Comme vous le soulignez dans votre rapport, monsieur le rapporteur, cette préoccupation n’est pas entièrement nouvelle. Elle s’est traduite, tant en droit interne que dans le cadre de la construction européenne, par un ensemble de dispositions, à différents niveaux de notre ordre normatif, destinées à fixer des règles de fond ou de comportement des acteurs des finances publiques.
Pour les collectivités territoriales – cela intéresse au premier chef le Sénat –, la loi a ainsi posé, de longue date, le principe de l’équilibre des comptes, entendu comme l’impossibilité d’affecter les ressources tirées de l’emprunt à des dépenses de fonctionnement.
Selon une logique analogue, quoique d’une portée plus limitée, il a été prévu, au niveau national, que les recettes issues des privatisations seraient exclusivement consacrées au désendettement ou à des opérations en capital.
Plus récemment, le législateur organique a, en outre, fixé, pour le budget de l’État, des règles d’affectation des surplus de recettes et, pour l’amortissement de la dette sociale, des règles temporelles d’apurement.
Au niveau communautaire enfin, un pacte de stabilité et de croissance a fixé des normes de déficit et d’endettement et créé des mécanismes de revue par les pairs et par la Commission européenne, avec les difficultés de mise en œuvre que vous connaissez.
Le projet de loi constitutionnelle que le Gouvernement soumet aujourd’hui à votre examen, mesdames, messieurs les sénateurs, permet d’aller plus loin, en inscrivant dans la Constitution un objectif de retour à l’équilibre des finances publiques et en y instituant des règles et instruments propres à en garantir le respect.
Depuis plus de trente-cinq ans, aucun budget n’a été en équilibre. Il ne s’agit évidemment pas ici de rejeter je ne sais quelle faute sur tel ou tel, d’autant que cette situation est héritée de gouvernements et de majorités parlementaires de toutes tendances politiques. En revanche, il s’agit d’assumer ensemble nos responsabilités à l’égard des générations futures en établissant, comme le préconise le rapport Camdessus, à l’élaboration duquel a été associée votre commission des finances, une nouvelle « hiérarchie des normes financières » pour rendre juridiquement contraignants les efforts à consentir en matière de réduction du déficit et, par là même, crédibles, donc moins coûteux.
En concrétisant les propositions du groupe de travail présidé par M. Camdessus, le présent projet de loi constitutionnelle entend tirer les enseignements de la crise mondiale, du transfert de la dette privée vers la dette publique et des crises de solvabilité grecque, irlandaise et portugaise. L’instauration d’une norme constitutionnelle contraignante s’imposant au législateur financier apparaît, en effet, comme la seule à même de relever les défis de la décennie à venir.
Cependant, de la même manière que pour la LOLF, la loi organique relative aux lois de finances, adoptée il y a dix ans à quelques mois près, un accord de l’ensemble des formations composant la représentation nationale est nécessaire pour mener à bien cette réforme, et je veux croire qu’il sera atteint.
Au cours des travaux préparatoires à notre débat, le Sénat a marqué l’importance qu’il attache, à l’instar de l’Assemblée nationale, aux enjeux qui sous-tendent le projet de loi constitutionnelle, en s’investissant très largement dans son examen.
Outre les trois commissions initialement saisies – la commission des lois, la commission des finances et la commission des affaires sociales –, sont intervenues la commission de l’économie et celle de la culture. Je tiens à les remercier de cet engagement, qui est primordial. En effet, l’objectif de retour à l’équilibre des finances publiques n’est crédible que si Gouvernement et Parlement agissent ensemble : le Gouvernement prépare le budget et l’exécute, tandis que le Parlement le vote et le contrôle.
En s’emparant de ce débat, le constituant est pleinement dans son rôle. La Constitution ne se limite pas, en effet, à organiser le fonctionnement de nos institutions ; elle est aussi l’expression du pacte social et des principes fondamentaux du « vivre ensemble ». Or vivre ensemble, c’est adopter un comportement responsable à l’égard des générations futures : une dette publique excessive compromettrait leur liberté de choix et leur indépendance économique.
À ce stade de nos travaux, je tiens à saluer le consensus qui s’est dégagé au sein de toutes les commissions et parmi les cinq rapporteurs – puisque le président Jean Arthuis et le rapporteur général du budget, Philippe Marini, corapportent aujourd’hui au nom de la commission des finances – …