La séance est ouverte à neuf heures trente.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation de sénateurs appelés à siéger au sein de plusieurs organismes extraparlementaires.
Les commissions des finances et des lois ont fait connaître leurs candidats.
Ces candidatures ont été affichées et seront ratifiées, conformément à l’article 9 du règlement, s’il n’y a pas d’opposition à l’expiration du délai d’une heure.
L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi relatif à la commission prévue à l’article 25 de la Constitution et à l’élection des députés et du projet de loi organique portant application de l’article 25 de la Constitution adoptés par l’Assemblée nationale après déclaration d’urgence. (nos 106, 105 et 120)
La conférence des présidents a décidé que ces deux projets de loi feraient l’objet d’une discussion générale commune.
Dans la discussion générale commune, la parole est à Mme la ministre.
Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, une démocratie plus représentative, plus transparente et plus efficace, tels sont les objectifs fixés par la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 pour la rénovation de nos institutions. Les deux textes soumis à votre examen répondent à cette volonté.
Le premier objectif est de rendre notre démocratie plus représentative.
Tout d’abord, il s’agit d’assurer le rééquilibrage démographique des circonscriptions législatives.
Depuis le découpage électoral de 1986, qui était fondé sur le recensement général de 1982, des évolutions démographiques considérables se sont produites. Certaines circonscriptions ont vu leur population augmenter, d’autres diminuer. Deux recensements généraux de la population sont intervenus, en 1990 et en 1999, mais aucun ajustement n’a été réalisé en conséquence.
Aussi, des écarts très importants sont apparus, qui ont été dénoncés par le Conseil Constitutionnel. Cette juridiction a demandé à plusieurs reprises un rééquilibrage entre les circonscriptions.
Ensuite, il s’agit d’assurer la représentation à l’Assemblée nationale des Français établis hors de France.
Vous le savez, 1, 4 million de nos compatriotes vivent à l’étranger, où ils défendent les intérêts de notre pays. Ils sont représentés dans votre assemblée, mesdames, messieurs les sénateurs. Ils doivent pouvoir l’être également à l’Assemblée nationale.
C’était un engagement de Nicolas Sarkozy pendant la campagne présidentielle. C’est désormais une disposition de l’article 24 de la Constitution.
De cette réforme, il découle logiquement que nous devons créer des sièges pour ces représentants, même si, bien entendu, nous devons respecter la limite maximale de 577 députés que l’Assemblée nationale a souhaité fixer.
Le deuxième objectif est de rendre notre démocratie plus transparente.
Il est important, vis-à-vis de nos concitoyens, qu’aucun soupçon ne pèse sur les conditions de mise en œuvre des obligations constitutionnelles.
C'est pourquoi le nouvel article 25 de la Constitution prévoit la création d’une commission indépendante chargée de donner un avis avant toute nouvelle délimitation des circonscriptions législatives ou toute modification de la répartition des sièges des députés ou des sénateurs. Dès lors que cet avis sera publié, il est clair que nous n’avons rien à cacher et que nous travaillons dans des conditions transparentes.
Le troisième objectif est de rendre notre démocratie plus efficace.
Aux termes de la Constitution révisée, les parlementaires nommés au Gouvernement sont remplacés temporairement par leurs suppléants et retrouvent leur siège au terme de leurs fonctions gouvernementales.
Tous ceux qui ont fait l’expérience d’élections partielles savent que celles-ci donnent lieu à une très forte abstention. D'ailleurs, un deuxième tour est souvent nécessaire uniquement parce que le seuil minimal de participation n’a pas été atteint. Et nos compatriotes nous disent, je le sais pour en avoir fait l’expérience : « On pensait que vous reveniez à l’Assemblée nationale automatiquement ! »
Cette mesure nous permet donc de traduire le sentiment de nos concitoyens et d’éviter de telles élections partielles, car un taux de participation de 20 % ou 25 % à peine n’améliore pas vraiment l’image de la démocratie !
Au-delà de la révision constitutionnelle, ces nouvelles dispositions nous obligent à adapter notre législation.
De plus, elles ouvriront le processus de révision de la délimitation des circonscriptions législatives, afin d’atteindre le premier objectif que j’ai évoqué tout à l'heure.
C'est pourquoi nous avons élaboré deux textes. Le débat que vous allez engager, mesdames, messieurs les sénateurs, portera à la fois sur le projet de loi organique et sur le projet de loi ordinaire, conformément à la hiérarchie des normes.
Je vous présenterai successivement et brièvement chacun de ces deux textes, avant de laisser à Alain Marleix le soin de détailler leurs dispositions et de répondre à toutes vos questions.
