Intervention de Yvon Collin

Réunion du 14 juin 2011 à 21h45
Équilibre des finances publiques — Demande de renvoi à la commission

Photo de Yvon CollinYvon Collin :

Eh oui ! Vous avez fait vôtres les recommandations de ces banquiers, occupés à soigner leurs bonus, en mettant en place des mécaniques financières qui ont fait exploser la finance et l’économie mondiale.

Hé oui ! Vous n’avez pas vu et vous ne voyez toujours pas que c’est ce système économique qui est aujourd’hui comme hier responsable de l’état de nos finances publiques, comme l’est l’impéritie des intermédiaires financiers dont il va falloir acquitter la facture, facture qui augmente tous les jours pour certains de nos plus proches voisins, et cela à des risques incalculables !

Quant à la menace des marchés financiers, plutôt que de l’agiter, il serait souhaitable, monsieur le ministre, de prévenir les abus et de tenir les engagements que vous avez pris de réduire l’exposition des populations à leurs excès.

Mais il y a plus : il y a vos contradictions.

Il vous faudra bien reconnaître qu’avant la crise économique votre politique budgétaire était insoutenable. Vous avez pris des engagements à crédit, comme le niveau de la dette publique, qui ne pouvait qu’augmenter, nous le rappelle crûment.

L’année 2007 le montre avec éloquence : au cours de cette période, pourtant de forte croissance, vous avez creusé le déficit public de 0, 4 point de PIB. Dans le même temps, notre voisin allemand, auquel vous vous référez fréquemment, améliorait sa position budgétaire de 1, 9 point de PIB. Et la dégradation des comptes publics français aurait été encore plus nette si la conjoncture n’avait pas été porteuse, puisque notre solde structurel s’est alors alourdi de 0, 9 point de PIB.

Vous avez choisi l’impasse budgétaire bien avant que l’impasse de votre système économique de prédilection n’apparaisse, et avec l’éclat dramatique que chacun a pu observer.

Je ne vous reprocherai pas de n’avoir pas tenu les objectifs de dépenses publiques que vous aviez affichés. Je ne souscris pas à la diabolisation de la dépense publique qui n’est fondée sur rien et ne mène nulle part.

En revanche, vous n’avez pas eu le courage de déployer les moyens de votre politique sur le front des prélèvements obligatoires. Vous avez sciemment baissé la contribution des plus aisés de nos concitoyens au financement des biens publics, si nécessaires à notre dynamisme économique et à notre cohésion sociale. Plutôt que de desserrer les contraintes qui s’exercent en ce domaine, vous les avez assumées avec entrain, vous montrant insouciant de toute cohérence financière. C’est ce point qui nous distingue, monsieur le ministre.

Or le projet de loi constitutionnelle que vous nous soumettez s’inscrit dans le prolongement de cette politique dépourvue d’orientation viable. C’est un rideau de fumée supplémentaire tiré par votre gouvernement. Et il s’agit d’une fumée dangereuse !

Tout d’abord, ce texte est inutile. Nous disposons d’outils surabondants permettant de contraindre une majorité à dévoiler ses options budgétaires. Ainsi, vous avez fait adopter une loi de programmation des finances publiques. Or, politiquement, je ne vois pas réellement la différence entre ce texte et les lois-cadres que vous introduisez dans notre droit. De fait, la différence n’est que juridique ! Mais êtes-vous si incertain de vos engagements que vous vous sentiez obligé de vous lier comme Ulysse au mât de son navire ? Il est vrai que vous n’avez pas respecté cette loi ! Mais c’est votre responsabilité !

Pour ma part, je n’ai pas le goût d’alourdir de principes juridiques les choix politiques. Cette mode des règles qui suppose un haut degré de suffisance de la part des concepteurs de celles-ci n’a fait la preuve de son efficacité ni au Royaume-Uni, sous la dénomination « règle d’or », ni en Europe, sous l’appellation « pacte de stabilité et de croissance ». Elle est source, au contraire, de bien grands dangers, notamment d’inertie, en lieu et place de la nécessaire agilité budgétaire. En créant une nouvelle convention, elle comporte aussi le risque – il serait bien naïf de le mésestimer –, d’alimenter la spéculation financière et de divertir l’attention des vrais problèmes du moment.

On a pleinement pu constater cet « effet lampadaire » pendant la crise. La Commission européenne engagea des procédures de déficit excessif à tour de bras, endommageant la réputation financière des États européens. Elle fut aveugle aux déséquilibres de la finance privée et ne sut point voir à quel point parfois les positions budgétaires n’étaient présentables que grâce à ces déséquilibres.

Monsieur le ministre, il faut se méfier des concours de beauté ! Ils poussent à des surenchères, dont les artifices séducteurs éloignent du principe de réalité et exposent ceux qui les emploient à la versatilité des appréciations des jurys au moindre écart de présentation.

Au demeurant, dans le concours de beauté auquel vous nous demandez de participer, vous êtes loin du compte.

Ainsi, vous êtes bien éloigné de la nouvelle règle budgétaire allemande. Nous verrons d’ailleurs bien si celle-ci sera plus respectée dans le futur que ne l’aurait été par le passé une éventuelle règle similaire.

Vous êtes également bien éloigné d’une règle claire. Votre projet de loi constitutionnelle correspond, en réalité, à une kafkaïsation de notre droit.

Vous créez des lois-cadres auxquelles vous conférez une dignité normative supérieure à celle des lois ordinaires. D’où provient cette supériorité ? De la Constitution, que vous nous demandez de réformer à cet effet. Fort bien !

Le procédé ne serait pas tout à fait inédit, soutient-on, puisque les lois organiques sont désignées comme s’imposant aux lois ordinaires. Mais voilà : les lois organiques diffèrent des lois ordinaires par leur contenu et par leur procédure d’adoption. Rien de tel avec vos super-lois de finances.

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