Séance en hémicycle du 14 juin 2011 à 21h45

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • constitutionnelle
  • crise
  • dette
  • déficit

La séance

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La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante, est reprise à vingt et une heures cinquante, sous la présidence de M. Guy Fischer.

Photo de Guy Fischer

La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion du projet de loi constitutionnelle, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à l’équilibre des finances publiques.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Yves Daudigny.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite d’emblée écarter de ce débat le ton manichéen adopté sur certaines travées.

Le projet de loi constitutionnelle nous est présenté tardivement, à la veille d’échéances électorales majeures, comme le nouveau Graal, la martingale, la clef du rétablissement de l’équilibre de nos finances publiques. Il est « d’intérêt national » – Mendès France a été très souvent évoqué, même par d’inattendus et très récents convertis – et « placera l’opposition devant ses responsabilités ». Ceux qui ne l’approuveront pas seront donc, logiquement, contre l’équilibre des finances publiques et pour les déficits.

Il suffit de rappeler que, en trente ans, jamais un gouvernement de droite n’est parvenu à ramener le déficit de la France au-dessous de 2 % du PIB. Si, en 1989 puis en 1999, il fut de 1, 8 %, en 2000 de 1, 5 % et en 2001 de 1, 8 %, c’était uniquement lorsque des gouvernements de gauche étaient aux responsabilités.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

En somme, dans sa stratégie de défense de la rupture aux fins d’autoblanchiment, la majorité voudrait faire procès à l’opposition d’avoir réussi là où elle a toujours échoué !

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Nous vous laissons la responsabilité de la caricature, l’argument syllogistique et le clivage archaïque auxquels vous prétendez réduire le débat.

Nous ne partageons pas, monsieur le ministre, la même philosophie ni les mêmes valeurs et nous ne défendons visiblement pas les mêmes intérêts. Mais lorsqu’il nous est possible de travailler ensemble pour l’intérêt général, nous ne manquons pas de le faire. Ainsi en a-t-il été, en novembre dernier, lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011. Nous avons en effet soutenu certaines des propositions des rapporteurs généraux de la commission des affaires sociales et de la commission des finances relatives au déficit de la sécurité sociale.

J’ai rendu hommage à la lucidité de l’analyse de notre collègue Jean-Jacques Jégou. Elle mérite d’être rappelée : « La maîtrise des dépenses est un levier dont la portée se réduit au fil des ans […] Faute de recettes nouvelles et pérennes, le niveau de protection sociale devra être revu à la baisse, le reste à charge augmenté ». Il ajoutait : « nous avons conscience que ces réflexions creusent la tombe du système créé en 1945 ». Prétendre ne pas vouloir augmenter les recettes et, dans le même temps, sauvegarder le système par répartition reviendrait à « mentir sur l’un des deux volets de la proposition ».

Méritent pour la même raison d’être également rappelés les deux derniers rapports de M. Alain Vasselle. En 2009, il alertait le Gouvernement sur Les limites de l’attentisme en matière de finances sociales, tandis que, l’année suivante, il insistait sur le caractère décisif de la session d’automne.

Or, malgré nos propositions réitérées, rien n’est advenu, le dogme élyséen s’imposant dans l’hémicycle. Il est de plus en plus évident que, pour réduire la dette et les déficits, il est nécessaire de changer moins la Constitution que la majorité !

L’expérience enseigne pourtant que les règles contraignantes, aussi forte soit leur portée juridique, doivent être précédées d’une volonté politique ferme et constante, qu’elles ne sauraient suppléer. Vous-même, monsieur le rapporteur de la commission des lois, avez évoqué le rapport public de la Cour des comptes pour 2011, où l’on peut lire : « Si des règles sont utiles pour éviter certaines dérives et fixer un horizon de moyen terme, elles ne peuvent pas suffire pour assurer le redressement des comptes publics. […] L’existence de nombreuses règles n’a pas empêché la dégradation structurelle des finances publiques françaises au cours des dernières années. À l’inverse, les pays […] qui ont engagé les actions les plus vigoureuses pour redresser leurs comptes publics n’ont pas tous eu besoin d’en afficher. »

Quant au récent exemple de l’allongement de la durée de vie de la CADES, il montre que les verrous institutionnels ne sont jamais totalement intangibles, vous l’avez rappelé, monsieur le rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales.

Nous le savons, la maîtrise insuffisante des dépenses, notamment de fonctionnement, qui croissent plus vite que le PIB, et la persistance des allégements de prélèvements obligatoires non soutenables, décidés à contretemps, concourent autant l’une que l’autre à la dégradation des comptes publics.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Quel sens donner à ce projet de loi constitutionnelle visant à inscrire dans notre loi fondamentale une règle obligeant la représentation nationale à respecter une trajectoire de rétablissement de l’équilibre des finances publiques ? Il s’agit en effet de retenir des principes s’opposant à toutes les décisions assumées par les gouvernements successifs et leur majorité depuis une mandature !

Le double langage, autrement dit l’écart entre la parole et les actes, serait-il l’essence même de l’action politique ? L’incapacité de traduire en actes responsables des principes énoncés dans les discours traduit-elle la facilité avec laquelle la classe politique, de décennie en décennie, céderait à la tentation de ne pas assumer les décisions difficiles ?

La Fédération française d’addictologie vient de se réunir à Paris. Comment ne pas établir un parallèle entre la démarche ici proposée et celle du joueur qui, incapable d’exercer sa propre volonté, demande à la société de lui interdire, en tout état de cause, l’accès au casino ? Or, on le sait, le seul moyen de vaincre véritablement les addictions est de cesser de chercher à échapper au travail de fond que la guérison requiert, fût-il inconfortable, déplaisant et dépourvu de bénéfice immédiat.

Les trois mesures phares que comporte ce projet de loi constitutionnelle ont été largement exposées : création de lois-cadres d’équilibre pluriannuelles des finances publiques, s’imposant dans certaines de leurs dispositions aux lois de finances et de financement ; monopole de celles-ci quant à l’ensemble des mesures fiscales, y compris en matière de fiscalité locale ; transmission au Parlement des projets de programme de stabilité.

J’insisterai pour ma part sur une quatrième mesure : elle est d’importance puisqu’elle conditionne l’application des trois premières. Il s’agit de la date d’entrée en vigueur de la réforme, prévue à l’article 13 du projet. Or, de date d’entrée en vigueur, il n’y en a pas ! Le soin de la fixer, en effet, est renvoyé à une loi organique à venir, dont nul ne sait quand elle interviendra…

Cette méthode n’est pas cohérente. Si, comme les ministres l’affirment, ce projet de loi constitutionnelle est absolument indispensable au rétablissement de l’équilibre de nos finances et de la crédibilité de notre pays, il faut s’empresser de le mettre en œuvre au plus tôt, c'est-à-dire dès 2012 !

En l’état, la « nouvelle ère budgétaire » que la réforme promet se réduirait au seul alinéa 20, nouveau, de l’article 34 de la Constitution, qui est d’application immédiate – sous réserve, bien sûr, que ce projet de loi constitutionnelle aboutisse, mais il n’est même pas sûr que vous souhaitiez le voir aboutir dans sa totalité… – donc à l’institution d’un monopole des lois financières, de nature à mettre un terme à une supposée dispersion des sources d’initiative, laquelle serait à l’origine de la ruine du budget de l’État.

Espérez-vous faire croire qu’il est indispensable, pour assurer l’équilibre des finances publiques, que le Parlement se saborde ?

En réalité, conférer un tel monopole aux lois financières aura à peu près autant d’effet sur l’équilibre des comptes publics qu’un cautère sur une jambe de bois ! Mais, de fait, toute initiative parlementaire sera rendue impossible et, à elle seule, cette disposition rend votre réforme inacceptable.

En l’état du droit et de la pratique, l’argument que vous avancez est doublement fallacieux. L’irrecevabilité financière prévue à l’article 40 de la Constitution et l’irrecevabilité sociale prévue par l’article LO 111-3 du code de la sécurité sociale, en interdisant toute réduction de recette et tout accroissement non gagé de dépense, limitent déjà fortement l’initiative parlementaire.

Par ailleurs, si le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 24 juillet 1991, a rejeté le principe d’un monopole accordé aux lois de finances, le jugeant contraire au droit d’amendement, un monopole existe déjà, dans le cas des lois de financement de la sécurité sociale, pour certaines dispositions fixées par les lois organiques de 1996 et de 2005 ; celui-ci n’a d’ailleurs pas empêché le mitage des ressources, dénoncé aujourd’hui par ceux-là mêmes qui en sont les adeptes…

Les faits confirment cette analyse : 85 % des dispositions ayant entraîné des pertes de recettes ont été votées en loi de finances ou de financement de la sécurité sociale, et la plupart n’étaient pas d’origine parlementaire.

En réalité, l’instauration d’un tel monopole au bénéfice des lois financières n’empêchera nullement un Gouvernement de continuer, comme l’ont fait ceux qui se sont succédé depuis dix ans, à amputer les recettes de l’État et de la sécurité sociale par des réformes coûteuses et sans contrepartie, quel que soit le véhicule législatif et au risque de multiplier les lois financières rectificatives.

J’en veux pour preuve la récente et soudaine annonce, en cours d’année budgétaire, d’une prime de 1 000 euros pour les salariés, que la plupart ne toucheront pas ou dont ils perdront l’équivalent par un ralentissement de leur progression salariale.

Faut-il rafraîchir la mémoire défaillante du Gouvernement ? L’adoption du « paquet fiscal » en 2007 s’est soldée pour l’État par une perte de recettes supérieure à 4 milliards d’euros. La baisse de la TVA dans le secteur de la restauration, adoptée de surcroît au détour d’un projet de loi sur le tourisme, s’est traduite part une perte de recettes de 3 milliards d’euros. La réforme de la taxe professionnelle, pour sa part, a coûté 7 milliards d’euros. Et toutes ces mesures furent financées par un recours toujours plus massif à l’endettement !

Faut-il aussi rappeler la politique de réduction systématique des ressources de la sécurité sociale ? « Tuyautages », « siphonnages » et multiplication des exonérations et des transferts d’assiette saignent un système qui, du coup, a évidemment tendance à beaucoup moins bien fonctionner.

Je citerai quelques illustrations récentes de cette méthode : ponction de 0, 2 % de CSG sur le Fonds de solidarité vieillesse en 2009 ; ponction sur la branche famille ; épuisement avant terme du Fonds de réserve des retraites en 2010 pour financer les transferts de dette à la CADES ; tentative de suppression pour supprimer, à travers l’article 21 du dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale, le principe de compensation des exonérations sociales ; transfert de charges de la branche vieillesse vers l’assurance chômage résultant de fait des mesures d’âge prises dans le cadre de la réforme des retraites.

C’est au point d’ailleurs que le Conseil constitutionnel a jugé nécessaire, dans sa décision du 10 novembre 2010 portant sur la loi organique relative à la gestion de la dette sociale, de rappeler au Gouvernement qu’il ne lui est pas possible de puiser dans les ressources destinées à la sécurité sociale pour financer le remboursement des dettes transférées à la CADES. Au bout du compte, cette réserve d’interprétation rendra nécessaire ce devant quoi vous reculez toujours : le recours aux prélèvements obligatoires.

