Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Sénat a adopté plusieurs amendements tendant à instituer un mécanisme de régulation des prix des fruits et légumes. Je tiens tout particulièrement à vous remercier, monsieur le ministre, de la rapidité avec laquelle les recommandations formulées par la commission Canivet et régissant les rapports entre fournisseurs et distributeurs ont pu être appliquées.
De surcroît, je le sais, vous allez travailler en étroite collaboration avec Christian Jacob pour élaborer un certain nombre de mesures.
S'agissant des problèmes relatifs aux fruits et légumes, l'essentiel a été dit, mais j'aimerais toutefois attirer votre attention sur deux points.
Je parlerai tout d'abord de l'aspect commercial. Sincèrement, je crois que tout le monde doit apporter sa contribution. La profession doit mieux s'organiser pour avoir une meilleure approche de l'offre.
En tant qu'agriculteur, j'ai pu constater - et je l'ai aussi remarqué lorsque j'ai exercé des responsabilités au sein des chambres d'agriculture et ailleurs - que la situation s'est améliorée chaque fois que la profession a identifié ses produits. A cet égard, je prendrai plusieurs exemples.
S'agissant, par exemple, des choux-fleurs, filière qui a déjà été évoquée tout à l'heure, l'organisation n'est pas efficiente. Mais dans le secteur du lait, qui a connu avant 1984 d'importantes difficultés et qui en connaît certes encore, je constate que des progrès significatifs ont été enregistrés. Il en est de même pour la betterave sucrière et, dans ma région, pour les pruneaux d'Agen. Le simple fait de disposer d'une organisation interprofessionnelle permet d'engager les discussions, ce qui est une bonne solution. On peut encore le vérifier dans la filière du tabac, qui connaît aujourd'hui une situation particulièrement difficile.
Il faut réussir à remettre sur pied ce processus. Ce n'est pas simple, et il faut que vous nous aidiez, monsieur le ministre, à faire en sorte que les choses soient transparentes. La notion de marges arrière n'est vraiment pas concevable ; on ne peut imaginer des mécanismes aussi peu transparents. Il faut donc parvenir à faire cesser ces procédés pour que les opérations se pratiquent dans des conditions correctes et que les amendements qui ont été proposés, tel le coefficient multiplicateur par exemple, puissent trouver leur application.
Par ailleurs, je remercie Daniel Soulage d'avoir accepté de conduire le groupe fruits et légumes, créé au sein de la commission des affaires économiques du Sénat ; je travaille à ses côtés.
Je développerai maintenant le second volet de mon intervention, qui concerne la main-d'oeuvre.
Comme Daniel Soulage et d'autres collègues l'ont souligné, le coût de la main-d'oeuvre pose aujourd'hui problème. Mon collègue Gérard Le Cam a fait état d'une situation qui peut évoluer.
Mais les chiffres sont têtus. L'année dernière, l'heure de ramassage des fruits coûtait 6, 15 euros en Allemagne, contre 8, 30 euros en France. Comment expliquer ce décalage à un producteur en difficulté ?
En outre, et je le dis notamment à ceux qui sont peut-être moins investis dans ces productions sensibles, nous devons nous préoccuper dans cette assemblée des problèmes de souplesse en termes d'emplois.
Je prendrai un exemple typique dans mon département, celui de la fraise, qui est un produit extrêmement sensible. Sans doute ne savez-vous pas, mes chers collègues, que le revenu de la fraise se joue quelquefois en l'espace de trois ou quatre jours. La réactivité doit alors être extrêmement forte : il faut mobiliser des gens qui acceptent de ramasser ces produits. Imaginez qu'il faille, le soleil faisant son oeuvre, un vendredi soir ou un samedi, veille du week-end de la Pentecôte, trouver trente ramasseurs. Les procédures légales sont telles que je vous mets au défi de voir des cueilleurs dans les champs de fraises avant le mardi midi ou le mercredi ! Et les fraises sont perdues ! Là est tout le problème.
Il ne s'agit pas de faire de l'esclavagisme, mais il nous faut trouver une solution à la fois extrêmement souple et respectueuse des intérêts des cueilleurs. En effet, c'est ce manque de souplesse qui a fait passer la production de fraises dans mon département de 25 000 tonnes - voilà vingt ans, il était le premier département français producteur de fraises - à 6 000 tonnes aujourd'hui. Si vous visitez quelques fermes, vous verrez que les problèmes de main-d'oeuvre ne se posent plus : il n'y a plus d'activité !
Je déplore d'autant plus cette situation que je connais la valeur de ce fruit rouge, l'importance qu'il peut avoir et les frais qu'engagent la profession et l'Etat pour développer des recherches sur les variétés. Mais les producteurs ont perdu confiance et sont plongés dans une situation difficile.
J'espère que nous trouverons des voies meilleures. Cette situation dure depuis vingt ans. Je ne prends pas particulièrement le gouvernement actuel en défaut. Sur ce volet-là, tout le monde a échoué !
Monsieur le ministre, comment comptez-vous remédier à ces différents dysfonctionnements afin que les producteurs reprennent confiance et que d'autres perspectives soient offertes à notre pays ?