Intervention de Jean Desessard

Réunion du 14 juin 2011 à 21h45
Équilibre des finances publiques — Suite de la discussion d'un projet de loi constitutionnelle

Photo de Jean DesessardJean Desessard :

Et qu’on ne fasse pas tout reposer sur la crise ! La Cour des comptes elle-même a calculé que seul le tiers des déficits depuis 2008 lui était imputable ! Les cadeaux fiscaux que votre famille politique a offerts aux plus aisés depuis dix ans sont évalués à 125 milliards d’euros annuels !

L’objectif d’équilibrer les finances publiques, que nous partageons, je l’ai dit, est donc fondamentalement contradictoire avec la politique que vous déclinez depuis quatre ans.

Que faut-il donc comprendre avec ce projet de loi constitutionnelle ? Que vous cherchez à vous prémunir de vous-mêmes ? Même en vous faisant crédit de cette lucidité, le pari semble bien optimiste, car nombre de règles existent déjà.

Ainsi, les critères européens de Maastricht vous commandent de maîtriser le déficit. Vous les ignorez ! Une loi organique de 1996 vous impose de compenser tout transfert de dette à la CADES. En novembre dernier, vous la bafouez ! Les récentes lois de programmation des finances publiques vous ont-elles davantage contraints à maîtriser votre budget ? Pas le moins du monde !

Est-ce à dire qu’il faudrait faire basculer dans la Constitution l’ensemble des dispositions juridiques qui s’imposent à votre action pour que vous les respectiez ? Mais comment feriez-vous pour, désormais, vous astreindre à une discipline, fût-elle constitutionnelle, que vous n’avez jamais respectée ?

Le constat est terrible, j’en conviens, mais je crois que, décidément, rien, pas même une loi constitutionnelle, ne vous protégera contre l’instabilité et l’inconséquence d’un Président de la République qui exige une nouvelle loi à chaque nouveau sondage, à charge ensuite pour la majorité d’en définir le contenu…

Si le recours à ce procédé n’est plus à démontrer en ce qui concerne les thématiques chères au Front national, c’est malheureusement tout aussi vrai du reste, et en particulier de la politique économique.

Pas plus tard qu’il y a deux mois, le souvenir des promesses non tenues sur le pouvoir d’achat a subitement saisi Nicolas Sarkozy – cela lui est revenu d’un seul coup ! –, et il a ordonné sur-le-champ l’élaboration d’une loi octroyant « une prime de 1 000 euros aux salariés des entreprises distribuant des dividendes ». Priés d’y donner rapidement une traduction concrète, ses services ont accouché d’un texte qui fait aujourd’hui l’unanimité des partenaires sociaux contre lui et qui suscite un scepticisme désabusé chez bon nombre de membres de la majorité.

Il faut vous y résoudre, monsieur le ministre : aucune règle juridique ne vous protégera jamais de l’irresponsabilité politique.

Dans son rapport de février dernier, la Cour des comptes ne dit pas autre chose lorsqu’elle explique : « L’existence de nombreuses règles n’a pas empêché la dégradation structurelle des finances publiques françaises au cours des dernières années. À l’inverse, les pays qui ont le mieux traversé la crise ou qui ont engagé les actions les plus vigoureuses pour redresser leurs comptes publics n’ont pas tous eu besoin d’en afficher. L’Allemagne aura fortement redressé ses comptes publics avant même la mise en application de sa nouvelle règle constitutionnelle. » C’est du simple bon sens !

La bonne réponse à la question de la dette est bien politique, à condition toutefois qu’il s’agisse d’une politique responsable, c’est-à-dire une politique sachant distinguer les priorités. Par exemple, lorsque la dette frôle les 80 % du PIB, comme aujourd’hui, il n’est pas responsable de s’accommoder du fait que les entreprises du CAC 40 ne payent que 8 % d’impôt sur les sociétés ni d’offrir 3 milliards d’euros par an aux restaurateurs. L’endettement qui résulte des mesures en cause est absolument intolérable.

À l’inverse, lorsque surgit une situation d’urgence, lorsque se déclare une hémorragie sociale, économique ou environnementale, la même responsabilité politique somme d’agir.

Que pèsera le vernis constitutionnel de votre règle budgétaire face à une catastrophe naturelle de grande ampleur, face à une catastrophe nucléaire, …

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