La création, avec la loi-cadre d’équilibre des finances publiques, d’un nouvel outil juridique destiné à remplacer les lois de programmation des finances publiques, dont l’existence, pourtant, a été inscrite dans la Constitution seulement en 2008, suffira-t-elle à empêcher cette politique de gribouille ?

L’appréciation et la sanction du non-respect de l’objectif d’équilibre ne laissent pas susciter des interrogations sur le rôle que jouera le Conseil constitutionnel et sur la nature de son contrôle. En effet, sauf à l’ériger en comptable pointilleux, la question de l’opportunité des mesures qui lui seront soumises se posera nécessairement à lui. Or le Conseil constitutionnel n’est pas un conseil politique. C’est là une preuve supplémentaire, s’il en était besoin, que l’équilibre des finances publiques ne peut pas constituer un objectif en soi ; il est seulement l’outil indispensable à la réalisation d’un projet, que l’on cherche aujourd’hui en vain.

L’avantage d’un contrôle de l’équilibre exercé par le Conseil constitutionnel serait peut-être que celui-ci rappelle la nécessité préalable de la sincérité des comptes. À cet égard, on ne peut totalement se féliciter du respect de l’ONDAM, obtenu en réalité au prix d’un débasage dont la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie fait les frais.

La prise en compte de circonstances exceptionnelles montre encore les limites de l’exercice : la crise financière et économique de 2008, qui expliquerait tout, fait de toute manière « sauter le verrou ».

D’ailleurs, de quelle crise, parle-t-on ? Peut-être aurez-vous relevé comme moi la première phrase des trois rapports de nos collègues députés : celui de la commission des finances explique tout par la crise de 2008, celui des affaires sociales se réfère à 1983 et celui de la commission des lois remonte à 1975… Pourquoi ne pas aller jusqu’à 1850, lorsque Gustave Flaubert, dans son Dictionnaire des idées reçues, inscrivait en face du mot « budget » : « toujours en déficit » ?

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

La nature essentiellement structurelle de l’endettement actuel, accumulé au cours des dix dernières années, est clairement établie par les diagnostics de la Cour des comptes et du Conseil des prélèvements obligatoires.

Le rapport de la commission des finances de l’Assemblée nationale sur l’application de la loi fiscale dresse un constat identique : depuis 2002, entre 100 milliards et 120 milliards d’euros de recettes fiscales, soit l’équivalent de six à sept points de PIB, ont été abandonnés par l’actuelle majorité.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

M. Camdessus recommande lui-même de s’interroger sur les niches fiscales, ainsi que « sur certains taux de TVA… ».

La règle d’or et la règle d’investissement durable du code de stabilité budgétaire britannique adopté en 1997 n’ont d’ailleurs pas permis à ce pays de surmonter la crise économique et ont été suspendues pour raison de force majeure. Le « chaînon manquant » ne touche donc pas aux règles d’intendance qui, spontanées ou contraintes, sont incapables de suppléer à l’absence de projet politique.

Même inscrit dans la loi fondamentale, ce projet de réforme reste un texte de gestionnaire ; à lui seul, il ne peut suffire à garantir l’équilibre de nos finances publiques.

Il est aussi l’aveu d’un échec et sera vraisemblablement l’ultime illusion du quinquennat qui s’achève ; il ne résiste pas à l’analyse, et la majorité ne peut le défendre qu’avec la foi du charbonnier !

À rebours de l’antienne d’un discours univoque, qui serine à l’envi qu’il n’est pas d’autre choix que celui d’une politique récessive et de court terme, focalisée sur la maîtrise de la dépense, une politique qui frappe et sclérose aujourd’hui tous les secteurs de l’économie, je considère qu’il est possible, si nous le voulons, de conforter notre système de protection sociale sur la base des valeurs de 1945. De même, je crois qu’une autre voie existe pour rassurer les marchés : celle de la construction d’une économie d’investissement et de développement par le rétablissement d’une juste répartition des contributions.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, pourquoi ne pas mettre en pratique les principes que vous affirmez à grands cris, au lieu de proclamer des règles que vous n’avez jamais appliquées ?

Non : il n’y a pas, en France, de culture du déficit ni de fatalité ou de malédiction de la dette !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

M. Jean Desessard. Bravo ! Nous pourrions en rester à cette excellente intervention !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Mme Nicole Bricq. Mais nous ne le ferons pas !

Nouveaux sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Sido

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi constitutionnelle dont nous sommes saisis apporte une réponse, à mes yeux indispensable, à la dérive des comptes publics que nous connaissons depuis trop longtemps.

En instituant de nouvelles règles budgétaires constitutionnellement contraignantes, il s’inscrit dans le cadre des politiques conduites par nos partenaires européens et répond à la nécessité d’envoyer un signal crédible de l’engagement qu’a pris la France de redresser ses comptes. Pour cette raison, il est impératif qu’il soit adopté.

Avec les nouvelles lois-cadres d’équilibre des finances publiques, la France se dote d’un instrument très contraignant : les lois financières devront en effet respecter un plafond de dépenses et un plancher de recettes, sous peine d’être déclarées inconstitutionnelles.

Si j’approuve donc pleinement le cœur de cette réforme, je porte une appréciation différente sur le dispositif instituant, au profit des lois financières, un monopole des dispositions relatives aux prélèvements obligatoires. Un tel monopole, en effet, me paraît réduire de manière excessive les pouvoirs du Parlement.

Nous savons tous, mes chers collègues, dans quelles conditions sont discutées les lois de finances. Notre collègue Gilles Carrez, rapporteur général du budget à l’Assemblée nationale, le déplore lui-même dans le rapport qu’il a déposé au sujet du présent projet de loi constitutionnelle : « Malgré l’importance des dispositions qu’ils contiennent, les textes financiers sont des textes examinés “à la hussarde” : les commissions disposent de délais de plus en plus réduits pour préparer leur discussion, et la procédure d’urgence limite la navette à une seule lecture dans chaque assemblée. »

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Sido

On peut ajouter que les lois financières sont les seuls textes auxquels la réforme constitutionnelle de 2008 ne s’applique pas puisque nous examinons en séance le texte préparé par le Gouvernement et non celui qui résulte des travaux en commission.

Or les conditions dans lesquelles nous travaillons sont très importantes pour les parlementaires que nous sommes.

C’est ainsi que, en tant que rapporteur du projet de loi sur l’eau, j’ai été amené, à l’occasion de la réforme du dispositif des agences de l’eau, à réformer, dans le même temps et de manière indissociable, le régime de leurs redevances – je devrais plutôt dire, d’ailleurs, de leurs taxes.

Imagine-t-on, de la même façon, examiner la loi sur les jeux d’argent et de hasard en ligne indépendamment de son volet fiscal ? Ou la loi relative aux libertés et responsabilités locales sans ses dispositions financières ?

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Sido

Avec le monopole envisagé, les réformes seraient systématiquement dissociées de leur volet financier.

Si la totalité des dispositions fiscales étaient renvoyées au projet de loi de finances examiné à l’automne, comment la commission des finances pourrait-elle, à elle seule, mener le travail d’auditions auquel chaque commission procède sur les textes qu’elle examine, dans le but de se forger son propre point de vue en toute indépendance par rapport au Gouvernement ?

D’autre part, si chaque réforme sectorielle était accompagnée d’un projet de loi de finances, le Sénat serait saisi de toutes les grandes réformes en second. En outre, la procédure accélérée, propre aux lois financières, deviendrait également systématique. A contrario, si tel n’était pas le cas, comment assurer la cohérence d’une réforme dont une partie serait examinée pas l’Assemblée nationale et une autre par le Sénat, selon des calendriers divergents ?

Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, je souhaite, conformément aux positions exprimées par les commissions des lois, des affaires sociales et de l’économie, que l’institution du monopole soit abandonnée.

Pour le reste, bien entendu, j’approuve pleinement ce projet de loi constitutionnelle et, je le répète, j’estime essentiel qu’il soit adopté.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

M. Jean Desessard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi est une très mauvaise réponse à une excellente question.

MM. René Garrec et Bruno Sido s’exclament.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

L’excellente question, c’est celle de la dette.

La responsabilité est l’une des trois valeurs cardinales de l’écologie politique, les deux autres étant l’autonomie et la solidarité.

La responsabilité, c’est la capacité et le devoir de répondre des conséquences de ses actes, de leur impact sur les autres, sur les autres êtres humains, sur les autres êtres vivants, y compris ceux qui vivent très loin, y compris aussi ceux qui vivront bien plus tard.

Pour les écologistes, dégrader l’environnement ou dégrader les finances publiques procède de la même irresponsabilité.

Lorsque le Gouvernement explique, dans l’exposé des motifs de ce projet de loi, que « la maîtrise de notre endettement et le retour à l’équilibre de nos finances publiques ne représentent pas seulement une nécessité économique [mais] constituent un impératif moral », …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

… nous ne pouvons donc qu’être d’accord.

Je crains toutefois que le consensus ne puisse pas aller beaucoup plus loin. Car votre morale, monsieur le ministre, ou du moins celle du Gouvernement, celle de votre famille politique, est bien curieuse. En 2007, quand Nicolas Sarkozy a été élu, la dette atteignait 1 209 milliards d’euros ; aujourd’hui, elle se monte à 1 680 milliards d’euros.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

En quatre ans, le Gouvernement a tari comme jamais les recettes fiscales, multipliant les niches pour les multinationales, baissant la TVA sur la restauration, allégeant les droits de succession, installant un bouclier fiscal, avant, demain, de baisser l’ISF. Monsieur le ministre, est-ce bien ce même gouvernement, qui a augmenté la dette de 40 % en quatre ans, qui invoque aujourd’hui religieusement la morale budgétaire ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Et qu’on ne fasse pas tout reposer sur la crise ! La Cour des comptes elle-même a calculé que seul le tiers des déficits depuis 2008 lui était imputable ! Les cadeaux fiscaux que votre famille politique a offerts aux plus aisés depuis dix ans sont évalués à 125 milliards d’euros annuels !

L’objectif d’équilibrer les finances publiques, que nous partageons, je l’ai dit, est donc fondamentalement contradictoire avec la politique que vous déclinez depuis quatre ans.

Que faut-il donc comprendre avec ce projet de loi constitutionnelle ? Que vous cherchez à vous prémunir de vous-mêmes ? Même en vous faisant crédit de cette lucidité, le pari semble bien optimiste, car nombre de règles existent déjà.

Ainsi, les critères européens de Maastricht vous commandent de maîtriser le déficit. Vous les ignorez ! Une loi organique de 1996 vous impose de compenser tout transfert de dette à la CADES. En novembre dernier, vous la bafouez ! Les récentes lois de programmation des finances publiques vous ont-elles davantage contraints à maîtriser votre budget ? Pas le moins du monde !

Est-ce à dire qu’il faudrait faire basculer dans la Constitution l’ensemble des dispositions juridiques qui s’imposent à votre action pour que vous les respectiez ? Mais comment feriez-vous pour, désormais, vous astreindre à une discipline, fût-elle constitutionnelle, que vous n’avez jamais respectée ?

Le constat est terrible, j’en conviens, mais je crois que, décidément, rien, pas même une loi constitutionnelle, ne vous protégera contre l’instabilité et l’inconséquence d’un Président de la République qui exige une nouvelle loi à chaque nouveau sondage, à charge ensuite pour la majorité d’en définir le contenu…

Si le recours à ce procédé n’est plus à démontrer en ce qui concerne les thématiques chères au Front national, c’est malheureusement tout aussi vrai du reste, et en particulier de la politique économique.

