Or, la commission Canivet propose ni plus ni moins de légaliser ces pratiques de marges arrière, en les transformant progressivement en marges avant, et de fixer le seuil de revente à perte au prix dit « triple net », c'est-à-dire déduit des ristournes, remises, rabais et coopération commerciale.
Après ces constats et remarques, il convient d'avancer un certain nombre de propositions concrètes et efficaces dans un contexte où, depuis 1992, l'agroalimentaire et la grande distribution ont bénéficié d'un transfert de valeur ajoutée en provenance de l'agriculture à hauteur de 12 milliards d'euros par an.
La grande distribution est la première bénéficiaire des réformes de la politique agricole commune de 1992 et de l'Agenda 2000.
Les agriculteurs ont perdu 12 milliards d'euros par an sur la vente globale de leurs produits ; en retour, ils n'ont perçu que 2 milliards d'aides compensatoires. Ils ont donc été volés de 10 milliards d'euros par an.
Les consommateurs et contribuables n'ont pas bénéficié de la baisse des prix à la consommation ; ils ont déboursé, pour leur part, 2 milliards d'euros par an pour financer les aides compensatoires européennes.
Il est nécessaire de prendre des dispositions volontaristes : seuls des prix rémunérateurs sont à même de permettre une agriculture sereine et pérenne. Cela passe par de nombreuses mesures qui, comme l'indiquent nos ministres, sont souvent contraires à l'esprit communautaire, mais sont indispensables au nom de la subsidiarité et de l'intérêt national.
Le coefficient multiplicateur doit être gravé dans la loi française et appliqué, dans un premier temps, aux périodes de crise, puis, dans un second temps, d'une manière permanente.
La préférence communautaire, l'harmonisation des charges et l'unicité des prix, qui sont aujourd'hui absentes du projet de Constitution européenne, doivent y figurer. Il en va de même de l'encadrement des pratiques des GMS au moyen de l'interdiction des marges arrière et autres pratiques de rabais, remises et ristournes ainsi que de l'instauration, produit par produit, d'un prix minimum et d'un prix rémunérateur de référence.
D'autres mesures, telles que le calendrier d'importations - encadrement des productions par régime et par pays -, l'orientation vers les conserves et l'appertisation, devraient également permettre de réguler l'offre et de maintenir des prix rémunérateurs.
La consommation des fruits et légumes mérite également d'être resituée dans la société de consommation qui nous est imposée. Indispensables à notre santé, les fruits et légumes méritent d'être promus sur le plan médiatique, afin d'inciter nos concitoyens à les consommer, notamment en dehors des produits préparés à très forte valeur ajoutée.
En conclusion, ce sujet, qui a fait l'objet d'un débat aujourd'hui, appelle des mesures radicales et urgentes, qui sont certes souvent contraires à l'esprit communautaire. Cet esprit libéral qui fait tant de mal doit donner à réfléchir à chacune et à chacun d'entre nous avant d'aller nous perdre dans les choux ... de Bruxelles, bien sûr !