler ponctuellement un marché difficile à appréhender.
Monsieur le ministre, vous avez vous-même proposé plusieurs amendements destinés à assainir les relations entre les producteurs et les distributeurs, notamment en période de crise.
Ces propositions correspondent également à une attente des professionnels.
Elles permettent d'engager la responsabilité de tout producteur, commerçant ou industriel, ou de toute personne immatriculée au répertoire des métiers qui pratique des prix abusivement bas en période de crise ; elle permet également de favoriser l'engagement volontaire des distributeurs à modérer leur marge en période de crise, de n'autoriser la pratique des remises, ristournes, rabais et autres frais de coopération commerciale que s'il y a un contrat écrit en ce sens entre le producteur et le distributeur, et, enfin, d'autoriser l'annonce des prix hors lieu de vente sur une période courte sans recours obligatoire à un accord de l'interprofession.
Monsieur le ministre, ces amendements sont tout à fait cohérents avec la proposition relative au coefficient multiplicateur votée par le Sénat.
Le coefficient multiplicateur est un mécanisme qui permet au Gouvernement de garder une grande marge de manoeuvre puisque c'est lui qui décide quand, sur quels produits et à quel taux il s'applique. Vous disposez désormais, monsieur le ministre, d'une arme pour combattre les crises.
En matière de financement des dispositifs de gestion des crises, il est également nécessaire de prévoir la mise en place d'une caisse professionnelle de péréquation.
En effet, il apparaît de plus en plus indispensable que les producteurs disposent d'un mécanisme de compensation financière. Nous avons tous encore en tête les retraits massifs de produits et les abus auxquels ils ont donné lieu voilà quelques années.
Cette procédure est encore utilisée, mais elle est très encadrée et limitée, et elle ne concerne que les producteurs membres de l'organisation économique.
Aujourd'hui, les producteurs proposent qu'un fonds de péréquation soit créé à l'échelon européen et mis en oeuvre à l'échelon régional.
Le financement pourrait être le suivant : il proviendrait pour un tiers de l'Union européenne, pour un tiers de l'Etat membre et/ou de la région concernée, pour un tiers des cotisations professionnelles, sachant que le financement européen est déjà prévu à partir du prélèvement du 1 % sur la modulation.
L'expérience des comités économiques pourrait à cette occasion être mise à profit : ces derniers seraient chargés de prélever les cotisations des producteurs ainsi que d'alerter et de déclencher le système de péréquation en cas de crise.
L'efficacité et l'équité du système seraient garanties par la participation financière directe de tous les producteurs, qui auront tout intérêt à utiliser les fonds de la caisse à bon escient.
Géré au niveau local, cet organisme aurait la souplesse et la réactivité voulues pour intervenir efficacement. Il pourrait le faire en matière de retrait de marchandises du marché ou de destruction de récoltes aux champs. Il pourrait également développer, si nécessaire, le soutien aux livraisons à la transformation ou conduire des actions promotionnelles dans l'espace européen et dans les pays tiers.
Parallèlement à ce dispositif, monsieur le ministre, il vous faudra veiller à ce qu'avancent à l'échelle européenne les dossiers de la réforme de l'Organisation commune de marché « fruits et légumes » et de la mise en place d'un véritable système de gestion de crise communautaire. Votre prédécesseur, Hervé Gaymard, s'est largement investi en ce sens ; nous ne doutons pas que vous aurez à coeur de poursuivre ses démarches.
J'en viens à la consommation et à la promotion.
Le premier de ces deux points est fondamental. La consommation de fruits et de légumes n'a cessé de diminuer au cours des quarante dernières années au profit de la consommation de produits manufacturés.
Des chiffres récents montrent que la part du budget alimentaire dans le budget des ménages est passée de 30, 7 % en 1959 à 14, 7 % en 2003, et que la part des fruits et légumes dans le budget alimentaire est passée dans le même temps de 13, 7 % à 9, 9 %, ce qui correspond à une baisse de 27 points en quarante-quatre ans ! Et ce problème ne découle pas seulement, idée devenue habituelle, de la cherté des fruits et légumes frais.
Cette situation est préoccupante en termes de débouchés pour les producteurs. L'exemple de la campagne 2004 est éloquent à cet égard : malgré la crise et les prix bas, les consommateurs ont continué de bouder les fruits et légumes.
Mais, au-delà du manque de débouchés pour les productions, nous devons être conscients du fait que nous allons au-devant de problèmes de santé publique : les fruits et légumes sont des produits nécessaires à un bon équilibre alimentaire et à une bonne santé.