Pas plus tard qu’il y a deux mois, le souvenir des promesses non tenues sur le pouvoir d’achat a subitement saisi Nicolas Sarkozy – cela lui est revenu d’un seul coup ! –, et il a ordonné sur-le-champ l’élaboration d’une loi octroyant « une prime de 1 000 euros aux salariés des entreprises distribuant des dividendes ». Priés d’y donner rapidement une traduction concrète, ses services ont accouché d’un texte qui fait aujourd’hui l’unanimité des partenaires sociaux contre lui et qui suscite un scepticisme désabusé chez bon nombre de membres de la majorité.

Il faut vous y résoudre, monsieur le ministre : aucune règle juridique ne vous protégera jamais de l’irresponsabilité politique.

Dans son rapport de février dernier, la Cour des comptes ne dit pas autre chose lorsqu’elle explique : « L’existence de nombreuses règles n’a pas empêché la dégradation structurelle des finances publiques françaises au cours des dernières années. À l’inverse, les pays qui ont le mieux traversé la crise ou qui ont engagé les actions les plus vigoureuses pour redresser leurs comptes publics n’ont pas tous eu besoin d’en afficher. L’Allemagne aura fortement redressé ses comptes publics avant même la mise en application de sa nouvelle règle constitutionnelle. » C’est du simple bon sens !

La bonne réponse à la question de la dette est bien politique, à condition toutefois qu’il s’agisse d’une politique responsable, c’est-à-dire une politique sachant distinguer les priorités. Par exemple, lorsque la dette frôle les 80 % du PIB, comme aujourd’hui, il n’est pas responsable de s’accommoder du fait que les entreprises du CAC 40 ne payent que 8 % d’impôt sur les sociétés ni d’offrir 3 milliards d’euros par an aux restaurateurs. L’endettement qui résulte des mesures en cause est absolument intolérable.

À l’inverse, lorsque surgit une situation d’urgence, lorsque se déclare une hémorragie sociale, économique ou environnementale, la même responsabilité politique somme d’agir.

Que pèsera le vernis constitutionnel de votre règle budgétaire face à une catastrophe naturelle de grande ampleur, face à une catastrophe nucléaire, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

… que vous n’osez plus prétendre impossible, face à une pandémie humaine ou animale, face à une nouvelle déflagration économique, que votre incapacité ou votre manque de volonté de réformer la finance rend toujours possible à court terme ? Rien !

La force de l’urgence balaiera vos carcans comptables, administratifs ou constitutionnels et il faudra dépenser sans compter pour affronter la crise. On aura simplement décrédibilisé un peu plus un pouvoir politique qui aura pensé un jour pouvoir se dispenser d’assumer, en temps réel, ses responsabilités fondamentales.

Le seul intérêt que l’on aurait pu trouver à ce projet de loi constitutionnelle est de rappeler solennellement aux décideurs publics la responsabilité qui est la leur dans la gestion des finances publiques. Hélas ! l’article 34 de la Constitution dispose déjà que « les orientations pluriannuelles des finances publiques s’inscrivent dans l’objectif d’équilibre des comptes ».

En conclusion, que doit-on retenir de ce texte ? D'abord, qu’il constate la faillite de la gestion de l'État par votre majorité ; ensuite, qu’il s’agit d’une loi antidémocratique qui censure, entrave et réduit le travail du Parlement ; enfin, que c’est une loi irresponsable puisque, devant les citoyens, le politique abandonne sa responsabilité pour l'enfermer dans un carcan comptable fixé par les marchés financiers.

De même qu’au football le « but en or » signifiait la fin de la partie, cette « règle d’or » signifiera la fin du débat, la fin de la décision politique, la fin du pouvoir du Parlement.

Nous ne pouvons accepter de brader ainsi la démocratie. Aussi, les sénatrices et sénateurs écologistes voteront fermement contre ce texte.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
François Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement

Monsieur Desessard, la règle du « but en or », qui s’appliquait effectivement aux compétitions européennes, n'a jamais empêché le jeu de se dérouler ; elle a juste permis de désigner le vainqueur. Pareillement, cette révision constitutionnelle n’empêchera jamais le Sénat ni l’Assemblée nationale de débattre ; elle permettra simplement de fixer un cap et de définir une méthode de travail.

Je tiens à remercier Jean-Jacques Hyest, rapporteur de la commission des lois, ainsi que Jean Arthuis et Philippe Marini, rapporteurs pour avis de la commission des finances. Je remercie également Alain Vasselle, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, Jean-Paul Emorine, rapporteur pour avis de la commission de l’économie, ainsi que tous les orateurs qui ont soutenu l'esprit et la philosophie globale de ce texte.

Trois idées simples sous-tendent ce projet de révision constitutionnelle.

Premièrement, comme je l'ai dit au cours de mon propos liminaire, ce texte a pour objet de créer les « lois-cadres d’équilibre des finances publiques ». Ce nouvel instrument juridique, pertinent et utile, permettra à tous les gouvernements, quels qu'ils soient, de tendre vers les objectifs intangibles de réduction des déficits, objectifs qui font partie des engagements de notre pays vis-à-vis de nos partenaires européens.

Désormais, nous devons nous inscrire dans une philosophie radicalement différente de celle qui a trop longtemps prévalu et renoncer progressivement à l'addition de dépenses publiques qui ne sont pas toujours pertinentes, à l'addition de mesures dérogatoires au droit commun, ce qu'on appelle communément les niches fiscales ou les niches sociales.

Debut de section - Permalien
François Baroin, ministre

Nous devons nous inscrire résolument et durablement dans cet objectif d'équilibre des finances publiques.

Aux orateurs qui ont montré un certain scepticisme, qui craignent que le pouvoir d’initiative du Parlement ne soit altéré, je voudrais rappeler que cette même règle que nous vous proposons d’inscrire dans notre loi fondamentale est déjà en vigueur en Allemagne, cependant que d'autres pays y réfléchissent.

Certains semblent oublier que nous avons vécu, au cours de cette législature, un événement majeur, comme il ne s’en était pas produit depuis cinquante ans.

Debut de section - Permalien
François Baroin, ministre

Je veux parler de cette crise importée des États-Unis, qui a eu pour conséquence immédiate un transfert de la dette privée sur la dette publique.

Debut de section - Permalien
François Baroin, ministre

Aujourd'hui, en Europe comme partout dans le monde, nous gérons les conséquences de cette crise.

À ceux qui ont la mémoire courte, qui ont tendance à oublier spécialement le temps où ils étaient aux affaires, je rappelle que l'action immédiate des pouvoirs publics, tant aux États-Unis qu’en Europe, a consisté, sous l'impulsion déterminée du Président de la République, à prendre des mesures afin de sauver…

Debut de section - Permalien
François Baroin, ministre

… le système bancaire.

La gauche crie au scandale et prétend qu’on a sauvé le système bancaire pour enrichir les banquiers.

Debut de section - Permalien
François Baroin, ministre

M. François Baroin, ministre. Or les États ont sauvé le système bancaire pour sauver l'économie, pour sauver les entreprises, pour sauver l'accès au crédit, mais aussi pour sauver les particuliers.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – Applaudissementssur les travées de l’UMP.

Debut de section - Permalien
François Baroin, ministre

À ceux qui ont la mémoire défaillante, à ceux qui sont frappés d'amnésie, je rappellerai que, lorsque l’ensemble des partenaires européens ont pris la décision, au cours d’un week-end, de mettre en place un plan international de sauvetage du dispositif bancaire, les particuliers s’apprêtaient, dans les quarante-huit heures qui allaient suivre, à retirer leurs fonds des agences bancaires. Ce mouvement aurait provoqué l'effondrement du système bancaire, c'est-à-dire la ruine de l'économie, des entreprises et des particuliers.

Cela a eu un prix, …

Debut de section - Permalien
François Baroin, ministre

… et ce prix, que vous le vouliez ou non, c'est le transfert de la dette privée vers la dette publique. Ce que nous devons gérer désormais, c'est cette tension budgétaire, cette dette publique.

Debut de section - Permalien
François Baroin, ministre

Il faut vraiment être aveugle pour ne pas voir ce qui se passe au-delà de nos frontières ; il faut être incapable de prendre véritablement la mesure de ce qui est en train de se dérouler en Grèce pour ne pas comprendre que nous avons l’ardente obligation, en France comme dans le reste de l'Europe, de nous doter de règles visant à restaurer l'équilibre budgétaire.

Debut de section - Permalien
François Baroin, ministre

Voyez la Grèce, voyez le Royaume-Uni, voyez l'Irlande, voyez l'Italie, voyez le Portugal, voyez même les États-Unis, qui font aujourd'hui l’objet d’une attention plus particulière qu’auparavant de la part des investisseurs, alors même que le dollar leur offre une liberté de manœuvre dont ne disposent pas les autres pays !

Ce qu’il faut voir dans cette règle que le Gouvernement propose d’inscrire dans la Constitution, c’est non un tour de passe-passe, …

Debut de section - Permalien
François Baroin, ministre

… mais sa détermination, celle des pouvoirs publics en général, à fixer des règles simples applicables par tous et à tous, et qui rendront possible, je l’espère, le retour à l'équilibre budgétaire à la fois dans les meilleures conditions et à un horizon qui ne soit pas celui du forestier...

C'est un devoir, c'est une exigence, c’est une question de souveraineté nationale, et je remercie Philippe Marini d'avoir, à cet égard, fait sienne l'analyse du Gouvernement. Réduire la dette, c'est une question de bon sens, c'est une question de responsabilité et c'est une question de solidarité nationale : voilà ce qui conduit le Gouvernement à vous proposer ce texte.

Deuxièmement, ce projet de loi constitutionnelle impose la transmission à l’Assemblée nationale et au Sénat du projet de programme de stabilité avant son envoi à la Commission européenne. Son examen sera désormais un rendez-vous constitutionnalisé.

Troisièmement, il vise à conférer aux lois de finances et aux lois de financement de la sécurité sociale un monopole dans le domaine de la fiscalité et dans celui des recettes de la sécurité sociale. Le but n’est pas de gêner l’initiative parlementaire ; il est de permettre au Gouvernement de maîtriser les choix de recettes et de dépenses qu’il fera au Parlement.

C’est si vrai que cette mesure vise d’abord à contraindre le Gouvernement lui-même à éviter d’additionner les textes, …

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

S’il ne veut pas gouverner, qu’il s’en aille !

Debut de section - Permalien
François Baroin, ministre

… proposant ici des mesures dérogatoires sur le plan fiscal, là de nouvelles niches sociales.

Je tiens donc à rassurer celles et ceux qui s’inquiètent de la remise en cause potentielle de l’initiative parlementaire : cette mesure est d’abord et avant tout contraignante pour le Gouvernement, pour les ministres, pour l’exécutif.

D’ailleurs, l’histoire des quinze ou vingt dernières années montre que les fameux 75 milliards d’euros de niches fiscales et les non moins fameux 45 milliards d’euros de niches sociales résultent pour la plus grande part, 80 %, d’initiatives de l’exécutif, le reste étant imputable au Parlement, à travers telle ou telle proposition de loi.

