Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’examen de ce projet de loi de finances pour 2009 revêt un caractère particulier.
Dans la période de crise que nous traversons, il revient plus que jamais à l’État d’apporter des réponses aux difficultés des Français. Or, et je m’attacherai à le démontrer, ce projet de budget ne répond pas à l’ampleur de la situation que nous connaissons.
La crise a profondément modifié la donne en France et dans le monde. Partout, les thuriféraires du libre-échange le plus débridé redécouvrent les vertus de la régulation, que nous n’avions, de notre côté, jamais oubliées. Les plans de sauvetage se succèdent à un rythme effréné, en apportant chaque fois une réponse partielle à la crise, sans qu’il s’en dégage une ligne directrice cohérente.
La crise financière est née de deux éléments conjoints.
En premier lieu, les marchés financiers, au lieu de financer l’économie, se sont mis à la ponctionner. Les taux de profit demandés, irréalistes et déconnectés de l’évolution saine et normale d’une entreprise, ont conduit à l’émergence de produits toxiques destinés à gonfler artificiellement le rendement du capital.
En second lieu, afin de maintenir la consommation des ménages sans pour autant augmenter les salaires de manière significative, de nombreux États ont favorisé l’endettement individuel, parfois jusqu’au surendettement.
Si j’ai souhaité évoquer en premier lieu le contexte dans lequel nous sommes, c’est parce qu’il serait vain de nier l’évidence. Cette crise, que l’on qualifie de financière, est aussi une crise économique et sociale. Elle est le fruit des choix politiques menés depuis une dizaine d’années sur le plan européen, qui ont consisté à promouvoir le désengagement de l’État de la sphère économique au nom de l’efficacité de marché.
La politique conduite par votre majorité depuis 2002 s’inscrit parfaitement dans cette conception minimaliste du rôle de la puissance publique. Comment pourriez-vous prendre la mesure de cette crise et envisager des réponses cohérentes pour l’endiguer alors que, quelques mois avant qu’elle ne nous frappe de plein fouet, vous considériez comme une hérésie l’intervention de l’État dans le domaine économique et financier ?
En ne prenant pas la mesure de la crise économique et financière, en cherchant avant tout à maîtriser la dépense sans envisager les conséquences économiques d’une politique de restrictions, vous avez fait le choix de nous présenter un budget qui n’est pas à la hauteur de la situation.
La crise économique et financière a déjà affecté notre croissance et nos recettes fiscales, preuve s’il en est que ce contexte économique ne sera pas sans conséquences pour nos comptes publics. Ainsi, vous prévoyez une perte de recettes de 9 milliards d’euros et un déficit public qui atteindra 57, 6 milliards d’euros en 2009.
Après avoir feint d’ignorer les effets de cette crise sur votre budget initial, vous vous êtes rendus à l’évidence. Vous avez, le 6 novembre, annoncé une révision des prévisions de croissance, entachant ainsi cet exercice budgétaire d’insincérité. Cette insincérité est renforcée par l’adoption, à l’Assemblée nationale, d’un projet de budget sans fondement puisque antérieur à la modification d’ampleur à laquelle vous avez procédé.
Au lieu d’anticiper les conséquences budgétaires de la crise, le Gouvernement s’est laissé surprendre. Il n’a pas voulu ajuster les équilibres qu’il avait définis ni procéder à des arbitrages en faveur d’une politique dynamique encourageant la croissance.
Monsieur le ministre, votre inaction a des conséquences graves sur le délabrement de nos comptes publics. Les pertes de recettes déséquilibrent ce budget. À ce rythme, la dette publique va exploser. Vous l’estimez à 68 % du PIB, mais cette augmentation brutale servira uniquement à financer la politique inefficace que vous menez déjà depuis plus d’un an.
Ainsi, après avoir éteint l’incendie provoqué par le séisme des marchés financiers, vous avez omis de vous préoccuper du retour de flamme de la crise sur le terrain économique et social.
Bien sûr, nos établissements bancaires doivent pouvoir préserver leurs ratios de solvabilité ! Pour autant, votre réponse, parce que lacunaire, est insuffisante.
Permettez-moi de revenir quelques mois en arrière, avant l’effondrement des bourses mondiales. Dès le mois d’août 2008, 40 000 personnes supplémentaires venaient grossir les rangs des demandeurs d’emplois. Cette augmentation importante aurait dû vous alerter sur les conséquences pour l’économie réelle de ce que l’on appelait encore alors la crise des subprimes.
