Intervention de François Fortassin

Réunion du 1er avril 2008 à 16h00
Contrats de partenariat — Discussion générale

Photo de François FortassinFrançois Fortassin :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, dans mon département, nous avons engagé, voilà une dizaine d'années, et nous en sommes satisfaits, un système de marchés d'entreprise de travaux publics ; il s'agit, en quelque sorte, de l'ancêtre du partenariat public-privé. J'interviens donc ici sans hostilité de principe à l'égard de ce texte, ce qui ne m'empêche pas d'émettre quelques réserves.

Les collectivités représentent 73 % de l'investissement public. Il y a, certes, beaucoup de retard dans la réalisation des projets.

Les contrats de partenariat public-privé ont été créés par une ordonnance du 17 juin 2004 ; ils doivent permettre aux personnes publiques de rémunérer, sur la totalité de la durée du contrat, un partenaire privé chargé de financer, de réaliser, de gérer et d'exploiter un équipement ou une infrastructure nécessaire au service public. Leurs avantages sont incontestables, en particulier une souplesse accrue.

Ce type de contrat permet à la collectivité de réaliser rapidement des équipements, alors qu'elle manque souvent de services techniques performants. De plus, il peut générer des économies, dans la mesure où celle-ci n'a pas forcément recours à des bureaux d'études, qui coûtent très cher.

Les collectivités locales y ont un intérêt évident, les organismes bancaires également, lesquels ne prennent aucun risque, puisque le remboursement est assuré par la personne publique, peu susceptible de faire défaut.

Il reste des inconvénients, qui ne doivent pas être balayés d'un revers de main.

Tout d'abord, une réserve tient à la position du Conseil constitutionnel. La généralisation des partenariats public-privé est contraire à trois principes de nature constitutionnelle : l'égalité devant la commande publique, la protection des propriétés publiques et le bon usage des deniers publics.

Ensuite, cette forme de partenariat aboutit à une privatisation larvée. Je ne prendrai qu'un seul exemple, celui des TOS, qui ont été transférés aux départements et aux régions en vertu des lois de décentralisation. Ni les conseils généraux ni les conseils régionaux ne souhaitent s'en charger ; les TOS peuvent, demain, être supprimés progressivement, dès l'instant où l'on s'engagerait dans ce système de partenariat public-privé.

Du fait de l'inégalité d'accès à ces contrats entre les PME et les grands groupes, le risque est grand de voir disparaître de nombreuses PME, qui sont pourtant indispensables à notre économie locale.

Autre inconvénient, qui n'est pas mince pour la collectivité : qu'adviendrait-il si l'une de ces entreprises, durant la durée du contrat, venait à « fondre les plombs », si vous me permettez cette expression familière ? C'est incontestablement un problème, évoqué d'ailleurs par mes éminents collègues rapporteurs ; leur attitude prudente tranche légèrement, je dois le dire, avec l'enthousiasme de Mme la ministre.

Je voudrais également souligner un inconvénient beaucoup plus pernicieux : des collectivités qui n'auraient pas de crédits immédiatement disponibles pourraient s'engager à réaliser très rapidement des investissements. Ce serait une traite tirée sur l'avenir et les successeurs risqueraient de se trouver dans des situations extrêmement délicates. Au final, ces investissements généreraient un surcoût.

Vous me permettrez aussi, madame la ministre, d'évoquer la méfiance que suscite le modèle anglo-saxon qu'on voudrait nous présenter comme étant la panacée : celui-ci est radicalement opposé à la logique du service public français auquel un certain nombre d'entre nous sont particulièrement attachés.

J'ai évoqué la méfiance que pouvait susciter votre enthousiasme, madame la ministre, bien que celui-ci soit légèrement tempéré, je l'ai dit tout à l'heure, par l'attitude beaucoup plus prudente de mes collègues rapporteurs. Cette prudence me paraît de mise, de même qu'il me paraîtrait utile d'engager une simplification. Il faudrait en effet que ces contrats soient parfaitement compris par nos concitoyens, qui sont en même temps des contribuables !

Donc, pas de précipitation, pas de généralisation. N'oublions tout de même pas que de nombreux investissements réalisés par les collectivités ne sont absolument pas rentables et, dans ces cas-là, le privé ne sera pas au rendez-vous. Je constate qu'il y a peu de piscines privées, de stades privés dans notre pays ; c'est tout de même curieux !

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