Séance en hémicycle du 14 juin 2011 à 14h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • lois-cadres
  • l’équilibre
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La séance

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La séance, suspendue à douze heures cinq, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Gérard Larcher.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi constitutionnelle, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à l’équilibre des finances publiques (projet n° 499, rapport n° 568, avis n° 578, 591 et 595).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.

Debut de section - Permalien
François Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement

Monsieur le président, madame, messieurs les présidents de commission, messieurs les rapporteurs pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, dans la vie politique de notre pays, il n’est pas de projet de révision constitutionnelle qui laisse indifférent. Les Français ont toujours eu conscience de l’importance du texte que nous plaçons au frontispice de nos institutions républicaines ; aussi ne tolèrent-ils que l’on veuille le modifier sans d’excellentes raisons.

Le projet que j’ai l’honneur de vous présenter avec M. le garde des sceaux marque aujourd’hui une étape décisive, car il donne toute sa signification à la notion de responsabilité en matière de finances publiques.

À l’issue de la première conférence sur le déficit, le Président de la République, en effet, s’est engagé à rénover radicalement la gouvernance de nos finances publiques. Cet engagement se fonde sur le constat de l’existence de déficits persistants pendant les trente dernières années qui ne peuvent s’expliquer simplement par la faiblesse de la volonté politique de tel ou tel gouvernement. Ce constat démontre que la France souffre avant tout d’un problème structurel : l’incapacité à maîtriser ses comptes sur le moyen terme.

Aussi le Président de la République a-t-il exprimé le souhait de voir l’ensemble des administrations publiques se doter d’une règle d’équilibre. Dans cet esprit, il a demandé à Michel Camdessus de présider un groupe de travail transpartisan sur cette question.

Dès l’été 2010, nous avons appliqué toutes les recommandations de la commission Camdessus qui pouvaient être mises en œuvre à cadre constitutionnel inchangé.

Cela s’est notamment traduit par le vote de la loi de programmation des finances publiques. Cette loi préfigure notamment ce que pourraient être les lois-cadres d’équilibre des finances publiques en ce qu’elle fixe, sur la période de programmation, les plafonds globaux par mission de dépenses de l’État ainsi que l’impact annuel minimal des mesures nouvelles en recettes.

Cela s’est traduit également par l’adoption d’une circulaire qui prévoit que l’ensemble des mesures fiscales ou relatives aux recettes sociales figurent en loi de finances ou en loi de financement de la sécurité sociale.

Notre ambition, à présent, à travers le texte qui vous est soumis, est de consolider définitivement ces avancées en les inscrivant dans notre loi fondamentale.

Mesdames, messieurs les sénateurs, avant de débattre avec vous de ce projet de loi constitutionnelle, je voudrais vous en présenter brièvement les grands axes.

Le Gouvernement propose d’inscrire dans la Constitution trois séries de dispositions qui feraient significativement évoluer la gouvernance de nos finances publiques.

Il s’agit tout d’abord de créer un nouvel instrument juridique, les « lois-cadres d’équilibre des finances publiques ».

Ces lois-cadres ont pour objectif de soumettre un cadrage financier pluriannuel à l’approbation du Parlement. Les lois de finances et les lois de financement de la sécurité sociale devront scrupuleusement respecter ce cadrage, sous peine de censure par le Conseil constitutionnel. C’est l’esprit de l’institutionnalisation, de la constitutionnalisation des lois de programmation des finances publiques, qui vous sont désormais familières.

Grâce à ces lois-cadres, les efforts à réaliser année après année seront programmés, en dépenses comme en recettes. Cela permettra de garantir l’équilibre des comptes des administrations publiques à un horizon donné.

Tel est l’objectif fondamental de la révision de notre loi suprême.

À long terme, cette approche permettra un rééquilibrage pérenne de nos comptes publics, car tout déficit temporaire devra obligatoirement être accompagné de la définition des voies et moyens d’un retour à l’équilibre.

L’exécutif sera ainsi contraint de définir une stratégie de finances publiques précise, en liaison avec le Parlement. Il devra prendre la mesure de l’impact budgétaire de ses politiques publiques.

J’ajoute que les lois-cadres d’équilibre des finances publiques seront soumises à un double contrôle du Conseil constitutionnel : d’une part, avant leur promulgation, elles lui seront systématiquement déférées ; d’autre part, le Conseil constitutionnel vérifiera chaque année la conformité des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale à l’effort programmé en loi-cadre.

Toute majorité devra désormais prendre ses responsabilités et inscrire son action en cohérence avec l’objectif de moyen terme d’équilibre des finances publiques qu’elle se sera assigné.

Le deuxième volet de la révision constitutionnelle a pour objet d’éviter la dispersion des dispositions fiscales et sociales dans l’ensemble des textes législatifs.

Avant de détailler cet aspect du projet de loi constitutionnelle, je veux rappeler que le Gouvernement s’impose déjà cette discipline, sur la base de la circulaire que j’évoquais précédemment et qui a été adoptée en juin 2010. Nous souhaitons la pérenniser, car nous estimons que cette évolution doit accompagner et faciliter la mise en œuvre de la réforme d’ensemble.

En effet, dès lors que la trajectoire des mesures de prélèvements obligatoires sera fixée, de manière impérative, dans les lois-cadres, il nous apparaît cohérent de vouloir centraliser ces mesures dans un nombre restreint de textes législatifs. Cela facilitera le travail de vérification du respect des dispositions des lois-cadres par le Parlement et par le Conseil constitutionnel.

Par ailleurs, cette nouvelle règle contribuera à limiter le foisonnement des niches fiscales et sociales, qui sont souvent source de complexité, d’incohérence et de pertes de recettes pour l’État. Je précise, d’ailleurs, que cette mesure s’applique d’abord et avant tout au Gouvernement.

Le Gouvernement souhaite qu’une telle disposition puisse voir le jour, mais, bien évidemment, nous demeurons soucieux de respecter l’initiative parlementaire en matière de recettes fiscales et sociales. La nouvelle rédaction de l’article 34 que nous vous proposons n’apportera qu’une restriction formelle, et en aucun cas matérielle, à l’initiative parlementaire : des dispositions d’origine parlementaire pourront toujours intervenir sur tout sujet fiscal, mais pas à tout moment. C’est l’esprit de la modification constitutionnelle qui vous est proposée.

Je tiens à vous rassurer, le monopole des lois financières ne nuira pas aux conditions du travail parlementaire.

Les textes financiers rassemblent déjà la très grande majorité des articles fiscaux promulgués – plus des trois quarts en 2010. Ainsi, le monopole fiscal proposé dans la révision constitutionnelle n’introduirait pas de rupture par rapport à la situation actuelle : il viendrait confirmer une évolution déjà largement engagée.

Par ailleurs, cette réforme n’empêche nullement une évolution des pratiques. Lorsque des réformes fiscales ou budgétaires importantes exigeront un débat parlementaire spécifique et prolongé, le Gouvernement pourra déposer un projet de loi financier ad hoc. C’est, par exemple, dans cette perspective que le Gouvernement a déposé un collectif dédié à la réforme de la fiscalité du patrimoine – nous en avons terminé l’examen à l’Assemblée nationale la semaine dernière – et un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale relatif au versement d’une prime aux salariés lorsque les dividendes augmentent. C’est d’ailleurs la première fois dans l’histoire qu’un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale est présenté dans ce cadre-là.

Pour autant, de nombreuses remarques ont émergé de vos travaux en commission sur ce point. Le Gouvernement est, bien entendu, ouvert à la discussion, dans la mesure où celle-ci nous permettra d’améliorer le texte de manière réaliste sans dénaturer l’objectif initial de la réforme. Nous aurons tout le loisir d’en débattre avec M. le garde des sceaux lors de l’examen des amendements.

Enfin – c’est le troisième volet de notre projet de révision constitutionnelle – nous voulons inscrire dans la Constitution le principe d’une meilleure association du Parlement dans le cadre de la nouvelle procédure dite du « semestre européen ».

Nous souhaitons « graver dans le marbre » le principe d’une transmission systématique des programmes de stabilité au Parlement, avant qu’ils ne soient adressés à la Commission européenne.

Nous mettons en œuvre ce nouveau calendrier depuis le début de cette année. Il garantit, me semble-t-il, une information accrue du Parlement et, surtout, sa plus grande implication dans le processus de maîtrise des finances publiques.

Je veux le rappeler, la constitutionnalisation de cette troisième règle est un engagement fort du Gouvernement en faveur du Parlement. Nous l’avons éprouvé, monsieur le rapporteur général, au mois de juillet dernier. Nous l’avons développé plus longuement au cours de ce printemps et c’est, me semble-t-il, une étape importante qui a été franchie, donnant à la fois beaucoup de transparence à nos débats, mais aussi – sachez-le – beaucoup de puissance à la signature de la France et de poids aux engagements français, puisque c’est bien l’addition de l’exécutif et du législatif qui constitue la notion d’engagement français vis-à-vis de nos partenaires européens.

C’est une avancée indiscutable par rapport à la situation antérieure, mais c’est aussi une avancée par rapport à nos partenaires, qui sont très peu nombreux à prévoir une évolution comparable de leur procédure.

En inscrivant une telle mesure dans la Constitution, le Gouvernement veut marquer l’importance qu’il accorde au rôle des parlementaires dans la maîtrise et la gouvernance des finances publiques de notre pays.

Tel est, mesdames, messieurs les sénateurs, l’esprit de ce texte.

L’amélioration récemment constatée de nos finances publiques conforte le Gouvernement dans sa volonté de poursuivre sur la voie qu’il s’est assignée : un redressement progressif et, surtout, durable de nos comptes publics.

Debut de section - Permalien
François Baroin, ministre

Avec ce projet de révision constitutionnelle, nous souhaitons assurer la pérennité de nos efforts.

Debut de section - Permalien
François Baroin, ministre

Seule leur inscription dans la durée permettra de marquer une inflexion vertueuse dans la gouvernance de nos finances publiques.

Je veux vous redire, mesdames, messieurs les sénateurs, que ce projet de loi n’est pas de circonstance. Il s’inscrit au contraire dans un effort de long terme, qui vise à garantir notre modèle social et notre souveraineté nationale pour les générations futures.

Les règles que nous vous proposons aujourd’hui témoignent de cette détermination, tout en préservant les marges de manœuvre des dirigeants publics. Je souhaite que nos discussions soient empreintes du même esprit de responsabilité.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP, ainsi que sur certaines travées de l ’ Union centriste.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Monsieur le président, madame, messieurs les présidents de commission, messieurs les rapporteurs pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, ainsi que vient de le rappeler mon collègue François Baroin, ce projet de loi constitutionnelle, d’un style tout à fait particulier, est essentiel : parce que ce texte traite des finances, il est normal que le ministre du budget soit présent pour le défendre mais, s’agissant d’un projet de loi constitutionnelle, il appartient également au garde des sceaux de soutenir la discussion devant le Parlement.

Le Gouvernement s’est engagé, depuis quatre ans maintenant, dans une démarche d’assainissement des comptes de nos administrations et de nos régimes de sécurité sociale.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

M. Michel Mercier, garde des sceaux. L’enjeu, nous le mesurons pleinement à la lumière des exemples étrangers : il s’agit – je suis certain que vous en conviendrez avec nous, monsieur Fischer ! – de rester maîtres de notre destin collectif.

M. Guy Fischer opine.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Cette démarche s’est d’abord traduite par un certain nombre de choix de gestion, parfois difficiles, mais adossés à des réformes de structure. Je me bornerai ici à citer, à titre d’illustration, la réforme des retraites, la révision générale des politiques publiques ou encore le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite.

Chacun, toutefois, en est désormais conscient, la restauration durable de l’équilibre des finances publiques exige aussi la mise en place de règles de gouvernance adaptées aux exigences de notre temps.

M. Jean-Pierre Michel s’exclame.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Comme vous le soulignez dans votre rapport, monsieur le rapporteur, cette préoccupation n’est pas entièrement nouvelle. Elle s’est traduite, tant en droit interne que dans le cadre de la construction européenne, par un ensemble de dispositions, à différents niveaux de notre ordre normatif, destinées à fixer des règles de fond ou de comportement des acteurs des finances publiques.

Pour les collectivités territoriales – cela intéresse au premier chef le Sénat –, la loi a ainsi posé, de longue date, le principe de l’équilibre des comptes, entendu comme l’impossibilité d’affecter les ressources tirées de l’emprunt à des dépenses de fonctionnement.

Selon une logique analogue, quoique d’une portée plus limitée, il a été prévu, au niveau national, que les recettes issues des privatisations seraient exclusivement consacrées au désendettement ou à des opérations en capital.

Plus récemment, le législateur organique a, en outre, fixé, pour le budget de l’État, des règles d’affectation des surplus de recettes et, pour l’amortissement de la dette sociale, des règles temporelles d’apurement.

Au niveau communautaire enfin, un pacte de stabilité et de croissance a fixé des normes de déficit et d’endettement et créé des mécanismes de revue par les pairs et par la Commission européenne, avec les difficultés de mise en œuvre que vous connaissez.

Le projet de loi constitutionnelle que le Gouvernement soumet aujourd’hui à votre examen, mesdames, messieurs les sénateurs, permet d’aller plus loin, en inscrivant dans la Constitution un objectif de retour à l’équilibre des finances publiques et en y instituant des règles et instruments propres à en garantir le respect.

Depuis plus de trente-cinq ans, aucun budget n’a été en équilibre. Il ne s’agit évidemment pas ici de rejeter je ne sais quelle faute sur tel ou tel, d’autant que cette situation est héritée de gouvernements et de majorités parlementaires de toutes tendances politiques. En revanche, il s’agit d’assumer ensemble nos responsabilités à l’égard des générations futures en établissant, comme le préconise le rapport Camdessus, à l’élaboration duquel a été associée votre commission des finances, une nouvelle « hiérarchie des normes financières » pour rendre juridiquement contraignants les efforts à consentir en matière de réduction du déficit et, par là même, crédibles, donc moins coûteux.

En concrétisant les propositions du groupe de travail présidé par M. Camdessus, le présent projet de loi constitutionnelle entend tirer les enseignements de la crise mondiale, du transfert de la dette privée vers la dette publique et des crises de solvabilité grecque, irlandaise et portugaise. L’instauration d’une norme constitutionnelle contraignante s’imposant au législateur financier apparaît, en effet, comme la seule à même de relever les défis de la décennie à venir.

Cependant, de la même manière que pour la LOLF, la loi organique relative aux lois de finances, adoptée il y a dix ans à quelques mois près, un accord de l’ensemble des formations composant la représentation nationale est nécessaire pour mener à bien cette réforme, et je veux croire qu’il sera atteint.

Au cours des travaux préparatoires à notre débat, le Sénat a marqué l’importance qu’il attache, à l’instar de l’Assemblée nationale, aux enjeux qui sous-tendent le projet de loi constitutionnelle, en s’investissant très largement dans son examen.

Outre les trois commissions initialement saisies – la commission des lois, la commission des finances et la commission des affaires sociales –, sont intervenues la commission de l’économie et celle de la culture. Je tiens à les remercier de cet engagement, qui est primordial. En effet, l’objectif de retour à l’équilibre des finances publiques n’est crédible que si Gouvernement et Parlement agissent ensemble : le Gouvernement prépare le budget et l’exécute, tandis que le Parlement le vote et le contrôle.

En s’emparant de ce débat, le constituant est pleinement dans son rôle. La Constitution ne se limite pas, en effet, à organiser le fonctionnement de nos institutions ; elle est aussi l’expression du pacte social et des principes fondamentaux du « vivre ensemble ». Or vivre ensemble, c’est adopter un comportement responsable à l’égard des générations futures : une dette publique excessive compromettrait leur liberté de choix et leur indépendance économique.

À ce stade de nos travaux, je tiens à saluer le consensus qui s’est dégagé au sein de toutes les commissions et parmi les cinq rapporteurs – puisque le président Jean Arthuis et le rapporteur général du budget, Philippe Marini, corapportent aujourd’hui au nom de la commission des finances – …

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

… autour des objectifs de cette révision constitutionnelle.

Je suis sûr de votre soutien, au moins in pectore, madame Bricq !

Sourires

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Ce consensus rejoint celui qui avait été observé il y a quelques semaines à l’Assemblée nationale.

De l’accord sur les objectifs à l’accord sur les modalités, il y a un pas à franchir, ce dont je ne mésestime ni l’importance ni la difficulté ; c’est tout l’enjeu de la discussion qui s’ouvre.

Concernant les trois sujets qui vous sont soumis, et à la lumière des travaux de l’Assemblée nationale, le consensus est à portée de main pour deux d’entre eux, mais, à l’évidence, un plus grand chemin reste à parcourir pour le troisième, et je souhaite m’en expliquer rapidement.

Vos commissions ont, en premier lieu, pleinement approuvé la création des lois-cadres d’équilibre des finances publiques. Je m’en félicite, car, comme l’a souligné M. le rapporteur pour avis Alain Vasselle, elles constituent le cœur de ce texte et seront l’outil essentiel pour définir et réaliser la trajectoire de retour à l’équilibre de nos comptes publics.

Par rapport aux lois de programmation issues de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, elles présenteront la caractéristique de s’imposer, du moins dans certaines de leurs dispositions, aux lois de finances et lois de financement de la sécurité sociale annuelles. Tel sera notamment le cas du maximum de dépenses et du minimum de mesures nouvelles en recettes.

J’insiste sur le fait que la période couverte par ces lois-cadres sera, selon la rédaction issue de l’Assemblée nationale, de trois ans au moins : c’est une durée minimale qui ne fait nullement obstacle au vote d’une seule loi-cadre sur l’ensemble d’une législature.

Sur l’initiative de l’Assemblée nationale, le texte prévoit expressément une obligation de rattrapage. Les écarts constatés lors de l’exécution des lois de finances et de l’application des lois de financement de la sécurité sociale devront être compensés d’une année sur l’autre.

Les députés ont également précisé qu’une loi-cadre pourrait être modifiée en cours d’exécution pour s’adapter à l’évolution de la conjoncture économique, selon des modalités à prévoir dans la loi organique.

Ils ont enfin souhaité que les lois de finances et de financement de la sécurité sociale soient désormais soumises de plein droit au Conseil constitutionnel, afin que celui-ci puisse examiner leur conformité à la loi-cadre, qui, elle-même, aura fait l’objet d’un contrôle de plein droit.

Certes, cette solution est complexe dans la mesure où elle fait coexister, pour les lois financières annuelles, un contrôle systématique par rapport aux lois-cadres et un contrôle sur saisine par rapport aux autres éléments du bloc de constitutionnalité, mais elle présente le mérite de garantir un contrôle constitutionnel complet et d’assurer ainsi la crédibilité de notre démarche visant à parvenir à un retour à l’équilibre.

Sur l’ensemble de ces sujets, et sous réserve des diverses améliorations que vous aurez à cœur de leur apporter, comme l’ont montré les travaux de vos commissions, un point d’accord paraît pouvoir être trouvé avec le Sénat.

Il en va de même, en deuxième lieu, pour les dispositions du texte qui confèrent une valeur constitutionnelle à l’information du Parlement sur les orientations du programme de stabilité européen.

Poursuivant l’engagement pris dans la loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014, le texte prévoit que le projet de programme de stabilité sera obligatoirement adressé aux assemblées avant sa transmission aux institutions de l’Union européenne.

Le texte soumis à votre examen a été complété, afin de permettre aux assemblées un examen approfondi du projet de programme, qui sera transmis au moins deux semaines avant qu’il ne soit adressé aux instances communautaires.

Le projet sera également soumis à l’examen d’une commission permanente et pourra faire l’objet, à la demande du Gouvernement ou d’un groupe parlementaire, d’un débat en séance. Il ferait alors l’objet d’un vote, sans que ce dernier puisse engager la responsabilité du Gouvernement.

Cette consécration constitutionnelle est primordiale, car le Parlement doit pouvoir être informé et formuler un avis sur des choix qui, comme chacun sait, engagent nos orientations budgétaires.

Je me réjouis donc que ce sujet fasse également l’objet d’un accord largement partagé par l’ensemble des sénateurs, quelles que soient les travées sur lesquelles ils siègent. Outre diverses améliorations rédactionnelles, plusieurs amendements prévoient que l’ensemble des commissions permanentes puissent émettre un avis sur ce programme ou encore que celui-ci puisse donner lieu au vote d’une résolution ; le Gouvernement ne sera pas fermé à la discussion en la matière.

En troisième et dernier lieu, le texte introduit une nouveauté majeure, en réservant au domaine des lois de finances et lois de financement de la sécurité sociale un monopole pour ce qui relève de la fiscalité et des principes fondamentaux concernant les ressources de la sécurité sociale, et ce afin d’assurer la cohérence de notre stratégie en matière de prélèvements obligatoires.

Depuis le début de la discussion parlementaire, c’est le point qui suscite le plus de débats, non pas tant dans son principe qu’au regard de ses conséquences.

Il a d’abord été critiqué sous l’angle de la restriction du droit d’initiative des parlementaires et de l’équilibre des pouvoirs.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

À cet égard, le malentendu a, me semble-t-il, été dissipé.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Le dispositif a été largement expliqué : le Gouvernement et le Parlement s’obligent à une discipline plus rigoureuse sur les niches fiscales et sociales.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Madame Bricq, je constate une fois encore que vous êtes prête à avancer, aux côtés du Gouvernement, sur la voie de la rigueur et de la discipline, et je vous en remercie !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Faites ce que je dis et pas ce que je fais !

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Ce dispositif se traduit, pour le Gouvernement, par l’impossibilité de créer, supprimer ou réformer des prélèvements obligatoires par voie d’ordonnance et, pour le Parlement, par la nécessité de privilégier, pour ses initiatives en la matière, les vecteurs financiers.

L’objectif n’est certainement pas de remettre en cause les droits du Parlement ; il s’agit, bien au contraire, de l’impliquer pleinement dans le rétablissement de nos finances publiques.

J’ajoute que, en modifiant les modalités de son contrôle, l’Assemblée nationale a entendu apaiser les dernières craintes qui pouvaient encore s’attacher, de ce point de vue, à ce qu’il est convenu d’appeler, probablement assez maladroitement, le « monopole fiscal ».

Elle s’est d’abord inspirée de la procédure de l’article 41 de la Constitution, concernant aujourd’hui le partage de la loi et du règlement.

Ainsi, il resterait possible, pour un député ou un sénateur, de déposer une proposition de loi ordinaire ou des amendements relatifs aux prélèvements obligatoires, à charge pour le Gouvernement ou le président de l’assemblée concernée d’en soulever l’irrecevabilité, étant entendu que, en cas de désaccord, il appartiendrait au Conseil constitutionnel de trancher.

L’Assemblée nationale a, ensuite, souhaité, ce qui est peut-être moins évident, que, à l’occasion d’une saisine sur le fondement de l’article 61 de la Constitution, le Conseil constitutionnel soit tenu de censurer les dispositions en cause, que leur irrecevabilité ait été ou non soulevée au cours du débat parlementaire.

Ce dispositif subtil a l’inconvénient de son avantage : il est complexe.

Il va de soi que, à ce stade du débat parlementaire, le texte de ce projet de loi constitutionnelle ne saurait être considéré comme figé. Je me permets simplement d’appeler votre attention sur le fait qu’il s’agit, pour l’Assemblée nationale, d’un élément de l’équilibre d’ensemble et qu’il vous faudra, le moment venu, vous retrouver sur une vision partagée.

J’observe, en tout état de cause, que c’est surtout sous un autre angle que la Haute Assemblée appréhende les conséquences du monopole fiscal. Plusieurs amendements, émanant de votre commission des lois, de votre commission des finances ou de votre commission des affaires économiques, traduisent une inquiétude quant à la capacité du Parlement à examiner correctement une réforme d’ensemble, dès lors que le financement serait nécessairement séparé du principe.

Pour remédier à cette objection, vos commissions ont élaboré plusieurs propositions alternatives. Naturellement, mesdames, messieurs les sénateurs, je fais confiance au débat parlementaire et à votre esprit de responsabilité pour aboutir ensemble à un compromis qui préserve l’équilibre du texte et ses objectifs, et qui ne crée pas, par ailleurs, de contraintes ou de lourdeurs excessives dont le Parlement lui-même serait la victime.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Monsieur le président-rapporteur, si j’osais, non pas un conseil, vous n’en avez pas besoin, mais peut-être un avis, je vous indiquerais simplement qu’il faut peut-être en revenir à l’essentiel, la définition de la loi et du budget.

Je vous rappelle la réponse donnée dans les années vingt par le commissaire du gouvernement Corneille, alors que le Conseil d’État examinait une affaire qui devait donner lieu à l’arrêt Syndicat des agents généraux des compagnies d’assurance du Territoire de Belfort, à la question de savoir ce qu’était une loi de finances : « C’est une loi qui n’en est pas une » ! Selon lui, c’est une loi en la forme, mais pas une loi matérielle.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Vous remontez aux calendes, mais, depuis, il y a eu la Constitution de 1958 !

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

C’est entre une loi formelle et matérielle et une loi uniquement formelle que votre esprit de fin juriste trouvera le chemin d’un compromis !

Sourires

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Je sais aussi, monsieur le président-rapporteur, que vous avez envie de réussir cette réforme constitutionnelle.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Sur ce point-là, je vous fais pleinement confiance !

Mesdames, messieurs les sénateurs, pour reprendre la formule du rapporteur général de votre commission des finances, aujourd’hui rapporteur pour avis, il faut en finir avec l’insoutenable légèreté de la dette.

Sourires

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Nous ne pouvons plus retarder les choix qui, d’évidence, s’imposent à notre génération. Nous ne pouvons pas davantage reporter sur nos enfants la charge de la dette et des déficits de nos comptes publics et de nos comptes sociaux.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Si nous nous accordons sur la finalité de cette réforme, qui, je le répète avec force, n’a ni pour objet ni pour effet d’abaisser le Parlement, je suis convaincu que le débat qui s’ouvre permettra de faire émerger des solutions réalistes pour en préciser les modalités.

Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste et de l ’ UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, en 2008, nous avons voté une importante réforme de la Constitution qui, je le rappelle, visait à restaurer un petit peu les droits du Parlement…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Aujourd’hui, le Sénat est encore saisi d’une réforme importante de notre Constitution pour…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

M. Jean-Pierre Chevènement. Annuler la précédente !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Non, pas du tout ! Il s’agit d’une réforme destinée à nous faire retrouver l’équilibre de nos finances publiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Ce projet de loi constitutionnelle repose sur le constat, grave et lucide, de l’état de nos comptes publics, après plus de trente-cinq ans de déficits cumulés, puisque nous en sommes à la trente-sixième année !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Vous n’avez pas rappelé l’intermède 1997 - 2001 !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Madame Bricq, vous aurez l’occasion de vous exprimer tout à l’heure !

Il est plus que temps de prendre des mesures fortes de rééquilibrage et, comme dans d’autre pays, pourquoi ne pas chercher le secours du droit pour surmonter notre incapacité à juguler l’emballement de la dette ?

Toutefois, il y a lieu de rappeler que l’encadrement nécessaire du pouvoir budgétaire doit peut-être moins viser le Parlement ou les collectivités territoriales que le Gouvernement.

Au Parlement, l’article 40 de la Constitution permet d’y veiller et, monsieur le président-rapporteur pour avis de la commission des finances, je sais que c’est toujours une tâche difficile, mais vous l’appliquez.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

C’est normal, c’est votre mission !

Il serait souhaitable, parfois, que des ministres n’oublient pas non plus l’existence de l’article 40, ce qui peut arriver aussi, ou encore les collectivités territoriales, lesquelles sont de toute façon tenues à un équilibre de leurs finances !