Cette mesure n’a donc pas pour objet de tordre le bras du Parlement. Il s’agit en fait de créer un élément vertueux, d’instituer un rendez-vous autour des textes financiers, lois de finances ou lois de financement de la sécurité sociale.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement est disposé à engager des réflexions positives avec le président de la commission des lois, avec le rapporteur général du budget, avec le président de la commission des finances, avec vous toutes et vous tous pour trouver le juste milieu, le chemin de crête qui est, selon moi, à portée de réflexion et finalement de vote ; nous y sommes parvenus à l’Assemblée nationale, alors que les députés avaient soulevé les mêmes interrogations que vous. Et nous devons y parvenir dans le respect de l’identité singulière de la Haute Assemblée, représentante des collectivités territoriales.

Je tiens aussi à rassurer MM. Sido, de Montesquiou, César, Jégou et Cornu. Nous devons trouver le juste équilibre entre le respect des prérogatives du Parlement et la volonté du Gouvernement de fixer un cadre strict d’examen. Je le répète, le présent texte ne vise en aucun cas à interdire à un député ou à un sénateur de déposer un texte, de défendre une motion.

Debut de section - Permalien
François Baroin, ministre

Il vise simplement à fixer des rendez-vous financiers, notamment au travers des lois de finances, des lois de financement de la sécurité sociale, mais aussi – c’est devenu traditionnel – des collectifs budgétaires ou encore d’un « collectif social », puisque, je le rappelle, pour la première fois cette année, nous allons expérimenter la discussion d’un projet de loi de financement de la sécurité sociale rectificative.

Ce projet de loi constitutionnelle est donc la synthèse d’un processus qui a été voulu par le Président de la République et par le Gouvernement. La responsabilité de ce processus a été confiée à une personnalité qui avait exercé, à la tête du FMI, une pression vertueuse dans l’action d’accompagnement du Fonds en faveur des pays en difficulté. Elle a su fédérer autour d’elles des personnes de tous bords dans une démarche transpartisane, et aboutir à un consensus. Le texte du Gouvernement est donc le résultat du consensus trouvé par le comité Camdessus. Alors, écartons les mauvais procès ou les idées fausses !

Je ne reviendrai pas sur les propos de Jean-Pierre Chevènement. Avec tout le respect que j’ai pour lui, je dirai simplement qu’il voit là une possibilité de toucher les droits d’auteur d’un combat dépassé, celui de Maastricht, et de lire la Constitution réformée à travers le prisme d’une remise en cause de l’euro, qu’il a toujours dénoncé.

Oui, nous souhaitons préserver notre monnaie unique et européenne ; oui, pour la préserver nous devons réduire les déficits en France, comme doivent le faire nombre d’États européens ; oui, nous devons nous donner les moyens de sauver le patrimoine commun européen.

Gardons-nous également des positions caricaturales ! Par respect pour la présidence, je tairai les observations que m’inspirent les propositions de M. Fischer. Certes, il est logique que des travées très à gauche s’élève la défense de certaines idées, mais on ne peut pas, me semble-t-il, plaider tout et son contraire ; on ne peut pas, après avoir exercé des responsabilités, dénoncer des politiques qui, alors que nous subissions une crise sans précédent, visaient à protéger notre modèle social français.

Lors de la crise, ne l’oublions jamais, les recettes se sont effondrées, chutant de plusieurs dizaines de milliards d’euros. Nous avons accepté cette perte : nous avons décidé un plan de relance pour soutenir l’économie et le grand emprunt afin de pouvoir investir sur l’avenir. Et nous avons alors fait un choix audacieux, courageux, responsable, auxquels tous auraient dû adhérer. Ce choix, qui était aussi vertueux puisqu’il produit aujourd’hui des effets positifs sur notre économie, consistait à ne pas augmenter les prélèvements obligatoires.

Debut de section - Permalien
François Baroin, ministre

Nous n’avons touché ni à l’impôt sur les sociétés, ni à la TVA, ni à l’impôt sur le revenu. Nous avons pris le parti de ne pas augmenter les impôts et de poursuivre le soutien à l’activité économique alors que nous subissions l’effondrement des recettes fiscales. Les résultats sont au rendez-vous.

Debut de section - Permalien
François Baroin, ministre

Vous devriez tous vous en réjouir : un point de croissance au premier trimestre, …

Debut de section - Permalien
François Baroin, ministre

… 1, 6 % de croissance d’ores et déjà acquis, un temps d’avance sur nos prévisions en matière de réduction de nos déficits publics. Nous sommes en effet à 7, 1 % de déficit public alors que nous avions prévu 8, 5 % au début de l’année 2010. Le niveau de 5, 7 % est garanti d’ici à la fin de l’année et nous serons naturellement au rendez-vous d’objectifs intangibles en matière de réduction des déficits public.

Le pari que nous avons fait de soutenir l’économie sans augmenter les prélèvements obligatoires tout en protégeant notre modèle social devrait, me semble-t-il, recueillir l’assentiment de nombre d’entre vous.

Le Gouvernement souhaite donc, je le répète, fixer des rendez-vous financiers. Cette question, qui fera peut-être l’objet d’un débat approfondi devant la Haute assemblée, a été largement discutée à l’Assemblée nationale. Nous avons réussi à trouver un point d’équilibre entre le monopole – c’est le terme le plus parlant, même si ce n’est peut-être pas le meilleur – des lois financières et l’initiative parlementaire, renforcée par la révision constitutionnelle de 2008.

Il ne faudrait pas que, par une curieuse inversion des valeurs, la loi de finances devienne la voiture-balai ou la chambre d’enregistrement des votes qui auront été émis antérieurement dans l’année.

Il faut se garder de tout excès, et c’est ce qu’a fait le Gouvernement, qui a adopté une position assez juste, me semble-t-il, en recherchant le moyen de parvenir à un bon équilibre, avec des rendez-vous financiers réguliers, les lois de finances, les lois de financement de la sécurité sociale et les collectifs – vous avez en effet pu constater que le Gouvernement déposait régulièrement, au mois de juin, des projets de loi de finances rectificative et, dorénavant, des projets de loi de financement de la sécurité sociale rectificative –, en allant plus loin si nécessaire tout en conservant le principe du monopole de discussion des mesures de nature fiscale ou sociale au sein des textes financiers. Dans ces conditions, je crois que nous pourrons sans difficulté nous retrouver sur un objectif commun.

MM. Hyest, Vasselle, Emorine et Gélard souhaitent prévoir une priorité d’examen par le Sénat des textes financiers associés à des projets de loi relatifs aux collectivités locales. Si je comprends leurs préoccupations, je dois à la vérité de dire qu’elles sont difficiles à traduire sur le plan juridique. Faudra-t-il, par exemple, tronçonner le projet de loi de finances de l’année afin que les dispositions relatives à la fiscalité locale et à l’enveloppe des concours des collectivités locales soient examinées en premier par la Haute Assemblée ? Cela ne semble guère praticable.

Au demeurant, vous le savez tous, il n’est pas nécessaire de prévoir une priorité d’examen au Sénat pour que celui-ci imprime sa marque sur les dispositions financières relatives aux collectivités locales. Je ne prendrai que l’exemple récent, que vous avez encore tous en mémoire, de la réforme de la taxe professionnelle. Si cette mesure de nature fiscale a d’abord été discutée à l’Assemblée nationale, l’essentiel de la réforme s’est fait ici. La piste d’atterrissage, résultat d’un travail commun du Gouvernement et de la représentation nationale, a été largement définie et balisée au Sénat.

L’histoire récente nous permet donc de penser que les prescriptions ne sont pas nécessaires. Il suffit que le Gouvernement et le Parlement adoptent de bonnes habitudes de travail.

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, messieurs les rapporteurs pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, voilà ce que je souhaitais dire en réponse à vos interventions. Je reste bien entendu à votre entière disposition pour répondre à vos questions au cours des débats qui seront, je n’en doute pas, fructueux et de qualité.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP, ainsi que sur certaines travées de l ’ Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion des motions.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Je suis saisi, par Mme Borvo Cohen-Seat, MM. Foucaud, Fischer et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, d'une motion n° 76.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l'article 44, alinéa 2, du règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi constitutionnelle, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à l’équilibre des finances publiques (499, 2010-2011).

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.

La parole est Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, auteur de la motion.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’apprécie, je l’avoue, de défendre l’irrecevabilité d’un projet de loi constitutionnelle au moment où tout porte à croire que ce projet est de toute façon irrecevable démocratiquement dans la mesure où il ne réunit pas une majorité des trois cinquièmes au Parlement !

Vous n’avez pas pu abaisser la majorité constitutionnelle mais, en revanche, vous avez déjà prévu que des lois organiques préciseront le contenu des lois-cadres : prudence quant à la majorité !

Nous pouvons en déduire que, si nous discutons à la mi-juin au Sénat, après l’Assemblée nationale, de ce projet de loi constitutionnelle alors qu’il ne sera pas voté au cours de la présente session, ni probablement à la prochaine, c’est que le Président de la République veut à tout prix au moins afficher sa volonté de bonne conduite à l’égard des « décideurs financiers ».

Ce projet, vous l’avez surnommé « règle d’or » ! Je dois dire qu’il porte bien ce nom, à condition d’ajouter « des marchés financiers » : c’est donc « règle d’or des marchés financiers ».

Les ministres qui défendent ce projet, MM. Mercier et Baroin, ont montré le fil rouge du texte. Depuis 2008, disait l’un d’eux, les déficits publics augmentent par insuffisance de la maîtrise des comptes ! Maîtrise par qui ? Car 2008, c’est l’année de la débâcle financière causée par les politiques irresponsables de rentabilité financière, des banques et organismes financiers, avec la bénédiction des États. Il y a donc des responsables. Les États ont « sauvé » les banques sans contrepartie et fait payer les salariés et les peuples, sous la houlette du Fonds monétaire international. C’est vrai dans tous les pays européens.

Aucune recherche d’augmentation des recettes du côté de ceux qui ont réalisé les plus grands profits, avant et après la crise, c’est-à-dire les actionnaires des entreprises du CAC 40. Au contraire !

En 2002, la dette s’élevait à 900 milliards d’euros contre quelque 1 800 milliards d’euros en 2011. Entre-temps, il y a eu le bouclier fiscal, les cadeaux électoraux – l’abaissement de la TVA pour les restaurateurs par exemple –, la suppression de la taxe professionnelle et toujours les exonérations de charges sociales – à hauteur de 173 milliards d’euros –, les niches fiscales, les stock-options… La crise n’a rien changé !

Je dois dire qu’il y a quelque chose d’obscène à voir montrer du doigt les gens qui survivent grâce au RSA, alors que les plus riches des plus riches arrivent in fine à avoir un pourcentage de taux d’ imposition identique à celui d’un petit salarié : 4 % pour Mme Bettencourt – toujours elle – comme pour un salarié qui gagne 1 500 euros !

Et pour finir, cette année, 1 900 foyers fiscaux dont les revenus sont supérieurs à 16 millions d’euros bénéficieront d’un gain moyen de 160 000 euros grâce à l’allégement de l’ISF, tandis que le bouclier fiscal continue de s’appliquer jusqu’à l’année prochaine ! C’est admirable ! Le résultat de l’opération est une aggravation du déficit public. Vous n’appliquerez donc pas l’année prochaine les bons principes que vous voulez constitutionnaliser.

