Intervention de François Baroin

Réunion du 14 juin 2011 à 14h30
Équilibre des finances publiques — Discussion d'un projet de loi constitutionnelle

François Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement :

Monsieur le président, madame, messieurs les présidents de commission, messieurs les rapporteurs pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, dans la vie politique de notre pays, il n’est pas de projet de révision constitutionnelle qui laisse indifférent. Les Français ont toujours eu conscience de l’importance du texte que nous plaçons au frontispice de nos institutions républicaines ; aussi ne tolèrent-ils que l’on veuille le modifier sans d’excellentes raisons.

Le projet que j’ai l’honneur de vous présenter avec M. le garde des sceaux marque aujourd’hui une étape décisive, car il donne toute sa signification à la notion de responsabilité en matière de finances publiques.

À l’issue de la première conférence sur le déficit, le Président de la République, en effet, s’est engagé à rénover radicalement la gouvernance de nos finances publiques. Cet engagement se fonde sur le constat de l’existence de déficits persistants pendant les trente dernières années qui ne peuvent s’expliquer simplement par la faiblesse de la volonté politique de tel ou tel gouvernement. Ce constat démontre que la France souffre avant tout d’un problème structurel : l’incapacité à maîtriser ses comptes sur le moyen terme.

Aussi le Président de la République a-t-il exprimé le souhait de voir l’ensemble des administrations publiques se doter d’une règle d’équilibre. Dans cet esprit, il a demandé à Michel Camdessus de présider un groupe de travail transpartisan sur cette question.

Dès l’été 2010, nous avons appliqué toutes les recommandations de la commission Camdessus qui pouvaient être mises en œuvre à cadre constitutionnel inchangé.

Cela s’est notamment traduit par le vote de la loi de programmation des finances publiques. Cette loi préfigure notamment ce que pourraient être les lois-cadres d’équilibre des finances publiques en ce qu’elle fixe, sur la période de programmation, les plafonds globaux par mission de dépenses de l’État ainsi que l’impact annuel minimal des mesures nouvelles en recettes.

Cela s’est traduit également par l’adoption d’une circulaire qui prévoit que l’ensemble des mesures fiscales ou relatives aux recettes sociales figurent en loi de finances ou en loi de financement de la sécurité sociale.

Notre ambition, à présent, à travers le texte qui vous est soumis, est de consolider définitivement ces avancées en les inscrivant dans notre loi fondamentale.

Mesdames, messieurs les sénateurs, avant de débattre avec vous de ce projet de loi constitutionnelle, je voudrais vous en présenter brièvement les grands axes.

Le Gouvernement propose d’inscrire dans la Constitution trois séries de dispositions qui feraient significativement évoluer la gouvernance de nos finances publiques.

Il s’agit tout d’abord de créer un nouvel instrument juridique, les « lois-cadres d’équilibre des finances publiques ».

Ces lois-cadres ont pour objectif de soumettre un cadrage financier pluriannuel à l’approbation du Parlement. Les lois de finances et les lois de financement de la sécurité sociale devront scrupuleusement respecter ce cadrage, sous peine de censure par le Conseil constitutionnel. C’est l’esprit de l’institutionnalisation, de la constitutionnalisation des lois de programmation des finances publiques, qui vous sont désormais familières.

Grâce à ces lois-cadres, les efforts à réaliser année après année seront programmés, en dépenses comme en recettes. Cela permettra de garantir l’équilibre des comptes des administrations publiques à un horizon donné.

Tel est l’objectif fondamental de la révision de notre loi suprême.

À long terme, cette approche permettra un rééquilibrage pérenne de nos comptes publics, car tout déficit temporaire devra obligatoirement être accompagné de la définition des voies et moyens d’un retour à l’équilibre.

L’exécutif sera ainsi contraint de définir une stratégie de finances publiques précise, en liaison avec le Parlement. Il devra prendre la mesure de l’impact budgétaire de ses politiques publiques.

J’ajoute que les lois-cadres d’équilibre des finances publiques seront soumises à un double contrôle du Conseil constitutionnel : d’une part, avant leur promulgation, elles lui seront systématiquement déférées ; d’autre part, le Conseil constitutionnel vérifiera chaque année la conformité des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale à l’effort programmé en loi-cadre.

Toute majorité devra désormais prendre ses responsabilités et inscrire son action en cohérence avec l’objectif de moyen terme d’équilibre des finances publiques qu’elle se sera assigné.

Le deuxième volet de la révision constitutionnelle a pour objet d’éviter la dispersion des dispositions fiscales et sociales dans l’ensemble des textes législatifs.

Avant de détailler cet aspect du projet de loi constitutionnelle, je veux rappeler que le Gouvernement s’impose déjà cette discipline, sur la base de la circulaire que j’évoquais précédemment et qui a été adoptée en juin 2010. Nous souhaitons la pérenniser, car nous estimons que cette évolution doit accompagner et faciliter la mise en œuvre de la réforme d’ensemble.