On pourrait aisément démontrer que la responsabilité qui incombe au Gouvernement dans les écarts constatés par rapport aux trajectoires prévues est à la mesure des pouvoirs qui sont les siens en matière budgétaire.

Il faut saluer ici l’initiative du Premier ministre qui a prescrit aux ministres, par circulaire, une discipline budgétaire bienvenue, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

... si l’on se réfère à quelques dérapages qui sont encore dans les mémoires ! Mais ce n’est pas suffisant.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

La crise économique qu’a traversée notre pays nous fait une obligation d’agir.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Reprenant les propositions du groupe de travail présidé par M. Michel Camdessus, le projet de révision constitutionnelle s’articule en trois volets : création des lois-cadres d’équilibre des finances publiques ; monopole accordé aux lois de finances et de financement de la sécurité sociale des dispositions relatives aux prélèvements obligatoires ; organisation de la discussion du projet de programme de stabilité financière adressé chaque année aux institutions européennes.

On peut rappeler, car on l’a un peu oublié, que le projet s’inscrit dans l’approche, timide, engagée par la révision constitutionnelle de 2008, qui instaurait les lois de programmation des finances publiques, s’inscrivant dans l’objectif d’équilibre des finances publiques !

Nos collègues Jean Arthuis et Philippe Marini, notamment, nous proposaient déjà d’aller plus loin, mais l’Assemblée nationale ne nous avait pas suivis. J’y reviendrai.

Sur le premier point, à savoir la création des lois-cadres d’équilibre des finances publiques, le texte adopté par l’Assemblée nationale, sous réserve d’améliorations rédactionnelles que nous partageons avec la commission des finances, vise à instaurer un cadre constitutionnel précis et contraignant en matière d’équilibre budgétaire.

C’est ainsi qu’est créée une nouvelle catégorie de lois, celle des lois-cadres d’équilibre des finances publiques, qui remplaceraient les actuelles lois de programmation des finances publiques et devraient déterminer les normes d’évolution des finances publiques « en vue d’assurer l’équilibre des comptes des administrations publiques ».

En principe, une loi organique devra préciser le contenu des lois-cadres. J’aurais presque souhaité que, pour modifier les lois-cadres, on soit un petit peu plus précis dans la Constitution, à l’image de la loi fondamentale allemande.

La loi organique devra donc préciser le contenu des lois-cadres, leur procédure d’adoption et de modification en cours d’exécution budgétaire, ainsi que celles de leurs dispositions dont le respect devrait s’imposer aux lois de finances ou de financement de la sécurité sociale.

Plusieurs dispositions du texte renforcent le caractère impératif de ces lois-cadres.

Elles devraient avoir une durée minimale d’application de trois années.

Elles définiraient les règles de gestion des finances publiques ainsi qu’un plafond de dépenses et un plancher de recettes qui s’imposeraient aux lois de finances et de financement de la sécurité sociale.

Enfin, l’absence de loi-cadre bloquerait l’adoption de toute loi de finances ou de financement de la sécurité sociale.

La procédure d’adoption des lois-cadres est par ailleurs calquée sur celle qui est applicable en matière de projet de loi de finances et de financement de la sécurité sociale, dont, notamment, et c’est normal, la priorité de dépôt à l’Assemblée nationale et la discussion en séance sur le texte transmis par le Gouvernement ou voté par l’autre assemblée, et non sur celui qui serait établi par la commission.

Pour permettre une sorte de respiration, l’Assemblée nationale a, en outre, avancé le dépôt du projet de loi de finances au 15 septembre et celui du projet de loi de financement de la sécurité sociale au 1er octobre. Nous proposons de préciser les modalités de contrôle par le Conseil constitutionnel de la loi de finances et de la loi de financement de la sécurité sociale pour éviter que l’une n’ait à supporter les éventuels écarts de l’autre. Il faut un examen d’ensemble par rapport aux lois-cadres.

L’article 9 du projet de révision soumet les lois-cadres à un contrôle systématique du Conseil constitutionnel avant leur promulgation, comme pour les lois organiques, ce que l’on ne peut qu’approuver – comme l’a prévu l’Assemblée nationale en ce qui concerne le contrôle obligatoire du Conseil constitutionnel sur la conformité des lois de finances ou de financement de la sécurité sociale à la loi-cadre d’équilibre des finances publiques.

Les ministres ayant développé avec talent, comme à leur habitude, le troisième volet de la révision, je n’évoquerai que très brièvement le vote annuel du Parlement sur le projet de programme de stabilité adressé aux institutions européennes.

C’est un progrès incontestable visant à un meilleur contrôle du Parlement, d’autant que l’Assemblée nationale a complété cette procédure pour prévoir, d’une part, l’examen du projet par une commission permanente – nous proposerons qu’il y en ait éventuellement plusieurs – de chaque assemblée saisie pour avis et, d’autre part, qu’elle puisse donner lieu, à la demande du Gouvernement ou d’un groupe parlementaire, à un débat en séance publique et fasse l’objet d’un vote, sans engagement de la responsabilité du Gouvernement.

Nous aurions pu en rester là si le groupe de travail présidé par M. Michel Camdessus n’avait pas donné son assentiment à l’inscription de la règle du monopole des lois de finances et de financement de la sécurité sociale en matière de prélèvements obligatoires, qui figure aux alinéas deux à six de l’article 1er du présent projet de loi.

Cette inscription de la règle du monopole a bien été proposée par nos éminents collègues Jean Arthuis et Philippe Marini. Le rapport Camdessus souligne d’ailleurs que la dispersion des sources d’initiative en matière de prélèvements obligatoires « met à mal en permanence les articles d’équilibre initialement adoptés ».

On ne peut que souscrire à l’objectif visé, mais les difficultés posées par le monopole confié aux lois financières ne sont pas mineures et ne sauraient être balayées d’un revers de main, tant elles ont d’incidence sur l’équilibre de nos institutions. Si ce monopole était aménagé, à mes yeux, cela ne remettrait nullement en cause l’architecture du projet de révision constitutionnelle.

À l’Assemblée nationale – cela constituera sans doute ici aussi l’essentiel du débat –, cette question a été au centre des discussions, la position de la commission des lois aboutissant à supprimer tout simplement ce monopole – je vous renvoie à la page 33 du rapport du président Jean-Luc Warsmann –, sans omettre les propositions du rapporteur général du budget, Gilles Carrez, qui prévoyait l’institution des lois de prélèvements obligatoires, se rendant bien compte qu’il y avait un petit problème.

À ce sujet, cinq arguments ont été développés que je ne fais que reprendre.

Un tel monopole empêcherait que la réforme d’une politique publique soit accompagnée d’une discussion et d’une décision sur les moyens qu’elle suppose et sur les coûts ou les économies qu’elle induit. Ce n’est pas complètement faux…

Le monopole conféré aux lois financières risque de dégrader les conditions de discussion des réformes relatives aux prélèvements obligatoires. Cela durera trois semaines, et après ce sera fini.

Le caractère double du monopole – fiscal et social – peut conduire à alourdir encore davantage les procédures.

La réforme aurait des conséquences très contraignantes pour l’initiative parlementaire, car l’extension du domaine exclusif des lois financières priverait les parlementaires de la possibilité de déposer des propositions de loi contenant des mesures fiscales ou relatives aux cotisations sociales, ou de déposer, sur des textes non financiers, des amendements contenant des mesures fiscales ou relatives aux cotisations sociales.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

De surcroît, et paradoxalement, le monopole pose des problèmes d’articulation avec les irrecevabilités financières de l’article 40 de la Constitution. Adieu les « gages », même si l’on peut parfois s’étonner de leur pertinence !

Assez curieusement, et sans aucune explication - j’ai essayé de comprendre en relisant les débats -, l’amendement de suppression a été retiré au profit d’une construction compliquée d’irrecevabilité/inconstitutionnalité qui ne cadre pas du tout avec l’irrecevabilité de l’actuel article 41 de la Constitution laquelle, je le rappelle, est destinée à s’assurer qu’une disposition proposée au cours de la procédure législative n’est pas du domaine du règlement. Ici, nous avons une inconstitutionnalité et, pour le cas où l’inconstitutionnalité n’aurait pas été soulevée, on demande au Conseil constitutionnel de censurer !

Ce n’est quand même pas tout à fait ce que l’on peut attendre de mieux en termes de valorisation du Parlement !

À cet instant, je dois rappeler l’initiative prise par le Sénat lors de la révision constitutionnelle de 2008, instituant la validation par les lois de finances et de financement de la sécurité sociale des mesures fiscales ou relatives aux cotisations sociales prises dans les lois ordinaires. Nous avions voté ce dispositif, mes chers collègues, car le Sénat était conscient de la nécessité d’agir dans ce domaine et de cesser de voter à tout moment des dispositions financières.

L’Assemblée nationale avait eu recours aux mêmes arguments qu’aujourd’hui pour s’opposer à cette mesure, précisant que la disposition introduite par le Sénat ne ferait que « contribuer à affaiblir un peu plus le pouvoir des parlementaires en matière de fiscalité ».

Exclamations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Néanmoins, l’Assemblée nationale ayant beaucoup évolué sur ce sujet, cette solution, au demeurant excellente, a été retenue par la commission des lois, confortée largement par les avis de la commission des affaires sociales et de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, ainsi que par un amendement de notre collègue président de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication.

La validation de l’incidence de dispositions fiscales éparses sur l’équilibre des finances publiques aurait un fort effet dissuasif, si l’on croit vraiment au contrôle effectif des lois de finances ou de financement de la sécurité sociale par rapport à la norme d’évolution des finances publiques définie dans une loi-cadre.

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances à l’Assemblée nationale, avait prévu la création de lois de prélèvements obligatoires. La commission des finances du Sénat propose, quant à elle, que toute loi ayant une incidence financière soit accompagnée d’une loi de finances ou de financement de la sécurité sociale, rectificative – mais il peut se faire que l’on ne soit pas éloigné d’une loi initiale -, solution qui soulève également quelques questions concernant non seulement l’articulation des travaux parlementaires, mais aussi, pour le Sénat, la priorité d’examen des textes relatifs aux collectivités territoriales et l’application de l’article 72-2 de la Constitution.

J’ai posé la question à quatre reprises, mais il ne m’a jamais été répondu ! Pour ma part, je proposerai une solution, car il n’est pas envisageable que le Sénat renonce à la priorité dont il dispose pour l’examen des projets de loi « ayant pour principal objet l’organisation des collectivités territoriales ».

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Quant aux lois fiscales, rien n’interdit bien entendu de débuter la réforme de la taxe professionnelle en saisissant en premier l’Assemblée nationale… En la matière, il vaut d’ailleurs mieux que le Sénat puisse corriger ultérieurement ou, plutôt, améliorer les choses !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Mais il ne s’agit pas de cela ici. L’article 72-2 impose que tout transfert de compétences de l’État aux collectivités s’accompagne des ressources nécessaires. Comment articuler la discussion de la réforme et de son volet financier, compte tenu de cette priorité accordée au Sénat ?

Et je passe sous silence le contrôle du Conseil constitutionnel, impossible de fait dans ce cas.

Ces questions devront impérativement avoir été résolues à l’issue de la première lecture de ce texte par le Sénat.

Ce que nous redoutons légitimement, à savoir les « dépenses fiscales » – j’ai toujours trouvé cette expression charmante ! –, qui sont en réalité des pertes de recettes fiscales, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

… sont largement concentrées, à hauteur de plus de 84 % – vous l’avez rappelé, monsieur le rapporteur pour avis par ailleurs rapporteur général, avec votre honnêteté habituelle – dans les lois de finances et de financement de la sécurité sociale. Si l’on excepte la baisse de la TVA sur la restauration en 2009, l’exonération d’impôt sur le revenu pour les heures supplémentaires et la prime pour l’emploi, en 2001, les niches fiscales hors lois de finances sont d’un poids très faible.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Ce ne sont d’ailleurs très souvent que des décisions gouvernementales, alors que l’article 40 de la Constitution est là pour contrer toute initiative parlementaire dans ce domaine.

Il appartiendra au Sénat de décider quelle est la formule la plus adaptée pour préserver l’initiative parlementaire, mais il serait paradoxal que, après la révision constitutionnelle de 2008, qui a eu pour objet, notamment, de rééquilibrer les pouvoirs au profit du Parlement, une sorte de « super article 40 » soit institué, et ce afin d’éviter au Gouvernement toute tentation de s’affranchir de la discipline rigoureuse et nécessaire que comporte le présent projet de loi constitutionnelle.

Au demeurant, mes chers collègues, si l’on examine attentivement les positions respectives de la commission des finances et de la commission des lois, on voit qu’elles ne sont pas aussi éloignées qu’on pourrait le penser de prime abord.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Elles sont même très proches !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Permettez-moi de vous expliquer pourquoi.

On peut décider que tout projet de loi important doit être accompagné d’un projet de loi de finances rectificative : point de dispositions fiscales ailleurs. On peut également, comme je le prône, prévoir la possibilité d’une validation de dispositions fiscales contenues dans un projet de loi par un projet de loi de finances rectificative, ce qui n’est pas très différent. §Il s’agit bien, dans mon esprit, d’« une » loi de finances, et non pas de « la » loi de finances.

Un tel dispositif est équilibré et ne remet pas en cause l’initiative parlementaire, à laquelle nous sommes tous très attachés.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. J’espère avoir démontré de surcroît, mes chers collègues, qu’il n’y a pas, d’un côté, les « laxistes » et, de l’autre, les « vertueux ». Tous ensemble, nous devons relever le défi d’une discipline budgétaire nécessaire non seulement pour préserver la réputation financière de notre pays – vous l’avez évoqué, monsieur le ministre –, mais surtout pour ne pas compromettre la croissance ni nous exonérer de notre responsabilité vis-à-vis des générations futures.

Applaudissementssur les travées de l’UMP et sur certaines travées de l’Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Jean Arthuis, rapporteur pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, le rapport que j’ai cosigné avec Philippe Marini s’ouvre par cette question d’apparence anodine : « Pourquoi une révision constitutionnelle ? » J’irai d’emblée droit au but : la France ne peut plus attendre, sa crédibilité étant tout simplement en jeu !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Notre pays, avec un déficit par rapport à la richesse nationale bien supérieur à 3 % et une dette publique dangereusement proche d’un montant équivalent à 100 % du PIB, est clairement « dos au mur ».

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

La mondialisation, la crise, l’Europe de Maastricht sont mis en cause. Air connu ! L’accusation est facile. Elle permet d’occulter l’essentiel : le risque, auquel nous sommes de plus en plus exposés, de perdre la confiance de ceux qui nous font crédit depuis près de quarante ans …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

… et, au final, ni plus ni moins, notre indépendance nationale, dont le Président de la République, selon notre Constitution, est garant.

Ce déséquilibre chronique, au surplus, offense lâchement l’idée que nous nous faisons de la solidarité entre les générations.

J’entends dire qu’il ne faut pas s’en remettre aux marchés. Mais dès qu’on fait appel à l’emprunt, on se met entre les mains de celui qui nous prête de l’argent. Ayons donc le souci de préserver notre souveraineté !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat étouffe une exclamation amusée.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Quand avons-nous voté pour la dernière fois un budget à l’équilibre ? C’était au milieu des années soixante-dix et notre collègue Jean-Pierre Fourcade est le dernier ministre des finances à pouvoir se vanter d’une telle performance.

Bravo ! et applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

C’était il y a trente-sept ans, une autre époque ! Depuis, notre addiction à la dépense publique n’a cessé de croître et de prospérer.

Je le sais, nous allons avoir ici un débat délicat sur l’atteinte prétendument portée à l’initiative parlementaire. J’ai été très attentif aux propos de M. Hyest, et je pense que nous devrions trouver un compromis équilibré sur l’essentiel.

Posons-nous enfin les bonnes questions ! Que voulons-nous ? Que d’autres, demain, par exemple le FMI, décident à notre place ? Quelle sera alors la place du Parlement dans un État qui aura perdu les attributs de sa souveraineté ? Pouvons-nous continuer ainsi ? §La réponse, madame Borvo Cohen-Seat, est assurément « non » !

Paraphrasant un ancien Président de la République qui évoquait le chômage, je dirai : « Contre les déficits, on a tout essayé ! » La France n’est assurément pas avare d’objectifs, d’outils de programmation et de règles réputées les rendre effectifs.

L’équilibre des comptes des administrations publiques est, depuis 2008, un objectif constitutionnel, inscrit à l’article 34 de notre loi fondamentale. En avons-nous seulement conscience ? Dans l’architecture sophistiquée élaborée ces dernières années pour faire respecter ce principe, le programme de stabilité occupe désormais le sommet de la hiérarchie des normes financières et s’impose aux autres programmations : programmations pluriannuelles annexées aux lois de finances et de financement de la sécurité sociale et lois de programmation des finances publiques.

C’en est fini du temps où chaque ministre élaborait sa loi de programmation d’investissements pour la justice ou pour la sécurité ! On n’osait pas additionner les coûts engendrés par ces différents textes, parce que l’on avait pris conscience qu’ils n’étaient pas finançables, qu’ils n’étaient pas soutenables, raison pour laquelle, d’ailleurs, les mesures prévues n’ont pas été respectées.

Aux règles européennes – 3 % du PIB pour le déficit et 60 % du PIB pour la dette –, se sont ajoutées des règles de gouvernance nationale en dépenses comme en recettes : la norme de dépenses « zéro volume », puis le « zéro valeur hors pensions et charge de la dette », la programmation triennale des plafonds de dépenses, l’ONDAM pour les dépenses d’assurance maladie, la règle du gage des niches et celle de gage global des mesures nouvelles, cette dernière ayant d’ailleurs été abandonnée dans la dernière loi de programmation.

Nous ne manquons donc pas de normes, nous manquons simplement de volonté et d’une capacité à « faire », pour mettre en harmonie nos paroles et nos actes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Je vous renvoie au graphique, ô combien éloquent, de la page 14 de notre rapport : nos programmations n’ont jamais été respectées ; la nouvelle programmation se contente, chaque année, de décaler dans le temps l’objectif de retour à l’équilibre, qui se déplace tel l’horizon.

Or les perspectives d’évolution des finances publiques confirment, si besoin était, que la France n’a plus le droit à l’erreur.

Les plus récentes prévisions de solde public publiées par la Commission européenne révèlent que, en 2012, à politique inchangée, notre pays aura le niveau de déficit le plus élevé de la zone euro, derrière la Grèce, l’Irlande et l’Espagne. À ce rythme, mes chers collègues, nous serons bientôt sur le podium ! Certes, nous attendons de vous, monsieur le garde des sceaux, monsieur le ministre, les propositions qui détourneront le risque qu’un tel scénario ne se réalise. Rendez-vous est pris pour le prochain débat d’orientation des finances publiques et le projet de loi de finances pour 2012.

Mais ayons à l’esprit la mise sous perspective négative de la capacité des États-Unis à rembourser leur dette. Il est vrai que les Américains inondent cyniquement le monde de leurs dollars ; j’espère que le prochain directeur général du FMI y mettra bon ordre. Le coup de théâtre que constitue la dégradation de la notation financière américaine prouve qu’aucun État n’est à l’abri d’une telle sanction.

Pour la France, les conséquences ne seraient pas seulement une hausse du coût de la charge de la dette. Elles seraient dommageables pour l’Europe dans son ensemble, au regard du rôle central joué par notre pays pour ce qui concerne la monnaie unique et le fonctionnement du futur mécanisme européen de stabilité financière.

La nécessité d’une révision constitutionnelle résulte donc de ce simple constat : les outils existants n’ont pas fonctionné et il est par conséquent devenu indispensable, suivant une expression imagée, de « passer à la vitesse supérieure ».

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

M. Jean Arthuis, rapporteur pour avis.Alors que le conseil européen du 24 juin prochain entérinera le durcissement des règles du pacte de stabilité et de croissance, il est nécessaire que la France se dote d’un frein constitutionnel à la dette. Si le Président de la République s’est engagé sur cette voie dans le cadre d’une démarche européenne, notamment avec l’Allemagne, ce n’est pas pour obéir à je ne sais quelle injonction de Bruxelles : c’est bien notre propre impéritie qui nous y contraint.

Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Quand on voit votre collectif budgétaire, c’est sûr, c’est l’impéritie totale !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Le projet de loi constitutionnelle qui nous est soumis reflète fidèlement, sinon la lettre, du moins l’esprit des orientations dégagées par le groupe de travail présidé par Michel Camdessus.

Les deux rapporteurs de la commission des finances ont activement participé aux débats de ce groupe de travail ; la contribution qu’ils ont apportée leur a permis d’en approuver pleinement les conclusions.

Avec votre accord, nous avons voulu faire de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 l’occasion de mettre en pratique ces propositions ; c’est pourquoi il nous appartient de vous rappeler nos choix et, d’une certaine façon, de nous en justifier une nouvelle fois.

Nous nous sommes en particulier attachés à définir le contenu possible d’une « bonne » règle, susceptible de garantir la « bonne » gouvernance des finances publiques.

En premier lieu, la règle doit imposer au Gouvernement des contraintes quantitatives claires en matière d’actions à mener pour réduire le déficit. Elle doit être suffisamment souple pour ne pas enfermer l’action politique dans un chemin unique, ce qui risquerait de conduire rapidement à sa remise en cause. Elle ne doit pas faire naître un risque de polémique entre le Gouvernement et un comité d’experts indépendants, comme un panel d’économistes ou bien la Cour des comptes, car une telle confrontation ruinerait sa légitimité. Enfin, elle doit être non manipulable par les gouvernements et compréhensible par l’opinion publique.

Ce socle de référence nous a conduits à promouvoir la notion de « lois-cadres d’équilibre des finances publiques » s’imposant aux lois financières. Pour définir leur contenu, nous avons écarté la notion allemande de « solde structurel », que nous avons jugée difficilement compréhensible par le commun de nos concitoyens et, surtout, trop subjective. Nous lui avons préféré une règle il est vrai plus rustique, mais surtout juridiquement plus contraignante, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

… celle d’effort structurel portant sur des variables budgétaires effectivement maîtrisables par les pouvoirs publics : les dépenses et les mesures nouvelles sur les recettes, avec un plafond de dépenses et un plancher de mesures nouvelles sur recettes.

L’Assemblée nationale a souhaité inclure expressément cette règle dans le texte de la Constitution. Nous approuvons pleinement ce choix.

Nous approuvons de la même façon les deux autres volets de ce projet de loi constitutionnelle, intrinsèquement liés au premier volet : le fait de soumettre obligatoirement le programme de stabilité au Parlement avant sa transmission à Bruxelles et le monopole des lois financières sur les dispositions relatives aux prélèvements obligatoires ; Philippe Marini vous apportera des explications dans un instant.

Au moment de conclure, je veux appeler solennellement la représentation nationale à ses responsabilités : la France ne peut plus donner le spectacle navrant d’un pays qui recule sans cesse les échéances que lui impose le nécessaire retour à l’équilibre de ses comptes publics.

M. Bernard Frimat s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

La contrainte supplémentaire que nous allons mettre en place concerne d’abord le Gouvernement, qui va se voir imposer un article 40 sur toutes ses décisions touchant aux finances publiques.

Je souhaite que le Parlement saisisse l’occasion qui lui est donnée de renforcer sa vigilance et son pouvoir de proposition ; la commission des finances vous y engage, mes chers collègues, et vous appelle à voter ce texte.

Mais ne nous y trompons pas : il ne suffit pas d’inscrire dans la Constitution des règles prescrivant la lucidité pour réduire, de ce seul fait, les déficits et l’endettement…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

… rien sinon la nécessité, car le jour vient fatalement où le recours à l’emprunt est devenu impossible.

Concilier notre pouvoir fiscal et notre devoir d’équilibre budgétaire : n’est-ce pas là que réside, mes chers collègues, toute la noblesse de notre mission de parlementaires ?

Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste, ainsi que sur certaines travées de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Philippe Marini, rapporteur pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

M. Philippe Marini, rapporteur pour avis de la commission des finances. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, débattre d’une révision constitutionnelle, c’est toucher à ce qu’il y a de plus essentiel. Pour beaucoup d’entre nous, de surcroît, la Constitution de la Ve République est notre bien commun, et l’inspiration de notre engagement politique

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

C’est donc tout naturellement que se pose la question que Jean Arthuis a formulée au début de son propos : faut-il véritablement, ces jours-ci, réviser la Constitution ?

Non ! sur plusieurs travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Jean Arthuis a rappelé le contexte économique et financier international dans lequel notre réflexion s’inscrit, et l’importance que revêtent, dans un monde si hasardeux, les notions de confiance et de crédibilité.

Par rapport à cela, il ne faut assurément pas prendre une Constitution pour ce qu’elle n’est pas, et ne peut pas être.

Ce n’est pas la Constitution qui peut se substituer à la volonté politique.

Ce n’est pas la Constitution qui peut comporter la définition technique d’une règle d’équilibre des finances publiques.

Ce n’est pas la Constitution qui peut nous éviter toutes nos petites et nos grandes faiblesses.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Dans ces conditions, que peut la Constitution, et que doit-elle être ?

La Constitution est à mes yeux un corps de procédures, un corps de règles décrivant le fonctionnement des pouvoirs publics. Aussi se doit-elle d’être neutre par rapport aux expressions du suffrage.

Au reste, nous le savons bien, le succès de la Ve République tient à ce que notre Constitution est si souple, si flexible, si malléable que des majorités successives ont pu s’exprimer dans le cadre qu’elle institue, compte tenu de la légitimité qu’une majorité de nos concitoyens leur avaient reconnue.

Dans le domaine qui nous occupe, de quoi s’agit-il ? Simplement, et seulement, de préciser la hiérarchie des normes juridiques et d’introduire dans notre droit public deux innovations.

La première innovation consiste à créer des lois-cadres des finances publiques s’imposant aux lois financières annuelles, qu’il s’agisse des lois de finances de l’État ou de la loi de financement de la sécurité sociale.

La seconde innovation vise à préciser les relations que ces lois financières annuelles entretiennent avec la législation ordinaire.

Avec ce projet de loi constitutionnelle, il s’agit de tout cela, mais seulement de cela.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Et au demeurant, mes chers collègues, tout cela est d’une parfaite neutralité par rapport aux choix politiques, économiques et fiscaux qui pourront être faits.

Si, demain, ce projet de loi constitutionnelle est adopté, il permettra la mise en œuvre soit d’une politique de droite, soit d’une politique de gauche…

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

M. Philippe Marini, rapporteur pour avis.… soit d’une politique d’ailleurs.

Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Mes chers collègues, réfléchissez-y bien : la Constitution n’est pas un enjeu partisan, …

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

M. Philippe Marini, rapporteur pour avis.… et une révision constitutionnelle ne se combat pas pour des motifs partisans !

Nouvelles protestations sur les mêmes travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Nous proposons ici simplement, et seulement, de modifier la hiérarchie des normes juridiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Il ne s’agit pas de décider aujourd’hui dans quelle mesure, demain ou après-demain, le solde budgétaire devra être atteint par un surcroît d’impôts, une baisse des dépenses, ou par un peu des deux.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Son rôle est au contraire de clarifier les choix publics, et de permettre à celles et ceux qui sont dépositaires de la légitimité du suffrage d’en faire bon usage, c’est-à-dire de s’en servir dans l’intérêt général.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. Tous ces sujets, mes chers collègues, devraient être traités ici dans l’unanimité.

Protestations sur certaines travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Nous sommes en démocratie, pas dans un régime totalitaire !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. Si vous n’aviez pas de ce projet de loi constitutionnelle une vision a priori, vous auriez l’honnêteté de reconnaître qu’il ne contient aucune virgule, aucun mot, aucune phrase de caractère partisan !

Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Sur le fond, mes chers collègues, de quoi s’agit-il ?

D’abord, il s’agit de renforcer la légitimité démocratique de nos choix financiers et budgétaires annuels.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Ceux-ci se fondent sur le programme de stabilité et de croissance qui, chaque année, traduit nos engagements européens et qui, comme le rappelait François Baroin, est dans le même temps l’outil de notre souveraineté nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Être apte à respecter sa parole, à emprunter à des taux d’intérêt bas, tel est l’exercice concret de la souveraineté nationale, chers collègues.

Sans doute est-il très aisé de se répandre en proclamations « matamoresques » contre les marchés financiers !

Protestations sur les mêmes travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Il n’en reste pas moins que ces marchés existent et qu’en fixant les conditions de nos emprunts, ils définissent naturellement le cadre dans lequel s’exerce notre souveraineté nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. Ne niez pas l’évidence !

Vives protestations sur les mêmes travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Cette révision constitutionnelle nous permettra de nous prononcer sur le programme de stabilité et de croissance ; la commission des finances forme le vœu que ce vote soit éclairé par une résolution dans laquelle nous puissions exposer les considérants qui nous conduisent soit à approuver soit à désapprouver.

S’agissant ensuite de la cohérence qui doit s’établir entre le pluriannuel et l’annuel, elle revêt une triple dimension : elle est à la fois juridique, économique et pour ainsi dire temporelle.

Telles que la commission des finances les conçoit, les lois-cadres d’équilibre des finances publiques sont quadriennales et glissantes : chaque année, on avance d’une année et l’on met la loi en cohérence avec la déclinaison annuelle du programme de stabilité et de croissance.

La cohérence juridique est assurée par le Conseil constitutionnel. À cet égard, les démarches de la commission des finances et de la commission des lois se rejoignent complètement. Il y avait sur ce point une impasse, tant dans le texte initial du Gouvernement que dans celui qu’a adopté l'Assemblée nationale. Pour notre part, nous avons fait le choix de permettre au Conseil constitutionnel de jouer son rôle – tout son rôle – de gardien des institutions et, en l'espèce, de veiller au respect de la hiérarchie des normes.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’esclaffe.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Franchement, ma chère collègue, je ne vois pas ce qui, dans mon propos, est de nature à susciter une telle réaction !

Exclamations ironiques sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

En ce qui concerne maintenant la cohérence économique, ce projet de loi constitutionnelle ne réglera pas toutes les questions posées.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Monsieur le ministre du budget, dans ce domaine, et en particulier pour l’établissement des hypothèses macroéconomiques sur la base desquelles sont élaborés les projets de loi de finances et de loi de financement de la sécurité sociale, nous devrons sans doute trouver d’autres méthodes et d’autres modes d'expertise nous permettant une plus grande transparence, notamment vis-à-vis de la Commission européenne.

La commission des finances est convaincue que le Gouvernement devra nécessairement évoluer et qu'un taux de croissance est un outil de calcul neutre et non pas un élément d'affirmation volontariste.

Enfin, la cohérence temporelle s’obtient au fil des années. À titre d’exemple, je citerai l’évolution de la conjoncture et l'exécution de nos lois financières au cours de l’année 2011.

Selon les résultats que nous aurons obtenus à la fin de cette année, il faudra consentir, en 2012, en 2013 et en 2014, des efforts plus ou moins importants. Aussi, l’impératif de cohérence temporelle nous impose de tendre vers l’objectif de 3 % en 2013 en corrigeant éventuellement en 2012 les erreurs de trajectoire de 2011 ou en faisant bénéficier l’exercice 2012 des améliorations de trajectoire de 2011.

Nous verrons d'ailleurs très concrètement les effets de cette règle dès le prochain collectif budgétaire, que nous examinerons dans les prochains jours, puis dans le prochain collectif social. Dorénavant, l’ensemble des décisions prises successivement dans ce domaine seront interdépendantes.

Enfin, je conclurai mon propos sur la hiérarchie qui doit être établie entre les lois financières et les lois ordinaires.

La commission des finances – du moins ses deux rapporteurs pour avis –, après avoir étudié avec une attention soutenue les points de vue exprimés par la commission des lois et écouté avec grand intérêt son rapporteur, Jean-Jacques Hyest, a été conduite à arrêter une position qui, à ce stade, commence par un « ni ni » : ni la position de l'Assemblée nationale ni la voiture-balai !

Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Cher Jean-Jacques Hyest, vous avez réussi à nous convaincre que le simple respect du droit et de la Constitution devait nous conduire à ne pas nous rallier au texte issu des travaux de l’Assemblée nationale. Peut-être étais-je allé un peu trop vite, mais je dois avouer que telle n’était pas ma position au départ. Toutefois, je vous ai écouté et vos arguments ont su toucher mon cœur et ma raison de juriste !

Exclamations amusées.

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Nous ne pouvons donc nous rallier à la position de l'Assemblée nationale, mes chers collègues. Mais est-il concevable, pour autant, d'engager une dépense fiscale – en d'autres termes, d’accorder un avantage – dans une loi ordinaire au mois de mai et d'inscrire la contrepartie budgétaire dans une loi de finances au mois de décembre ?

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Je ne crois pas, car celui qui a reçu considère ce droit comme acquis. Dès lors, il serait bien difficile de ne pas concrétiser ce qui a été annoncé.

Si nous voulons améliorer la gestion de nos finances publiques, nous ne saurions nous rallier à cette méthode consistant à introduire un différé entre l'annonce des choses agréables et la présentation de la note à payer.

Cela étant, je considère, comme M. le garde des sceaux, que les dispositions en question concernent avant tout le pouvoir exécutif. Au demeurant, c’est une circulaire prise par François Fillon voilà un an qui a créé la version exécutive de ce monopole, introduisant une discipline à laquelle s’astreint désormais chacun des membres du Gouvernement.

Par exemple, c'est en vertu de cette règle que le secrétaire d'État chargé du logement a dû faire voter sa réforme du prêt à taux zéro lors de l’examen d’un projet de loi de finances. Je prends cet exemple, mais je pourrais en citer bien d'autres.

La situation dans laquelle nous nous trouvons nous oblige à des raisonnements d'une grande rigueur…

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

… et nous contraint à une véritable discipline budgétaire. C’est pourquoi, à travers un amendement, la commission des finances propose que les législations qui doivent comporter des mesures relatives aux prélèvements obligatoires soient traitées de manière complémentaire par deux textes simultanés, l’un ayant un caractère financier, l’autre ayant la nature d’une loi ordinaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Ces deux textes seraient susceptibles de faire l'objet d’une discussion commune, le rapporteur du premier devant, par définition, travailler en amont avec le rapporteur du second, l’un et l’autre associant leur commission respective.

Ce principe de simultanéité nous semble être de bonne méthode.

Cela étant dit, monsieur le président, notre assemblée est particulièrement attachée à l'article 72 de la Constitution, relatif aux collectivités territoriales. Une solution utile consisterait peut-être tout simplement à introduire une exception à la règle de la primauté des lois de finances et lois de financement de la sécurité sociale pour tout ce qui a trait à l'organisation des collectivités territoriales et aux questions qui s'y rattachent.

Dans l'espoir que le débat parlementaire et les travaux de nos commissions nous permettront de trouver une voie raisonnable que nos collègues députés accepteront d’emprunter, je vous remercie, mes chers collègues, de m’avoir écouté avec attention, une attention, si j’ai bien compris, partagée sur toutes ces travées.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, la commission des affaires sociales n’émet aucune objection sur ce projet de loi constitutionnelle relatif à l’équilibre des finances publiques, ni sur ses objectifs, ni sur le constat qui a conduit à son élaboration.

Je ne doute pas que nous établissions tous le même diagnostic sur l’état de nos finances publiques et que nous nous accordions tous sur la nécessité de faire prendre à nos finances publiques un autre chemin que celui qu’elles ont emprunté depuis plusieurs années.

En revanche, le Gouvernement et nous divergeons quelque peu sur les modalités pour atteindre cet objectif.

Mes chers collègues, après avoir écouté le rapporteur de la commission des lois, Jean-Jacques Hyest, les rapporteurs pour avis de la commission des finances, Jean Arthuis et Philippe Marini, vous savez désormais que plusieurs propositions sont sur la table. Si certaines ne sont pas si éloignées les unes des autres, d’autres divergent sensiblement. Réussirons-nous, au terme de nos débats, à trouver un terrain d’entente avec nos collègues de l’Assemblée nationale ? À ce stade, je n’en suis pas certain, mais je ne désespère pas que nous y parvenions avec le concours du Gouvernement, si celui-ci veut bien être attentif aux souhaits du Parlement !

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Je le suis toujours !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

Puisque M. le garde des sceaux approuve, je ne doute pas alors que nous y parvenions.

Cela étant, M. Baroin avait adopté des positions assez tranchées sur le sujet…

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

M. Michel Mercier, garde des sceaux. La jeunesse, sans doute !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

Mais, puisque vous paraissez plus ouvert que votre collègue, monsieur le garde des sceaux, je ne doute pas que nous puissions avancer.

Mes chers collègues, je dirai quelques mots de la situation des finances sociales avant de m’arrêter sur les deux points qui me paraissent les plus importants, à savoir les conditions dans lesquelles nous pourrions examiner les effets des lois-cadres et la question du monopole des lois financières, point nodal de notre discussion.

Voilà une dizaine d’années, le déficit des finances sociales ne dépassait pas 3, 5 milliards d’euros. Certes, ce n’était pas négligeable, mais c’était vraiment peu au regard des dizaines de milliards d’euros qu’atteignent aujourd’hui les déficits des comptes publics et des comptes sociaux cumulés.

Entre 2004 et 2008, nous avions réussi, par des mesures de redressement, à améliorer la situation, mais nous avons été très rapidement rattrapés par la crise financière.

Partant d’un déficit structurel de l’ordre de 10 milliards d’euros, les comptes sociaux ont enregistré, en 2010, un déficit de l’ordre de 24 milliards d’euros. À la fin de l’année 2011, celui-ci devrait être a priori de 19, 5 milliards d’euros, en recul sensible par rapport à 2010 et à 2009.

Aux termes de la loi de financement de la sécurité sociale, la Caisse d’amortissement de la dette sociale, la CADES, s’est vu transférer 130 milliards d’euros de dette.

Je rappelle également que, pour améliorer la situation des finances sociales, le Gouvernement a engagé la réforme des retraites.

La commission des finances, quant à elle, à travers la loi de finances, s’est attaquée à un certain nombre de niches fiscales ; de notre côté, à travers la loi de financement de la sécurité sociale pour 2011, nous avons rogné plusieurs niches sociales.

Chacun reconnaîtra néanmoins que ces mesures demeurent très nettement insuffisantes et que nous ne parviendrons pas à rétablir l’équilibre de nos finances publiques dans un délai proche.

Parler d’équilibre dans le domaine social a quelque chose de tabou. Mes chers collègues, les lois de financement de la sécurité sociale devaient, à l’origine, s’intituler « lois d’équilibre de la sécurité sociale », mais qu’un amendement parlementaire a modifié cet intitulé.

Peut-on soumettre des questions aussi importantes que la prise en charge de la maladie, de la vieillesse ou de la perte d’autonomie à une logique strictement comptable ?

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

Je ne le crois pas, et nous n’avons d’ailleurs jamais procédé ainsi, sous quelque majorité ou gouvernement que ce soit.

Cependant, dans la situation actuelle, inédite dans toute l’histoire de la sécurité sociale, c’est l’existence même du modèle social français qui est menacée, car les déficits se transforment en une dette que nous faisons peser sur les générations futures.

Alors que la CADES vient de reprendre 130 milliards d’euros de dette, une nouvelle dette de 20 milliards d’euros s’est déjà reconstituée. Si les comptes avaient été équilibrés lorsqu’est survenue la crise économique, nous n’aurions pas aujourd’hui autant de difficultés et leur rétablissement serait plus sans doute beaucoup plus aisé.

C’est pourquoi, la commission des affaires sociales, dans sa grande majorité, a la profonde conviction que l’équilibre des comptes doit être conçu non pas comme une concession faite aux marchés financiers, mais comme une marque de l’attachement que nous portons à notre système de protection sociale.

À ce titre, le présent projet de loi constitutionnelle mérite d’être approuvé, car il nous propose de mettre en place de nouveaux instruments destinés à faciliter le rétablissement des comptes publics.

De nombreux travaux ont montré qu’en aucun cas le retour de la croissance, même à un niveau élevé, ne permettra à lui seul de résorber les déficits. Une action résolue est donc nécessaire.

Les lois-cadres d’équilibre des finances publiques ne sont pas un gadget supplémentaire, et j’espère que l’avenir nous le démontrera. Elles peuvent avoir une véritable efficacité dans l’assainissement progressif des comptes, dans la mesure où – M. Baroin l’a rappelé voilà un instant – elles établiront, pour chaque année, des plafonds de dépenses et des planchers de recettes que le législateur devra respecter strictement afin de garder la maîtrise de la répartition de ces dépenses et recettes.

Ces lois-cadres, dont la durée d’exécution sera d’au moins trois ans, feront l’objet – M. Hyest le rappelait tout à l’heure – d’un contrôle de constitutionnalité et les lois financières annuelles seront désormais soumises automatiquement au Conseil constitutionnel. Il s’agit donc non pas d’une norme indicative, mais bien de dispositions impératives qu’il sera très difficile au législateur de remettre en cause.

Alors oui, il est toujours possible de dire que la volonté politique devrait suffire et que l’édiction de telles normes est un aveu d’impuissance. Mais, mes chers collègues, depuis près de quarante ans que nous connaissons des déficits, la démonstration est faite que notre pays a les plus grandes difficultés à les réduire et qu’il ne sait pas profiter des périodes de forte croissance pour procéder aux rééquilibrages nécessaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis. J’en veux pour preuve, M. Jospin était alors Premier ministre, la fameuse « cagnotte », qui a été redistribuée au lieu d’être utilisée pour améliorer l’équilibre des comptes.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

D’autres pays, bien plus rigoureux dans la gestion de leurs comptes publics, je pense notamment à l’Allemagne, ont eux aussi édicté des règles juridiques pour parvenir à l’équilibre. On ne peut donc pas dire que nous innovons dans ce domaine.

Je n’ai pas la naïveté de croire que les lois-cadres seront intangibles - elles pourront bien sûr être éventuellement modifiées - et je sais qu’aucun instrument juridique ne peut à lui seul garantir le retour à l’équilibre des finances publiques. L’exemple récent de l’allongement de la durée de vie de la CADES montre que les verrous institutionnels peuvent sauter. Alors que nous pensions qu’aucun gouvernement, aucune majorité ne pourrait revenir sur la disposition adoptée sur l’initiative du président de la commission des lois de l’Assemblée nationale, M. Warsmann, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

C’est M. Baroin qui a fait sauter ce verrou !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

… 130 milliards d’euros de la dette de la sécurité sociale ont été transférés à la CADES.

C’est pourquoi l’instauration de lois pluriannuelles contraignantes mérite d’être approuvée.

J’observe toutefois qu’aucune disposition spécifique n’est prévue pour l’examen en commission de ces projets de loi-cadre.

J’en viens à l’amendement que la commission des affaires sociales vous demandera d’approuver, mes chers collègues.

Dès lors que les futures lois-cadres définiront une trajectoire de retour à l’équilibre financier qui s’imposera aux lois de finances comme aux lois de financement, il est légitime qu’elles fassent l’objet d’un examen dans des conditions spécifiques. C’est pourquoi la commission des affaires sociales a adopté un amendement prévoyant que ces textes particuliers seront obligatoirement examinés par une commission spéciale composée à parité de membres de la commission des finances et de la commission des affaires sociales. La constitution d’une telle commission permettra un travail en commun des parlementaires spécialisés en matière de finances de l’État et de finances de la sécurité sociale.

Il est à notre sens nécessaire d’inscrire une telle disposition dans la Constitution elle-même. À défaut, la loi organique qui précisera le contenu et les conditions d’examen des lois-cadres d’équilibre des finances publiques ne pourrait juridiquement la prévoir. Chaque assemblée pourrait donc décider, au cas par cas, de constituer ou non une commission spéciale, ce qui n’apparaît pas satisfaisant au regard du caractère contraignant, pour les finances sociales comme pour celles de l’État, des futures lois-cadres.

La commission spéciale me semble donc être la moins mauvaise des solutions.

Refuser ce travail en commun des commissions chargées des deux lois financières marquerait une première étape vers l’absorption de la loi de financement de la sécurité sociale par la loi de finances, alors même que les deux textes répondent à des logiques différentes et appellent la poursuite du dialogue qui s’est instauré entre nos deux commissions au cours des dernières années.

J’ai d’ailleurs noté une véritable amélioration dans les échanges entre nos deux commissions pour un travail en commun et une approche globale des équilibres des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale.

Si nous soutenons la création des lois-cadres, qui constitue la disposition la plus novatrice du projet de loi constitutionnelle, je dois vous faire part des réserves très sérieuses de la commission des affaires sociales sur l’autre mesure phare du projet de loi constitutionnelle, je veux parler de l’instauration du monopole.

Comme l’a déjà parfaitement démontré M. Jean-Jacques Hyest, ce monopole présenterait de très sérieux inconvénients.

Tout d’abord, le Parlement ne pourrait plus appréhender les réformes dans leur globalité, leurs conséquences financières étant systématiquement renvoyées aux lois financières. Une telle pratique réduirait considérablement l’intérêt du débat parlementaire et obligerait les assemblées à se prononcer sans connaître précisément l’ensemble des éléments constitutifs d’une réforme.

Par ailleurs, l’initiative parlementaire serait drastiquement limitée par ce dispositif qui viendrait s’ajouter à la contrainte de l’article 40 de la Constitution et à l’irrecevabilité des cavaliers budgétaires et des cavaliers sociaux.

Enfin, plus aucune discussion parlementaire sur la fiscalité ou les ressources de la sécurité sociale ne pourrait avoir lieu en dehors du projet de loi de finances ou du projet de loi de financement, alors que nous savons combien les conditions d’examen de ces textes sont rigoureusement encadrées : discussion en premier lieu par l’Assemblée nationale, délais précisément fixés, lecture unique dans chaque assemblée, discussion sur la base du texte du Gouvernement.

Dans ces conditions, mes chers collègues, le monopole des lois financières ne paraît pas acceptable en l’état. L’équilibre des finances publiques ne passe pas par l’affaiblissement du Parlement.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP. – M. Hervé Maurey applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

Pour autant, nous partageons la préoccupation qui sous-tend les dispositions proposées. Nous avons besoin que chaque mesure fiscale ou sociale fasse l’objet d’une évaluation au regard de sa capacité à respecter la trajectoire d’équilibre des finances publiques que nous définirons.

La commission des affaires sociales a donc adopté un amendement, identique à celui de la commission des lois, subordonnant l’entrée en vigueur des dispositions relatives aux impositions de toute nature et aux autres recettes de la sécurité sociale à une approbation en loi de finances ou en loi de financement.

Je remercie Jean-Jacques Hyest d’avoir rappelé que le Sénat avait voté, à une très forte majorité, pour ne pas dire à l’unanimité, une proposition de loi organique qui allait dans ce sens. L’Assemblée nationale avait refusé notre dispositif, préférant laisser une plus grande liberté d’appréciation au Parlement lors de la discussion des lois ordinaires. Il serait étonnant qu’il en aille différemment.

L’Assemblée nationale a d’ailleurs confirmé son vote en rejetant le principe du monopole des lois financières. Et, comme l’a également rappelé Jean-Jacques Hyest, ce n’est qu’à l’issue de discussions avec le Gouvernement que l’on a trouvé un artifice pour permettre, de manière hypocrite, …

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

… aux parlementaires de continuer à déposer des amendements de nature financière, et au Gouvernement de recourir à l’irrecevabilité ou de laisser les débats aller à leur terme, conférant ainsi au Conseil constitutionnel le rôle de « voiture-balai ».

La commission des affaires sociales a considéré, comme la commission des lois, que les articles 2 bis et 9 bis n’étaient pas acceptables, et c’est pourquoi elle a également déposé des amendements visant à les supprimer. J’espère qu’elle sera suivie par le Sénat.

L’examen concomitant de projets de loi ordinaire et de projets de loi de finances rectificative, qui nous est proposé dans un amendement signé par M. le rapporteur pour avis Philippe Marini, pourrait peut-être constituer un compromis, mais, comme l’a indiqué Jean-Jacques Hyest, il laisse en suspens la question, très importante, des collectivités territoriales. Nous espérions qu’une solution aurait pu être trouvée, peut-être par le dépôt d’un sous-amendement à l’amendement de M. Marini, mais tel ne fut pas le cas.

Mes chers collègues, vos applaudissements tout à l’heure m’ont confirmé combien vous étiez attachés à ce que les textes relatifs aux collectivités territoriales soient examinés en premier par le Sénat.

Applaudissements sur certaines travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

Faute de trouver une solution en ce sens, je vous invite à en rester à la position de la commission des lois et de la commission des affaires sociales.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et sur certaines travées de l ’ Union centriste.

Mme Monique Papon remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Paul Emorine, rapporteur pour avis.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP. – M. Hervé Maurey applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Emorine

Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, en tant qu’européen convaincu, je suis pleinement conscient de la situation financière de notre pays.

Le Conseil européen, dans un texte très récent, en date du 10 juin, se félicite que la France prévoie d’instaurer « une programmation budgétaire pluriannuelle contraignante ». Mais il s’inquiète dans le même temps des incertitudes qui pèsent sur l’adoption du présent texte.

Mes chers collègues, il est clair que nos partenaires européens nous regardent et attendent un signal fort attestant la volonté de la France de mettre fin à la dérive de ses finances publiques.

Ce signal, c’est ce projet de loi constitutionnelle, qui comporte une disposition phare, la seule que mentionne le Conseil européen : la création des lois-cadres d’équilibre des finances publiques.

C’est pourquoi je me félicite que le Gouvernement ait déposé ce projet de loi constitutionnelle, qu’il est urgent d’adopter, et j’en appelle à la responsabilité de chacun pour prendre la mesure des attentes de l’Union européenne et des conséquences qui découleraient de la non-adoption de ce texte.

Mais j’attire votre attention, mes chers collègues, en tant que parlementaire et plus encore de sénateur, sur une autre disposition de ce texte, qui nous concerne directement : le monopole des lois financières en matière de prélèvements obligatoires.

Depuis le début de son parcours à l’Assemblée nationale, ce dispositif a déjà été supprimé par cinq commissions permanentes, sur les sept qui ont eu à l’examiner.

Sommes-nous, parlementaires, à ce point irresponsables et dépensiers que, pour lutter contre une dette publique qui a atteint 1 600 milliards d’euros, il soit obligatoire de nous retirer la possibilité d’examiner des propositions de loi comportant des dispositions fiscales et de restreindre notre droit d’amendement en la matière ?

Je ne le pense pas, et ce pour deux raisons majeures.

En premier lieu, il n’a échappé à personne que les parlementaires ne peuvent pas proposer d’augmenter les dépenses publiques : l’article 40 le leur interdit.

En second lieu, la commission des finances relève dans son rapport sur le présent texte que « si des allégements de faible ampleur peuvent être adoptés dans des lois sectorielles, les allégements qui ont un fort impact sur le solde public sont en pratique instaurés à l’initiative du Gouvernement ».

J’en viens ainsi, justement, à ces lois ordinaires : sont-elles à l’origine du dérapage de nos finances publiques ?

Je ne citerai que deux chiffres : depuis dix ans, l’impact budgétaire des mesures figurant dans des lois non financières est inférieur à 16 %, les 84 % restants provenant de lois financières.

Quelle que soit la commission à laquelle nous appartenions, nous sommes tous animés du même esprit de responsabilité. Nous travaillons régulièrement en commun, comme ce fut le cas pour la loi de modernisation de l’économie, qui comportait de nombreuses mesures fiscales, y compris celles qui avaient été introduites sur l’initiative des rapporteurs.

Il nous arrive même, mes chers collègues, d’adopter des dispositions fiscales augmentant les recettes, comme dans la loi portant nouvelle organisation du marché de l’électricité, dite loi NOME, puisque la réforme des taxes locales d’électricité devrait susciter 75 millions d’euros de recettes pour l’État.

Mme Nicole Bricq s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Emorine

Or, si nous adoptions le monopole, cette possibilité nous serait interdite, puisqu’il concerne également les recettes. Je m’interroge à cet égard fortement : en quoi limiter la possibilité pour les parlementaires de créer ou d’augmenter des recettes permettra-t-il de réduire le déficit ? Comment les commissions pourraient apparaître autrement que dépensières, puisqu’elles ne pourront plus proposer la moindre recette venant compenser les dépenses induites par les réformes proposées par le Gouvernement ?

Pour toutes ces raisons, les effets du monopole pour réduire le déficit sont très limités. En revanche, ses effets sur le Parlement, et sur le Sénat en particulier, sont considérables.

Que dirons-nous, demain, aux élus locaux et à nos concitoyens ? Avec le monopole, le Sénat se prive de toute possibilité de faire des propositions en matière de fiscalité locale…

Le texte déposé la semaine dernière par notre collègue Philippe Dallier, qui prévoit de donner un outil fiscal aux maires pour favoriser le conventionnement des logements, ne pourra plus être examiné. Il nous faudra attendre que le Gouvernement dépose un projet de loi de finances pour pouvoir proposer une telle mesure.

En outre, lorsque le Sénat examinera une loi transférant des compétences, il ne pourra plus étudier en même temps la compensation par l’État, parce que le dispositif, intégré dans une loi de finances, sera renvoyé en premier lieu aux députés.

Que dirons-nous, demain, quand nous ferons le bilan de la réforme constitutionnelle de 2008 ? En adoptant le monopole, nous vidons nous-mêmes, trois ans après, l’initiative parlementaire de toute portée financière. Nous concentrons la totalité du pouvoir financier entre les mains d’une seule commission – je ne fais pas le procès de mes collègues président de commission ou rapporteurs pour avis –, et nous acceptons de regrouper tous les dispositifs fiscaux dans les seuls textes qui ne sont pas examinés en séance dans la rédaction issue des travaux de la commission saisie au fond.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Emorine

Comment expliquerons-nous, demain, que nous avons accepté de renvoyer toutes les dispositions ayant une incidence financière aux seuls textes pour l’examen desquels les commissions saisies pour avis n’ont aucun représentant au sein de la commission mixte paritaire ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Emorine

Comment expliquerons-nous, demain, à nos nouveaux collègues que nous avons accepté que le Sénat soit systématiquement saisi en second sur le volet financier de toutes les réformes ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Emorine

Tout cela, mes chers collègues, ne me paraît pas correspondre aux valeurs qui sont propres au Sénat. À l’image de la diversité des territoires que nous représentons, le Sénat a toujours accordé une place particulière à la pluralité des points de vue. Il fait le pari de l’efficacité de l’action collective et diversifiée, dans laquelle chacune et chacun ont toute leur place et sont traités avec équité.

Dans le respect de l’objet du projet de loi constitutionnelle, la commission de l’économie propose de supprimer le monopole au profit d’un nouveau dispositif qui s’intègre parfaitement dans ce que seront les lois-cadres d’équilibre des finances publiques : son amendement prévoit en effet de différer au 1er janvier suivant l’entrée en vigueur des dépenses fiscales votées dans l’année.

Ainsi, lors de l’examen annuel du projet de loi de finances, le législateur financier, tenu au respect du plancher de recettes fixé par la loi-cadre, aura toute latitude pour modifier ou supprimer des dispositions s’écartant de la trajectoire qu’elle a définie.