Tout cela éclaire le propos de M. Mercier : « Vivre ensemble, c’est adopter un comportement responsable. » Qui est visé, les financiers, les gouvernements ? Ce propos s’adresse-t-il aux salariés, aux citoyens ? Ces derniers ont en effet voté, choisi donc, d’être gouvernés par des libéraux ultralibéraux ; ils ne peuvent pas s’attendre à autre chose !

Je crois que le problème réside précisément dans les rapports entre le peuple et votre gouvernance. Votre pouvoir est concentré comme il ne l’a jamais été. Le Parlement est contraint dans ses pouvoirs, tout particulièrement sur le plan financier, par des mécanismes que nous connaissons bien : LOLF, PLFSS, article 40 de la Constitution et tutelles européennes.

C’est d’ailleurs ainsi que vous avez imposé l’abaissement des services publics avec la révision générale des politiques publiques, la RGPP, les reculs de la protection sociale, donc de la santé, le bas niveau des salaires de la grande majorité. C’est également ainsi que vous avez mis au pas les collectivités locales avec votre réforme.

Mais vous ne pouvez empêcher un fort mécontentement, des résistances, des obstacles en France, comme dans la plupart des pays européens, où les peuples paient la crise de la finance.

Certes, vous avez les armes idéologiques – les pauvres, les peurs, les boucs émissaires –, mais il faut croire que cela ne suffit pas ; vous voulez aussi pouvoir exonérer durablement les responsables de la crise financière – c’est l’objet du programme de stabilité européen, de « l’Europlus » – et, pour être sûr d’y arriver, franchir une étape supplémentaire dans la contrainte contre toute velléité démocratique.

C’est l’objet du projet de loi que vous considérez, monsieur le ministre, comme « l’étape décisive dans le processus engagé il y a un an et demi ».

Les rapports n’ont pas manqué – je pense notamment au rapport Camdessus – pour proposer des idées.

Donc, cette étape décisive, c’est de décider d’« une norme supérieure » qui s’impose quels que soient la volonté populaire exprimée, le Gouvernement, le contexte, … grâce au monopole des lois financières, aux lois-cadres triennales, et dont le Conseil constitutionnel serait le garant.

C’est une limitation totale de la souveraineté du peuple et de ses représentants, c’est-à-dire du Parlement pour ce qui concerne le budget de l’État, du Parlement et des partenaires sociaux en ce qui concerne la sécurité sociale, des assemblées élues des collectivités locales pour ce qui est de leur budget.

C’est la mise en place d’une camisole financière européenne.

Je vous rappelle en effet l’article XIV de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : « Tous les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d’en suivre l’emploi et d’en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée. »

Le Conseil constitutionnel a précisé, dans sa décision du 25 juillet 2001, que l’examen des lois de finances constitue un cadre privilégié pour la mise en œuvre du droit garanti par la Déclaration de 1789, et réaffirmé à cette occasion les principes d’annualité, d’irréversibilité et d’unité du budget.

C’est tout l’inverse avec le projet qui nous est soumis !

La commission des finances tente une réponse : « La règle [des lois-cadres] n’impose pas aux gouvernements une trajectoire budgétaire plutôt qu’une autre […] ; la seule chose qu’elle impose est la cohérence entre la trajectoire pluriannuelle annoncée à nos partenaires européens et sa déclinaison annuelle dans les lois financières ! »

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Par qui est édictée cette « norme supérieure » constitutionnalisée dans notre pays ?

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Par les conseils des ministres de l’Union européenne ? Par la Commission européenne ? Par quelques pays européens, dont la France ?

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

C’est bien là que le bât blesse !

Seuls les traités internationaux adoptés dans des formes adéquates peuvent limiter, dans un cadre précis, la souveraineté nationale.

En l’occurrence, le traité de Lisbonne ne prévoit pas de budget triennal européen, et l’Europe ne dispose pas d’un instrument constitutionnel – le traité constitutionnel européen est mort-né en tant que tel.

Le projet qui nous est soumis ajoute donc, en quelque sorte, une « règle » au traité de Lisbonne – sans traité – pour limiter la souveraineté du peuple.

M. le rapporteur cite un exemple éclairant : la Grande-Bretagne s’était dotée en 1997 d’un code de stabilité budgétaire au cours du cycle 1997-2007 de dix ans. La crise a fait voler en éclat cet équilibre.

Peut-on imaginer, avec votre dispositif constitutionnel, que le Conseil constitutionnel – qui a compétence liée – annule une disposition prise par un gouvernement face à une crise ?

Peut-on sérieusement penser interdire à une majorité, par des lois-cadres de trois ans minimum – peut-être davantage –, d’adapter sa politique financière et fiscale aux conditions du moment ?

Est-ce le Conseil constitutionnel – organe non élu démocratiquement – qui va en décider ?

Peut-on sérieusement penser que, quand le peuple français change de majorité et de gouvernement parce qu’il désavoue les précédents, il va accepter que la « camisole financière européenne » empêche la nouvelle majorité de faire quoi que ce soit ?

C’est une atteinte grave à la volonté démocratique, et, comme par hasard, un an avant les échéances électorales qui pourraient faire changer la majorité…

On comprend l’intérêt des marchés financiers. C’est vrai pour la France, c’est vrai pour d’autres pays européens où les peuples pourraient rejeter les plans d’austérité.

C’est en quelque sorte une garantie contre un éventuel changement de politique, un moyen d’interdire que quiconque s’avise de faire payer les crises aux marchés financiers !

Un tel projet, d’ailleurs, se conçoit très bien dans la logique de l’harmonisation européenne ultralibérale dont le traité constitutionnel européen était l’instrument : inscrire dans le marbre constitutionnel la rentabilité du capital au détriment des dépenses utiles.

Mais vous n’y êtes pas tout à fait parvenus. Il n’y a pas de Constitution européenne qui s’impose aux États, et le traité de Lisbonne, même s’il reprend le contenu du traité constitutionnel européen, que le peuple français a rejeté, ne prévoit pas l’encadrement triennal des gouvernements.

Le caractère antidémocratique du projet qui nous est soumis n’échappe pas à certains membres de votre majorité. Notamment, il n’a pas échappé à M. le rapporteur de la commission des lois que le projet voté par l’Assemblée nationale n’était pas suffisamment respectueux des droits du Parlement.

Pis, on peut lire dans son rapport que « le Gouvernement et le Parlement abandonnent une part de leur liberté ». Il indique « les graves inconvénients [qui en résulteraient] pour la cohérence des travaux parlementaires et le droit d’initiative des députés et sénateurs… »

Nous ne pouvons que souscrire à ces propos, mais l’affaiblissement du Parlement en matière financière est déjà bien entamé par l’irrecevabilité financière, le monopole du Gouvernement, le vote de l’article d’équilibre avant la discussion des crédits, les lois de programmation des finances publiques, comme vous le dites vous-même, monsieur le rapporteur.

Nous partageons l’idée que le projet dont nous discutons va plus loin – c’est le but recherché – et entrave toute initiative du Gouvernement et du Parlement, toute réforme, toute action répondant à des nécessités.

Imaginez des émeutes sociales pendant lesquelles un gouvernement voudrait prendre des mesures d’urgence. Qui pourrait l’en empêcher ?

Monsieur le rapporteur, vous n’apportez pas de remède au mal annoncé.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

En effet, vous proposez au fond de supprimer le monopole des lois financières tout en conservant le maintien des lois-cadres d’équilibre dotées d’une force supérieure à celles des lois financières annuelles.

Donc, Gouvernement et Parlement ont toujours la possibilité de proposer des réformes induisant dépenses ou recettes nouvelles, mais les lois financières auront une compétence exclusive pour déterminer l’entrée en vigueur des mesures relatives aux prélèvements obligatoires, et bien entendu dans la limite des lois-cadres.

Certes, on peut apprécier que M. le rapporteur veuille rétablir ce que l’Assemblée nationale a refusé, c’est-à-dire que les institutions de la République servent encore à quelque chose ; mais il faut l’avouer, il s’agit d’un subterfuge car, en définitive, le principe même de la « norme supérieure » que le Gouvernement veut créer ex nihilo demeure, ce que nous refusons.

Mes chers collègues, le Parlement ne peut pas décider d’aliéner la souveraineté du peuple pour s’en remettre aux comptables financiers actuels de l’Europe !

Mes chers collègues, je vous invite donc à voter cette motion. §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Je trouve toujours extrêmement paradoxal que soit présentée, lors de l’examen d’un projet de loi tendant à réviser la Constitution, une motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité…

En revanche, on peut concevoir le dépôt d’une motion tendant à opposer la question préalable ou, éventuellement, tendant au renvoi à la commission afin que le texte soit réexaminé.

Cela dit, ce paradoxe vous a permis, madame Nicole Borvo Cohen-Seat, de développer un certain nombre d’idées.

Pour ma part, je suis surpris que vous refusiez, d’une manière générale, une vision pluriannuelle, parce que l’annualité budgétaire, c’est tout de même de la navigation à vue !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

On avait commencé en 2008 avec les lois de programmation, mais la force conférée aux lois-cadres d’équilibre des finances publiques imposera une constance dans la gestion des finances publiques.

Monsieur le ministre, ce point est peut-être le plus important de la réforme ; cette règle qui s’impose était au centre des préoccupations de la commission.

En tout cas, je ne vois pas en quoi le présent projet de loi constitutionnelle bafoue les principes fondateurs de notre République. D’ailleurs, des pays comme l’Allemagne, dont les dispositifs tendant à assurer l’équilibre des finances publiques sont extrêmement forts, ne s’en sont pas trop mal trouvés jusqu’à présent ; elle n’a pas cessé d’être une république.

Pour tous ces motifs, vous comprendrez, mes chers collègues, que cette motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité ne paraisse pas fondée et que la commission des lois émette un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
François Baroin, ministre

Le Gouvernement est défavorable à cette motion.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Personne ne demande la parole ?...

Je mets aux voix la motion n° 76, tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.

Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi constitutionnelle.

La commission et le Gouvernement se sont prononcés contre.

En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.

Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au comptage des votes.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Voici le résultat du scrutin n° 242 :

Le Sénat n'a pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Je suis saisi, par MM. Collombat et Frimat, Mme Bricq, MM. Daudigny, Yung, Marc, Frécon, Desessard, Bérit-Débat, Sergent et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, d'une motion n° 38 rectifié.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l’article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi constitutionnelle, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à l’équilibre des finances publiques (499, 2010-2011).

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, auteur de la motion.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Le prêchi-prêcha qui accompagne ce projet de loi constitutionnelle fait penser à ces contes moraux bourgeois du XIXe siècle, illustrés de vignettes émouvantes, destinés à l’édification des prolétaires.

Sur la première vignette, on voit l’expulsion d’une famille éplorée agrippée aux basques d’un homme visiblement ivre. Dans un angle, le garde des sceaux rappelle : « Quand les parents boivent, les enfants trinquent ! »

Sur la seconde vignette, on voit la même famille, mais radieuse cette fois, dans un appartement respirant une honnête propreté. La morale de l’histoire revient au ministre du budget : « Sobriété égale prospérité ; c’est le bon sens ! »

Éprouvée, la méthode consiste à réduire toute question complexe à un unique problème et à lui trouver une solution simple, compréhensible pour les gens pressés, relevant soi-disant du bon sens. Sa pertinence importe peu, le but n’étant pas de changer l’ordre des choses, puisqu’il est parfait, mais de corriger les hommes. Pour cela, lois et prédications suffisent.

