Intervention de Bernard Frimat

Réunion du 14 juin 2011 à 14h30
Équilibre des finances publiques — Suite de la discussion d'un projet de loi constitutionnelle

Photo de Bernard FrimatBernard Frimat :

… qui ne laissait jamais place au doute, le rapporteur général nous aurait asséné doctement des certitudes concernant la qualité de la loi de finances et aurait développé les multiples raisons qui, selon lui, militaient en faveur de la politique budgétaire choisie par le Gouvernement pour en arriver là !

Ainsi, vous, chers collègues de la majorité, qui, tout en les condamnant verbalement, avez approuvé par vos votes nombre de niches fiscales, allant parfois jusqu’à en inventer de nouvelles très ciblées et très spécifiques, vous venez aujourd’hui sonner le tocsin et appeler à votre secours une révision constitutionnelle supposée devoir mettre fin à ces errements !

Le débat n’est pas aujourd’hui entre partisans et adversaires de l’équilibre budgétaire, entre tenants de la maîtrise des dépenses publiques et adeptes du déficit systématique, entre professeurs de vertu budgétaire, saisis par un remords tardif, et théoriciens du déséquilibre. Il s’agit simplement de savoir si la révision constitutionnelle proposée est la réponse adaptée à la dégradation de nos finances publiques, dans le respect des pouvoirs respectifs du Parlement et du Gouvernement. Nous croyons qu’il n’en est rien.

En dépit, monsieur le président de la commission des lois, d’un désaccord profond sur la révision constitutionnelle, et donc sur vos propositions, je tiens à saluer la qualité juridique de votre travail. Vous avez souhaité débarrasser le texte de l’Assemblée nationale des scories juridiques que constituent les articles 2 bis et 9 bis. En refusant d’accepter ces lapalissades constitutionnelles qui consistent en substance à affirmer que le Conseil constitutionnel doit déclarer contraire à la Constitution ce qui est contraire à la Constitution, vous permettez au Sénat d’éviter de sombrer dans le ridicule !

Je vous sais gré de votre audace, même si elle vient perturber le compromis boiteux élaboré à l’Assemblée nationale au sein de la majorité pour fermer les yeux, momentanément, le temps du débat parlementaire, sur une irrecevabilité à condition de pouvoir s’assurer qu’ultérieurement l’inconstitutionnalité sera déclarée.

Les raisons qui nous conduisent à refuser cette révision constitutionnelle sont nombreuses. Nicole Bricq et Yves Daudigny y reviendront tout à l’heure. Je souhaite, en ce qui me concerne, évoquer les rôles respectifs du constituant, de la majorité et du Conseil constitutionnel.

Si les conditions d’adoption d’une loi de révision de la Constitution sont plus sévères que celles qui sont requises pour les lois ordinaires ou organiques – une majorité des trois cinquièmes est nécessaire –, c’est parce que la Constitution est la loi fondamentale qui s’impose à toutes les autres lois. Or, par le renvoi systématique à la loi organique pour préciser les conditions d’application des principes constitutionnels, le constituant abandonne son pouvoir à la majorité du moment, tout en laissant au Conseil constitutionnel, obligatoirement saisi, le soin de décider si la loi organique correspond ou non aux principes posés par la Constitution, et ce sans aucune garantie quant au respect de l’esprit qui a animé le constituant.

Le risque de transformer de facto le Conseil constitutionnel en constituant est évident. Or ce n’est en aucune façon son rôle, même si cela peut être pour lui une tentation récurrente. Des exemples récents ne laissent aucun doute sur cette dérive.

Ainsi, la révision constitutionnelle proposée par le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin a affirmé l’organisation décentralisée de la République et mis au cœur de la discussion le titre XII de la Constitution, consacré aux collectivités territoriales. Vous vous souvenez sans doute, mes chers collègues, de nos débats d’alors, et, sur ce thème, des sujets qui nous ont rapprochés ou séparés. Nous nous sommes accordés, sur toutes les travées du Sénat, pour affirmer qu’aucune collectivité territoriale ne pouvait exercer une tutelle sur une autre et que, dans cette perspective, toutes devaient bénéficier de l’autonomie financière.

En réalité, la loi organique votée par la majorité a tordu le cou au principe d’autonomie financière, qui, avec l’aval du Conseil constitutionnel, se trouve réduit de fait à la seule faculté, pour les collectivités territoriales, d’affecter librement des ressources octroyées.

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