Cet amendement lui donne donc tous les moyens de respecter ses obligations constitutionnelles, mais sans en payer le prix fort, c’est-à-dire sans réduire le droit d’initiative des parlementaires.

J’en appelle à vous, monsieur le garde des sceaux : faites confiance aux parlementaires, ils savent tous être responsables. N’altérez pas notre enthousiasme face à ce texte, et acceptez la suppression du monopole !

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et sur certaines travées de l ’ Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

La parole est à M. Jean-Pierre Bel, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

Madame la présidente, je souhaiterais attirer votre attention et celle de M. le président du Sénat – si vous voulez bien lui faire part de ce rappel au règlement – sur ce que nous venons de vivre, en introduction de ce débat : deux heures de monologue et sept interventions – deux ministres et cinq rapporteurs – s’exprimant tous dans le même sens pour affirmer en préalable qu’il n’existe aucun problème sur le fond.

Peut-être allons-nous pouvoir dans un instant, dans la suite de la discussion générale, entendre des idées différentes grâce aux trois prochains orateurs… Quoi qu’il en soit, cette discussion sera interrompue à seize heures quarante-cinq, et la séance sera ensuite consacrée aux questions cribles thématiques.

Madame la présidente, mes chers collègues, nous sommes tous chagrinés de l’image que nous donnons parfois de la Haute Assemblée et de cette espèce de langueur qui planerait dans l’hémicycle à l’occasion de nos débats.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

Nous devons nous interroger sur notre fonctionnement, et il nous est arrivé de le faire ensemble, notamment en conférence des présidents.

Le débat d’aujourd’hui est vraiment une illustration, me semble-t-il, de la nécessité de réexaminer le déroulement de nos séances.

Je tenais à attirer l’attention du Sénat et de son président sur l’importance qui s’attache à faire bouger les choses, afin que nous sortions de cette espèce de torpeur, et que n’ayons plus à subir pendant deux heures le monologue de la pensée unique avant que la voix de la confrontation démocratique puisse s’exprimer !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – Protestations sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Monsieur Bel, je vous donne acte de votre rappel au règlement, que je transmettrai à M. le président du Sénat.

Vous l’avez rappelé, l’organisation de nos débats a été décidée par la conférence des présidents. Mais je vous sais maintenant tout à fait rassuré, puisque les trois prochains intervenants sont des membres de l’opposition.

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Mme la présidente. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Thierry Foucaud.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord souscrire, au nom de mon groupe, à ce que vient de dire le président du groupe socialiste, notre collègue Jean-Pierre Bel.

La raison d’être de nos travaux est-elle de réduire à néant, à compter de ce jour, ce qui demeure encore d’utile dans le travail accompli par le Parlement, dépositaire de la souveraineté nationale ? C’est cette question que nous ne pouvons manquer de nous poser à l’examen des dispositions de ce projet de loi constitutionnelle qui tend à fixer un cadre étroit et, semble-t-il, définitif pour l’examen des textes budgétaires et financiers dans notre pays, et à mettre sous le boisseau l’initiative parlementaire, …

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

… d’où qu’elle vienne et sur quelque sujet qu’elle porte !

Mais je laisserai à d’autres de mes collègues le privilège – si c’en est un, évidemment ! – de tirer l’ensemble des enseignements juridiques et constitutionnels du présent texte pour me consacrer à ses aspects les plus significatifs s’agissant des débats budgétaires futurs.

Je ne reviendrai pas non plus, dans la présente intervention, sur les implications de ce texte au regard du financement et de la raison d’être de la sécurité sociale, véritablement mise sous tutelle de l’État, lui-même sous tutelle des politiques de convergence européennes…

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

… offrant aux pays adhérents du système euro les indépassables horizons du libéralisme économique !

L’Europe, justement, voilà le véritable objet du débat qui va nous occuper pendant quelques heures !

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

C’est uniquement en effet parce que Nicolas Sarkozy entend faire de la France le « meilleur élève de la classe européenne »…

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

… que nous sommes aujourd’hui amenés à débattre de ce projet de loi constitutionnelle !

Ce texte, d’une certaine manière, c’est le traité de Lisbonne, ce traité imposé aux peuples européens sans consultation – et pour cause, car les précédentes consultations, vous le savez, n’avaient guère été couronnées de succès – serait gravé en lettres d’or dans le marbre de la Constitution ! J’ai pourtant entendu parler tout à l’heure, dans cet hémicycle, de souveraineté. Souveraineté ?...

C’est, en toutes lettres, la poursuite des politiques que nous connaissons depuis tant d’années et dont nous voyons les effets désastreux se succéder de manière quasi inéluctable au fil du temps !

Quelles politiques ?

La politique de la concurrence fiscale, où chaque pays partie prenante de l’Euroland tente de proposer le système d’imposition le plus alléchant possible pour attirer les investisseurs et les entreprises, quitte à imposer à l’ensemble de la société et aux salariés, à leurs familles d’abord, les contraintes nées d’une fiscalité injustement répartie et de la réduction des dépenses publiques !

La politique qui, en inventant la monnaie unique, prétendait mettre un terme ou, pour le moins ralentir la spéculation monétaire, sœur jumelle – si l’on peut dire – du système monétaire antérieur !

Un pari et une orientation qui se sont fracassés, à notre avis de manière définitive, sur la surchauffe des marchés financiers constatée en 2008 et qui va, demain, mettre à genoux les peuples grec, irlandais, portugais, peut-être aussi espagnol, au prix d’une austérité sans limites…

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

… et d’un véritable bradage du patrimoine national et public de chacun de ces pays !

La réalité concrète de l’échec du mode de construction européenne choisi dans le traité de Lisbonne, à la suite de celui de Maastricht, est patente et indiscutable !

Inégalités de développement économique entre les pays et, à l’intérieur des pays membres, chômage massif des jeunes, concurrence larvée entre États membres, émergence de problèmes sociaux de plus en plus prégnants, montée de la xénophobie, du racisme et des discriminations, le bilan n’est manifestement pas à la hauteur du projet affirmé ni des mesures prises...

Que veut-on ? Tout simplement continuer à faire des parlementaires de notre pays les garçons de course de la Commission européenne, c’est-à-dire les serviteurs zélés de M. José Manuel Barroso qui estimait, voilà peu encore, que le SMIC français était trop élevé et qu’il constituait un frein à la création d’emplois !

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Ce n’est pas caricaturer ce texte que d’affirmer qu’il fait des lois-cadres des finances publiques de véritables lois de finances pluriannuelles qui fonctionneront comme autant de barrières et d’obstacles supplémentaires à l’expression de la moindre originalité politique en matière de gestion des deniers publics.

Ce n’est pas non plus caricaturer ce projet de loi que de dire que cette sorte de hiérarchie des normes ainsi imposée au débat budgétaire conduira au moins les parlementaires à l’impuissance, au mieux – si l’on peut dire – à l’inconséquence, et à coup presque sûr les condamnera à se faire les enfants de chœur de la grand-messe de l’austérité budgétaire !

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Nous devrons nous attacher à être plus royalistes que le roi, et à rappeler, au cas où, à tout gouvernement démocratiquement élu, quelle que soit son étiquette, que la première priorité ou la priorité des priorités est de respecter les engagements pris devant l’aréopage des experts en orthodoxie budgétaire de la Commission de Bruxelles !

C’est un problème démocratique évident que cette vassalisation du débat parlementaire et des choix budgétaires aux calculs technocratiques, alors même que tout a montré le caractère néfaste de ces derniers.

Mon ami Bernard Vera, qui participe au groupe de travail sur les marchés financiers, m’indiquait voilà peu que la Commission européenne avait demandé aux États membres, notamment au travers de directives ad hoc, de procéder à une libéralisation de l’activité de leurs marchés financiers, de les interconnecter et de favoriser, en particulier, le développement de nouveaux produits.

C’est ainsi que sont apparus des produits dérivés permettant de spéculer sur les cours des matières premières et des produits agricoles, alors même que nous risquons fort d’être confrontés à des tensions en raison de la sécheresse, et de tirer profit de l’organisation de la pénurie !

Mais revenons-en au contenu et à l’esprit du présent texte.

Comme je l’ai indiqué, la règle d’or dont il s’agit s’apparente plutôt à la loi d’airain de l’austérité sans limites, visant à accroître relativement le rendement de la fiscalité tout en jugulant la dépense publique, voire en la réduisant.

J’ai toutefois l’impression que l’application de cette règle d’or présente quelques faiblesses dès qu’il s’agit de s’attaquer au mur de l’argent et de mettre un peu plus à contribution, conformément aux principes fondateurs de notre République, ceux qui ont beaucoup, ceux qui ont tout, pour répondre aux attentes de ceux qui ont peu ou moins.

Cela fait quelque temps que, au travers de la norme « zéro » pour l’évolution des dépenses, du gel de la rémunération des fonctionnaires, de suppressions massives d’emplois ou de lois de programmation des finances publiques abrogées avant même d’avoir pu être appliquées, est mise en œuvre cette orthodoxie budgétaire que l’on nous promet plus stricte encore demain.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

M. le président de la commission des finances et M. le rapporteur général ne me contrediront pas sur ce point, …

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Après avoir parlé deux heures, ils ont déserté !

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

… les déficits se creusent et la dette publique ne cesse de croître et d’embellir !

Comment cela se peut-il, alors que tout est fait pour se plier au mode de gestion préconisé par Bruxelles ? L’explication est simple : les majorités parlementaires au pouvoir depuis neuf ans désormais, mais aussi certaines de celles qui les ont précédées, ont consacré des nuits et des nuits de discussion budgétaire à l’allégement des impôts, en priorité de ceux qui affectent les grands groupes industriels et commerciaux, les patrimoines les plus importants et les revenus les plus élevés.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Et ce sont ceux-là mêmes qui nous promettent la camisole de force pour les années à venir qui, la semaine prochaine, à l’occasion de l’examen d’un collectif budgétaire parfaitement scandaleux, vont supprimer près de 2 milliards d’euros annuels de belle et bonne recette fiscale, en divisant par deux le produit de l’ISF !

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Parler aujourd’hui de rigueur budgétaire pour tous, avant d’offrir demain des millions à ceux qui ont tout, c’est se moquer du monde ! C’est l’hôpital qui se moque de la charité !

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Les déficits publics résultent d’années de cadeaux fiscaux, marquées par des baisses de l’impôt sur les sociétés et de l’impôt sur le revenu, la multiplication des niches fiscales, la diminution puis la suppression de la taxe professionnelle, des allégements de cotisations sociales et une réduction de la fiscalité sur le patrimoine. Tout cela pour quels résultats ? On enregistre une croissance molle de 2 % au mieux, 2, 6 millions de chômeurs officiellement, 3 millions de travailleurs précaires, 3 millions de smicards et 1, 8 million d’allocataires du RSA – ces « salauds de pauvres » que d’intègres ministres veulent faire travailler gratuitement, au spécieux motif que la collectivité leur apporte une aide !

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Hier, grandes entreprises et ménages aisés payaient des impôts ; aujourd’hui, ils se nourrissent sans vergogne des intérêts de la dette publique et des largesses de l’État à leur égard. Les voilà, les vrais assistés : ceux qui ne peuvent investir sans défiscalisation, construire une usine sans aide à l’implantation et sans report de l’imposition sur les bénéfices !

Quand nous serons sortis de cette logique, peut-être pourrons-nous enfin sortir aussi du marasme budgétaire actuel, mes chers collègues ! En tout cas, cela ne sera pas possible sous le joug de Bruxelles et dans le carcan que ce projet de loi tend à nous imposer ! §

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Il reste dix minutes avant que je doive suspendre la séance pour les questions cribles thématiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Je salue la présence dans l’hémicycle de M. le président de la commission des lois. En revanche, je déplore l’absence du président et du rapporteur général de la commission des finances. Après nous avoir asséné leurs convictions, ils n’éprouvent manifestement pas le besoin d’écouter les orateurs de l’opposition, tant leur argumentation est imparable. Pour certains, le débat parlementaire consiste à se congratuler pendant deux heures, avant de s’en aller…

Il ne me semble pas digne que M. Chevènement ou moi-même prenions la parole dans ces conditions. Nos interventions sont sans doute si médiocres qu’elles ne méritent pas d’être écoutées, cependant, pour ma part, j’attends avec beaucoup d’intérêt d’entendre M. Chevènement, et je souhaite qu’il puisse au moins s’exprimer sereinement, sans être pressé par le temps en raison de la nécessité d’interrompre l’examen du présent texte pour les questions cribles thématiques. Madame la présidente, je propose donc que la séance soit suspendue dès maintenant.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour permettre les derniers préparatifs de la retransmission par Public Sénat, à partir de dix-sept heures, des questions cribles thématiques sur le suivi de la loi relative aux libertés et responsabilités des universités et de la politique universitaire française.

L’examen du projet de loi constitutionnelle relatif à l’équilibre des finances publiques reprendra à dix-huit heures.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à seize heures trente-cinq, est reprise à dix-sept heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

L’ordre du jour appelle les questions cribles thématiques sur le suivi de la loi relative aux libertés et responsabilités des universités, dite « LRU », et de la politique universitaire française.

L’auteur de la question et le ministre pour sa réponse disposent chacun de deux minutes. Une réplique d’une durée d’une minute au maximum peut être présentée soit par l’auteur de la question, soit par l’un des membres de son groupe politique.

Je rappelle que ce débat est retransmis en direct sur la chaîne Public Sénat et sera rediffusé ce soir sur France 3, en fin de programme.

Chacun des orateurs aura à cœur de respecter son temps de parole. À cet effet, des afficheurs de chronomètres ont été placés à la vue de tous.

La parole est à M. Ivan Renar.

Debut de section - PermalienPhoto de Ivan Renar

Quatre ans après le vote de la loi LRU, le bilan apparaît plus que contrasté, comme en témoigne le dernier rapport du comité de suivi.

Bien qu’ayant très peu pris en compte les réflexions des premiers acteurs de l’université, à savoir les enseignants-chercheurs, les` personnels et les étudiants, il confirme les analyses de ces derniers quant à l’incidence de la loi sur le paysage universitaire national, marquée en particulier par l’émergence de quelques pôles richement dotés parmi nombre d’établissements confrontés à une insuffisance de moyens financiers et humains.

Sans établir explicitement un tel constat, le comité de suivi s’interroge sur l’avenir des universités qui ne bénéficieront pas des crédits provenant des investissements d’avenir et dont le passage aux responsabilités et compétences élargies réduira les marges de manœuvre.

Je note que, lors de l’audition du président du comité de suivi, la plupart des sénateurs présents, toutes sensibilités politiques confondues, ont fait part de leur préoccupation concernant la pérennité des petites universités. Sauf changement majeur, celles-ci seront de plus en plus fragilisées.

Si la mise en exergue de l’excellence scientifique est, certes, recevable, on ne peut faire l’impasse sur la question du maillage territorial de l’enseignement supérieur.

Debut de section - PermalienPhoto de Ivan Renar

Quelles que soient ses origines sociales, chaque jeune doit pouvoir accéder à l’université, et donc prétendre à l’excellence scientifique.

Assurer l’égalité d’accès à l’enseignement supérieur suppose également de remédier à la précarisation croissante des personnels des universités. Faute de crédits suffisants, les moyens humains et l’emploi sont devenus la principale variable d’ajustement des budgets. La dégradation des conditions de travail n’est évidemment pas sans incidence sur la qualité de la recherche et des enseignements. Sur le terrain, les étudiants constatent l’augmentation des effectifs en séances de travaux dirigés ou le remplacement de ces cours en groupe restreint par des cours magistraux en amphithéâtre.

Les conditions de vie de la majorité des étudiants restent, par ailleurs, un problème crucial.

Madame la ministre, il y a urgence à revoir en profondeur la politique universitaire du pays, en concertation avec les acteurs de l’enseignement supérieur et de la recherche. Dans l’immédiat, comptez-vous prendre les dispositions nécessaires afin que l’ensemble des universités puissent disposer des moyens humains nécessaires pour mener à bien leurs missions ?

Applaudissements sur les travées du groupe CRC -SPG et du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche

Monsieur Renar, vous avez eu l’honnêteté de dire que le comité de suivi n’établissait pas explicitement le constat d’une inégalité entre les universités autonomes, constat qui n’est d’ailleurs pas conforme à la réalité.

En 2007, il n’y avait pas une université une et indivisible, qui aurait partout bénéficié des moyens nécessaires à son développement ; nous avons au contraire trouvé une université largement sous-dotée, avec des filières délaissées, cette situation étant due au fait qu’elle était jugée irréformable.

Depuis, la mise en œuvre de la loi LRU, instaurant l’autonomie des universités, a été accompagnée de moyens sans précédent. Ainsi, s’agissant de votre région, monsieur Renar, en quatre ans, les moyens de fonctionnement des universités de Lille 2, de Lille 3, de Lille 1, d’Artois et de Valenciennes ont augmenté respectivement de 56 %, de 23 %, de 18 %, de 23 % et de 19 %. En moyenne, les budgets de fonctionnement des universités ont connu une augmentation de 22 %, et ce sans qu’elles soient à aucun moment soumises à la règle du non-remplacement d’un fonctionnaire partant à la retraite sur deux, puisque tous les emplois universitaires ont été sanctuarisés. On sait d’ailleurs que, grâce aux nouveaux moyens liés à l’autonomie des universités, ce sont plus de 1 500 postes qui ont été pourvus, alors que la masse salariale correspondante avait jusque-là une autre destination.

Le bilan de la loi LRU, monsieur le sénateur, c’est donc moins de précarité, plus de moyens et un taux plus élevé de réussite pour les étudiants, comme le montre le rapport de M. Christian Demuynck, qui vient de m’être remis.

Debut de section - PermalienPhoto de Ivan Renar

Madame la ministre, je vous trouve bien optimiste, y compris s’agissant des universités du Nord-Pas-de-Calais !

Dans l’ensemble, l’université française ne se porte pas bien. Il faudrait écouter davantage les enseignants-chercheurs, les personnels des établissements, les étudiants.

La mise en œuvre de la loi LRU et le passage aux responsabilités et compétences élargies ont obligé les universités à opérer d’importants choix en matière de ressources humaines. Le transfert de la gestion de la masse salariale aux établissements, conjugué à la mise en œuvre d’une politique d’attribution sélective – et opaque – des financements, a entraîné la précarisation d’une frange croissante des personnels, notamment techniques et administratifs, mais également enseignants.

Une enquête nationale, menée conjointement par la quasi-totalité des organisations syndicales et associatives de ce secteur, évalue à 50 000 le nombre de travailleurs précaires exerçant au sein des organismes de recherche et des universités du pays, soit un quart de l’ensemble du personnel.

C’est une réalité, et là réside la faiblesse majeure des dispositifs que vous avez mis en place, madame la ministre. Il faudra bien, un jour, réformer la réforme…

Applaudissements sur les travées du groupe CRC -SPG. – Mme Marie-Christine Blandin applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Je me réjouis que nous débattions aujourd’hui du suivi de la loi LRU, qui a introduit une réforme que nous sommes nombreux à considérer comme l’une des plus importantes de la législature pour l’avenir de notre pays. Je souligne d’ailleurs que le groupe de l’Union centriste a contribué activement à son élaboration, puisque notre collègue Jean-Léonce Dupont en était le rapporteur. C’est donc aussi en son nom que je vous poserai ma question, madame la ministre, question qui me permettra de relayer une préoccupation qui nous taraude tous, celle de l’insertion professionnelle des jeunes diplômés de l’université.

La loi LRU a encouragé les universités à s’investir davantage dans ce domaine. Elle leur a clairement confié une mission « d’orientation et d’insertion professionnelle des étudiants » et leur a fait l’obligation de créer des bureaux d’aide à l’insertion professionnelle des étudiants.

Aujourd’hui, dresser un premier bilan s’impose. Nous souhaiterions ainsi disposer de données nous permettant de mesurer le chemin parcouru et, parallèlement, d’éclairer l’horizon.

À cet effet, madame la ministre, pouvez-vous préciser comment cette mission est concrètement assurée par les universités et quels en sont les résultats ?

Pouvez-vous en outre évaluer dans quelle mesure elle se traduit dans l’adaptation de l’offre de formations des universités ?

Pouvez-vous mesurer les effets de l’« orientation active » et de la réforme de la licence sur les décisions des jeunes en matière de formation ?

Enfin, d’intéressantes enquêtes sur l’insertion professionnelle des étudiants issus de formations professionnalisantes ont été réalisées, mais, comme mon collègue l’avait déjà relevé à la fin de 2010, elles retiennent pour critère l’insertion trente mois après l’obtention du diplôme, délai qui peut rendre la corrélation quelque peu ténue. De nouvelles enquêtes, portant cette fois sur les autres formations et comportant d’autres critères, ont-elles été réalisées ou sont-elles envisagées ?

Nous insistons, madame la ministre, sur l’importance de ces questions, notre objectif, que je sais partagé, étant que le système universitaire débouche effectivement sur l’emploi et réponde au mieux aux préoccupations exprimées par les jeunes et par leurs familles, ainsi qu’aux besoins de notre pays.

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

Madame Morin-Desailly, je vous remercie tout d’abord de votre soutien inébranlable à la cause de la réforme.

L’introduction dans la loi LRU de l’insertion professionnelle en tant que troisième mission de l’université, à côté de la formation et de la recherche, a en effet été un tournant. C’est même une véritable petite révolution culturelle qui a eu lieu dans les universités.

Une partie des nouveaux moyens accordés aux universités autonomes a été utilisée pour mettre en place des bureaux d’aide à l’insertion professionnelle. Parallèlement, dans tous les cursus universitaires, on a vu apparaître de nouveaux modules de professionnalisation.

Je considère que la barrière qui avait été artificiellement dressée entre enseignement général, à vocation purement académique, et enseignement professionnel n’a plus de sens aujourd'hui : le diplôme doit déboucher sur un métier.

La première enquête nationale sur l’insertion professionnelle des jeunes diplômés fait apparaître, pour les titulaires d’un master, un taux d’insertion professionnelle de 91, 4 %. Il est vrai qu’il s’agit du taux constaté trente mois après la sortie de l’université, mais, si nous avons retenu ce délai, c’était tout simplement pour gommer l’« effet crise » : cette première enquête ayant été réalisée en plein milieu de la crise de 2008, il fallait éviter tout biais lié au contexte économique, pour que les résultats reflètent la qualité réelle des diplômes.

Nous allons poursuivre ces enquêtes, en les faisant porter sur les étudiants de licence ou sortant des instituts universitaires de technologie, afin de disposer de tous les chiffres qui permettront aux jeunes de s’orienter dans les meilleures conditions d’information.

De ce point de vue, la réforme a porté ses fruits : le nombre d’élèves de terminale demandant en premier vœu une inscription à l’université a augmenté de 16 % en deux ans ! C’est la preuve de l’attractivité retrouvée de l’université française, liée aussi à une nouvelle attitude à l’égard de l’insertion professionnelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Je vous remercie, madame la ministre, des précisions et des chiffres que vous venez de m’apporter.

Bien que les études de médecine relèvent plutôt du ministère de la santé, je veux profiter de cette occasion pour vous faire part de notre consternation devant l’annulation, le 1er juin dernier, de la première épreuve de lecture critique d’article, du fait de plusieurs erreurs dans le sujet, annulation confirmée l’après-midi, après une longue attente et dans la confusion.

Je me fais ainsi le relais du mécontentement des étudiants en médecine de mon département, qui acceptent mal de devoir repasser cette épreuve aujourd’hui même.

Nous espérons, madame la ministre, que le Gouvernement saura tirer les conséquences de cette situation, analyser les causes de ces erreurs et assumer sa part de responsabilité.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

Madame la ministre, je ne conteste ni l’autonomie accordée aux universités, sous réserve qu’elle reste une autonomie de service public, ni la politique de rapprochement entre les universités.

Toutefois, il existe une contradiction entre l’objectif de resserrement de la gouvernance de la loi LRU et la politique de regroupement au titre des pôles de recherche et d’enseignement supérieur – les PRES –, voire de fusion entre les universités, mise en œuvre par votre ministère.

L’effectif des conseils d’administration est plafonné à trente membres, dont quatorze enseignants-chercheurs au maximum. Dans le même temps, les fusions d’universités, à Strasbourg, à Aix-Marseille ou en Lorraine, créent des ensembles pouvant regrouper 40 000 étudiants, voire 70 000.

Quant aux PRES, leur mise en place alourdit inévitablement les circuits de décision, alors que le rapport de la Cour des comptes du mois de février dernier met l’accent sur la modestie des résultats obtenus jusqu’à présent. Ne faut-il pas revaloriser les autres conseils, qu’il s’agisse des conseils scientifiques ou des CEVU, les conseils des études et de la vie universitaire ?

Une centralisation excessive peut aussi résulter de la politique de regroupement universitaire : il semble qu’elle vise, avant tout, à faire émerger une dizaine de grandes universités d’excellence, capables de rivaliser un jour, dans le classement de Shanghai, avec les universités anglo-saxonnes.

Or j’observe que, dans ce classement, émergent des universités assez petites au regard du nombre de leurs étudiants, mais caractérisées par un nombre élevé de doctorants, s’élevant à plusieurs milliers.

Cela m’amène à m’interroger sur deux points.

En premier lieu, dans le processus de regroupement que vous avez engagé, ou plutôt laissé s’engager, les petites universités, y compris de technologie, comme celles de Belfort-Montbéliard ou de Troyes, ne risquent-elles pas de rester à l’écart ? Y a-t-il une sorte de « laisser-faire » en la matière ou, au contraire, une doctrine d’ensemble ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

Par exemple, du fait de sa proximité avec Paris, l’université de technologie de Compiègne a choisi de se rapprocher de l’université Paris VI. Votre ministère aurait pu privilégier la création d’une grande université de technologie française, regroupant les trois établissements existant actuellement. Ce n’est pas le choix qui a été fait.

En second lieu, la France n’a-t-elle pas besoin d’un grand pôle d’ingénierie, particulièrement la France du Nord-Est, de vieille tradition industrielle, des groupes comme Peugeot, Faurecia, Alstom ou General Electric demeurant ancrés dans ma région ? Comme l’a souligné le rapport de la Cour des comptes, il reste à construire une stratégie territoriale.

Applaudissements sur les travées du RDSE.

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

Monsieur le sénateur, je vais vous rassurer : le Gouvernement travaille à l’élaboration de la stratégie territoriale, sur le fondement notamment des travaux menés, région par région, par l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur, dont les conclusions ont été transmises à tous les élus. Ceux-ci pourront ainsi prendre pleinement conscience tant des atouts économiques, scientifiques, technologiques et de formation de leur région que de ses failles ou de ses carences, l’objectif étant d’essayer de définir, avec tous les acteurs locaux, une stratégie régionale et territoriale.

Cela étant, l’autonomie des universités doit être respectée jusqu’au bout. Vous avez regretté que j’aie laissé l’université de technologie de Compiègne s’allier avec une grande université scientifique parisienne, au lieu de choisir de regrouper les universités de technologie de notre pays. Mais, monsieur le sénateur, c’est cela l’autonomie ! Je ne marie personne de force ! J’essaie non pas de créer de grandes universités, mais de recoller les morceaux de ce qui a été cassé après mai 68.

Aujourd'hui, une bonne recherche, une bonne formation est pluridisciplinaire. À titre d’exemple, la recherche sur la maladie d’Alzheimer doit rassembler des chercheurs dans les domaines de l’économie, de la santé, du droit, de l’éthique, des sciences humaines, des sciences sociales : tous ces chercheurs doivent être présents dans l’université moderne.