En l’espèce, la question se limite à celle de l’équilibre budgétaire et de l’endettement public.

On a évacué – au moins jusqu’à tout récemment – les liens que cet endettement pourrait avoir avec l’endettement privé, la dynamique économique et l’emploi ou encore le mode de fonctionnement de l’Europe et de la zone euro. Ce débat est jugé inutile, puisqu’on connaît déjà l’origine des déséquilibres : l’électoralisme idiosyncrasique des parlementaires, qui pousse à la dépense.

Hier, l’irresponsabilité des élus locaux a justifié la réforme territoriale ; aujourd’hui, celle des parlementaires justifie qu’on leur ôte toute initiative en matière financière.

On oublie que le Gouvernement, en France, dispose déjà de tous les moyens constitutionnels de s’opposer à ces fâcheuses manies, à la différence de l’Allemagne ou du Royaume-Uni, qui ignorent les facilités du régime consulaire. « À celui qui n’a pas on lui ôtera même ce qu’il a », avait prédit Saint-Mathieu !

Personne non plus ne se fait d’illusion sur l’efficacité du dispositif. Jean-Jacques Hyest nous rappelle dans son rapport que, là où elle existe, la camisole budgétaire constitutionnelle reste dans le placard. Il précise ainsi que « cette constitution financière n’a pas suffi à garantir la vertu budgétaire en Allemagne » et que « l’emballement des déficits et de la dette consécutif à la crise financière a contraint les autorités [britanniques] à adapter leur règle budgétaire et décaler le retour à l’équilibre à l’horizon 2017-2018 ».

Quant au Gouvernement, s’il ne se sent pas capable de conduire la politique financière de la France, qu’il s’en aille !

Constatons par ailleurs que la non-application par le Gouvernement de la règle qu’il entend constitutionnaliser, c’est-à-dire une loi de règlement non conforme à une loi de programmation, n’aurait aucune conséquence.

On néglige aussi que l’origine comptable de la dette publique française n’est pas l’excès de dépenses, mais le défaut abyssal de recettes, dont l’origine structurelle, par-delà la crise, est à rechercher, premièrement, dans la chute de la part relative des revenus du travail dans le partage de la valeur ajoutée au cours de ces trente dernières années et, deuxièmement, dans les dépenses fiscales et les exonérations de cotisations sociales généreusement accordées.

Concernant ce dernier point, les chiffres auxquels parviennent Philippe Marini et Jean Arthuis dans leur récent rapport sont impressionnants. Selon les modes d’évaluation, les allégements fiscaux varient entre 148 milliards et 220 milliards d’euros, et les allégements sociaux entre 41 milliards et 80 milliards d’euros.

Au total, le manque de recettes publiques se situe entre un minimum de 190 milliard d’euros et un maximum de 300 milliards d’euros. Il faut comparer ce chiffre au déficit des comptes publics pour 2009, qui s’élevait, en pleine crise, à 145 milliards d’euros !

Si ce n’est pas organiser l’insolvabilité de l’État et la faillite des régimes sociaux, c’est bien imité ! Faire le contraire ne ferait pas de mal aux comptes publics !

Origine plus sournoise de la faiblesse des recettes publiques : la réduction de la part des revenus du travail par rapport à celle du capital ces trente dernières années. Moins de revenus du travail, compte tenu du traitement de faveur dont bénéficient les revenus du capital, c’est moins d’impôts et de cotisations.

Si cette « déformation du partage de la valeur ajoutée », comme on dit dans le jargon, n’est pas une spécialité européenne, elle a été particulièrement forte dans l’Europe des Quinze et en France : moins 12, 1 points de PIB dans l’Europe des Quinze, contre moins 5 points aux États-Unis.

Ces chiffres sont ceux de l’excellent rapport d’information de nos collègues Joël Boudin et Yvon Collin relatif à la coordination des politiques économiques en Europe.

En France, en Allemagne et au Royaume-Uni, la diminution est de l’ordre de 10, 2 à 10, 4 points de PIB. Mais les pays actuellement dans la tourmente accusent une baisse bien plus importante : moins 13, 4 points de PIB pour l’Espagne et moins 35 points de PIB pour la Grèce.

Si le credo libéral, résumé par la célèbre formule d’Helmut Schmidt – « les profits d’aujourd’hui sont les investissements de demain et les emplois d’après-demain » – avait été vérifié, cette évolution n’aurait pas eu un impact aussi négatif sur l’emploi, la consommation et les recettes de l’État. La production aurait trouvé ses débouchés dans l’investissement, l’emploi puis la consommation.

Mais, en l’occurrence, la foi n’a pas suffi à déplacer les montagnes. L’excédent de revenus du capital n’a pas été réinjecté dans l’économie réelle, mais est allé croître et se multiplier dans des bulles spéculatives récurrentes.

Le maintien du niveau de la consommation et de l’emploi a donc imposé de compenser les fuites.

Trois ingrédients ont été utilisés, dans des cocktails de composition variable selon les pays et les gouvernements : recherche d’excédents extérieurs, endettement public ou privé. En fait, deux ingrédients seulement, puisque les balances excédentaires supposent des balances déficitaires et des pays endettés. Le vrai moteur de la croissance de ces années fut donc l’endettement public ou privé. Là où l’endettement public était contenu, comme au Royaume-Uni et en Espagne, l’endettement privé a explosé.

La France, elle, a globalement opté pour le « mou » : croissance molle, en tout cas inférieure à celles du Royaume-Uni, des États-Unis, de l’Irlande, de la Grèce ou de l’Espagne ; endettement des ménages et endettement public comparativement modéré, même aujourd’hui.

Ce qui, aux yeux des libéraux français, passe pour du keynésianisme pur sucre s’est globalement limité à caler la croissance de l’emploi sur celle de la population active, sans parvenir à réduire autant qu’ailleurs un solde de chômage et de sous-emploi relativement élevé.

J’emploie le terme « globalement », car tous les gouvernements n’ont pas fait la même chose. On doit aux cinq années du gouvernement de Lionel Jospin 60 % des créations d’emplois salariés de ces vingt dernières années, période durant laquelle le niveau de la dette publique a légèrement baissé et l’endettement privé légèrement augmenté.

Entre 1989 et 1996, 726 000 emplois salariés supplémentaires ont été créés, soit une moyenne de 90 750 par an.

Entre 1997 et 2002, 2 197 000 emplois salariés supplémentaires ont été créés, soit 366 000 par an.

Entre 2003 et 2009, 466 000 emplois salariés supplémentaires ont été créés, soit 66 600 par an.

On me répondra que le gouvernement de Lionel Jospin a bénéficié d’une période de croissance. Comme si, en vingt ans, il n’y avait eu que cinq années de croissance… En réalité, ce résultat est bien le produit d’une politique.

Rappeler cela, c’est poser la question de savoir comment le Gouvernement entend nourrir la croissance, l’emploi, la consommation et les recettes fiscales sans augmenter les revenus du travail et en réduisant l’endettement public.

Songe-t-il à appliquer la recette du candidat Nicolas Sarkozy, qui, au printemps 2007, déclarait : « Les ménages français sont aujourd’hui les moins endettés d’Europe. Or, une économie qui ne s’endette pas suffisamment, c’est une économie qui ne croit pas en l’avenir, qui doute de ses atouts, qui a peur du lendemain. […] Il faut réformer le crédit hypothécaire. Si le recours à l’hypothèque était plus facile, les banques se focaliseraient moins sur la capacité personnelle de remboursement de l’emprunteur et plus sur la valeur du bien hypothéqué. »

Il est toutefois douteux, monsieur le ministre, que vous songiez à appliquer cette méthode, la crise ayant montré ses limites. À l’usage, l’endettement privé, retraité par la machine spéculative bancaire, est encore plus dangereux que l’endettement public, qu’il a par ailleurs lui-même contribué à stimuler, comme vous l’avez rappelé, monsieur le ministre.

C’est en effet pour sauver un système bancaire gavé de titres toxiques que le lapin blanc de la dette privée a été changé en lapin noir de la dette publique. Que la France se soit plutôt mieux tirée de ce numéro de cabaret financier que l’Allemagne, le Royaume-Uni et, évidemment, l’Irlande – modèle de réussite libérale brutalement ramenée au rang de pays du « Club Med » – ne signifie pas qu’elle ne pâtisse pas de la déstabilisation de l’euro qui en est résultée.

Si la France n’était pas devenue la cible de la spéculation, nous ne serions pas là aujourd’hui. Vous l’avez d’ailleurs avoué candidement dès mai 2010, monsieur le ministre, en affirmant : « Nous devons maintenir notre AAA, réduire notre endettement pour éviter d’être trop dépendant des marchés, et nous devons le faire dans la durée, d’où l’idée de révision constitutionnelle, pour bien montrer que ce n’est pas simplement un coup pour rien pour faire plaisir à des marchés, mais vraiment une nouvelle inflexion, une nouvelle tendance, une nouvelle discipline budgétaire française. »

« La politique de la France ne se fait pas à la corbeille ! », disait le général de Gaulle. Autres temps, autres mœurs, autres hommes…Grandeur et décadence !

Pourquoi d’ailleurs les marchés ne dicteraient-ils pas leur loi puisqu’on les a placés en situation de le faire ? Une promesse d’équilibre budgétaire, voire un excédent budgétaire réel suffiront-ils à changer leur comportement ?

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Non, bien évidemment !

Quand les marchés ne craindront plus le délabrement des finances publiques, ils spéculeront sur les conséquences de leur restauration.

D’ailleurs, quelque temps après cette déclaration dont je viens de rappeler la teneur, monsieur le ministre, et après les engagements européens de sauvetage de la Grèce, Moody’s se fendait du communiqué suivant : « Compte tenu de la nécessité de se tenir à des mesures d’économie strictes pour plusieurs années, Moody’s estime que les craintes sur la croissance économique constituent un risque pour la notation des États. Cela est particulièrement vrai en Europe, où la croissance devrait être moins élevée que dans le reste du monde. »

On ne « rassure » pas les marchés. On leur retire le quasi-monopole du crédit assorti d’une assurance tous risques quand tout s’effondre qui leur a été imprudemment octroyée.

La monétisation de la dette publique, comme aux États-Unis et au Royaume-Uni, aurait l’avantage de desserrer l’étau ou, plus exactement, de permettre au système européen de banques centrales de faire directement ce qu’il fait déjà par des moyens détournés et continuera à faire avec le mécanisme de stabilité européen.

« Au total, écrit Patrick Artus, qui n’est pas connu pour être gauchiste, la monétisation indirecte par les banques nous paraît beaucoup plus dangereuse que la monétisation directe par les banques centrales, ce qui est évidemment l’opposé de l’opinion de la BCE ».

La monétisation directe de la dette souveraine limiterait son coût et donnerait aux États les marges de manœuvre d’une politique de croissance génératrice d’emplois et de revenus fiscaux, facilitant ainsi le retour à l’équilibre budgétaire.