En effet, dès lors que la trajectoire des mesures de prélèvements obligatoires sera fixée, de manière impérative, dans les lois-cadres, il nous apparaît cohérent de vouloir centraliser ces mesures dans un nombre restreint de textes législatifs. Cela facilitera le travail de vérification du respect des dispositions des lois-cadres par le Parlement et par le Conseil constitutionnel.

Par ailleurs, cette nouvelle règle contribuera à limiter le foisonnement des niches fiscales et sociales, qui sont souvent source de complexité, d’incohérence et de pertes de recettes pour l’État. Je précise, d’ailleurs, que cette mesure s’applique d’abord et avant tout au Gouvernement.

Le Gouvernement souhaite qu’une telle disposition puisse voir le jour, mais, bien évidemment, nous demeurons soucieux de respecter l’initiative parlementaire en matière de recettes fiscales et sociales. La nouvelle rédaction de l’article 34 que nous vous proposons n’apportera qu’une restriction formelle, et en aucun cas matérielle, à l’initiative parlementaire : des dispositions d’origine parlementaire pourront toujours intervenir sur tout sujet fiscal, mais pas à tout moment. C’est l’esprit de la modification constitutionnelle qui vous est proposée.

Je tiens à vous rassurer, le monopole des lois financières ne nuira pas aux conditions du travail parlementaire.

Les textes financiers rassemblent déjà la très grande majorité des articles fiscaux promulgués – plus des trois quarts en 2010. Ainsi, le monopole fiscal proposé dans la révision constitutionnelle n’introduirait pas de rupture par rapport à la situation actuelle : il viendrait confirmer une évolution déjà largement engagée.

Par ailleurs, cette réforme n’empêche nullement une évolution des pratiques. Lorsque des réformes fiscales ou budgétaires importantes exigeront un débat parlementaire spécifique et prolongé, le Gouvernement pourra déposer un projet de loi financier ad hoc. C’est, par exemple, dans cette perspective que le Gouvernement a déposé un collectif dédié à la réforme de la fiscalité du patrimoine – nous en avons terminé l’examen à l’Assemblée nationale la semaine dernière – et un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale relatif au versement d’une prime aux salariés lorsque les dividendes augmentent. C’est d’ailleurs la première fois dans l’histoire qu’un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale est présenté dans ce cadre-là.

Pour autant, de nombreuses remarques ont émergé de vos travaux en commission sur ce point. Le Gouvernement est, bien entendu, ouvert à la discussion, dans la mesure où celle-ci nous permettra d’améliorer le texte de manière réaliste sans dénaturer l’objectif initial de la réforme. Nous aurons tout le loisir d’en débattre avec M. le garde des sceaux lors de l’examen des amendements.

Enfin – c’est le troisième volet de notre projet de révision constitutionnelle – nous voulons inscrire dans la Constitution le principe d’une meilleure association du Parlement dans le cadre de la nouvelle procédure dite du « semestre européen ».

Nous souhaitons « graver dans le marbre » le principe d’une transmission systématique des programmes de stabilité au Parlement, avant qu’ils ne soient adressés à la Commission européenne.

Nous mettons en œuvre ce nouveau calendrier depuis le début de cette année. Il garantit, me semble-t-il, une information accrue du Parlement et, surtout, sa plus grande implication dans le processus de maîtrise des finances publiques.

Je veux le rappeler, la constitutionnalisation de cette troisième règle est un engagement fort du Gouvernement en faveur du Parlement. Nous l’avons éprouvé, monsieur le rapporteur général, au mois de juillet dernier. Nous l’avons développé plus longuement au cours de ce printemps et c’est, me semble-t-il, une étape importante qui a été franchie, donnant à la fois beaucoup de transparence à nos débats, mais aussi – sachez-le – beaucoup de puissance à la signature de la France et de poids aux engagements français, puisque c’est bien l’addition de l’exécutif et du législatif qui constitue la notion d’engagement français vis-à-vis de nos partenaires européens.

C’est une avancée indiscutable par rapport à la situation antérieure, mais c’est aussi une avancée par rapport à nos partenaires, qui sont très peu nombreux à prévoir une évolution comparable de leur procédure.

En inscrivant une telle mesure dans la Constitution, le Gouvernement veut marquer l’importance qu’il accorde au rôle des parlementaires dans la maîtrise et la gouvernance des finances publiques de notre pays.

Tel est, mesdames, messieurs les sénateurs, l’esprit de ce texte.

L’amélioration récemment constatée de nos finances publiques conforte le Gouvernement dans sa volonté de poursuivre sur la voie qu’il s’est assignée : un redressement progressif et, surtout, durable de nos comptes publics.

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