Les universités françaises offrent des formations de premier cycle, alors que de nombreuses grandes universités de recherche étrangères ne dispensent leurs enseignements qu’à partir du second cycle : c’est la raison pour laquelle elles comptent beaucoup moins d’étudiants. Ces deux modèles sont tout à fait différents.

La qualité de nos premiers cycles doit être améliorée : c’est tout l’objet de la nouvelle licence que nous présenterons d’ici à l’été. Par ailleurs, les bonnes universités, bien placées dans les classements internationaux, possèdent de belles grandes écoles doctorales faisant appel à de nombreuses disciplines.

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

Des universités de tous les savoirs, voilà ce que le Gouvernement souhaite pour notre pays.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Jean-Pierre Chevènement, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

Je suis infiniment respectueux de l’autonomie des universités, mais, comme je l’ai précisé, ce doit être une autonomie de service public. Je ne suis pas partisan du laisser-faire : ce n’est pas parce que l’université de Compiègne veut se rapprocher de l’université Paris VI que les synergies et la culture commune rassemblant les trois universités de technologie du pays doivent être passées par pertes et profits.

Madame la ministre, les régions sont très inégales. J’aurais souhaité que vous répondiez à ma question sur la constitution d’une filière d’ingénierie dans le grand Nord-Est industriel, mais le couperet du temps de parole tombe sur votre tête comme sur la mienne…

Applaudissements sur les travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Legendre

La loi du 10 août 2007 a enfin donné aux universités la liberté et les moyens de construire et de conduire une vraie stratégie de formation et de recherche. Le groupe UMP du Sénat a souhaité vous interroger, madame la ministre, sur cette réforme, dont le succès est désormais salué sur toutes les travées de cet hémicycle.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Legendre

Quatre ans après le début de la réforme, il nous a semblé nécessaire d’en dresser le bilan et d’en dessiner les prochaines étapes.

Avec l’autonomie, ce sont bien les établissements d’enseignement supérieur et de recherche qui ont été mis au centre de notre projet politique.

Mobiliser chaque membre de la communauté universitaire autour d’un véritable projet d’établissement, offrir à tous nos étudiants une formation de qualité et de véritables perspectives professionnelles, développer une réelle stratégie de recherche et de partenariats : tels ont été les objectifs de la réforme des universités que la majorité, madame la ministre, a soutenue à vos côtés. J’associe à mes propos M. Jean-Léonce Dupont, qui avait rapporté le texte mais n’a pu être présent aujourd’hui.

Parallèlement, vous avez souhaité accélérer la politique de regroupement instaurée en 2006 par la loi de programme pour la recherche, qui a permis la création des pôles de recherche et d’enseignement supérieur.

Cette coopération entre établissements et organismes de recherche se poursuit et s’amplifie aujourd’hui avec les investissements d’avenir. Madame la ministre, comment ces évolutions fortes du paysage de l’enseignement supérieur et de la recherche s’articulent-elles ? Les politiques de regroupement, les investissements d’avenir viennent-ils soutenir l’autonomie des universités ?

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

L’autonomie donne aux universités la compétence pour gérer leur propre budget, pour assumer à la fois la liberté et la responsabilité que cela suppose.

Il fallait le socle de l’autonomie pour pouvoir construire. Sur ce socle, nous avons bâti un certain nombre de dispositifs, tels le plan « Réussir en licence », le plan d’aide aux jeunes chercheurs, le plan de rapprochement entre l’université et le secteur privé, le plan Campus.

Puis est venue la décision visionnaire du Président de la République

Marques d’ironie sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

L’autonomie, c’est bien sûr l’émulation, mais c’est aussi la coopération entre les universités. Dans votre région, les petites universités de proximité, celles du littoral, de l’Artois ou de Valenciennes, se sont alliées avec les trois grandes universités de la métropole lilloise pour former le PRES Lille-Nord de France, qui, à lui seul, a réussi à construire des projets fortement porteurs d’emplois et d’espérance : citons le projet Railenium, concernant les transports de demain, un laboratoire d’excellence sur le diabète, l’obésité et la nutrition, ou encore le projet d’institut des énergies décarbonées, devant travailler sur les nouveaux plastiques naturels.

Mettre la technologie au service de l’emploi représente de grands espoirs pour toutes les régions.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Jacques Legendre, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Legendre

Force est de le constater, les anciens comportements demeurent ancrés dans de nombreux esprits. On attend encore l’intervention de l’État en matière d’aménagement du territoire.

Nous devons adopter les nouvelles pratiques, comme les concours internationaux, qui doivent contribuer au dynamisme de nos universités et leur donner toutes leurs chances, et non pas aggraver les inégalités.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Madame la ministre, en 2007, lors de l’élaboration de la loi LRU, je vous avais interpellée sur le manque d’ambition et de lisibilité d’un texte qui se limitait à la question de la gouvernance, alors qu’il aurait fallu commencer par fixer les objectifs d’une loi pluriannuelle, au premier rang desquels la lutte contre l’échec en premier cycle, afin de pouvoir déterminer ensuite la gouvernance la mieux adaptée pour les atteindre.

Vous n’aviez alors rien voulu entendre. Aujourd’hui, allez-vous écouter la Cour des comptes, qui vient de constater un certain nombre de contradictions et d’imprécisions en matière de gouvernance, votre thème de prédilection ?

Par exemple, la Cour des comptes relève que la loi LRU, devant conduire les universités à une plus grande autonomie, a été appliquée en contradiction avec la création des pôles de recherche et d’enseignement supérieur, qui pour leur part doivent permettre d’organiser une gestion concertée des filières et des stratégies par l’ensemble des acteurs universitaires.

Cette tension entre deux impératifs qui se sont opposés au lieu de s’harmoniser a provoqué des retards dans la mise en place des PRES dans certaines régions, par exemple en Aquitaine ou à Paris-Sud.

Madame la ministre, cette situation est due au fait que vous avez continué à considérer l’autonomie comme devant mener à une concurrence sauvage entre universités, et non à une gestion concertée d’universités autonomes, dotées de moyens réels, au sein des PRES.

Au-delà de ce constat, il est urgent d’y voir plus clair. Quelle simplification comptez-vous opérer entre tous les dispositifs existants ? Il n’y a, et c’est essentiel, aucune subsidiarité entre les différents ensembles institués : songez-vous à l’établir, et sur quelles bases ?

Vous ne cessez d’affirmer que nos universités doivent être « visibles à l’international » ; pour cela, il faudrait d’abord qu’elles soient lisibles sur le plan national !

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

Mme Valérie Pécresse, ministre. Monsieur Assouline, venez avec moi sur le terrain !

M. David Assouline rit.

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

En 2007, la France comptait 85 universités et 225 écoles ; aujourd'hui, on dénombre 18 pôles de recherche et d’enseignement supérieur, qui ont été habilités, sur l’initiative du Sénat, à délivrer des diplômes de master et de doctorat.

Une logique de solidarité entre universités est en marche. Nous avons réconcilié les universités de Nancy et de Metz, qui vont fusionner au sein de l’université de Lorraine, ainsi que celles d’Aix et de Marseille, qui vont fusionner dans l’université de la Méditerranée. Les universités de Strasbourg se sont également regroupées, de même que les quatre universités de Bordeaux. Aucune ville universitaire n’échappe à ce mouvement extraordinairement bénéfique, pas même la capitale, où les forces universitaires se rassemblent aujourd’hui par le biais d’un certain nombre d’alliances. Ainsi, grâce au PRES Sorbonne Paris Cité, l’université de Paris XIII Villetaneuse fait maintenant partie de la communauté universitaire de Paris intra muros.

Nous avons promu, en même temps que l’autonomie, cette forte logique d’alliance. Je ne vois pas pourquoi l’autonomie éteindrait l’envie de se marier !

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. David Assouline, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

M. David Assouline. Madame la ministre, vous noyez le poisson !

Exclamations sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Vous semblez considérer que nous sommes opposés aux PRES, alors que nous avons fortement encouragé les logiques de convergence territoriale dans les nombreuses régions que nous gérons. Vous n’avez pas tout fait !

J’ai pointé un problème, mis en lumière par la Cour des comptes, s’agissant de l’harmonisation de l’autonomie des universités et de la nécessaire collaboration entre tous les acteurs d’un territoire.

Votre politique est un échec dans ce domaine. L’enseignement supérieur et la recherche devront absolument être revalorisés, comme nous le proposerons en 2012. En effet, notre pays ne peut se satisfaire d’un tel taux d’échec en premier cycle ! On ne peut pas prétendre, comme vous le faites, que tout va bien…

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

La recherche, tant fondamentale qu’appliquée, doit être notre atout maître dans la compétition mondiale.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Nous consacrerons à cette ambition tous les moyens nécessaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Demuynck

Madame le ministre, le Président de la République vous a confié l’une des réformes les plus importantes du quinquennat : celle de l’autonomie des universités. Cette réforme ambitieuse, vous l’avez menée avec succès puisque, au 1er janvier 2011, 90 % des universités françaises étaient devenues autonomes.

Pour accompagner cette réforme et permettre aux universités de réussir leur passage à l’autonomie, l’État a mis en œuvre d’importants moyens : les budgets des universités ont augmenté de 22 % en quatre ans, et ce en période de crise. C’est vous qui avez accompli cela, madame le ministre !

L’université française a ainsi retrouvé toute sa place dans la compétition mondiale de l’intelligence. Les universités sont devenues maîtresses de leurs projets pédagogiques et de leurs projets de recherche. Elles sont désormais des acteurs incontournables de nos territoires. L’autonomie est un acquis qui profite à tous.

Pourriez-vous nous indiquer, madame le ministre, quels sont les bénéfices concrets de l’autonomie pour les usagers de l’enseignement supérieur, à savoir les enseignants-chercheurs, les étudiants et les personnels ?

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

Monsieur le sénateur, le premier des bénéfices de l’autonomie est mis en exergue par le rapport que vous venez de me remettre : la baisse du taux d’échec des étudiants en premier cycle.

Je rappelle en effet que 50 % des jeunes bacheliers échouaient lors de leur première année à l’université. Toutefois, comme le montre bien votre rapport, toute une série de dispositifs d’aide aux étudiants ont été mis en place depuis le lancement, en 2007, du plan Réussir en licence, doté de 730 millions d'euros. Je pense notamment aux heures de tutorat, aux professeurs référents, à l’accompagnement personnalisé, aux cours numériques et, surtout, à la réorientation à la fin du premier semestre.

Cette réorientation est une réussite, comme en témoignent les premiers chiffres disponibles, fournis par votre rapport : 20 % seulement des bacheliers français ayant décidé de poursuivre leurs études quitteront le système d’enseignement supérieur sans diplôme. Ce taux d’échec est le plus faible de tous les pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques, l’OCDE.

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

On a l’habitude, en France, de battre sa coulpe en s’accusant de tous les échecs, mais, en l’occurrence, il s’agit d’un succès : celui de l’université française, qui, devenue autonome, a décidé d’aider les jeunes en situation d’échec à se réorienter vers des filières professionnelles leur convenant mieux.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Pierre Signé

Il faut faire la même chose pour l’école primaire !

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

En ce qui concerne les personnels, l’autonomie a également été très efficace, puisqu’elle a permis de mettre en place une vraie gestion des ressources humaines universitaires, avec de vraies indemnités, de vraies primes pédagogiques, de vraies primes scientifiques. Par exemple, l’université Aix-Marseille 1 a mis en place 16 000 heures de tutorat individuel, appuyé par des outils numériques, pour les étudiants de licence ; à l’université Paris-Descartes, une enveloppe indemnitaire de 500 000 euros a été mobilisée, et le nombre de bénéficiaires de la prime d’excellence scientifique a augmenté de 30 % ; à l’université Nancy 1, les primes accordées aux personnels BIATOSS –bibliothécaires, ingénieurs, administratifs, techniciens, ouvriers de service et de santé – ont augmenté de 13 %.

L’autonomie, c’est donc des moyens supplémentaires et une nouvelle gestion des ressources humaines au bénéfice des personnels.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Christian Demuynck, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Demuynck

Je vous remercie de votre réponse, madame le ministre.

Il est bon de faire de tels rappels, car l’opinion de notre collègue David Assouline est malheureusement trop répandue dans notre pays. Ce ne sont pas 50 % des jeunes qui échouent à l’université, mais seulement 20 %. Ce taux fait de nous, il faut le dire et même le crier, les meilleurs de l’OCDE en matière de réorientation et de lutte contre le décrochage.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Demuynck

Je souhaite donc vous féliciter, madame le ministre, du courage dont vous avez fait preuve en promouvant cette réforme. Confrontée aux grèves de 2007 et de 2009, vous n’avez pas cédé.

J’ai eu l’occasion, grâce à la mission que vous m’avez confiée, de rencontrer des professeurs, des présidents d’université, des étudiants qui m’ont dit combien ils étaient désormais attachés à cette autonomie, …

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Demuynck

… qui a permis de mettre en place un certain nombre de dispositifs d’aide aux étudiants.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Vous ne lui demandez pas de conclure, monsieur le président ?

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Demuynck

Je vous adresse mes félicitations, madame le ministre. Je suis persuadé que, grâce à ces mesures, nos universités seront bientôt au faîte de l’excellence mondiale !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

Madame la ministre, la loi LRU a ouvert le chantier enthousiasmant, mais risqué entre les mains de l’actuel gouvernement, de l’autonomie des universités.

Les risques étaient d’autant plus importants que les priorités énoncées, à savoir la mise en concurrence, la compétitivité à l’échelle internationale et la promotion de recherches débouchant sur des innovations brevetables, mettaient en cause l’aménagement du territoire, les disciplines considérées comme non « rentables », l’accès de tous à l’enseignement supérieur, l’attention portée aux premières années d’études.

Les responsabilités et compétences élargies des universités en matière de patrimoine, l’État leur transférant la pleine propriété des biens et leur permettant de disposer des ressources issues de leur vente, ne sont pas sans rappeler, pour les représentants des collectivités territoriales que nous sommes, le transfert à celles-ci d’un patrimoine qui, du fait d’une gestion de pénurie, n’était que vétusté, problèmes de sécurité ou de contamination par l’amiante et gouffres énergétiques.

En matière de ressources humaines, l’élargissement de leurs responsabilités donne aux universités toute latitude pour recruter, sous CDD ou CDI, des administrateurs, des chercheurs, des enseignants, pour fixer les rémunérations et pour créer des primes d’intéressement. S’il n’existe certes pas encore, entre les universités, de marché des transferts comparable au mercato qui agite les clubs de football, le risque est réel que les universités n’en arrivent à de telles pratiques, d’autant qu’il s’agit d’un système à deux vitesses, les modes de contractualisation différant selon que l’université dégage ou non des marges budgétaires, selon qu’elle relève ou non d’un projet retenu au titre du programme d’investissements d’avenir.

Cela étant, les universités doivent transmettre à leur ministère de tutelle des informations sur leur pilotage financier et patrimonial. Quatre ans après l’adoption de la loi LRU, je souhaiterais donc, madame la ministre, que vous nous éclairiez sur l’évolution globale du patrimoine des universités concernées. Comment leurs conseils d’administration se sont-ils emparés de l’ingénierie ? Comment ont-ils acquis les compétences leur permettant de mettre en œuvre une gestion salariale anticipatrice – je pense notamment à la prévision du glissement vieillesse-technicité –, mais également juste, afin que les revalorisations, dues ou choisies, ne soient pas financées par la suppression de postes dans les filières moins attractives ou aux dépens de la pérennité des équipes ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

Comment se répartissent les emplois entre postes de fonctionnaires, CDD et CDI ? Enfin, quelle est l’échelle des salaires pratiqués pour les enseignants-chercheurs ?

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

Madame la sénatrice, il me sera difficile de répondre à toutes vos questions en deux minutes, mais je me ferai un plaisir de vous transmettre une réponse écrite plus complète.

Vous nous reprochez d’avoir fondé notre réforme sur la concurrence. Mais la concurrence s’impose à nous : elle est désormais mondiale, et s’est étendue, au-delà de l’économie, à la formation. Dans ce contexte, la réforme instaurant l’autonomie a sauvé l’université française du déclin. Voilà ce que nous avons accompli, madame Blandin, avec les acteurs de l’université, qui ont saisi cette occasion pour réaliser de très belles choses dans leurs établissements. Nous en avions besoin !

En ce qui concerne l’évolution de l’emploi dans les universités, je vais vous décevoir : il n’a jamais été autant sécurisé !

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

En effet, les universités ont désormais la possibilité de gérer elles-mêmes leurs ressources humaines. Nous avons créé des comités techniques paritaires, dans lesquels siègent des représentants de toutes les organisations sociales, celles-ci pouvant désormais faire un bilan social du fonctionnement de leur université.

Des données rendues publiques récemment indiquent que le nombre de titularisations a augmenté de 13 % depuis 1999.

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

Parce que ce sont des statistiques sur une période de dix ans.

Contrairement à vous, madame Blandin, je suis favorable au développement du recours aux CDD dans les universités, car s’il faut sécuriser les emplois permanents, il faut aussi ouvrir l’université française aux personnalités issues du monde socioprofessionnel, aux étrangers, donc à des intervenants contractuels.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

Nous avons pu constater cette ouverture lorsqu’un directeur régional d’EDF a été nommé président d’une université…

Pour ma part, je ne confonds pas concurrence mondiale en matière d’innovation et coopération dans la production de connaissances.

Par ailleurs, s'agissant de la masse salariale, une note de la direction des affaires financières du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche en date du 30 juin 2010 nous apprend que si « les crédits du budget principal » – investissement, masse salariale, etc. – « sont limitatifs au niveau des enveloppes », ce qui pourrait nous rassurer, « le conseil d’administration a la possibilité de modifier cette limite tout au long de l’année, dans le sens qu’il souhaite ». Voilà ce qui nous inquiète : s’il faut demain chauffer davantage de salles, les crédits nécessaires pourront provenir de suppressions de postes.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Adnot

Madame la ministre, avec nombre de mes collègues, j’ai soutenu l’excellente réforme que vous avez menée.

Ma question porte sur la valorisation des biens transférés par France Domaine.

Le passage d’un État propriétaire à des universités propriétaires constitue une occasion à saisir pour conforter l’autonomie des établissements. Néanmoins, l’extrême complexité du paysage immobilier universitaire et la persistance jusqu’à ce jour d’incertitudes sur les modalités précises de la dévolution sont sources de préoccupation.

Je souhaite insister ici sur les évaluations du patrimoine immobilier des universités réalisées par France Domaine.

En effet, la valorisation des biens transférés constitue un enjeu essentiel, dans la mesure où les établissements ont ensuite vocation à intégrer dans leur bilan la valeur vénale de leur patrimoine. Surtout, cette dernière détermine le montant des dotations aux amortissements des biens reçus.

Or, dans le cadre de la mission de contrôle que j’ai effectuée en juin 2010, avec mon collègue Jean-Léonce Dupont, en ma qualité de rapporteur spécial de la mission « Recherche et enseignement supérieur », j’ai souligné le caractère plus qu’incertain et incomplet des valorisations effectuées par France Domaine : qualité variable des évaluations d’une région à l’autre, méthodes imprécises, estimations souvent aléatoires et parfois manifestement en deçà de la réalité.

Ma question est donc la suivante : un effort de fiabilisation du travail de valorisation effectué par France Domaine a-t-il été mené depuis lors ? C’est seulement à cette condition que les universités pourront apprécier la valeur réelle de leur patrimoine et, surtout, corriger d’éventuelles erreurs.

Cet effort de fiabilisation et de transparence est d’autant plus essentiel que certaines universités peinent à obtenir le détail de l’évaluation de leur patrimoine réalisée par France Domaine. Il est une nécessité, dans l’intérêt de l’État comme dans celui des universités, qui doivent pouvoir disposer d’une évaluation correcte de leur patrimoine dans l’optique de la rationalisation à venir de leur parc immobilier.

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

À l'évidence, la question, qui vous est chère, monsieur le sénateur, du transfert aux universités de la propriété de leur patrimoine est tout à fait essentielle. En effet, un établissement qui est propriétaire de son patrimoine et qui peut l’entretenir et le rénover, grâce aux moyens accordés par l’État sur cinq ans, est en mesure de prendre des décisions stratégiques, par exemple pour améliorer la vie étudiante, les laboratoires ou l’organisation des cours, en fonction des bâtiments disponibles.

Il est vrai que la question de l’évaluation des biens immobiliers par France Domaine continue à faire couler beaucoup d’encre, car on n’est jamais sûr que ceux-ci soient estimés à leur juste valeur. Nous menons d'ailleurs avec les universités de grandes négociations sur ce point, mais aussi sur l’évaluation du coût de l’amortissement des bâtiments.

Nous sommes donc très attachés à ce que cette évaluation soit le plus fiable possible. Dans votre sagesse, vous avez demandé, mesdames, messieurs les sénateurs, que les comptes des universités soient certifiés chaque année par un commissaire aux comptes, ce qui permettra de disposer d’une valeur authentifiée des biens immobiliers.

Pour l’instant, trois universités ont accédé – sur leur demande, parce qu’il s'agit d’une démarche volontaire – à la propriété de leur patrimoine immobilier : Clermont-Ferrand 1 et Toulouse 1, qui ont reçu des patrimoines d’une valeur de 111 millions et de 105 millions d'euros respectivement, et l’université de Poitiers, à laquelle un patrimoine de 220 millions d'euros sera bientôt transféré. Nous sommes également en négociation avec l’université Pierre-et-Marie-Curie de Jussieu, dont le patrimoine, situé dans l’un des plus beaux quartiers de Paris, vaudrait, selon les estimations, entre 800 millions et 1 milliard d'euros.

Vous le voyez, il s’agit de dotations importantes, qui donneront une véritable assise financière aux universités, leur permettant de définir leur propre stratégie. Nous veillerons à la fiabilisation des évaluations.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Adnot

Madame la ministre, vous avez évoqué la certification des comptes. Or j’assistais récemment au conseil d’administration d’une université au cours duquel les commissaires aux comptes ont déclaré ne pas pouvoir se prononcer, dans la mesure où ils ne disposaient pas des éléments fondant l’évaluation du patrimoine réalisée par France Domaine. Dans ces conditions, la certification de la valeur des immobilisations n’est pas possible.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Nous en avons terminé avec les questions cribles thématiques sur le suivi de la loi relative aux libertés et responsabilités et de la politique universitaire française.

Avant d’aborder la suite de l’ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-sept heures cinquante, est reprise à dix-huit heures cinq, sous la présidence de Mme Monique Papon.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Nous reprenons la discussion du projet de loi constitutionnelle, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à l’équilibre des finances publiques.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Bernard Frimat.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, j’ai écouté la longue suite d’interventions qui nous ont été délivrées cet après-midi au nom de la maîtrise des dépenses publiques et des bienfaits de l’équilibre budgétaire. J’ai enregistré la sévérité avec laquelle était jugé l’état de nos finances publiques par ceux qui en assument depuis si longtemps la responsabilité.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Quel double aveu d’échec et d’impuissance l

Ainsi, chaque année, avec une assurance…

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

… qui ne laissait jamais place au doute, le rapporteur général nous aurait asséné doctement des certitudes concernant la qualité de la loi de finances et aurait développé les multiples raisons qui, selon lui, militaient en faveur de la politique budgétaire choisie par le Gouvernement pour en arriver là !

Ainsi, vous, chers collègues de la majorité, qui, tout en les condamnant verbalement, avez approuvé par vos votes nombre de niches fiscales, allant parfois jusqu’à en inventer de nouvelles très ciblées et très spécifiques, vous venez aujourd’hui sonner le tocsin et appeler à votre secours une révision constitutionnelle supposée devoir mettre fin à ces errements !

Le débat n’est pas aujourd’hui entre partisans et adversaires de l’équilibre budgétaire, entre tenants de la maîtrise des dépenses publiques et adeptes du déficit systématique, entre professeurs de vertu budgétaire, saisis par un remords tardif, et théoriciens du déséquilibre. Il s’agit simplement de savoir si la révision constitutionnelle proposée est la réponse adaptée à la dégradation de nos finances publiques, dans le respect des pouvoirs respectifs du Parlement et du Gouvernement. Nous croyons qu’il n’en est rien.

En dépit, monsieur le président de la commission des lois, d’un désaccord profond sur la révision constitutionnelle, et donc sur vos propositions, je tiens à saluer la qualité juridique de votre travail. Vous avez souhaité débarrasser le texte de l’Assemblée nationale des scories juridiques que constituent les articles 2 bis et 9 bis. En refusant d’accepter ces lapalissades constitutionnelles qui consistent en substance à affirmer que le Conseil constitutionnel doit déclarer contraire à la Constitution ce qui est contraire à la Constitution, vous permettez au Sénat d’éviter de sombrer dans le ridicule !

Je vous sais gré de votre audace, même si elle vient perturber le compromis boiteux élaboré à l’Assemblée nationale au sein de la majorité pour fermer les yeux, momentanément, le temps du débat parlementaire, sur une irrecevabilité à condition de pouvoir s’assurer qu’ultérieurement l’inconstitutionnalité sera déclarée.

Les raisons qui nous conduisent à refuser cette révision constitutionnelle sont nombreuses. Nicole Bricq et Yves Daudigny y reviendront tout à l’heure. Je souhaite, en ce qui me concerne, évoquer les rôles respectifs du constituant, de la majorité et du Conseil constitutionnel.

Si les conditions d’adoption d’une loi de révision de la Constitution sont plus sévères que celles qui sont requises pour les lois ordinaires ou organiques – une majorité des trois cinquièmes est nécessaire –, c’est parce que la Constitution est la loi fondamentale qui s’impose à toutes les autres lois. Or, par le renvoi systématique à la loi organique pour préciser les conditions d’application des principes constitutionnels, le constituant abandonne son pouvoir à la majorité du moment, tout en laissant au Conseil constitutionnel, obligatoirement saisi, le soin de décider si la loi organique correspond ou non aux principes posés par la Constitution, et ce sans aucune garantie quant au respect de l’esprit qui a animé le constituant.

Le risque de transformer de facto le Conseil constitutionnel en constituant est évident. Or ce n’est en aucune façon son rôle, même si cela peut être pour lui une tentation récurrente. Des exemples récents ne laissent aucun doute sur cette dérive.

Ainsi, la révision constitutionnelle proposée par le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin a affirmé l’organisation décentralisée de la République et mis au cœur de la discussion le titre XII de la Constitution, consacré aux collectivités territoriales. Vous vous souvenez sans doute, mes chers collègues, de nos débats d’alors, et, sur ce thème, des sujets qui nous ont rapprochés ou séparés. Nous nous sommes accordés, sur toutes les travées du Sénat, pour affirmer qu’aucune collectivité territoriale ne pouvait exercer une tutelle sur une autre et que, dans cette perspective, toutes devaient bénéficier de l’autonomie financière.

En réalité, la loi organique votée par la majorité a tordu le cou au principe d’autonomie financière, qui, avec l’aval du Conseil constitutionnel, se trouve réduit de fait à la seule faculté, pour les collectivités territoriales, d’affecter librement des ressources octroyées.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Si vous relisez les débats parlementaires sur cette révision constitutionnelle, vous constaterez que, à aucun moment, une telle issue n’avait été envisagée par le constituant. L’esprit de la révision n’a pas été respecté.

Le même scénario s’est répété en ce qui concerne le droit d’amendement, lors de la révision de 2008. Celui-ci, nous dit la Constitution dans son article 44, s’exerce selon les conditions fixées par les règlements des assemblées dans le cadre déterminé par une loi organique. Quelles assurances ne nous a-t-on pas données, dans le débat constitutionnel, sur le fait que cette formulation ne ferait courir aucun risque au droit d’amendement, qui était imprescriptible et constituait l’essence même de la fonction de parlementaire !