Elle ne serait pas plus génératrice d’inflation que les émissions monétaires d’origine bancaire actuelles, à tout le moins aussi longtemps que l’appareil productif tournera au ralenti.

Et si plus d’inflation il y avait, faudrait-il s’en plaindre ? Quelques malappris, tel Olivier Blanchard, l’économiste en chef du FMI – un autre gauchiste !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Vous aurez compris que le fond du problème n’est pas l’irresponsabilité des parlementaires, mais l’euro, son mode de construction et, désormais, de régulation.

L’euro est la tentative inouïe, c’est-à-dire jamais vue, de créer une monnaie sans référence à l’étalon-or, sans pouvoir souverain pour l’administrer, sans possibilité d’assistance financière directe entre États. Le rôle du système des banques centrales y est réduit au minimum, celui-ci étant chargé d’éviter que les banques, dotées de l’essentiel du pouvoir de création monétaire à travers le crédit, ne fassent faillite, de lutter contre l’inflation, existante ou probable, et de regarder l’euro s’apprécier quand nos concurrents laissent filer leur monnaie pour gagner nos marchés.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Garant de cet ordre : le respect de quelques règles budgétaires simples par les États sous la surveillance du haut clergé financier central.

L’euro actuel est la concrétisation du rêve libéral d’un ordre économique et financier autonome, fonctionnant selon ses lois propres pour l’enrichissement et le bonheur de l’humanité.

Le rêve ne s’étant pas réalisé, le mal ne pouvait venir que du vestige de souveraineté laissé aux États : la politique budgétaire. L’objet de ce texte est précisément de les en priver.

En guise de conclusion, je vous livre ce diagnostic de Paul Krugman : « Non, la véritable origine de la crise de la zone euro ne réside pas dans la prodigalité des hommes politiques mais dans l’arrogance des élites […] qui ont poussé l’Europe à adopter une monnaie unique bien avant que le continent ne soit prêt pour une telle expérience. […]

« Bien avant la naissance de l’euro, les économistes avaient prévenu que l’Europe n’était pas prête pour une monnaie unique. Mais ces mises en garde ont été ignorées, et la crise est arrivée.

« Et maintenant ? Sortir de la zone euro est quasiment impensable […] La seule solution est donc la marche en avant : pour faire fonctionner l’euro, l’Europe doit aller bien plus loin en matière d’union politique, de manière à ce que les pays européens commencent à fonctionner davantage comme des États américains.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

« Mais ce n’est pas près d’arriver. Nous assisterons sans doute dans les années à venir à un douloureux processus de sortie de crise : des renflouages accompagnés d’exigence de violente austérité, tout cela sur fond de chômage très élevé, perpétué par [une] déflation éprouvante. »

Nous sommes toujours aux temps des palinodies et des cataplasmes. Pour vous, monsieur le ministre, voter ce texte est d’abord un devoir moral et se préoccuper des générations futures ; poser la question préalable, c’est pour le groupe socialiste une manière de vous rappeler de penser aux jeunes générations d’aujourd'hui et à la « galère » que vous leur préparez en faisant le choix de la déflation.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Yvon Collin applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

M. Collombat a fait beaucoup de citations, quelquefois un peu sorties de leur contexte, mais cela n’a aucune importance.

Il a fortement critiqué l’euro, ce qui me conduit à rappeler que certains de ses amis, pour ne pas dire tous, soutenaient comme nous le traité de Maastricht…

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

La repentance n’est pas impossible, cher monsieur Hyest : perseverare diabolicum !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Je crois que là n’est pas la question, monsieur Collombat !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

C’est votre point de vue, mais il faut précisément une convergence pour que l’euro soit fort et bénéficie à tous les pays de la zone euro. Pour ce faire, il faut une discipline respectée par tous, discipline dont notre pays aussi a besoin.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Monsieur Collombat, je vous ai écouté religieusement. Ne m’interrompez pas sans cesse !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Mais vous ne répondez pas, monsieur Hyest, ou vous répondez à côté ! Vous ne répondez d’ailleurs jamais.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Je réponds, monsieur Collombat !

Le présent texte est justement conçu pour avoir des conséquences positives sur la gestion de nos finances publiques et nous permettre de retrouver des marges de manœuvre après tant d’années de déficit. Toutes les majorités au pouvoir depuis trente-cinq ans ont d’ailleurs leur part de responsabilité dans ce déficit. Il faut réagir aujourd'hui, tant qu’il est encore temps, en ayant le courage de définir des règles contraignantes.

J’ajoute que je me suis toujours employé au maximum à la préservation des droits du Parlement et, de ce point de vue, vous constaterez que le texte peut, grâce à nos amendements, sortir grandement amélioré du Sénat, tout en continuant, bien entendu, à assurer le nécessaire respect des principes d’équilibre des finances publiques et la conformité des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale aux lois-cadres d’équilibre des finances publiques.

En conséquence, j’estime qu’il y a lieu de poursuivre la discussion du projet de loi constitutionnel et j’émets un avis défavorable sur la motion tendant à opposer la question préalable.

Debut de section - Permalien
François Baroin, ministre

Le Gouvernement est défavorable à l’adoption de cette motion.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Personne ne demande la parole ?...

Je mets aux voix la motion n° 38 rectifié, tendant à opposer la question préalable.

Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi constitutionnelle.

La commission et le Gouvernement se sont prononcés contre.

En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Voici le résultat du scrutin n° 243 :

Le Sénat n'a pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Je suis saisi, par MM. Collin, Alfonsi, Baylet et Chevènement, Mmes Escoffier et Laborde et MM. Mézard, Plancade et Tropeano, d'une motion n° 45.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l'article 44, alinéa 5, du règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, le projet de loi constitutionnelle relatif à l'équilibre des finances publiques (499, 2010-2011).

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

Aucune explication de vote n’est admise.

La parole est à M. Yvon Collin, auteur de la motion.

MM. Jean-Pierre Bel et Bernard Frimat applaudissent

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

Mes collègues du RDSE signataires de cette motion de renvoi à la commission et moi-même voulons éviter au Sénat d’adopter une disposition constitutionnelle que nous jugeons tout à la fois inutile, inopérante et dangereuse.

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

Mais, en préambule, je veux indiquer combien je regrette l’opération de transfert de responsabilité sous laquelle vous placez nos débats, monsieur le ministre, lorsque, vous faisant le porte-voix d’un prétendu jugement des marchés financiers, vous jouez avec la réputation de la représentation nationale, sommée d’adopter votre projet de loi constitutionnelle sous peine d’attenter à l’intérêt de la nation. Que n’avez-vous appliqué à vos actes les sommations que vous nous adressez ?

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

Le sens de la démocratie, c’est aussi d’assumer ses responsabilités. Votre majorité exerce le Gouvernement de la France depuis 2002. Ainsi, c’est elle qui doit assumer la responsabilité des finances publiques depuis cette date. Or voici son bilan.

À la fin de 2001, le déficit public s’élevait à 1, 5 point de produit intérieur brut, en nette amélioration par rapport à 1997. Il se trouvait à un niveau permettant de réduire le poids de la dette publique dans le PIB. De fait, ce poids avait été sensiblement allégé par rapport à 1997.

En 2007, le déficit public était passé à 2, 7 % du PIB, soit un niveau supérieur au solde stabilisant le niveau de la dette publique dans le PIB. La France s’est alors installée sur une trajectoire d’insoutenabilité de la dette publique.

Celle-ci a été considérablement amplifiée par la suite. À la fin de 2010, le déficit public s’élève à 7 points de PIB. Inutile de préciser que ce déficit insoutenable expose le pays à une seconde insoutenabilité, celle de sa dette publique.

Celle-ci s’élevait à 56, 9 % du PIB en 2001, soit un niveau compatible avec le plafond du pacte de stabilité et de croissance. Cinq ans plus tard, la dette publique dépassait ce plafond, atteignant 63, 9% du PIB.

Depuis, le poids de la dette publique a été alourdi de près de 20 points de PIB : à 81, 7 % de celui-ci, il est plus élevé de 30, 2 points de PIB par rapport à 2001, soit une progression de plus de 40 % en neuf années.

Le Gouvernement est responsable, monsieur le ministre, d’une dégradation historique des finances publiques telle que les exigences de redressement des comptes publics pèseront sur le destin de la France et des Français pendant des années.

Contrairement à ce que vous indiquez souvent, c’est à une véritable rupture par rapport aux années 1997 à 2001 que vous avez soumis le pays. Cette période montre qu’il est faux de prétendre que la France est abonnée au déficit et à la dette ; c’est votre majorité qui a souscrit cet abonnement.

Vous vous abritez derrière la crise pour expliquer cette dérive. Faible abri !

Avant tout, la crise est celle de vos choix économiques : crise du néolibéralisme dérégulé des prétendus « marchés efficients » ; crise de l’« exubérance rationnelle » de M. Greespan ; crise liée à la perte de tous les repères économiques et sociaux nécessaires à une croissance forte et équilibrée ; crise de l’État aussi, et non pas du « trop d’État », comme avait réussi à nous en persuader, voilà quelques années, un banquier de renom vilipendant la dépense publique et tançant notre État pour sa coupable imprévoyance…

Eh oui ! Vous avez cru aux leçons des petits génies de l’école de Chicago, tout occupés à produire une science économique de pacotille propre à les faire accéder au prix, dit « Nobel de l’économie », de la banque de Suède.

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

Eh oui ! Vous avez fait vôtres les recommandations de ces banquiers, occupés à soigner leurs bonus, en mettant en place des mécaniques financières qui ont fait exploser la finance et l’économie mondiale.

Hé oui ! Vous n’avez pas vu et vous ne voyez toujours pas que c’est ce système économique qui est aujourd’hui comme hier responsable de l’état de nos finances publiques, comme l’est l’impéritie des intermédiaires financiers dont il va falloir acquitter la facture, facture qui augmente tous les jours pour certains de nos plus proches voisins, et cela à des risques incalculables !

Quant à la menace des marchés financiers, plutôt que de l’agiter, il serait souhaitable, monsieur le ministre, de prévenir les abus et de tenir les engagements que vous avez pris de réduire l’exposition des populations à leurs excès.

Mais il y a plus : il y a vos contradictions.

Il vous faudra bien reconnaître qu’avant la crise économique votre politique budgétaire était insoutenable. Vous avez pris des engagements à crédit, comme le niveau de la dette publique, qui ne pouvait qu’augmenter, nous le rappelle crûment.

L’année 2007 le montre avec éloquence : au cours de cette période, pourtant de forte croissance, vous avez creusé le déficit public de 0, 4 point de PIB. Dans le même temps, notre voisin allemand, auquel vous vous référez fréquemment, améliorait sa position budgétaire de 1, 9 point de PIB. Et la dégradation des comptes publics français aurait été encore plus nette si la conjoncture n’avait pas été porteuse, puisque notre solde structurel s’est alors alourdi de 0, 9 point de PIB.

Vous avez choisi l’impasse budgétaire bien avant que l’impasse de votre système économique de prédilection n’apparaisse, et avec l’éclat dramatique que chacun a pu observer.

Je ne vous reprocherai pas de n’avoir pas tenu les objectifs de dépenses publiques que vous aviez affichés. Je ne souscris pas à la diabolisation de la dépense publique qui n’est fondée sur rien et ne mène nulle part.

