Nous vous laissons la responsabilité de la caricature, l’argument syllogistique et le clivage archaïque auxquels vous prétendez réduire le débat.
Nous ne partageons pas, monsieur le ministre, la même philosophie ni les mêmes valeurs et nous ne défendons visiblement pas les mêmes intérêts. Mais lorsqu’il nous est possible de travailler ensemble pour l’intérêt général, nous ne manquons pas de le faire. Ainsi en a-t-il été, en novembre dernier, lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011. Nous avons en effet soutenu certaines des propositions des rapporteurs généraux de la commission des affaires sociales et de la commission des finances relatives au déficit de la sécurité sociale.
J’ai rendu hommage à la lucidité de l’analyse de notre collègue Jean-Jacques Jégou. Elle mérite d’être rappelée : « La maîtrise des dépenses est un levier dont la portée se réduit au fil des ans […] Faute de recettes nouvelles et pérennes, le niveau de protection sociale devra être revu à la baisse, le reste à charge augmenté ». Il ajoutait : « nous avons conscience que ces réflexions creusent la tombe du système créé en 1945 ». Prétendre ne pas vouloir augmenter les recettes et, dans le même temps, sauvegarder le système par répartition reviendrait à « mentir sur l’un des deux volets de la proposition ».
Méritent pour la même raison d’être également rappelés les deux derniers rapports de M. Alain Vasselle. En 2009, il alertait le Gouvernement sur Les limites de l’attentisme en matière de finances sociales, tandis que, l’année suivante, il insistait sur le caractère décisif de la session d’automne.
Or, malgré nos propositions réitérées, rien n’est advenu, le dogme élyséen s’imposant dans l’hémicycle. Il est de plus en plus évident que, pour réduire la dette et les déficits, il est nécessaire de changer moins la Constitution que la majorité !
L’expérience enseigne pourtant que les règles contraignantes, aussi forte soit leur portée juridique, doivent être précédées d’une volonté politique ferme et constante, qu’elles ne sauraient suppléer. Vous-même, monsieur le rapporteur de la commission des lois, avez évoqué le rapport public de la Cour des comptes pour 2011, où l’on peut lire : « Si des règles sont utiles pour éviter certaines dérives et fixer un horizon de moyen terme, elles ne peuvent pas suffire pour assurer le redressement des comptes publics. […] L’existence de nombreuses règles n’a pas empêché la dégradation structurelle des finances publiques françaises au cours des dernières années. À l’inverse, les pays […] qui ont engagé les actions les plus vigoureuses pour redresser leurs comptes publics n’ont pas tous eu besoin d’en afficher. »
Quant au récent exemple de l’allongement de la durée de vie de la CADES, il montre que les verrous institutionnels ne sont jamais totalement intangibles, vous l’avez rappelé, monsieur le rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales.
Nous le savons, la maîtrise insuffisante des dépenses, notamment de fonctionnement, qui croissent plus vite que le PIB, et la persistance des allégements de prélèvements obligatoires non soutenables, décidés à contretemps, concourent autant l’une que l’autre à la dégradation des comptes publics.