Là encore, la loi organique, toujours avec l’aval du Conseil constitutionnel, permet de restreindre le pouvoir des parlementaires. C’est le règlement du Sénat, mes chers collègues, qui, grâce à un travail commun et non partisan, a sauvé l’essentiel. C’est pourquoi le Sénat est resté la chambre où l’on débat démocratiquement, ce qui n’est, hélas, pas toujours le cas à l’Assemblée nationale. En l’espèce, c’est notre règlement qui nous protège des dangers potentiels de la loi organique.

En conséquence, vous comprendrez notre méfiance devant une révision qui, après avoir créé les lois-cadres d’équilibre des finances publiques, renvoie à la loi organique le soin d’en préciser le contenu.

De quelles garanties disposons-nous sur le contenu réel de la loi organique ? Il n’y en a aucune ! Vous nous demandez donc un chèque en blanc, ce qui ne manque pas d’humour quand on veut maîtriser les dépenses publiques…

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

De plus, le Conseil constitutionnel, dont le rôle a déjà été considérablement amplifié par l’instauration de la question prioritaire de constitutionnalité, est-il réellement en état d’exercer cette nouvelle mission de contrôle des lois de finances ?

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Peut-il raisonnablement juger de la conformité d’une prévision macroéconomique et des hypothèses de croissance sans être directement partie prenante au choix politique effectué ?

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

À cet empilement constitutionnel de lois-cadres, de lois de finances, de lois de financement de la sécurité sociale, le Gouvernement veut ajouter l’instauration d’un monopole de ces mêmes lois sur tout ce qui traite de la fiscalité. Le rapport de la commission des lois constitue, à l’égard de ce monopole, un réquisitoire implacable.

Nous franchissons encore un degré dans votre vision du parlementarisme rationalisé, pour en arriver au parlementarisme caporalisé et à une nouvelle dégradation du bicamérisme.

En instaurant un monopole, ce qui est un comble pour les thuriféraires de la libre concurrence, vous privez les parlementaires de leur droit d’initiative.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Il ne sera en effet plus possible de proposer ou d’examiner une quelconque réforme, dans quelque domaine que ce soit, en envisageant, dans un souci de cohérence, ses implications financières ou fiscales. Celles-ci devront être examinées séparément, au moment du vote de la loi de finances ou de la loi de financement de la sécurité sociale.

Ainsi, hormis la commission des finances et, pour partie, celle des affaires sociales, toutes les commissions seront privées de toute vision d’ensemble. Elles ne pourront intervenir sur les questions financières concernant leurs compétences que pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

La commission compétente au fond sera la commission des finances.

N’oublions pas, mes chers collègues, que les lois de finances et de financement de la sécurité sociale sont toujours d’origine gouvernementale et que, en conséquence, c’est toujours le seul Gouvernement qui aura l’initiative de toutes les mesures fiscales, de toutes les modifications des cotisations sociales.

De plus, comme l’Assemblée nationale dispose – et nous ne le contestons pas – d’une priorité absolue pour l’examen des projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale, le Sénat ne pourra plus jamais engager de réflexion sur une quelconque réforme de la fiscalité ou de la protection sociale. Comment concilier ce qui sera devenu la nouvelle règle constitutionnelle avec la priorité constitutionnelle donnée au Sénat pour l’examen des textes concernant les collectivités territoriales et leur organisation ?

Si la révision est adoptée – mais nous savons tous qu’elle ne le sera pas

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Le seul point qui, dans cette révision, peut recueillir notre accord, c’est la proposition, au travers de l’introduction d’un nouvel article 88-8 de la Constitution, que soit communiqué au Parlement le projet de programme de stabilité transmis à l’Union européenne. Encore faudrait-il que cela ne se limite pas à une simple transmission au Parlement, mais que ce texte soit soumis à son approbation !

Nous nous trouvons donc, mes chers collègues, devant une révision constitutionnelle qui, si elle devait être adoptée, aurait pour conséquence – excusez du peu ! – de dessaisir un peu plus le constituant de la réalité de son pouvoir, de priver les parlementaires de leur droit d’initiative législative au profit quasiment exclusif du Gouvernement, de transformer en commissions de second ordre toutes les commissions à l’exclusion de celle des finances, qui serait sacralisée comme lieu privilégié du débat parlementaire.

On est en droit de se demander si, poussant la logique de votre raisonnement à l’absurde, il ne serait pas nécessaire que le Sénat dans son ensemble devienne la commission des finances et que toutes les lois soient des lois de finances.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Inutile, la commission des finances de l'Assemblée nationale suffira !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Ainsi, chaque sénateur pourrait avoir l’illusion, tout en ayant perdu son droit d’initiative, d’exercer sa fonction de parlementaire.

Nous ne rejoindrons donc pas les rangs des fétichistes de la règle d’or, qui implorent que la Constitution les protège, eux-mêmes et le Gouvernement, contre leur incapacité à maîtriser la conduite de nos finances publiques.

Mes chers collègues, aucun instrument juridique, aussi sophistiqué soit-il, ne peut à lui seul garantir que la politique budgétaire choisie à un moment donné et consignée dans une loi-cadre soit la mieux adaptée pour répondre à des évolutions économiques complexes et mondiales. Il est nécessaire, pour pouvoir faire face à toute situation, que le Gouvernement conserve, à tout instant, sa liberté de proposition et le Parlement sa liberté d’approbation ou de refus. Le monde dans lequel nous vivons nous oblige à des adaptations permanentes et interdit d’enfermer l’action politique dans un carcan supposé représenter la vertu.

Si notre diagnostic de l’état de la France doit conduire à demander un effort particulier à nos compatriotes, il n’y a pas besoin, pour cela, de révision constitutionnelle. Il faut, en revanche, rechercher l’adhésion des Français, en leur démontrant que cet effort s’inscrit dans un contexte de justice sociale et fiscale et est nécessaire pour assurer l’avenir de leurs enfants.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Plutôt que d’occuper le Parlement avec une révision constitutionnelle aussi inutile qu’inefficace, il serait préférable de nous proposer des mesures fiscales ou sociales qui s’inscrivent dans cette perspective.

La semaine prochaine, le Sénat discutera le projet de loi de finances rectificative tendant à abroger ce que vous présentiez hier comme un titre de gloire, à savoir le bouclier fiscal. Hélas ! vous profitez de l’occasion pour alléger l’imposition des patrimoines les plus élevés. Qu’est devenue votre volonté de réduire les déficits publics et de maîtriser les finances publiques ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Elle s’est réfugiée dans la révision constitutionnelle, faute de trouver place dans votre politique.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Nous ne nous prêterons pas à ce qui n’est en réalité qu’une mascarade visant à vous permettre de vous parer d’habits vertueux et de dissimuler ainsi la politique d’injustice sociale qui est la vôtre.

Pour toutes ces raisons, monsieur le ministre, nous n’approuverons pas la révision constitutionnelle.

Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC -SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes parvenus en 2001 à surmonter les clivages politiques pour adopter à une très large majorité la loi organique relative aux lois de finances. Nous devons ensemble, de nouveau, préserver les générations à venir par la réforme majeure qui nous est soumise aujourd’hui.

Voilà trente ans, qui aurait pu imaginer une telle dégradation de nos déficits et de notre dette publics, amplifiée par la dernière crise ? Elle a atteint un seuil si critique que des mesures drastiques s’imposent. Michel Camdessus a raison de l’affirmer : « Nous avons tous besoin de règles pour soutenir notre vertu. » Il manque un instrument juridique s’imposant aux lois de finances et aux lois de financement de la sécurité sociale, lois « jumelles » qui garantissent le respect d’une trajectoire de retour vers l’équilibre budgétaire. La consécration de l’équilibre des finances publiques comme principe constitutionnel, norme suprême s’imposant à toutes les autorités, est l’aboutissement de cette réflexion.

Une révision constitutionnelle n’est jamais anodine. Ce texte exprime l’engagement européen du Président de la République, pris lors du Conseil européen du mois de mars dernier dans le cadre du « Pacte pour l’euro plus ». Notre crédibilité à l’égard de nos partenaires européens et sur la scène internationale est liée au succès de nos réformes, que les agences de notation scrutent sans bienveillance. On peut juger cette situation exaspérante, révoltante, mais les taux d’intérêt de notre dette dépendent de leur appréciation.

La dissimulation de la réalité, les prévisions trop optimistes présentées à la Commission européenne, jamais vérifiées à l’échelon national, devraient désormais appartenir au passé. L’article 12 de ce projet de loi constitutionnelle introduit un contrôle parlementaire assorti d’un vote sur nos engagements européens, s’inscrivant dans un programme de stabilité. Je me réjouis de cette consultation parlementaire préalable à la remise du projet de programme de stabilité aux autorités communautaires, mais je soutiens la proposition de résolution du président de la commission des finances, M. Jean Arthuis, et du rapporteur général de la commission des finances, M. Philippe Marini, car elle permettra un contrôle plus précis et plus efficace de la mise en œuvre dudit programme.

Le rapport Camdessus a inspiré ce texte, la loi de programmation des finances publiques pour la période 2011-2014 en est la « répétition générale ». C’est elle qui a introduit la trajectoire pluriannuelle des finances publiques.

Des hypothèses économiques prudentes sous-tendent ce projet de loi. J’ai toujours exprimé la conviction que les prévisions de croissance devaient être le plus modestes possible, en soulignant que, si elles étaient dépassées, nous pourrions affecter le surplus au remboursement de la dette, qui est prioritaire. J’avais même proposé de retenir pour hypothèse de base du projet de loi de finances une croissance zéro.

Or le Gouvernement a toujours présenté un scénario trop optimiste, le revoyant ensuite systématiquement à la baisse, avec les difficultés financières, administratives et politiques que cela induit. Pourquoi ne pas confier à un organisme indépendant, à l’image du Bureau central de planification néerlandais ou de l’Office for budget responsibility britannique, le soin d’établir l’hypothèse de croissance ? La Cour des comptes pourrait tenir ce rôle.

La sincérité des prévisions sera le socle des lois-cadres d’équilibre des finances publiques créées par l’article 1er du projet de loi constitutionnelle. Celui-ci instaure également, et c’est essentiel, le monopole des lois financières sur les prélèvements obligatoires. Cet article provoque une forte émotion au sein des commissions permanentes, qui se sentent dépossédées de leur droit d’amendement. Il faut donc souligner que tout parlementaire conservera bien sûr la possibilité de déposer des amendements sur les projets de loi financière. Je ne peux que me réjouir de cette rationalisation, qui met fin à une dispersion des dispositions fiscales et sociales nuisible à la cohérence et à la lisibilité de notre politique de prélèvements obligatoires.

Ce monopole est déjà respecté par l’ensemble des ministres, en application de la circulaire du Premier ministre du 4 juin 2010. Pour sa mise en cohérence, un autre défi nous attend, celui de la suppression des niches fiscales et sociales : monsieur le ministre, quelle est votre stratégie à cet égard ?

L’anticipation du dépôt des projets de loi financière, corollaire de ce monopole, facilitera leur examen par le Parlement, et principalement par l'Assemblée nationale, première chambre saisie de ces textes.

Les lois-cadres couvrent a priori une période d’au moins trois ans, mais leur portée peut aller jusqu’à, par exemple, la législature entière. Elles peuvent aussi être « glissantes » et être prolongées d’un an. Monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, comment s’articulera concrètement ce « glissement », sans dérapage bien sûr ? Monsieur le ministre, à quel moment interviendra le vote ?

Je souscris pleinement à ce projet de loi constitutionnelle visant à rendre contraignant le principe de l’équilibre des finances publiques. Je reprendrai à mon compte cette phrase d’Édouard Herriot : « L’utopie est une réalité en puissance. » En l’occurrence, cette « règle d’or » sera peut-être bientôt une norme du droit positif.

Pourtant, je dois avouer que subsistent des interrogations sur les nombreuses lois organiques qui devront suivre la révision constitutionnelle pour donner corps à cette réforme, s’agissant en particulier des sanctions que pourra prononcer le Conseil constitutionnel.

Pour conclure, je fais mienne cette réflexion du rapporteur général de la commission des finances, Philippe Marini, selon laquelle une assemblée parlementaire « est un lieu où l’on prend des responsabilités, et l’on ne peut le faire que par un vote ».

Je voterai donc ce projet de loi constitutionnelle qui, au-delà de la technicité de ses dispositions, pose un principe sage et responsable, qui tiendra lieu de garantie pour les générations futures.

Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes confrontés, depuis plus de trente ans, à des déséquilibres budgétaires de grande ampleur. Le budget de la nation a drainé, toutes ces années, un endettement qui s’accroît, ce qui reporte la charge sur les générations futures.

Cessons donc la course effrénée à l’endettement ! Au-delà de l’objectif que le Président de la République s’est fixé voilà quatre ans, il s’agit d’un engagement vertueux, fort, pour notre pays et les générations à venir.

C’est l’insuffisante maîtrise de nos comptes publics, notamment en période de croissance, qui a conduit aux déséquilibres budgétaires actuels. C’est la raison pour laquelle nous nous sommes engagés devant les Français à inscrire une règle d’or qui interdirait tout déficit budgétaire en dehors des dépenses d’investissement. Mais, avec la crise, qui a fait exploser le déficit budgétaire et la dette publique de la France, l’idée a pris du temps à mûrir. Pourtant, la constitutionnalisation de la règle d’or pourrait contribuer au redressement de nos finances publiques.

Ces contraintes sont désormais défendues à l’échelon européen. Les autorités estiment en effet qu’elles aideront à réduire les déficits et donc à consolider une zone euro actuellement en proie à une crise de confiance liée aux problèmes de financement de certains de ses membres.

Nous souffrons d’un problème structurel pour maîtriser nos comptes sur le moyen terme. Or la maîtrise de notre endettement et le retour à l’équilibre de nos finances publiques constituent non seulement une nécessité économique, mais également un impératif moral si nous voulons préserver notre liberté de choix pour la préparation de l’avenir, protéger notre modèle social et garantir notre souveraineté.

Cette situation appelle donc une amélioration de la gouvernance de nos finances publiques.

Vous vous êtes engagé, monsieur le ministre, à respecter la trajectoire de déficits publics inscrite dans la loi de programmation des finances publiques – 6 % en 2011, 4, 6 % en 2012 et 3 % en 2013 –, quelles que soient les conditions économiques. C’est une trajectoire ambitieuse, peut-être réalisable, comme vous nous l’avez d’ailleurs démontré. Il est donc de notre devoir de soutenir la démarche engagée par le Gouvernement et le Président de la République.

La véritable question est aujourd’hui centrée, non pas sur l’objectif, mais sur la méthode. Vous nous proposez ainsi d’inscrire dans notre Constitution trois séries de dispositions de nature à modifier de manière radicale la gouvernance de nos finances publiques.

Tout d’abord, le projet de loi constitutionnelle tend à créer un instrument juridique nouveau, à savoir les lois-cadres d’équilibre des finances publiques – je n’apprécie pas vraiment cet intitulé, les lois-cadres ayant laissé un assez mauvais souvenir sous la IVe République –, dont les dispositions auront pour objectif, à un horizon pluriannuel défini, d’assurer l’équilibre des comptes des administrations publiques. Ces lois-cadres pluriannuelles s’imposeront aux textes financiers ordinaires annuels.

Ensuite, le texte vise à assurer juridiquement le monopole des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale afin de régir le domaine de la fiscalité et celui des recettes de la sécurité sociale. Son objet est d’éviter la dispersion des dispositions fiscales et sociales dans l’ensemble des textes législatifs, qui nuit à la cohérence globale de la stratégie budgétaire.

Enfin, vous proposez d’inscrire dans la Constitution le principe d’une transmission systématique au Parlement du projet de programme de stabilité avant qu’il ne soit adressé à la Commission européenne dans le cadre du volet préventif du pacte de stabilité et de croissance.

La révision constitutionnelle de juillet 2008 avait déjà posé quelques jalons : l’article 34 de la Constitution prévoit désormais que les orientations pluriannuelles des finances publiques sont définies par des lois de programmation répondant à l’objectif d’équilibre des comptes des administrations publiques. Ces lois de programmation préfigurent ce que pourraient être les lois-cadres en fixant, sur une période triennale, les plafonds globaux, par mission, des dépenses de l’État ainsi que l’impact annuel minimum des mesures nouvelles en recettes.

Cependant, vous souhaitez que nous franchissions une étape supplémentaire en inscrivant dans la Constitution le principe et les modalités institutionnelles d’un retour durable à l’équilibre des finances publiques. Il s’agit de mieux prendre en compte les échéances auxquelles nous devons faire face, notamment vis-à-vis de nos partenaires européens.

Nous souscrivons à l’idée que la Constitution ne se limite pas à organiser le fonctionnement de nos institutions, mais qu’elle est aussi l’expression du pacte social, comme M. le garde des sceaux nous l’a rappelé. Cette conception nous permettrait d’inclure dans la Constitution ce qu’on a appelé, à une certaine époque, les normes optatives, d’après les termes mêmes du professeur André Hauriou, qui, je le rappelle, fut également sénateur.

L’un de nos voisins et partenaires, l’Allemagne, a inscrit dans sa Constitution un calendrier de retour à l’équilibre budgétaire. Il s’agit aujourd’hui de nous engager, non pas dans une voie commune, mais dans une démarche parallèle afin de préserver notre modèle social et notre souveraineté pour les générations futures.

Je souhaite maintenant revenir sur plusieurs aspects du projet de loi constitutionnelle qui ont un impact important sur le fonctionnement du Parlement.

Il convient de rappeler ce que dit la Constitution en ce qui concerne les droits du Sénat. Ainsi, aux termes de l’article 39, les projets de loi ayant pour principal objet l’organisation des collectivités territoriales sont soumis en premier lieu au Sénat. L’article 72-2 dispose, quant à lui, que tout transfert de compétences entre l’État et les collectivités territoriales s’accompagne de l’attribution de ressources équivalentes.

Dès lors, il est difficile d’imaginer comment le Sénat pourrait discuter de l’organisation et des compétences des collectivités territoriales, tandis que l’Assemblée nationale légiférerait simultanément sur les finances locales. Il y a là un problème compliqué à résoudre. J’espère que nous trouverons une solution au cours de notre débat.

N’oublions pas non plus que, à l’occasion des réformes de retraites, de la justice, de la politique environnementale ou de la recherche, il n’est pas possible d’aborder la question des moyens séparément du fond. Les lois de finances et les lois de financement de la sécurité sociale devront-elles comprendre une série de dispositions complétant les réformes adoptées en cours d’année ?

Je sais que cette question a été longuement débattue en commission des lois. Je tiens d’ailleurs, en cet instant, à saluer son travail, sous l’autorité de Jean-Jacques Hyest, lequel a su nous proposer des solutions juridiquement valables et financièrement réalistes. Le sujet est d’autant plus important pour le Sénat que toute modification de l’article 39 et de l’article 72-2 de la Constitution aboutirait à une diminution de ses pouvoirs et donc à une transformation non désirée de la Constitution.

Le deuxième point que je souhaite aborder concerne le contrôle du respect du monopole des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale, qui ne figurait pas dans le texte initial du Gouvernement. Du fait de leur nature, les lois-cadres seront soumises avant leur promulgation à un contrôle systématique du Conseil constitutionnel. Celui-ci vérifiera leur conformité non seulement à la Constitution, mais aussi à la loi organique qui devra préciser les modalités de vote, leur contenu et les conditions de modification.

Nos collèges députés ont complété ce dispositif en portant une atteinte indéniable, comme l’a dit M. Hyest, aux travaux parlementaires. C’est pourquoi nous soutenons les propositions de la commission des lois en la matière, qui reviennent sur les mesures adoptées par l’Assemblée nationale.

Enfin, le texte prévoit que le Parlement votera sur le projet de programme de stabilité, sans avoir participé à son élaboration et sans que ce vote aboutisse à un texte engageant le Gouvernement. La solution proposée par la commission des lois d’ouvrir la discussion à toutes les commissions intéressées en permettant à une ou plusieurs commissions permanentes d’émettre un avis nous semble être équilibrée, le projet de programme de stabilité étant susceptible d’avoir des effets sur les finances de l’État, comme sur celles des collectivités territoriales et sur les comptes sociaux.

À ce stade, je forme le vœu que la Haute Assemblée ait une attitude responsable durant nos travaux et qu’elle élabore enfin un outil qui concilierait respect de l’initiative parlementaire et retour à l’équilibre budgétaire. La règle d’or que nous allons instituer à travers cette révision constitutionnelle est, certes, une règle contraignante, mais elle ne remplacera jamais le volontarisme politique pour réaliser les efforts nécessaires en matière de rigueur budgétaire. Il appartient à chacun de faire preuve de responsabilité !

Ces remarques étant faites, c’est donc sans surprise que je vous annonce d’ores et déjà que le groupe de l’UMP soutiendra l’initiative courageuse et ambitieuse que constitue ce texte.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, une crise d’un type nouveau déstabilise des gouvernements et fait souffrir bien des peuples, depuis plus d’un an maintenant. Celle-ci porte un nom : il s’agit de la crise de la dette souveraine. Aujourd’hui, plus aucun pays de l’OCDE ne semble protégé ou à l’abri d’une telle conflagration.

La note de la dette grecque a encore été abaissée hier et se situe désormais à l’un des niveaux les plus faibles du monde. Mais la Grèce n’est pas seule ! Le Portugal y a perdu son précédent gouvernement ; l’Espagne et l’Italie sont fragilisées ; les États-Unis eux-mêmes risquent de voir leur note dégradée dans les prochains mois.

Nous avons consenti des efforts budgétaires importants dans le cadre des plans de relance pour faire face à la crise. Une partie de la perte de confiance vient d’ailleurs de ces efforts, mais cela ne saurait faire oublier que nous vivons au-dessus de nos moyens et que la France accuse un déficit structurel trop élevé depuis trop longtemps.

C’est dans ce contexte de risque et d’incertitude que le Gouvernement a annoncé vouloir inscrire dans la Constitution une « règle d’or » des finances publiques.

Les sénateurs du groupe de l’Union centriste se félicitent d’un tel projet, qui rappelle en grande partie les propositions que les centristes avaient avancées lors de la précédente campagne présidentielle. Je veux d’ailleurs affirmer devant vous l’unanimité des membres de mon groupe pour ériger en objectif prioritaire la lutte contre les déficits et pour la réduction de la dette. Je ne suis pas certain qu’une telle unanimité se retrouve dans tous les groupes. Je suis même parfois inquiet d’entendre les discours de certains de nos collègues, sinon au Sénat, du moins dans d’autres lieux, qui ne semblent pas avoir pris la mesure de la situation actuelle.

Le projet de loi constitutionnelle est avant tout un signal, qui est d’autant plus fort qu’il est envoyé aux marchés financiers à un moment où notre dette à court terme arrive à échéance et que nous avons participé, sur le plan européen, à la promotion et à la diffusion des « règles d’or » parmi les États membres.

Alors que faire à une époque où les États ne disposent plus de la même latitude dans la gestion de leurs finances publiques ? Faut-il attendre l’inflation, comme nous venons d’attendre la pluie ? Non ! Ce n’est pas l’inflation qui nous permettra d’apurer nos dettes.

Faut-il attendre une restructuration qui nous imposerait l’ingérence d’autorités internationales pour définir notre politique économique ? Certainement pas ! Je ne peux pas vouloir pour la France ce qui se passe actuellement dans d’autres pays.

Faut-il espérer une sortie de l’euro et un retour à une monnaie nationale ? Je ne m’étendrai pas sur le sujet, tant nous, centristes, sommes convaincus que les conséquences d’une telle mesure seraient catastrophiques.

Il nous faut donc regarder la réalité en face et adopter, pour commencer, le principe des lois-cadres. Je crois qu’il revient à chaque État européen de définir les modalités des lois-cadres qu’il veut se voir appliquer dans le cadre des contraintes budgétaires.

Nous avons déjà expérimenté un certain nombre de lois de programmation budgétaire, mais celles-ci ont montré leurs limites. Le temps est donc venu d’inscrire les lois de finances annuelles dans un cadre pluriannuel contraignant.

J’en viens à la fameuse question du monopole fiscal, qui suscite tant de réactions au sein des commissions de nos deux assemblées.

Je profite de l’occasion qui m’est offerte par cette discussion générale pour adresser mes plus vifs encouragements aux uns et aux autres, …

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

… afin que nous parvenions à une position commune, consensuelle, qui pourrait – sait-on jamais ? – préfigurer un vote favorable au Congrès.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Le monopole fiscal est, selon moi, un élément central de la stratégie d’assainissement des finances publiques, telle qu’elle est dessinée par le Gouvernement. Outre son avantage en termes de maîtrise du flux des recettes et des dépenses, cette règle sera un gage élémentaire de sécurité juridique pour les contribuables, qui trouveront ainsi davantage de lisibilité dans les textes financiers.

Aujourd’hui, force est d’admettre que les dispositions fiscales partent dans tous les sens.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Sûrement pas ! Les mesures fiscales vont toujours dans le même sens !

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Quelle est la meilleure solution ? Il me semble que c’est probablement celle qui a été élaborée, il y a quelques instants, lors de la réunion de la commission des lois.

Je fais partie de ceux qui soutiendront sans hésitation l’amendement présenté par le rapporteur Jean-Jacques Hyest, qui vise à ce que chaque texte ayant une incidence en matière de charges ou de recettes fiscales soit approuvé par une loi de finances. Devant une telle proposition, qu’il nous soit permis de nous interroger aussitôt : d’accord pour une loi de finances, mais sous quel délai ?

Je formule quelques espoirs pour qu’un délai contraignant puisse être trouvé. Pourquoi pas trois mois, comme d’autres le suggèrent également ? Ainsi l’exécutif aurait-il l'obligation de présenter un projet de loi de finances rectificative une fois par trimestre au minimum.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Je terminerai en évoquant une préoccupation que nous partageons tous ici en tant que sénateurs. Je veux évidemment parler du devenir des textes relatifs aux collectivités territoriales qui ont une incidence budgétaire en termes de recettes ou de charges fiscales.

Qu’adviendra-t-il de la priorité d’examen dont bénéficie le Sénat sur ces textes en vertu des dispositions constitutionnelles ? La réponse à cette question est selon moi toute simple : il suffit d’en rester aux modalités actuelles ; nous continuerons naturellement à être les premiers saisis des textes concernant les collectivités territoriales, quand bien même y figureraient des dispositions à caractère budgétaire.

Telles sont les quelques orientations que l’Union centriste souhaite voir étudiées au cours de notre débat. Au nom de mon groupe, je tiens à remercier le rapporteur et les rapporteurs pour avis, car ils ont permis, ne serait-ce qu’il y a quelques heures, de faire avancer ce débat si important pour nous-mêmes et, surtout, pour les générations à venir.

Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste et de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi constitutionnelle relatif à l’équilibre des finances publiques dont nous débutons l'examen aujourd'hui est en réalité bien mal nommé. En effet, il s’agit moins de garantir l'équilibre des dépenses publiques que de basculer dans un ultralibéralisme contraire à notre pacte républicain.

Certains ont dénoncé, à raison, le fait que ce texte faisait de la politique de rigueur, pour ne pas dire d’hyper-austérité, que vous menez depuis des années un principe à valeur constitutionnelle. Oui, vous pérennisez ainsi l’hyper-austérité par la mise en place d’un carcan des plus contraignants !

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Si cela se confirme, il convient d’apporter, me semble-t-il, une précision de taille : le projet de loi constitutionnelle ne constitue pas un objectif en soi, il n’est que la conséquence de votre politique.

