Intervention de Aymeri de Montesquiou

Réunion du 14 juin 2011 à 14h30
Équilibre des finances publiques — Suite de la discussion d'un projet de loi constitutionnelle

Photo de Aymeri de MontesquiouAymeri de Montesquiou :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes parvenus en 2001 à surmonter les clivages politiques pour adopter à une très large majorité la loi organique relative aux lois de finances. Nous devons ensemble, de nouveau, préserver les générations à venir par la réforme majeure qui nous est soumise aujourd’hui.

Voilà trente ans, qui aurait pu imaginer une telle dégradation de nos déficits et de notre dette publics, amplifiée par la dernière crise ? Elle a atteint un seuil si critique que des mesures drastiques s’imposent. Michel Camdessus a raison de l’affirmer : « Nous avons tous besoin de règles pour soutenir notre vertu. » Il manque un instrument juridique s’imposant aux lois de finances et aux lois de financement de la sécurité sociale, lois « jumelles » qui garantissent le respect d’une trajectoire de retour vers l’équilibre budgétaire. La consécration de l’équilibre des finances publiques comme principe constitutionnel, norme suprême s’imposant à toutes les autorités, est l’aboutissement de cette réflexion.

Une révision constitutionnelle n’est jamais anodine. Ce texte exprime l’engagement européen du Président de la République, pris lors du Conseil européen du mois de mars dernier dans le cadre du « Pacte pour l’euro plus ». Notre crédibilité à l’égard de nos partenaires européens et sur la scène internationale est liée au succès de nos réformes, que les agences de notation scrutent sans bienveillance. On peut juger cette situation exaspérante, révoltante, mais les taux d’intérêt de notre dette dépendent de leur appréciation.

La dissimulation de la réalité, les prévisions trop optimistes présentées à la Commission européenne, jamais vérifiées à l’échelon national, devraient désormais appartenir au passé. L’article 12 de ce projet de loi constitutionnelle introduit un contrôle parlementaire assorti d’un vote sur nos engagements européens, s’inscrivant dans un programme de stabilité. Je me réjouis de cette consultation parlementaire préalable à la remise du projet de programme de stabilité aux autorités communautaires, mais je soutiens la proposition de résolution du président de la commission des finances, M. Jean Arthuis, et du rapporteur général de la commission des finances, M. Philippe Marini, car elle permettra un contrôle plus précis et plus efficace de la mise en œuvre dudit programme.

Le rapport Camdessus a inspiré ce texte, la loi de programmation des finances publiques pour la période 2011-2014 en est la « répétition générale ». C’est elle qui a introduit la trajectoire pluriannuelle des finances publiques.

Des hypothèses économiques prudentes sous-tendent ce projet de loi. J’ai toujours exprimé la conviction que les prévisions de croissance devaient être le plus modestes possible, en soulignant que, si elles étaient dépassées, nous pourrions affecter le surplus au remboursement de la dette, qui est prioritaire. J’avais même proposé de retenir pour hypothèse de base du projet de loi de finances une croissance zéro.

Or le Gouvernement a toujours présenté un scénario trop optimiste, le revoyant ensuite systématiquement à la baisse, avec les difficultés financières, administratives et politiques que cela induit. Pourquoi ne pas confier à un organisme indépendant, à l’image du Bureau central de planification néerlandais ou de l’Office for budget responsibility britannique, le soin d’établir l’hypothèse de croissance ? La Cour des comptes pourrait tenir ce rôle.

La sincérité des prévisions sera le socle des lois-cadres d’équilibre des finances publiques créées par l’article 1er du projet de loi constitutionnelle. Celui-ci instaure également, et c’est essentiel, le monopole des lois financières sur les prélèvements obligatoires. Cet article provoque une forte émotion au sein des commissions permanentes, qui se sentent dépossédées de leur droit d’amendement. Il faut donc souligner que tout parlementaire conservera bien sûr la possibilité de déposer des amendements sur les projets de loi financière. Je ne peux que me réjouir de cette rationalisation, qui met fin à une dispersion des dispositions fiscales et sociales nuisible à la cohérence et à la lisibilité de notre politique de prélèvements obligatoires.

Ce monopole est déjà respecté par l’ensemble des ministres, en application de la circulaire du Premier ministre du 4 juin 2010. Pour sa mise en cohérence, un autre défi nous attend, celui de la suppression des niches fiscales et sociales : monsieur le ministre, quelle est votre stratégie à cet égard ?

L’anticipation du dépôt des projets de loi financière, corollaire de ce monopole, facilitera leur examen par le Parlement, et principalement par l'Assemblée nationale, première chambre saisie de ces textes.

Les lois-cadres couvrent a priori une période d’au moins trois ans, mais leur portée peut aller jusqu’à, par exemple, la législature entière. Elles peuvent aussi être « glissantes » et être prolongées d’un an. Monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, comment s’articulera concrètement ce « glissement », sans dérapage bien sûr ? Monsieur le ministre, à quel moment interviendra le vote ?

Je souscris pleinement à ce projet de loi constitutionnelle visant à rendre contraignant le principe de l’équilibre des finances publiques. Je reprendrai à mon compte cette phrase d’Édouard Herriot : « L’utopie est une réalité en puissance. » En l’occurrence, cette « règle d’or » sera peut-être bientôt une norme du droit positif.

Pourtant, je dois avouer que subsistent des interrogations sur les nombreuses lois organiques qui devront suivre la révision constitutionnelle pour donner corps à cette réforme, s’agissant en particulier des sanctions que pourra prononcer le Conseil constitutionnel.

Pour conclure, je fais mienne cette réflexion du rapporteur général de la commission des finances, Philippe Marini, selon laquelle une assemblée parlementaire « est un lieu où l’on prend des responsabilités, et l’on ne peut le faire que par un vote ».

Je voterai donc ce projet de loi constitutionnelle qui, au-delà de la technicité de ses dispositions, pose un principe sage et responsable, qui tiendra lieu de garantie pour les générations futures.

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