Intervention de Jean-Pierre Chevènement

Réunion du 14 juin 2011 à 14h30
Équilibre des finances publiques — Suite de la discussion d'un projet de loi constitutionnelle

Photo de Jean-Pierre ChevènementJean-Pierre Chevènement :

Le projet de loi constitutionnelle attente aux prérogatives du Parlement et, accessoirement, à celles du Gouvernement : celui-ci ne pourra plus agir par la voie des ordonnances prévues à l’article 38 de la Constitution, dès lors que celles-ci pourraient entrer dans un champ infiniment vaste des lois-cadres d’équilibre, qui fixent des règles, des principes, des orientations, des normes, des plafonds de dépenses et des planchers de recettes, etc. Bonne chance à celui – Parlement, Gouvernement, Conseil constitutionnel – qui pourra se retrouver dans le galimatias de cette usine à gaz !

Troisième observation : suprême hypocrisie, le projet de loi constitutionnelle prétend introduire dans notre Constitution un article 88-8 censé associer le Parlement aux engagements européens. Mais, vous le savez bien, c’est tout le contraire qui est vrai ! Nous sommes au cœur d’un processus de dessaisissement du Parlement.

Le projet de loi constitutionnelle prétend également soumettre au Parlement, quinze jours avant sa transmission à la Commission européenne, au mois d’avril de chaque année, le projet de programme de stabilité. En réalité, celui-ci définit des normes concertées entre les cabinets ministériels français et les institutions européennes. Le Parlement, qui vote le budget vers le 20 décembre, se retrouvera ainsi entièrement ficelé, dessaisi, dès le mois d’avril, de sa compétence budgétaire. Pour organiser ce « semestre européen », cinq propositions de règlements européens et une proposition de directive sont en cours d’élaboration.

Le volet préventif du pacte de stabilité et de croissance comporterait un principe de limitation de la croissance annuelle des dépenses par rapport à la croissance du PIB et l’obligation de constituer un dépôt portant intérêt, en cas d’écart important par rapport à la trajectoire. Il faut le savoir, et je vous y rends sensibles, mes chers collègues, ce que l’on veut nous faire voter ici n’a de sens qu’eu égard à cette mécanique européenne.

Le volet correctif repose sur des mécanismes de sanction qui, en cas de déficit excessif, interviendraient non plus de manière automatique, mais sur décision du Conseil selon, toutefois, des règles de majorité inversée véritablement extravagantes ! La sanction s’appliquerait s’il n’y a pas trois cinquièmes des États pour s’y opposer.

Une proposition de directive prévoit « la mise en place d’une planification budgétaire pluriannuelle s’appliquant à l’ensemble des administrations publiques » et « des règles budgétaires chiffrées faisant l’objet d’un contrôle effectif ». Monsieur le ministre, pouvez-vous nous en dire plus sur ces novations institutionnelles, qui entraîneront certainement la révision du traité de Lisbonne ?

Le projet de loi constitutionnelle reprend dans ses articles 7, 8 et 9 la plupart des termes de la proposition de directive.

On a là un exemple instructif de la manière dont s’articuleront les décisions budgétaires nationales et les orientations de la programmation européenne. On n’attend même pas que les institutions de Bruxelles aient statué pour se conformer par avance aux dispositions qu’elles sont déjà réputées avoir prises !

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