Le but est bien, mes chers collègues, de basculer d’une république sociale vers une république ultralibérale, dans laquelle le champ d’intervention de l’État serait réduit aux seules compétences régaliennes, laissant ainsi les marchés financiers et les spéculateurs libres d’imposer leurs règles, contre l’intérêt des peuples.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Vous prenez votre revanche sur le Conseil national de la Résistance, le CNR, dont la création vous fut imposée par les circonstances historiques. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, parce que le pays était à reconstruire, parce que le paysage politique avait été bousculé par la collaboration et parce que le peuple de France voulait se retrouver, votre famille politique n’avait pas eu d’autres choix que de travailler à la réalisation du programme élaboré par le CNR.

Aujourd’hui, vous lui tournez définitivement le dos.

Par voie de conséquence, ce sont ceux que le programme du CNR voulait protéger – les salariés, les précaires, les retraités – qui paieront les frais de votre politique. De fait, tel est déjà le cas !

En prenant prétexte des déficits de la sécurité sociale, vous imposez, année après année, des mesures qui ont toujours pour effet de réduire les droits et la protection de nos concitoyens.

Cela prend la forme de déremboursements massifs de médicaments, alors que, dans le même temps, vous autorisez la vente de médicaments qui ne présentent aucun intérêt thérapeutique mais qui permettent aux laboratoires d’engranger des dividendes colossaux.

Cela prend également la forme de la fermeture des hôpitaux de proximité, au grand bonheur des cliniques privées commerciales, qui bénéficient déjà de la tarification à l’activité, la T2A, et de la privatisation des missions de service public.

Cela prend encore la forme des exonérations de cotisations sociales sur les bas salaires, ce qui entraîne, de l’avis même de la Cour des comptes, la précarisation d’un nombre toujours plus important de salariés.

Demain, cette rigueur prendra la forme du recours aux assurances privées commerciales dans le cadre de la perte d’autonomie, pour la plus grande satisfaction des groupes mondiaux d’assurance.

Votre politique en la matière obéit à une règle : organiser sciemment, méthodiquement, l’appauvrissement, la réduction drastique des comptes sociaux pour justifier les reculs en matière de protection sociale et rendre crédible la transformation de la sécurité sociale en un mécanisme aux prestations réduites et réservées aux plus pauvres des plus pauvres.

Pourtant, une autre solution existe. Elle réside dans un changement radical de politique reposant sur un financement pérenne de la sécurité sociale. En 2009, année de crise, 105 milliards d’euros ont été distribués par les entreprises pour rémunérer le capital, sous la forme de dividendes notamment.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Cela représente un doublement en dix ans en euros constants et un détournement structurel des richesses de 2, 4 points de PIB par rapport à la moyenne de la décennie 1991-2000.

La solution que vous refusez porte un nom : une plus juste répartition des richesses. Si vous n’en voulez pas, c’est parce que vous devez, coûte que coûte, protéger les intérêts des plus riches, des actionnaires, des boursicoteurs, c’est-à-dire les intérêts de la minorité contre les besoins de la majorité de nos concitoyens.

Il faut avoir le courage de le dire : si ce projet de loi était adopté, si, par malheur, le Congrès devait se réunir et l’entériner, les décisions économiques, fiscales et sociales seraient prises non plus au Gouvernement, ni au Parlement ni même à la Commission européenne, mais directement au sein des conseils d’administration des grandes multinationales cotées en bourse. Ce sont en effet à elles que profite le pacte de compétitivité, que l’on devrait plutôt qualifier de « pacte antisocial », tant les conséquences désastreuses qui en découlent sont grandes. Ce pacte produira une baisse généralisée des salaires à raison de la suppression de leur indexation sur l’inflation. Il entraînera une chute considérable du niveau des pensions de retraite, avec l’instauration de régimes de retraite fondés sur les comptes notionnels, et il conduira à la destruction massive d’emplois, notamment au sein des trois fonctions publiques.

Le postulat même de ce pacte de compétitivité, dont l’interdiction constitutionnelle des déficits prend corps dans ce texte, repose sur l’idée selon laquelle ce qui ne fonctionne pas aujourd’hui, ce qui nuit au développement économique des entreprises, ce sont les mesures de protection sociale, à commencer par celles concernant le droit du travail, la retraite et la santé.

Pour les libéraux qui sont à la manœuvre, l’appétit sans fin des actionnaires exigeant toujours plus de rentabilité n’est pas en cause. En lieu et place d’une réduction des milliards d’euros de dividendes qui sont aujourd’hui distribués aux actionnaires au détriment de la recherche, de l’innovation et de l’emploi, l’institut patronal Coe-Rexecode propose – écoutez bien ! – une baisse de 5 % à 10 % des coûts de production pour l’industrie sur notre territoire par le biais d’une mesure de réduction des charges pesant sur le travail, …

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

… suggérant tout simplement que ce soient les ménages, c'est-à-dire les salariés, qui compensent la différence.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Non contents de faire supporter une première fois votre politique par les salariés, en réduisant le champ des solidarités et les salaires, vous les faites payer une seconde fois, en leur transférant les charges des entreprises. Il ne faudra sans doute pas attendre longtemps pour que vous proposiez la création d’une TVA sociale – n’est-ce pas, monsieur Arthuis ? –, laquelle pourrait coûter plus cher aux foyers que ce que rapporterait la prime de 1 000 euros, dont seule une poignée de salariés pourrait bénéficier.

Enfin, ce pacte de compétitivité, négocié au sein de la Commission européenne, autrement dit au sein de l’une des instances les moins démocratiques qui soient, porte atteinte à notre modèle démocratique.

La Commission, en imposant le « semestre européen » et en obtenant des États membres qu’ils consentent à adopter de nouvelles règles en matière de réduction des déficits, est, de fait, devenue le véritable décideur des politiques sociales de notre pays.

Nous dénonçons avec force l’instauration de ce gouvernement économique au service de la compétitivité des entreprises européennes – sous-entendu, des actionnaires avant tout –, qui méprise le droit de nos concitoyens à décider, au travers de leurs représentants, du modèle économique dont ils veulent se doter.

Le groupe CRC-SPG, considérant que les peuples non seulement de France, d’Allemagne, d’Espagne, de Grèce, mais aussi d’Irlande et du Portugal ont déjà trop payé pour une crise dont ils ne sont pas responsables, votera contre le projet de loi constitutionnelle !

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Cornu.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Cornu

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi constitutionnelle que nous examinons aujourd’hui part d’un constat simple : notre pays ne peut plus vivre à crédit. Depuis près de quarante ans, le Parlement vote en effet des budgets en déficit.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Cornu

Cette situation n’est plus tenable ! Les événements survenus récemment en Grèce ou au Portugal doivent nous interpeller et nous rappeler la précarité de la situation financière de notre pays.

Ce texte est donc particulièrement bienvenu. À cet égard, je souhaite saluer l’initiative du Gouvernement, qui s’est appuyé très largement sur les travaux du groupe de travail présidé par Michel Camdessus.

Le projet de loi constitutionnelle a pour objectif de tracer la route du retour à l’équilibre des comptes publics. Sa proposition phare est l’institution des lois-cadres d’équilibre, nouvelle catégorie de lois visant à assurer une réelle discipline budgétaire.

Comme l’indiquait l’excellent rapporteur général de la commission des finances, Philippe Marini, dans son rapport d’information de 2011 sur le projet de programme de stabilité, aucune des programmations budgétaires récentes n’a été respectée.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Cornu

En instaurant des lois-cadres d’équilibre qui s’imposeront aux lois de finances, nous mettrons en place un dispositif coercitif facilitant le retour à l’équilibre des finances publiques.

En parallèle de la création de cette nouvelle catégorie de lois, le projet de loi constitutionnelle consacre le monopole des lois financières en matière de prélèvements obligatoires.

Le texte adopté par l’Assemblée nationale ne me paraît pas acceptable sur ce point. L’institution de ce monopole n’est, selon moi, nullement justifiée par l’objectif de maîtrise des déficits publics. En outre, si nous adoptions un tel dispositif, nous risquerions de porter atteinte aux droits du Parlement, autrement dit, mes chers collègues, à nos propres prérogatives.

Deux aspects du monopole me semblent particulièrement problématiques.

Premier aspect : le monopole nuirait fortement à la cohérence de nos débats. Comment débattre de façon cohérente s’il n’est plus possible de discuter, dans un même texte, des aspects techniques d’une réforme et de son volet financier ?

Je prends un exemple : en 2010, j’ai eu l’honneur d’être rapporteur du projet de loi relatif aux réseaux consulaires, au commerce, à l’artisanat et aux services. Celui-ci comprenait un article précisant les modalités de financement des chambres de commerce et d’industrie.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Cornu

Il s’agissait d’un volet essentiel du texte, indissociable de la réforme car s’inscrivant totalement dans la logique de rationalisation du réseau.

Il aurait été impossible de discuter de façon cohérente de l’ensemble de la réforme si le monopole avait existé. À l’époque, le problème fut résolu en saisissant pour avis la commission des finances, qui a tout naturellement traité du volet budgétaire.

Autre exemple : le Parlement a adopté définitivement, en février 2010, une proposition de loi relative au service civique de notre collègue Yvon Collin, ici présent. Cette proposition visait, pour reprendre les termes de la commission de la culture, à « faire du service civique une étape naturelle dans la vie des jeunes ». Y figurait une disposition tendant à ne pas soumettre l’indemnité versée à la personne effectuant un volontariat de service civique à l’impôt sur le revenu.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Cornu

Avec le monopole, une telle disposition n’aurait pu être adoptée dans le cadre d’une proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Cornu

J’en viens, mes chers collègues, au second aspect du monopole qui ne peut nous laisser insensibles : la place du Sénat dans l’équilibre des institutions.

Je rappellerai à mon tour l’acquis de la révision constitutionnelle de 2003 : la reconnaissance de la primauté de la Haute Assemblée en matière de collectivités territoriales. Ainsi, aux termes du deuxième alinéa de l’article 39 de la Constitution, « les projets de loi ayant pour principal objet l’organisation des collectivités territoriales sont soumis en premier lieu au Sénat ». Qu’adviendrait-il de cette disposition si le monopole était institué ?

Les textes relatifs aux collectivités territoriales comportent très souvent des dispositions financières. Avec le monopole, ces dispositions ne pourraient plus figurer dans un projet de loi ordinaire ; elles seraient alors examinées dans le cadre des projets de loi de finances, textes qui sont soumis en premier lieu à l’Assemblée nationale.

Plus généralement, le monopole signifierait purement et simplement que l’aspect financier de toutes les réformes serait soumis en premier lieu à l’Assemblée nationale, en procédure accélérée. Cela représenterait une grave régression pour la Haute Assemblée et pourrait conduire, à terme, à ce qu’il en soit de même pour le volet technique des réformes.

Pour toutes ces raisons, j’espère que nous renoncerons au monopole des lois financières. Cette disposition donne en effet un goût amer à l’avancée très importante que constitue le projet de loi constitutionnelle.

Applaudissements sur certaines travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Jégou

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis plusieurs années, les rapports de la Cour des comptes nous alertent sur l’ampleur de nos déficits et de notre endettement publics ainsi que sur notre incapacité à les réduire, même durant les périodes de croissance. Compte tenu de l’état de nos comptes publics, de la crise économique et financière et de la crise de la zone euro, le rétablissement des comptes publics est devenu la principale priorité pour notre pays. Cette réforme constitutionnelle tendant à l’équilibre des finances publiques est, de fait, devenue indispensable.

Pour améliorer le pilotage et la gouvernance de nos finances publiques, il serait temps d’adopter des règles juridiques contraignant les gouvernements à atteindre l’équilibre des comptes publics.

Le constat est sans ambiguïté : depuis plus de trente ans, nous assistons à une dégradation continue des comptes publics, aggravée par la crise financière mondiale. Le dernier budget en excédent remonte en effet à 1975.

L’accumulation des déficits a conduit au creusement de la dette, de 21 % du PIB en 1978 à 82 % à la fin de 2010. L’encours de la dette a été multiplié par dix-huit.

Après plus de trente-cinq années de déficits cumulés, notre pays a dû affronter la crise économique dans une situation difficile, avec des finances publiques dégradées. La charge de la dette de l’État atteint désormais 45 milliards d’euros en 2011, ce qui en fait le deuxième poste budgétaire.

Si notre pays ne prend pas de mesure forte de rééquilibrage des comptes publics, le niveau de la dette pourrait atteindre cent cinquante points de PIB en 2050. Cet emballement de la dette, sur lequel Philippe Séguin nous alertait, réduit peu à peu les capacités d’action de notre pays ; l’augmentation de la dette entraîne une augmentation des charges d’intérêt, qui rend elle-même plus difficile la réduction du déficit.

Michel Camdessus a parfaitement résumé la situation : la France est confrontée au double handicap « d’une impuissance à s’arracher aux déficits publics et d’une dynamique perverse de l’endettement ». Si nous ne les affrontions pas vigoureusement, écrit-il, « ces deux phénomènes mineraient subrepticement notre capacité de riposte à une nouvelle crise de grande ampleur », obéreraient à terme la solidarité intergénérationnelle et menaceraient tant notre souveraineté que notre système de protection sociale.

La dégradation des comptes publics est autant due à une maîtrise insuffisante de nos dépenses qu’à des allégements d’impôts non gagés par des suppressions de dépenses équivalentes. Les déséquilibres actuels, conséquences des défaillances de gestions passées, obèrent durablement les capacités de réaction de la France face à de nouvelles crises ainsi que sa marge de manœuvre. Le redressement des comptes publics est aujourd’hui indispensable. Le désendettement de l’État s’impose alors comme la clé du redressement de la France.

Nous sommes d’autant plus à l’aise avec cette réforme que le candidat centriste à l’élection présidentielle de 2007 a été le premier à défendre l’idée d’inscrire dans la Constitution l’interdiction pour un gouvernement de présenter un budget en déficit de fonctionnement, hors période de récession.

Si les modalités pratiques de la réforme présentée aujourd’hui diffèrent de ce que nous proposions à l’époque, celle-ci s’inscrit dans la même philosophie générale. Il est d’ailleurs regrettable que le Président de la République ait pris conscience si tardivement de la gravité de la situation de nos finances publiques, malgré les avertissements répétés de la Cour des comptes. Il aura donc fallu attendre la conférence sur le déficit en janvier 2010… Avec 150 milliards d’euros de déficit et 1 600 milliards d’euros de dettes, il était temps !

Certes, la maîtrise des déficits publics est une question de volonté politique. Mais, depuis vingt-cinq ans, tous les gouvernements se sont rendus coupables de ce laisser-aller. À défaut de volonté, nous devons nous donner tous les moyens pour mener la politique indispensable d’assainissement budgétaire, notamment en renforçant les dispositifs susceptibles de garantir que les choix effectués seront conformes à l’objectif de réduction des déficits.

Le mal français en matière de finances publiques vient principalement d’une mauvaise gestion des périodes de croissance. L’objectif principal du projet de loi constitutionnelle est de mettre fin à cette spécificité française, en contraignant le législateur et, surtout, le Gouvernement, à prévoir un effort prolongé de réduction du déficit public, notamment quand la croissance est forte.

C’est pourquoi nous sommes favorables à une règle budgétaire suffisamment contraignante pour préserver l’équilibre budgétaire, sans toutefois rogner les prérogatives de l’exécutif et l’initiative parlementaire. En s’imposant aux lois de finances et aux lois de financement annuelles, les lois-cadres d’équilibre des finances publiques, prévues par une disposition majeure du projet de loi constitutionnelle, répondent à cet objectif.

Selon nous, la loi organique introduisant les lois-cadres devra prévoir les dispositions les plus contraignantes possibles, à la fois pour les parlementaires et pour le Gouvernement, car ils ont fait preuve d’une faiblesse coupable en ne réduisant pas les dépenses et en ne garantissant pas les recettes fiscales. Or aucune amélioration ne peut être réalisée sans résorber l’écart permanent entre dépenses et recettes publiques.

Le dispositif des lois-cadres reprend, à raison, la gestion pluriannuelle des finances publiques prévue dans les lois de programmation des finances publiques. La pluriannualité est en effet un outil indispensable à l’assainissement des finances publiques. Compte tenu de la rigidité de la dépense, l’effort de réduction du déficit doit être planifié sur plusieurs années. Mais alors que l’examen des lois de programmation était purement formel, du fait de prévisions gouvernementales de croissance, de rentrées fiscales et de désendettement systématiquement surévaluées, la loi-cadre contient, quant à elle, des dispositions contraignantes.

La loi-cadre devra clairement préciser la trajectoire pluriannuelle de réduction des déficits en fixant, comme le propose le rapport Camdessus, des plafonds annuels s’appliquant aux dépenses de l’État et aux régimes obligatoires de base de la sécurité sociale en volume et à périmètre constants ainsi que des objectifs annuels en matière de ressources publiques, afin d’éviter de rogner les recettes de l’État par la multiplication des dépenses fiscales.

Afin de donner sa pleine portée au dispositif, la loi-cadre devra également inscrire la date à laquelle l’objectif d’équilibre des comptes devra être atteint. Cela renforcera la crédibilité du processus de redressement des finances publiques, sans brider pour autant les nouvelles majorités qui pourraient réviser la date de retour à l’équilibre. Le législateur financier restera libre de déterminer le niveau des objectifs en dépenses et en recettes prévu dans la loi-cadre, pour s’adapter aux aléas conjoncturels.

En outre, il est important que les objectifs en dépenses et en recettes soient fongibles, afin qu’un effort moindre que celui prévu sur la dépense puisse être compensé sur la recette, et inversement.

Si nous approuvons la souplesse du dispositif, nous souhaitons que ses conditions de révision soient limitées aux cas de circonstances exceptionnelles et de changement de majorité, afin de renforcer le caractère solennel de la loi-cadre. Il en va aussi de la crédibilité des engagements pris par le législateur pour redresser les comptes publics.

S’agissant enfin du monopole fiscal des lois de finances, je souhaite rappeler que la fin de l’éparpillement des mesures fiscales est un élément essentiel d’un pilotage efficace des ressources publiques, en permettant une meilleure visibilité des mesures fiscales et du niveau des prélèvements obligatoires. C’est un facteur majeur de la protection des recettes.

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, nous sommes favorables à ce projet de loi constitutionnelle. En le votant, nous aurons à l’esprit le mot de Pierre Mendès-France : « Les comptes en désordre sont la marque des nations qui s’abandonnent ».

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Il n’a pas dit ça ! Il a dit qu’il fallait se préoccuper de l’emploi !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Jégou

M. Jean-Jacques Jégou. Il est donc grand temps de remédier à notre situation !

Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste et sur quelques travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, une réforme constitutionnelle relative à l’équilibre des finances publiques interroge tout parlementaire, a fortiori lorsqu’il est membre de la commission saisie au fond ou de l’une des trois commissions saisies pour avis.

Vous prétendez, monsieur le ministre, chers collègues de la majorité, que le présent texte est fondamental. Si tel était le cas, une commission spéciale aurait été créée au Sénat et à l’Assemblée nationale et le Parlement aurait accompli un long travail préparatoire, comme en 2000, lorsqu’il s’était agi de réformer l’architecture budgétaire.

Il y a dix ans, la voie parlementaire avait été payante : après trente-deux tentatives inabouties, c’est notre travail fructueux qui a permis d’instaurer la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF. Chacun avait alors pu prendre ses responsabilités. Autre majorité, autres mœurs…

La méthode employée par ce gouvernement ne supporte pas la comparaison.

Les questions que peut susciter cet exercice, les membres de la commission des finances du groupe socialiste se les sont posées. Elles sont essentiellement au nombre de deux : le Gouvernement est-il crédible lorsqu’il propose une réforme constitutionnelle afin de garantir l’équilibre des finances publiques ? Est-il sincère lorsqu’il affiche sa volonté d’appliquer cette réforme ?

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

C’est peu dire que le passé ne plaide pas en faveur de la crédibilité du Gouvernement lorsqu’il veut imposer un nouveau corpus de règles aux parlementaires.

J’ai entendu les orateurs de la majorité répéter que nos finances publiques n’avaient pas été en équilibre depuis au moins trente ans.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Mme Nicole Bricq. Mettre en avant cette durée permet de gommer quelques aspérités : l’une, très négative, à savoir que c’est le gouvernement Balladur qui a fait exploser la dette ; l’autre, plutôt positive, qui est que c’est le gouvernement Jospin qui a laissé les finances publiques en bon état.

Eh oui ! sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

C’est votre lecture, ma chère collègue : vous portez des lunettes partisanes !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Les gouvernements qui se sont succédé depuis 2002 – notez qu’ils étaient tous de la même couleur politique –, en particulier celui qui est en place, ont fait exploser la dette. Celle-ci a été multipliée par deux. De plus, nous avons connu des déficits excessifs durant sept années consécutives.

La dette file allègrement pour s’établir aux alentours de 86 % du PIB. Quant aux déficits, ils ont atteint plus de 7 % à la fin de 2010.

Tous ces gouvernements ont multiplié les abandons de recettes fiscales. Celui qui est aux responsabilités actuellement ne rompt pas avec l’entrain caractéristique des gouvernements de droite depuis 2002. Ce sont ainsi entre 100 milliards d’euros et 120 milliards d’euros, soit six points de PIB, qui ont été dilapidés.

Le Gouvernement et la majorité n’ont pas respecté la loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012, qui prescrivait pourtant que les dépenses nouvelles devaient être gagées sur des recettes. On sait aujourd’hui ce qu’il en est du coût de la suppression de la taxe professionnelle – il atteint le double de celui initialement prévu ! – et de la funeste baisse de la TVA dans la restauration décidée, qui plus est, dans le cadre d’une loi ordinaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Pour leur défense, le Gouvernement et la majorité invoquent la crise. Or la Cour des comptes a établi à un tiers l’impact de cette dernière sur les déficits. Nous connaissons encore un déficit structurel de 5 % !

Le Gouvernement s’appuie aujourd’hui sur le rapport du groupe de travail présidé par Michel Camdessus. Il oublie que, auparavant, il y avait eu la commission Pébereau, mandatée en juillet 2005 par le ministre de l’économie et des finances, Thierry Breton, qui avait indiqué dans sa lettre de mission que, pour la première fois, l’impôt sur le revenu servirait à payer les intérêts de la dette.

En 2006, le rapport Pébereau avait émis un diagnostic clair et, je crois, partagé : pour réussir à nous désendetter, il est indispensable de ne pas diminuer le niveau global des prélèvements obligatoires et de ne plus faire de nouvelles dépenses fiscales. Au lieu de cela, le candidat à la présidence de la République avait promis de baisser de quatre points les prélèvements obligatoires, promesse qu’il n’a pas tenue. Quant au gouvernement issu des élections de 2007, il a remisé au placard le rapport et sacralisé les dépenses et exonérations improductives au travers du paquet fiscal créé par la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, dite « loi TEPA ».

Certes, à l’approche de l’élection présidentielle de 2012, le Président et son gouvernement détricotent le fameux paquet fiscal. Mais, en fait de rupture, ils creusent un gouffre dans nos finances publiques, nous privant de toute marge de manœuvre face à la crise pour en assurer la sortie. Je n’hésite pas à le dire : ils livrent la France, pieds et poings liés, aux marchés financiers, …

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

… qui ne croient pas plus que nous à la crédibilité de leurs initiatives. Pour s’en convaincre, il suffit de regarder leur évolution dans la période récente.

La charge de la dette est estimée à 55 milliards d’euros par an.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

À partir de 2013, elle sera équivalente au budget de l’éducation nationale, soit 60 milliards d’euros.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Cela en dit long sur la gravité des mauvais choix que vous avez effectués.

S’agissant du déficit, le premier trimestre de 2011 a connu un alourdissement par rapport au premier trimestre de 2010. M. le ministre nous dira sans doute qu’il opérera, avant la fin de l’année, les régulations nécessaires pour tenir la trajectoire.

Parlons justement de la trajectoire définie par le programme de stabilité adressé à la Commission européenne à la fin du mois d’avril dans le cadre du « semestre européen ».

Nous disposons désormais des recommandations de la Commission. Elles sont contestables dans la mesure où elles suggèrent des dispositions qui ne sont pas en phase avec la stratégie de croissance de l’Union européenne pour 2020. Nous déposerons donc dans les prochains jours, François Marc et moi-même, au nom du groupe socialiste, une proposition de résolution. En effet, je le rappelle, le pacte de stabilité, auquel les trajectoires nationales de finances publiques doivent se référer, est encore en débat entre la Commission de Bruxelles et le Parlement européen au moment où l’on nous demande – paradoxe du calendrier – d’adopter une nouvelle règle pour modifier la hiérarchie des normes, notamment financières.

La Commission n’est pas allée jusqu’à marquer sa défiance envers la stratégie du gouvernement français, mais elle a montré, comme nous, son incrédulité, certainement au regard des pratiques passées – je les ai rappelées –, et elle a fait part de ses doutes pour l’avenir. En clair, elle ne croit pas au scénario macroéconomique sur lequel repose la trajectoire de finances publiques de la France. Celle-ci sera toujours contestable dans la mesure où c’est le Gouvernement qui l’élabore à partir d’une philosophie et d’une stratégie politiques. Il faudrait changer de méthode et adopter le principe d’une élaboration indépendante de l’hypothèse sur laquelle repose la loi de finances, et a fortiori la trajectoire budgétaire, comme le font depuis la fin de la guerre les Pays-Bas au travers du Bureau central de planification. Dans ce pays, personne, quelle que soit la majorité au pouvoir, ne conteste le travail de cet organisme et chaque parti qui ambitionne d’exercer les responsabilités soumet son programme à son évaluation.

Pour faire bonne mesure, puisque ce dispositif a été mis en place par un gouvernement travailliste, je prendrai un autre exemple – vous voyez que je ne suis pas sectaire, monsieur Marini. Le gouvernement de M. Cameron, conservateur s’il en est, a choisi – cela a même été la première mesure qu’il a prise – de créer un office de responsabilité budgétaire, qui est désormais chargé de l’élaboration de l’hypothèse macroéconomique sur laquelle reposent les prévisions budgétaires.

Pour nous, socialistes, compte tenu de nos fondamentaux, il est clair que le chemin d’une croissance solide passe par l’emploi, seul facteur susceptible de consolider la reprise. Le Gouvernement serait donc bien avisé de supprimer la dernière mesure qui subsiste du paquet fiscal, celle relative aux heures supplémentaires, dont le coût pour les finances publiques est de 4 milliards d’euros, charges sociales et exonérations fiscales comprises.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Il s’agit d’une véritable entrave qui empêche de revenir au niveau de l’emploi du premier trimestre de 2008, c’est-à-dire avant la crise. Si vous voulez donner un signal positif, agissez sans tarder !

Au lieu de cela, le Gouvernement continue de s’égarer dans des propositions coûteuses pour les finances publiques…

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

… et impuissantes à restaurer le pouvoir d’achat – je pense à la prime aux salariés – ainsi que la justice fiscale.

La justice fiscale, d’ailleurs, vous l’oubliez, puisque le projet de loi de finances rectificative que nous examinerons prochainement, s’il supprime le bouclier fiscal, qui coûte 700 millions d'euros, crée une dépense de 1, 8 milliard d'euros avec l’allégement de l’ISF, sans que – j’ai bien suivi les débats à l’Assemblée nationale, monsieur le ministre – le Gouvernement clarifie l’équilibre entre les dépenses et les recettes du dispositif sur la nouvelle imposition du patrimoine.

En clair, ce que je veux démontrer, c’est que vous nous proposez une loi d’airain, mais vous continuez à creuser le trou des finances publiques.