Les chiffres parlent d'eux-mêmes : alors que 3 % des Français étaient touchés par l'obésité en 1970, il sont aujourd'hui 11 % à en souffrir, et 30 % de la population est en situation de surpoids. Ajoutons que 20 % des enfants devraient être concernés par ce fléau en 2020.
L'Organisation mondiale de la santé et l'Union européenne ont l'une et l'autre fait des recommandations pour que la consommation des fruits et des légumes soit vivement encouragée, et c'est un point que le Président de la République a abordé lors de la présentation du plan anticancer. De même, le programme national nutrition-santé, ou PNSS, lancé en 2001, avait pour but d'améliorer la nutrition des Français et, notamment, de favoriser la consommation de fruits et légumes.
Malgré ce programme, la consommation de fruits n'a jamais été aussi basse que lors de l'été 2004, et la consommation de légumes est également en recul, ce qui m'amène au second point : la promotion des produits.
Monsieur le ministre, il faut promouvoir activement la consommation des fruits et légumes.
L'interprofession doit être dotée de moyens importants en la matière, moyens qui peuvent être français mais également européens, car la France n'est pas le seul pays à être touché par une baisse de la consommation de ce type de produits frais.
Renforcer la communication sur l'importance de la consommation de fruits et légumes en direction des Français est indispensable. Si l'on compare les investissements publicitaires en matière alimentaire, on se rend vite compte que la lutte est inégale. Le rapport est de un à cinq entre la promotion des fruits et légumes et les publicités pour la confiserie et les bonbons. Il passe de un à quinze entre, d'une part, les fruits et légumes, et, d'autre part, tous les produits issus de la panification, et j'estime qu'il est de un à trente entre la filière fruits et légumes et la filière lait.
La filière fruits et légumes souffre donc d'un déficit de communication, ce qui est préoccupant au regard de la santé. Il serait souhaitable que la communication sur les fruits et légumes soit étendue et se voie attribuer à cette fin le label « Grande cause nationale », lequel permet de bénéficier des avantages tarifaires publicitaires existant dans le cadre des causes nationales. Contribuer à une meilleure information de nos citoyens en vue de les inciter à adopter une alimentation plus équilibrée relève, me semble-t-il, des objectifs de ce label.
Dans cet esprit, on ne peut qu'appuyer la demande de la profession de mettre en place un plan national « fruits et légumes » pour la prévention des grandes pathologies comme le cancer, les maladies cardiovasculaires ou l'obésité.
Enfin, pourquoi ne pas confier comme priorité une mission de valorisation des fruits et légumes à l'Agence française d'information et de communication agricole et rurale que le projet de loi relatif au développement des territoires ruraux prévoit de créer ?
Une telle action permettrait de rappeler de façon très générale les bienfaits, la qualité et l'authenticité de ces produits. Ainsi, elle serait parfaitement complémentaire des initiatives prises à l'échelle de l'interprofession, lesquelles sont davantage ciblées sur la promotion commerciale de tel ou tel produit.
Monsieur le ministre, pour conclure mon propos, je souhaite vous remercier de consacrer deux heures de votre temps à ce débat. Je pense que ce n'est pas inutile et que tous les professionnels y seront très sensibles.
Je voudrais également saluer votre volonté de faire avancer le dossier, volonté qui s'est déjà concrétisée par le dépôt de quatre amendements dans le cadre du projet de loi relatif au développement des territoires ruraux.
Reste à adopter définitivement ce texte et à faire appliquer au plus vite les différentes mesures qu'il contient.
A cet égard, vous aurez le soutien de la section d'études consacrée aux fruits et légumes que plusieurs de mes collègues et moi-même venons de créer au sein de la commission des affaires économiques.
Je souhaite remercier également Christian Jacob d'avoir pris en compte, dans le cadre de son groupe de travail sur les relations commerciales, les difficultés rencontrées par les agriculteurs et de s'être prononcé, voilà une quinzaine de jours, en faveur du coefficient multiplicateur.
Monsieur le ministre, maintenir le dispositif du coefficient multiplicateur dans le cadre du projet de loi relatif au développement des territoires ruraux est une manière de lancer un signal fort en direction de toute la filière et de signifier à cette dernière que ses préoccupations ont été entendues.
Bien entendu, il faudra encore préciser le mécanisme et ses modalités d'application dans le cadre du projet de loi d'orientation agricole ou dans celui du projet de loi sur les entreprises que présentera Christian Jacob.
Nous sommes certains, monsieur le ministre, que vous saurez déterminer les mesures réglementaires les plus efficaces et les mieux adaptées à la diversité des situations. Cependant, il semble nécessaire de ne pas remettre en cause le principe de cette mesure dont il est important de préciser qu'elle a reçu l'assentiment de l'ensemble de la filière, comme celui des sénateurs.