Intervention de Alain Marleix

Réunion du 11 décembre 2008 à 9h30
Application de l'article 25 de la constitution et élections des députés — Discussion d'un projet de loi organique et d'un projet de loi déclarés d'urgence

Alain Marleix, secrétaire d’État :

La troisième règle que le Gouvernement a proposé de maintenir est celle qui attribue automatiquement à chaque département un siège supplémentaire par tranche de population. Adoptée en 1885, époque où la tranche était de 75 000 habitants, cette procédure a été conservée en 1958, avec une tranche portée à 93 000 habitants, comme lors du passage au mode de scrutin proportionnel en 1985 – M. Fabius était alors Premier ministre et M. Joxe ministre de l’intérieur –, où la tranche a été fixée à 108 000 habitants.

Cette règle dite « de la tranche » est également celle qui régit le mode de répartition de vos sièges entre les départements.

Elle devrait, au vu des chiffres provisoires dont nous disposons, donner un député de plus pour 125 000 habitants supplémentaires et toucher seulement 40 départements sur 101 : ce sont 25 départements qui perdront un ou plusieurs sièges et 15 qui en gagneront un ou deux. Le choix de la répartition proportionnelle aurait un impact sur un nombre beaucoup plus important de départements, de l’ordre de 70 à 80, ce que le Gouvernement ne souhaitait pas.

La quatrième règle conservée est celle, essentielle, de l’écart maximal de plus ou moins 20 % par rapport à la moyenne départementale de la population de chaque circonscription d’un département, règle expressément validée par le Conseil constitutionnel en 1986. Elle nous obligera à réviser la délimitation de certaines circonscriptions, dans une dizaine des départements dont le nombre de sièges ne variera pas : c’est ce que j’appelle le « remodelage », à distinguer du « redécoupage » proprement dit.

La dernière règle conservée concerne la délimitation des circonscriptions, qui devront être constituées d’un territoire continu et respecter les limites cantonales : un amendement adopté par les députés précise quand il peut être fait abstraction de ces limites, notamment pour des cantons de plus de 40 000 habitants – il en existe 130 au total sur 4 000 cantons –, et pour réunifier des communes de moins de 5 000 habitants.

De la même façon, les nouvelles circonscriptions d’élection des députés représentant les Français de l’étranger, qui devraient être équitablement réparties entre l’Europe et le reste du monde, respecteront les limites des circonscriptions existant aujourd’hui pour l’élection des membres de l’Assemblée des Français de l’étranger.

Enfin, et c’est le troisième amendement de fond adopté par les députés, pourrait notamment figurer parmi les motifs d’intérêt général permettant des adaptations au seul critère démographique, « l’évolution respective de la population et des électeurs inscrits sur les listes électorales ». Comme l’ont précisé à la fois l’auteur de cet amendement adopté à l’unanimité, le député socialiste René Dosière, le rapporteur et le président de la commission des lois, son objet est de prendre en considération la situation démographique tout à fait particulière de Mayotte et, dans une moindre mesure, de la Guyane.

Mayotte connaît une très forte expansion démographique : 23 364 habitants au recensement de 1958, 67 205 à celui de 1985 – soit un triplement –, 131 320 à celui de 1997, et 186 452 habitants au 31 décembre 2007, soit une augmentation de 50 % en dix ans. Le problème spécifique que pose cette croissance vient de ce qu’elle est très largement due à la présence d’une importante population comorienne en situation illégale. Alors que les étrangers, même en situation irrégulière, ne sont pas exclus du recensement dans les autres parties du territoire national, avons-nous suffisamment d’éléments fiables pour le faire à Mayotte ? Je ne le crois pas.

Il appartiendra au Gouvernement, au vu de ce que dira, le cas échéant, le Conseil constitutionnel sur cette question délicate, de décider s’il doit ou non maintenir la représentation de cette collectivité d’outre-mer en forte croissance de population. Là encore, la commission indépendante émettra un avis sur sa décision.

Telles sont, monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales dispositions du « paquet électoral » que vous propose aujourd’hui le Gouvernement.

J’ai lu avec la plus grande attention les conclusions de votre commission des lois vous proposant d’adopter ces deux textes sans les modifier : votre commission a ainsi fait siennes les recommandations de votre rapporteur, qui s’est référé à « une tradition républicaine bien établie » ne permettant pas au Sénat de remettre en cause le choix des députés relatif à leur régime électoral et « à la nécessité d’adopter rapidement les textes examinés pour permettre le lancement effectif des opérations de redécoupage ».

Sachez que ce dossier est loin d’être bouclé, compte tenu de sa complexité. Le Gouvernement souhaite donc être habilité dès que possible à engager les différentes opérations qu’il comprend, et qui seront effectuées dans la plus grande transparence : le Premier ministre s’y est engagé lorsqu’il a reçu, le 16 septembre dernier, les responsables des groupes et des formations politiques représentés dans votre assemblée et à l’Assemblée nationale, et j’y veillerai attentivement.

Plus vite vous vous serez prononcés, plus vite nous pourrons mettre fin aux anomalies dénoncées à plusieurs reprises et à juste titre par le Conseil constitutionnel.

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