M Marini estime que le projet de loi constitutionnelle est un « texte de procédure qui n’aborde pas les questions de fond ». Il a raison ! Il est vrai qu’il n’a toujours pas trouvé la réponse à une question essentielle, qui est de taille : si les prévisions macroéconomiques ne sont pas au rendez-vous, quelles mesures seront-elles prises ? Augmentera-t-on les prélèvements ou compressera-t-on les recettes, ou les deux ? Le sujet est tabou – nous l’avons compris – jusqu’au printemps de 2012.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Faut-il rappeler que les termes du pacte de stabilité en débat entre la Commission de Bruxelles et le Parlement européen prévoient une économie pour la France de 20 milliards d'euros par an ?

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Du côté recettes ou des moindres dépenses, le débat sur les niches fiscales est renvoyé au projet de loi de finances pour 2012. C’est pourtant une préconisation de la Commission, qui observe que la France dispose de marges de manœuvre de ce côté-là.

On a pu constater l’émotion suscitée par la possibilité de supprimer l’ISF. Tous les lobbies sont venus dire que l’on pouvait supprimer cet impôt, mais qu’il ne fallait surtout pas toucher aux exonérations qui y étaient liées, autrement dit aux niches fiscales.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Si j’ai rappelé le contexte, c’est parce qu’il fait douter de la sincérité du projet de loi constitutionnelle. S’il s’était agi de faire converger notre législation vers la loi fondamentale allemande de 2009, on aurait pris le temps de réfléchir aux moyens d’action sur le déficit structurel, on aurait établi un calendrier – comme l’ont fait nos collègues allemands – et on aurait clarifié les modalités d’application et de contrôle.

La mission Camdessus a jugé qu’il n’était pas possible de définir ce qu’était un « solde structurel » ; elle a préféré à cette notion celle de « trajectoire d’ordre structurel », qui a pour conséquence de se concentrer sur les deux facteurs maîtrisables par l’État, donc imputables à des mesures discrétionnaires prises par lui. Nous adoptons donc, à l’inverse de notre principal partenaire, un critère purement national et de court terme. En fait de convergence, nous commençons par la divergence.

La référence à une « trajectoire structurelle » suppose la définition d’un « équilibre structurel » et, le cas échéant, d’un « solde structurel ». S’il s’agit d’éviter les dérogations au fil de l’eau, sauf en cas de circonstances exceptionnelles, il conviendrait de définir à quoi l’on déroge ! Pour l’instant, nous ne le savons pas.

Nous avons donc un « tunnel », c’est-à-dire un minimum de recettes – un plancher – et un maximum de dépenses – un plafond – qui devraient rectifier les écarts. Mais la définition des circonstances exceptionnelles est renvoyée à la loi organique, tout comme les modalités de compensation des écarts. On a beau nous dire qu’il y aura un compte de contrôle pour la correction des écarts, mais lui aussi est renvoyé à la future loi organique. Décidément, mes chers collègues, vous tirez beaucoup de chèques sur l’avenir…

On aurait pu penser que l’urgence requise pour l’examen du projet de loi constitutionnelle justifierait une action immédiate. Mais non, on verra tout cela après 2012 !

On aurait pu penser que la règle fixée justifierait l’accompagnement de modalités précises. Mais non, on verra après 2012 !

Nous sommes d’autant plus circonspects que la loi organique n’est même pas une garantie. Lors du débat sur les retraites, on a vu comment elle a été foulée aux pieds par le Gouvernement et la majorité quand il s’est agi de la mise à contribution de la Caisse d’amortissement de la dette sociale, la CADES ; on a allongé sa durée de vie sans apporter le gage de recettes afférentes.

Quant au monopole des lois de finances en matière fiscale, vous vous êtes tous exprimés, mes chers collègues de la majorité, contre le texte du Gouvernement. On a bien compris que la majorité allait aboutir à un compromis, dont on voit bien comment il se dessine : vous allez finalement faire un « monopole light », …

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

À l’occasion de l’examen de ce texte, j’ai relu le compte rendu des débats qui s’étaient déroulés au Sénat lors de la réforme constitutionnelle de 2008. C’est assez cocasse…

M. Arthuis avait déposé un amendement visant à supprimer l’article 40 de la Constitution. Je ne reprendrai pas son argumentation, mais il énumérait tous les dispositifs dont un gouvernement dispose pour contraindre la majorité parlementaire à voter les textes qu’il propose.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

M. Mercier, à l’époque sénateur, n’était pas le dernier à défendre la suppression de l’article 40 et à reprendre cette énumération.

Monsieur le ministre, mes chers collègues de la majorité, je vous préviens : ne nous faites pas le coup de l’irresponsabilité. J’ai évoqué la LOLF au début de mon intervention, mais rappelez-vous que nous avons également su prendre nos responsabilités récemment. En effet, nous n’avons fait barrage ni au plan de sauvetage des banques, en octobre 2008, tout en demandant des contreparties que vous avez refusées, ni à la solidarité de la France envers les pays en difficulté de la zone euro, tout en vous alertant sur l’impasse à laquelle menaient les plans d’austérité draconiens qui leur étaient imposés.

Nous ne vous laisserons pas davantage mettre en doute nos capacités de gestion. Les majorités de gauche, auxquelles les électeurs ont accordé leur confiance, …

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

… les exercent dans cinquante-huit départements, vingt-trois régions et des milliers de communes et d’intercommunalités. D’ailleurs, on nous reproche parfois notre engouement pour la bonne gestion.

Vous le savez, ces collectivités sont toutes mises à rude épreuve par la perte de l’autonomie fiscale et financière que vous avez organisée à leur encontre. Pourtant, elles ont déjà leur règle d’or, puisqu’elles ne peuvent contracter des dettes que pour des investissements, et la Constitution consacre la république décentralisée. Mon collègue Bernard Frimat a dit tout à l’heure ce qu’il fallait penser de vos velléités constitutionnelles…

C’est le débat électoral entre la gauche et la droite qui doit confronter les stratégies de redressement de nos comptes, entre ajustements par les recettes et les dépenses, et non ce projet de loi de pure opportunité, fût-il de portée constitutionnelle. C’est aux Français d’être juges de la trajectoire que nous voulons pour la France !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Chevènement.

M. Jacques Mézard applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? Cette vingt-cinquième révision de la Constitution, la troisième de la législature, va exactement à l’inverse du but proclamé par celle de 2008, à savoir « revaloriser les droits du Parlement ».

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

Depuis toujours, celui-ci vote le budget et autorise l’impôt. C’est pour cela qu’il a été fait.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

Le présent projet de loi constitutionnelle vise à soumettre la loi de finances et la loi de financement de la sécurité sociale à une loi-cadre d’équilibre, nouvel instrument juridique supérieur, dans la hiérarchie des normes, aux lois financières et aux lois ordinaires. Le Conseil constitutionnel sera systématiquement saisi de la conformité des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale à la loi-cadre.

Première observation : c’est transformer le Conseil constitutionnel en gardien de la bonne gestion des finances publiques. Vision surréaliste ! Comment le Conseil constitutionnel pourrait-il apprécier, à l’horizon de trois ans, la fiabilité des prévisions économiques et budgétaires nécessairement fragiles ? Les neuf sages, qui n’ont pas la science économique infuse, à supposer qu’elle existe – tout le monde n’est pas Michel Charasse

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

J’indique au passage que le projet de loi constitutionnelle, qui prétend figer pour au moins trois ans les équilibres budgétaires, est profondément attentatoire aux droits de l’opposition et à l’idée même d’alternance. Nous avons des élections en 2012. Si la gauche devait l’emporter, prétendez-vous lui interdire d’appliquer le programme qu’elle aura défini ? Je ne parle pas du programme du parti socialiste, mais de celui, sûrement différent, qu’aura défendu le candidat qu’elle soutiendra devant les électeurs.

Le projet de loi constitutionnelle est une atteinte non seulement à la démocratie, mais aussi au bon sens.

Monsieur le ministre, si vous aviez présenté ce projet de loi constitutionnelle en 2007, auriez-vous pu faire voter, en 2008, un projet de loi pour venir au secours des banques ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

Auriez-vous pu faire adopter un plan de relance pour lutter contre la récession en 2009 ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

Auriez-vous lancé, en 2010, un grand emprunt pour donner une impulsion – insuffisante d’ailleurs – aux secteurs d’avenir ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Mais oui ! On l’a fait par le biais des projets de loi de finances !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

On nous demande de voter ce projet de loi constitutionnelle, comme on demandait aux croyants de croire : credo quia absurdum. On vous demande de voter, mes chers collègues, parce que c’est absurde !

Deuxième observation : le projet de loi constitutionnelle vise à créer un monopole pour les lois financières, assorti de procédures d’irrecevabilité pour tout amendement à une loi ordinaire ou à toute proposition de loi ayant une incidence fiscale. Mais je croyais que vous étiez des libéraux et donc que vous étiez contre les monopoles…

Ce monopole est une atteinte si grave au droit d’initiative parlementaire, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

… aux prérogatives des commissions et à la loi elle-même que la commission des lois propose de lui substituer « une compétence exclusive de ces lois pour déterminer l’entrée en vigueur des mesures relatives aux prélèvements obligatoires ».

Je ne discerne pas clairement en quoi ce dispositif, sûrement ingénieux, monsieur le rapporteur, rendrait aux parlementaires et aux commissions leur droit d’initiative dans le cadre de la discussion d’une loi ordinaire, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

… dès lors que le Gouvernement pourrait y revenir ultérieurement, lors de l’examen d’un projet de loi de finances, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

… au cours d’une séance de rattrapage, si je puis dire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

Le projet de loi constitutionnelle attente aux prérogatives du Parlement et, accessoirement, à celles du Gouvernement : celui-ci ne pourra plus agir par la voie des ordonnances prévues à l’article 38 de la Constitution, dès lors que celles-ci pourraient entrer dans un champ infiniment vaste des lois-cadres d’équilibre, qui fixent des règles, des principes, des orientations, des normes, des plafonds de dépenses et des planchers de recettes, etc. Bonne chance à celui – Parlement, Gouvernement, Conseil constitutionnel – qui pourra se retrouver dans le galimatias de cette usine à gaz !

Troisième observation : suprême hypocrisie, le projet de loi constitutionnelle prétend introduire dans notre Constitution un article 88-8 censé associer le Parlement aux engagements européens. Mais, vous le savez bien, c’est tout le contraire qui est vrai ! Nous sommes au cœur d’un processus de dessaisissement du Parlement.

Le projet de loi constitutionnelle prétend également soumettre au Parlement, quinze jours avant sa transmission à la Commission européenne, au mois d’avril de chaque année, le projet de programme de stabilité. En réalité, celui-ci définit des normes concertées entre les cabinets ministériels français et les institutions européennes. Le Parlement, qui vote le budget vers le 20 décembre, se retrouvera ainsi entièrement ficelé, dessaisi, dès le mois d’avril, de sa compétence budgétaire. Pour organiser ce « semestre européen », cinq propositions de règlements européens et une proposition de directive sont en cours d’élaboration.

Le volet préventif du pacte de stabilité et de croissance comporterait un principe de limitation de la croissance annuelle des dépenses par rapport à la croissance du PIB et l’obligation de constituer un dépôt portant intérêt, en cas d’écart important par rapport à la trajectoire. Il faut le savoir, et je vous y rends sensibles, mes chers collègues, ce que l’on veut nous faire voter ici n’a de sens qu’eu égard à cette mécanique européenne.

Le volet correctif repose sur des mécanismes de sanction qui, en cas de déficit excessif, interviendraient non plus de manière automatique, mais sur décision du Conseil selon, toutefois, des règles de majorité inversée véritablement extravagantes ! La sanction s’appliquerait s’il n’y a pas trois cinquièmes des États pour s’y opposer.

Une proposition de directive prévoit « la mise en place d’une planification budgétaire pluriannuelle s’appliquant à l’ensemble des administrations publiques » et « des règles budgétaires chiffrées faisant l’objet d’un contrôle effectif ». Monsieur le ministre, pouvez-vous nous en dire plus sur ces novations institutionnelles, qui entraîneront certainement la révision du traité de Lisbonne ?

Le projet de loi constitutionnelle reprend dans ses articles 7, 8 et 9 la plupart des termes de la proposition de directive.

On a là un exemple instructif de la manière dont s’articuleront les décisions budgétaires nationales et les orientations de la programmation européenne. On n’attend même pas que les institutions de Bruxelles aient statué pour se conformer par avance aux dispositions qu’elles sont déjà réputées avoir prises !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

… selon la novlangue inventée par M. Trichet, qui nous parle déjà de « ministère des finances européen ».

Le Parlement sera mis devant le fait accompli. Le « semestre européen » instaurera, dès le mois d’avril, un véritable « cycle de surveillance » et les institutions communautaires adresseront, dès le mois de juillet, leurs observations aux États membres. Monsieur le rapporteur, vous parlez d’un « chaînage vertueux », alors qu’il vaudrait mieux parler d’un « enchaînement » !

M. le rapporteur s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

Tout cela se fait dans l’indifférence totale de l’opinion publique, qui n’est pas informée. C’est un coup d’État permanent dont nous serons l’objet au travers de ces lois-cadres d’équilibre.

Hier – vous en souvenez-vous, mes chers collègues ? –, le traité de Maastricht nous privait de notre souveraineté monétaire. Nous en subissons les conséquences. Aujourd'hui, c’est de la souveraineté budgétaire que l’on veut nous dessaisir !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

L’enchaînement est parfaitement logique !

Dès le départ, la monnaie unique a été conçue comme une monnaie politique, comme le levier d’un fédéralisme européen complètement irréaliste.

En réalité, le ver était dans le fruit dès l’origine. On a toujours voulu faire l’Europe en ignorant la réalité des nations. C’est le vice initial de Maastricht : on a transféré le pouvoir monétaire à une banque centrale indépendante, une sorte de « BuBa bis » n’ayant d’autre mission que de lutter contre l’inflation, et ce dans une zone économique et monétaire loin d’être homogène. L’Europe compte en effet de grands pays industriels comme l’Allemagne, mais elle est aussi composée de pays moins industrialisés ou sans industrie.

Aujourd’hui, la réalité se venge. Les marchés financiers creusent des écarts de taux insoutenables entre les différents pays. Le Fonds européen de stabilité financière n’est pas suffisamment doté pour faire face aux demandes d’aide des pays en difficulté et l’Allemagne n’entend pas aider le Péloponnèse à la hauteur de ce qu’elle aurait fait pour le Brandebourg, tant il est vrai – cela se comprend d’ailleurs – que la solidarité européenne n’a pas la même force que la solidarité nationale. C’est le b.a.-ba non pas de la science politique, dirais-je, mais du bon sens !

En fait, les marchés financiers dictent leur loi. M. Sarkozy explique la nécessité de la RGPP et des différentes « réformes » qui tendent toutes à l’abaissement du coût du travail par le souci de conserver le « triple A » que les agences de notation accordent à la France. Mais comment mieux dire que Standard and Poor’s exerce désormais la souveraineté populaire ? Or, vous le savez bien, les peuples européens s’opposent à cette perspective d’austérité à perpétuité. Ils refusent d’être mis en coupe réglée par le capitalisme financier. Ils ne veulent pas d’une Europe qui s’identifie à la régression et au déclin. Il faut donc leur en offrir une autre, qui signifie, à l’inverse, croissance et progrès social !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

L’euro, monnaie à la fois branlante et surévaluée, asphyxie notre économie et accélère notre désindustrialisation. Mais l’euro existe. Mieux vaudrait donc le réformer, en changeant ses règles du jeu.

Je ne développerai pas longuement ici la manière de procéder. Sachez seulement qu’il suffirait d’étendre les missions de la Banque centrale européenne, parce que c’est là que tout se passe, de lancer un grand emprunt et de prendre une grande initiative européenne de croissance s’appuyant sur un plan de relance salariale décliné par pays.

Ou bien tous les pays de la zone euro seront capables d’inverser ensemble leur politique dans le sens du progrès, et des élections générales auront lieu en 2012 et en 2013 dans les grands pays de la zone euro ; ou bien, ils en seront incapables et la zone euro ne survivra pas à une cure d’austérité généralisée.

Il faudrait sans doute faire évoluer le système de l’euro vers des formules praticables, en revenant, par exemple, à l’idée, pas si stupide, d’une monnaie commune, qui avait été proposée jadis par les Britanniques et soutenue, en France, par MM. Balladur et Bérégovoy et, accessoirement, par moi-même !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

« Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué », vous demandais-je au début de mon intervention ? Il vaudrait mieux renvoyer les chambres parlementaires dans le néant, puisque l’on va les priver du droit d’élaborer le budget, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

… du droit d’amender, du droit d’initiative ! Que restera-t-il du Parlement ?

Il vaudrait mieux, disais-je, renvoyer les chambres dans le néant, comme le 10 juillet 1940 à Vichy, tant il est vrai, comme le disait Pierre Mendès-France, le 18 janvier 1957, que « l’abdication de la démocratie peut prendre deux formes, elle recourt soit à une dictature interne par la remise de tous les pouvoirs à un homme providentiel, soit à la délégation de ses pouvoirs à une autorité extérieure, laquelle, au nom de la technique, exercera en réalité la puissance politique ».

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

Vision prémonitoire de l’un des derniers grands républicains !

On a envie de dire : « Mendès-France, de Gaulle, réveillez-vous ! Ils sont devenus fous ! »

Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard César

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce qui nous rassemble aujourd’hui, avec l’examen du projet de loi constitutionnelle relatif à l’équilibre des finances publiques, c’est bien notre volonté de nous doter d’instruments susceptibles de juguler la dérive de nos finances publiques.

À mon avis, tout parlementaire français, européen convaincu et citoyen responsable, c’est-à-dire respectueux de la stratégie Europe 2020 et soucieux de ne pas laisser en héritage à la génération suivante une situation financière intenable, ne peut que nous rejoindre pour adopter ce texte, aujourd'hui, au Sénat et, demain, en congrès.

C’est pourquoi j’approuve sans réserve la création des lois-cadres d’équilibre, qui s’inscrit parfaitement dans le contexte du « Pacte pour l’euro ».

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard César

Elles sont un instrument essentiel – certes très contraignant ! – pour mettre fin à la dérive de nos finances publiques.

À ce titre, j’approuve la précision judicieuse apportée par la commission des lois, sur l’initiative de son rapporteur Jean-Jacques Hyest, dans un amendement à l’article 1er du projet de loi constitutionnelle, pour renforcer l’efficacité du contrôle exercé par le Conseil constitutionnel. En revanche, au regard de l’objectif affiché de lutte contre la dérive des finances publiques, que je soutiens, comme chacun d’entre nous, sans réserve, je suis beaucoup plus réservé sur l’instauration d’un monopole sur toute mesure fiscale au bénéfice des seules lois financières.

Comme l’a souligné Jean-Paul Emorine, tant dans l’avis adopté par la commission de l’économie que dans son intervention liminaire, l’impact budgétaire des mesures prises dans des lois de finances est inférieur à 16 % de l’ensemble des mesures nouvelles relatives aux recettes de l’État adoptées ces dix dernières années. Il n’est donc pas admissible d’assimiler les commissions parlementaires, à l’exception de celle des finances, à des commissions « dépensières ».

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard César

N’oublions pas que, contrairement au Gouvernement, les parlementaires sont déjà fortement contraints par l’article 40 de la Constitution, qui leur interdit de déposer des amendements tendant à entraîner une diminution des ressources publiques ou la création ou l’aggravation d’une charge publique.

Bien plus, et en tant que rapporteur d’une loi récente importante, la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, je relève que nous avons alors adopté plusieurs dispositifs instituant des recettes fiscales, afin de permettre la mise en œuvre de politiques publiques de soutien au monde agricole.

Afin de ne pas allonger mon propos, je ne prendrai ici que deux exemples très précis.

Premièrement, j’évoquerai la mise en place, par amendement du Gouvernement, lors de l’examen du projet de loi au Sénat, d’une taxe additionnelle à la taxe sur les surfaces commerciales.

Cette taxe est acquittée par les enseignes commerciales d’une certaine taille qui n’ont pas souscrit avec l’État un accord annuel de modération sur les marges de distribution des fruits et légumes frais. Il s’agit bien sûr d’une mesure encourageant la mise en œuvre d’une politique publique au bénéfice des consommateurs et qui ne coûte rien au budget de l’État, bien au contraire !

Deuxièmement, l’article 55 instaure une taxe sur la cession à titre onéreux de terrains nus rendus constructibles. Cette taxe, perçue au profit de l’État, vient abonder un fonds pour l’installation des jeunes agriculteurs inscrit au budget de l’Agence de services et de paiement, qui finance des mesures visant à faciliter l’accès au foncier et à développer des projets innovants. Il s’agit d’un aspect essentiel pour l’avenir de l’agriculture, et la commission de l’économie était à même d’en arrêter tant le principe que les modalités de mise en œuvre.

Vous voyez bien, mes chers collègues, qu’il ne serait pas cohérent qu’une loi ordinaire ne puisse plus arrêter des mesures prévoyant les ressources nécessaires à la mise en œuvre d’une politique publique définie dans le cadre même de cette loi. Et cela ne contrevient en rien à notre volonté réaffirmée de lutter contre l’endettement excessif de notre pays, bien au contraire !

Pour conclure, je tiens à souligner que l’amendement de bon sens adopté par la commission de l’économie laisse toute latitude au Gouvernement pour revenir sur des mesures financières ayant pour effet de diminuer des recettes fiscales, même compensées, et portant atteinte au respect des limites fixées par les lois-cadres d’équilibre. Mais il préserve également les droits du Parlement, et je souhaite que cette solution de compromis soit adoptée.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous connaissons tous la situation calamiteuse de nos finances publiques. Elle a d’ailleurs été largement rappelée depuis le début de cette discussion générale, notamment par M. Arthuis ; je n’y reviendrai donc pas.

Cette situation, nous en sommes tous responsables, à droite comme à gauche

M. Jean Desessard s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

… puisque le dernier excédent budgétaire de la France remonte à près de quarante ans.

Depuis, aucune majorité, ni de gauche ni de droite, n’a eu le courage de prendre à bras-le-corps cette question. Il était donc grand temps, ainsi que le demandaient les centristes depuis de nombreuses années, de cesser la politique de l’autruche.

Nous nous réjouissons d’être enfin entendus par le Gouvernement. Nous regrettons seulement qu’il ait attendu la fin de la législature pour le faire.

Nous soutenons pleinement le Gouvernement dans sa volonté de s’attaquer enfin aux déficits publics. Nous sommes donc favorables au principe de ce projet de loi constitutionnelle et à son apport principal, à savoir l’instauration de lois-cadres d’équilibre des finances publiques. Ayant vocation à se substituer aux lois de programmation des finances publiques, ces lois-cadres seront beaucoup plus contraignantes, puisqu’elles fixeront un plafond de dépenses et un minimum de recettes qui s’imposeront aux lois de finances et aux lois de financement de la sécurité sociale.

Cette nouvelle catégorie de norme juridique, supérieure à la loi ordinaire, ne sera donc ni un gadget ni une disposition purement symbolique. Elle constituera une véritable contrainte. Nous nous en réjouissons, même si, il faut en être conscient, aucune règle juridique ne remplacera une réelle volonté de nos gouvernants en termes de gestion rigoureuse des finances publiques.

La loi organique qui viendra préciser les conditions dans lesquelles il sera possible de modifier ces textes devra les réserver à des cas exceptionnels, tels qu’une grave crise économique. L’efficacité des lois-cadres dépendra en effet du caractère limité dans lequel elles pourront être modifiées.

Si j’approuve donc le principe de ce texte et sa principale disposition, je ne peux malheureusement pas approuver la mesure tendant à instaurer un monopole au profit des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale en matière de prélèvements obligatoires. Je ne vois d’ailleurs pas quel parlementaire informé, mis à part un membre de la commission des finances, pourrait accepter cette proposition, qui réduirait considérablement, il faut en être conscient, le rôle des parlementaires et tout particulièrement celui des sénateurs.

Ce rôle, déjà très contraint en matière fiscale par l’article 40 de la Constitution, le serait plus encore avec ce dispositif : nous ne pourrions plus adopter des propositions de loi comprenant des dispositions fiscales ou des amendements fiscaux dans le cadre d’une loi ordinaire ; enfin, la technique du « gage », qui permet de rendre recevables des amendements entraînant des baisses de recettes, serait aussi menacée.

Vous le constatez, mes chers collègues, le monopole est donc en opposition totale avec l’objectif de revalorisation des pouvoirs du Parlement affirmé lors de la réforme constitutionnelle de 2008. Le rapporteur de la commission des lois, Jean-Jacques Hyest, ainsi que le rapporteur pour avis de la commission de l’économie, Jean-Paul Emorine, et le rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, Alain Vasselle, l’ont d’ailleurs très bien expliqué tout à l’heure.

Les lois de finances et les lois de financement de la sécurité sociale échappent en grande partie au renforcement de l’initiative parlementaire instituée en 2008. C’est en effet le texte du Gouvernement et non celui de la commission qui est examiné et, de surcroît, la procédure accélérée est systématiquement appliquée.

Lors de la réforme constitutionnelle de 2008, le président Jean Arthuis nous avait proposé par amendement l’abrogation de l’article 40 de la Constitution, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

... nous invitant à faire « le pari, qu’en rendant leur liberté aux parlementaires, ils mesureront et assumeront la plénitude de leurs responsabilités ».

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Mes chers collègues, il faut en avoir conscience, à côté de l’arme nucléaire que constituerait le dispositif proposé aujourd’hui par le Gouvernement, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

... l’article 40, que nous trouvons déjà très contraignant, fait figure de pistolet à eau ! De surcroît, ce dispositif affaiblirait considérablement le Sénat dans l’équilibre de nos institutions, puisque le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale sont soumis en priorité à l’Assemblée nationale.

Qu’en serait-il, par ailleurs, des dispositions fiscales directement liées à l’organisation territoriale ? La priorité du Sénat en matière de projets de loi relatif à l’organisation des collectivités territoriales serait clairement menacée.

Enfin, contrairement à ce que certains ont affirmé, cette disposition n’est pas – loin s’en faut ! – nécessaire pour atteindre l’objectif du présent projet de loi constitutionnelle, puisque le monopole vise l’ensemble des mesures fiscales et pas seulement les dépenses.

Autrement dit, Gérard César l’a indiqué tout à l’heure, il ne serait même plus possible, dans une loi ordinaire, de créer ou d’augmenter un impôt, c’est-à-dire une recette. Pour prendre un autre exemple que celui de notre collègue, je vous rappelle que la récente loi portant nouvelle organisation du marché de l’électricité a dégagé 75 millions d’euros de recettes grâce à une réforme de la taxe sur l’électricité.

Mes chers collègues, je suis très attaché, comme la plupart d’entre vous, au rétablissement de nos finances publiques ; celui-ci est indispensable. Toutefois, je ne peux pas accepter, sous prétexte que nous dépenserions trop, que l’on nous coupe les deux bras pour ne plus signer de chèques !

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Vous l’admettrez, c’est d’autant plus excessif que la plupart des dépenses fiscales d’ampleur ont été adoptées par le Parlement à la demande du Gouvernement ou avec son soutien actif.

En conclusion, madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, si ce projet de loi est à mes yeux indispensable, j’espère que nous aurons la sagesse de renoncer à introduire ce monopole tel qu’il nous est proposé et que nous adopterons un certain nombre d’amendements afin d’améliorer ce texte. Dans le cas contraire, à mon grand regret, je ne voterai pas cette réforme.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures cinquante.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante, est reprise à vingt-et-une heures cinquante, sous la présidence de M. Guy Fischer.