Or, confrontés à une crise sociale qui s’annonce sans précédent, vous choisissez sciemment d’amputer le budget de la mission « Travail et emploi » de 700 millions d’euros.
Les retombées de cette crise, couplées à la politique de « laisser-faire » que vous menez, auront de graves conséquences sur le chômage. L’automobile, pourtant l’un des fleurons de l’industrie française, commence à décliner. Renault, après avoir déjà annoncé 900 licenciements, va réduire sa production de 25 % au quatrième trimestre de 2008. Et ce soir même, Peugeot vient à son tour d’annoncer une réduction de son activité.
Vous n’ignorez pas l’existence de tous ces drames sociaux en germes. Et que proposez-vous aux Français ? Vous leur annoncez un plan de rigueur alors qu’ils n’ont jamais eu autant besoin d’un plan de relance.
Transformant ce projet de budget en un exercice comptable d’équilibriste, vous choisissez la contraction budgétaire sans vous préoccuper de ses conséquences économiques et sociales. Afin d’atténuer une partie des effets de la crise, vous auriez pu agir sur les revenus des Français en utilisant les instruments de soutien immédiat à l’activité. Cette politique aurait permis aux plus faibles de nos concitoyens de se protéger contre l’inflation. Au lieu de cela, vous gelez la prime pour l’emploi, vous figez les prestations sous conditions de ressources et vous n’accordez qu’une revalorisation symbolique du point d’indice de la fonction publique. Pourtant, les amortisseurs de crise existent : pourquoi ne pas les utiliser ?
L’utilité de mener une politique de soutien à la demande globale afin de relancer la croissance n’est plus à prouver. Mais, du fait de vos choix budgétaires depuis 2002, vos marges de manœuvre sont très limitées.
Alors que vous auriez dû chercher à employer efficacement les marges, bien minimes, dont vous disposez, vous cherchez exclusivement à maîtriser la dépense publique sans vous pencher sur ses éventuelles retombées positives.
Parmi les victimes des coupes budgétaires, le logement et la rénovation urbaine accusent une baisse de 6, 2 %, soit un demi-milliard d’euros. Pourtant, ces dépenses ont déjà fait la preuve par le passé de leur pertinence économique à moyen terme. L’augmentation du budget du logement aurait pu entraîner des créations d’emplois dans le domaine du bâtiment, qui est confronté à des difficultés grandissantes. Au contraire, certaines mesures, dont l’inutilité est aujourd’hui avérée, continuent d’amputer les recettes de ce projet de loi de finances. C’est notamment le cas du paquet fiscal, que vous maintenez alors qu’il aboutit, dans les faits, à priver chaque année le budget de l’État de 13 milliards d’euros, et ce sans la moindre contrepartie.
Voilà un exemple flagrant des orientations budgétaires inefficaces que j’évoquais précédemment et qui contribuent à limiter vos possibilités d’actions.
Pourtant, la dépense publique peut avoir des effets positifs si elle prépare l’avenir. Les dépenses d’éducation et de protection sociale, lorsqu’elles sont suffisamment importantes et bien ciblées, peuvent agir favorablement sur la croissance et la réduction des inégalités, comme le démontre le rapport que j’ai présenté en juillet dernier devant la délégation pour la planification.
Ce projet de loi de finances, enfin, est dangereux parce qu’il fait peser sur les collectivités territoriales une part importante des restrictions budgétaires alors même qu’elles sont l’un des chaînons essentiels d’une réponse cohérente à la crise. Plus de la moitié de la hausse de 2 % accordée à leur dotation par rapport à 2008 sera consommée par l’intégration du Fonds de compensation pour la TVA, le FCTVA, dans l’enveloppe normée, ramenant l’augmentation de toutes les autres dotations à une valeur bien inférieure à l’inflation. À partir de 2009, la norme d’évolution des dépenses sera encore plus draconienne puisqu’elle sera ramenée à 1, 25 % par an.
Or ces évolutions hypothèquent sérieusement les possibilités d’investissement des collectivités territoriales alors même qu’elles devraient être en première ligne pour parer à la crise. Les collectivités réalisent 73 % du total de l’investissement public. Les condamner financièrement, c’est menacer l’avenir de notre pays.
Monsieur le ministre, ce projet de loi de finances, loin de prendre la mesure de l’ampleur de la crise, apporte de mauvaises réponses. Notre groupe défendra des amendements qui nous permettront de montrer qu’une autre politique budgétaire est possible pour endiguer la crise.