En revanche, vous n’avez pas eu le courage de déployer les moyens de votre politique sur le front des prélèvements obligatoires. Vous avez sciemment baissé la contribution des plus aisés de nos concitoyens au financement des biens publics, si nécessaires à notre dynamisme économique et à notre cohésion sociale. Plutôt que de desserrer les contraintes qui s’exercent en ce domaine, vous les avez assumées avec entrain, vous montrant insouciant de toute cohérence financière. C’est ce point qui nous distingue, monsieur le ministre.

Or le projet de loi constitutionnelle que vous nous soumettez s’inscrit dans le prolongement de cette politique dépourvue d’orientation viable. C’est un rideau de fumée supplémentaire tiré par votre gouvernement. Et il s’agit d’une fumée dangereuse !

Tout d’abord, ce texte est inutile. Nous disposons d’outils surabondants permettant de contraindre une majorité à dévoiler ses options budgétaires. Ainsi, vous avez fait adopter une loi de programmation des finances publiques. Or, politiquement, je ne vois pas réellement la différence entre ce texte et les lois-cadres que vous introduisez dans notre droit. De fait, la différence n’est que juridique ! Mais êtes-vous si incertain de vos engagements que vous vous sentiez obligé de vous lier comme Ulysse au mât de son navire ? Il est vrai que vous n’avez pas respecté cette loi ! Mais c’est votre responsabilité !

Pour ma part, je n’ai pas le goût d’alourdir de principes juridiques les choix politiques. Cette mode des règles qui suppose un haut degré de suffisance de la part des concepteurs de celles-ci n’a fait la preuve de son efficacité ni au Royaume-Uni, sous la dénomination « règle d’or », ni en Europe, sous l’appellation « pacte de stabilité et de croissance ». Elle est source, au contraire, de bien grands dangers, notamment d’inertie, en lieu et place de la nécessaire agilité budgétaire. En créant une nouvelle convention, elle comporte aussi le risque – il serait bien naïf de le mésestimer –, d’alimenter la spéculation financière et de divertir l’attention des vrais problèmes du moment.

On a pleinement pu constater cet « effet lampadaire » pendant la crise. La Commission européenne engagea des procédures de déficit excessif à tour de bras, endommageant la réputation financière des États européens. Elle fut aveugle aux déséquilibres de la finance privée et ne sut point voir à quel point parfois les positions budgétaires n’étaient présentables que grâce à ces déséquilibres.

Monsieur le ministre, il faut se méfier des concours de beauté ! Ils poussent à des surenchères, dont les artifices séducteurs éloignent du principe de réalité et exposent ceux qui les emploient à la versatilité des appréciations des jurys au moindre écart de présentation.

Au demeurant, dans le concours de beauté auquel vous nous demandez de participer, vous êtes loin du compte.

Ainsi, vous êtes bien éloigné de la nouvelle règle budgétaire allemande. Nous verrons d’ailleurs bien si celle-ci sera plus respectée dans le futur que ne l’aurait été par le passé une éventuelle règle similaire.

Vous êtes également bien éloigné d’une règle claire. Votre projet de loi constitutionnelle correspond, en réalité, à une kafkaïsation de notre droit.

Vous créez des lois-cadres auxquelles vous conférez une dignité normative supérieure à celle des lois ordinaires. D’où provient cette supériorité ? De la Constitution, que vous nous demandez de réformer à cet effet. Fort bien !

Le procédé ne serait pas tout à fait inédit, soutient-on, puisque les lois organiques sont désignées comme s’imposant aux lois ordinaires. Mais voilà : les lois organiques diffèrent des lois ordinaires par leur contenu et par leur procédure d’adoption. Rien de tel avec vos super-lois de finances.

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

Quel sera précisément le contenu des lois-cadres ?

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

Au demeurant, on ne le sait pas. Votre texte évoque, outre les mesures qu’il mentionne, des dispositions supplémentaires que la future loi organique prévue pour déterminer le champ des lois-cadres pourrait leur attribuer. C’est tout à fait incohérent !

Comment une loi organique pourrait-elle élargir le champ de ces lois-cadres en sus de ce que prévoit la Constitution ? Cela reviendrait à lier le législateur, sans nul fondement constitutionnel solide, et ne pourrait pas être jugé conforme à la Constitution. Or, nous le savons, le Conseil Constitutionnel examinera automatiquement la loi organique annoncée.

Enfin, pour rester dans Kafka ou Ubu, il serait au moins souhaitable que le Gouvernement ou la commission nous éclaire sur l’objet du vote. On veut faire d’un objectif, nécessairement soumis à des aléas, une norme. Mais comment sanctionnera-t-on celle-ci ? Le texte précise seulement que les écarts entre l’exécution et les objectifs devront être compensés. Mais de quels écarts s’agit-il ? On nous renvoie à la loi organique. Or ce problème est essentiel. En effet, les écarts seront compensés soit terme à terme, soit eu égard à leurs effets sur le solde public, ce qui n’est pas du tout la même chose.

Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

La logique de votre texte, à savoir tendre vers l’équilibre des comptes des administrations publiques, voudrait que la compensation se fasse au vu du solde constaté. Mais, monsieur le ministre, la mécanique que vous mettez en place va dans le sens contraire. Or, économiquement, c’est bien le solde qui compte. Mais peu importe à ce stade. Ce que je retiens, c’est le flou de votre projet de loi constitutionnelle.

Et le brouillard s’épaissit quand on s’interroge sur les modalités de la compensation, dont le principe est posé. Quand interviendra-t-elle ? Dès sa constatation ? Mais les écarts d’exécution ne sont jamais constatés instantanément, vous le savez bien ; il faut parfois attendre des années la révision des comptes nationaux pour que l’exécution soit connue. Même en comptabilité publique, il y a des délais. Il faut à tout le moins attendre les lois de règlement. Faudra-t-il patienter jusque-là ? Sera-t-il possible de constater alors un quelconque écart puisque, par hypothèse, celui-ci devra être comblé ?

Vraiment, le présent texte ne tient pas la route. Je prendrai un autre exemple. Vous prétendez que les lois-cadres comporteront des planchers de recettes et des plafonds de dépenses s’imposant aux lois financières. Or la loi de finances comporte certes des évaluations de recettes, mais n’envisage aucune évaluation de dépenses. Elle prévoit des crédits, qui correspondent non pas à des obligations, mais à des autorisations de dépenser. On ne voit donc pas sur quoi reposera la norme de dépenses de la loi-cadre s’agissant des lois de finances.

La Constitution mérite bien mieux que votre projet de loi constitutionnelle. Mais sortons des vertiges de perplexité qu’inspire un texte si incertain et retrouvons la terre ferme et solide de notre tradition démocratique, constitutionnelle et parlementaire !

Si un seul motif devait justifier le report de l’examen de votre projet de loi à des temps plus inspirés, ce serait celui que je vais maintenant exposer brièvement. Nous ne pouvons, dans cette assemblée, nous rallier à l’attentat contre le Parlement que représente la sanctuarisation de la matière fiscale dans les lois financières.

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

Incidemment, je ne vois pas comment la commission des finances, qui a toujours plaidé pour le monopole des lois de finances en matière de détermination des prélèvements obligatoires, pourrait voter ce texte sans se renier, puisque les lois de financement de la sécurité sociale se voient reconnaître une compétence concurrente, à la satisfaction, j’imagine, de la présidente de la commission des affaires sociales et de son rapporteur général.

Mais pour nous, parlementaires ordinaires, ce point est beaucoup moins important que la perspective d’être privés de toute initiative dans ces domaines si essentiels à la dignité d’un Parlement, en dehors de l’examen des lois de finances. Je rappelle que celles-ci sont à l’initiative du Gouvernement. C’est donc conditionnellement sur son initiative que la nôtre pourra désormais s’exercer. Une telle réduction de nos pouvoirs n’est pas tolérable.

De surcroît, cette disposition surchargerait encore les débats, déjà si lourds, que nous menons chaque automne, débats au demeurant enserrés dans le carcan de délais très stricts. Elle nuirait non seulement à notre pouvoir d’initiative, mais aussi, sans aucun doute, à la qualité, déjà médiocre, de la loi fiscale. Que n’avez-vous pris le temps d’examiner le bouclier fiscal ?

Enfin, cette réduction de notre initiative parlementaire ne concernerait pas que la matière fiscale proprement dite. Étant donné la place que peuvent occuper les outils fiscaux dans les politiques publiques, nous serions démunis, au-delà de toute raison, d’une partie considérable de nos compétences.

Le Parlement, que vous prétendez respecter, ne peut pas tolérer ce qui serait non pas un simple recul, mais, je le répète, une véritable atteinte aux droits et aux prérogatives des parlementaires.

C’est la raison pour laquelle, mes chers collègues, comme plusieurs autres membres du groupe du RDSE, je vous invite à approuver la présente motion tendant au renvoi à la commission du projet de loi constitutionnelle.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

En règle générale, hormis à la fin, l’intégralité de la présentation d’une motion tendant au renvoi à la commission n’a rien à voir avec l’objet même de la motion !

Celle de M. Collin n’a pas dérogé à la règle. Au demeurant, après les nombreux discours sur la politique économique de cet après-midi, elle fut intéressante.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Pour ma part, je ne me permettrais pas de porter quelque jugement que ce soit en matière de discipline budgétaire, domaine dans lequel tout le monde a péché.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Disons alors que tout le monde a commis des fautes !

Monsieur Collin, la fin de votre intervention m’a particulièrement intéressé…

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

Vous avez préféré la fin de mon exposé ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Mais oui, parce que, justement, la commission des lois s’est efforcée, avec un certain succès, de faire en sorte que le droit d’initiative des parlementaires soit parfaitement préservé. Elle a examiné un certain nombre d’amendements, dont la plupart ont été adoptés par vos collègues qui siègent en son sein. Par conséquent, le renvoi du présent projet loi constitutionnelle à la commission ne servirait pas à grand-chose. C’est pourquoi celle-ci émet un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
François Baroin, ministre

Le Gouvernement est défavorable à cette motion.

La motion n'est pas adoptée.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mercredi 15 juin 2011, à quatorze heures trente et le soir :

1. Suite du projet de loi constitutionnelle relatif à l’équilibre des finances publiques (499, 2010 2011).

Rapport de M. Jean-Jacques Hyest, fait au nom de la commission des lois (568, 2010-2011).

Avis de M. Alain Vasselle, fait au nom de la commission des affaires sociales (578, 2010-2011).

Avis de MM. Jean Arthuis et Philippe Marini, fait au nom de la commission des finances (591, 2010-2011).

Avis de M. Jean-Paul Emorine, fait au nom de la commission de l’économie (595, 2010-2011).

2. Projet de loi organique modifiant l’article 121 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie (Procédure accélérée) (n° 554, 2010-2011).

Rapport de M. Christian Cointat, fait au nom de la commission des lois (586, 2010-2011).

Texte de la commission (n° 587, 2010-2011).

3. Deuxième lecture du projet de loi, adopté avec modifications par l’Assemblée nationale, relatif aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge (566, 2010-2011).

Rapport de M. Jean-Louis Lorrain, fait au nom de la commission des affaires sociales (589, 2010-2011).

Texte de la commission (n° 590, 2010-2011).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

La séance est levée à vingt-trois heures quarante-cinq.