Le projet de loi organique applique les dispositions constitutionnelles relatives au nombre des députés, au remplacement temporaire des membres du Gouvernement et à la commission indépendante.
L’article 24 de la Constitution fixe un nombre maximum de députés et de sénateurs, puis renvoie à la loi organique le soin de déterminer l’effectif de chaque assemblée dans les limites de ce plafond.
Aujourd’hui, le code électoral prévoit l’existence de 579 sièges à l’Assemblée nationale. L’article 1er du projet de loi vise à le mettre en conformité avec la Constitution, en établissant à 577 le nombre total des députés. Par voie de conséquence, les dispositions qui déterminent actuellement l’effectif des députés élus dans les départements et les collectivités d’outre-mer sont abrogées.
La loi ordinaire, dorénavant compétente en la matière, précisera le nombre des députés qui sont élus dans les départements de métropole et dans les collectivités d’outre-mer ou qui représentent les Français établis hors de France.
L’article 23 de la Constitution rappelle la règle fondamentale d’incompatibilité des fonctions de membre de Gouvernement avec l’exercice de tout mandat parlementaire. Je rappelle que ce principe n’existe pas dans tous les pays. Il est donc utile de le réaffirmer dans le projet de loi organique.
Les parlementaires nommés au Gouvernement sont remplacés par leurs suppléants. Le présent projet de loi organique prévoit que ce remplacement temporaire s’achève à l’expiration d’un délai d’un mois suivant la cessation des fonctions ministérielles du titulaire du siège.
Enfin, dans le projet de loi organique, deux dispositions concernent la commission indépendante qui est prévue à l’article 25 de la Constitution et qui sera amenée à donner son avis sur le découpage des circonscriptions électorales.
L’une précise les modalités de la désignation de son président par le Président de la République, conformément à l’article 13 de la Constitution. Cette nomination sera soumise à l’aval des deux commissions permanentes compétentes du Parlement.
Vous serez donc appelés à vous prononcer, mesdames, messieurs les sénateurs.
L’autre disposition prévoit l’incompatibilité de l’exercice des fonctions de membre de la commission avec un mandat parlementaire, ce qui est logique.
J’en viens au projet de loi ordinaire, qui, lui aussi, comporte deux parties distinctes.
La première, qui correspond à l’article 1er de ce texte, porte sur la commission indépendante, dans le prolongement des dispositions que je viens de mentionner.
Ce texte entre davantage dans le détail, ce qui est logique puisqu’il s’agit d’un projet de loi ordinaire, en fixant la composition de la commission. Dans un souci d’équilibre, celle-ci sera constituée de trois magistrats et de trois personnalités qualifiées désignées respectivement par le Président de la République, le président de l’Assemblée nationale et le président du Sénat. Il s'agit d’une formule qui a déjà été adoptée pour la composition d’un certain nombre d’organismes.
Les commissions des lois de l’Assemblée nationale et du Sénat seront obligatoirement consultées, ce qui est nouveau.
Par ailleurs, le projet de loi ordinaire fixe à six années la durée du mandat des membres de la commission, qui sera renouvelable par moitié tous les trois ans. Cette disposition à la fois assurera le renouvellement de cette instance et garantira la continuité de ses avis.
Les règles de fonctionnement de cette commission ainsi que les obligations et le devoir de confidentialité de ses membres sont clairement définis par le projet de loi ordinaire.
Il en est de même des conditions de travail de la commission, qui disposera de deux mois pour rendre son avis sur les textes qui lui sont soumis. Il ne faudrait pas qu’elle contribue à retarder leur adoption.
La deuxième partie du projet de loi ordinaire, c'est-à-dire les articles 2 et 3, contient pour l’essentiel les dispositions d’habilitation relatives à l’élection des députés et à la révision de la délimitation de leurs circonscriptions électorales.
Nous reprenons purement et simplement la méthode choisie lors du redécoupage de 1986, qui d'ailleurs n’a fait l’objet d’aucune contestation fondamentale, puisque quatre alternances politiques se sont succédé après son application sans qu’il soit remis en cause.
Ainsi, nous recourrons aux ordonnances pour délimiter les circonscriptions et respecterons les limites cantonales, sauf pour ce qui concerne les cantons qui sont peuplés de plus de 40 000 habitants ou dont le territoire est enclavé ou discontinu. Nous utiliserons la méthode dite de « la tranche », qui donne droit approximativement à un siège pour 125 000 habitants, et nous maintiendrons au moins deux sièges de député par département.
Les projets d’ordonnance seront tous soumis à la commission indépendante et le projet de loi de ratification devant le Parlement sera déposé dans les trois mois suivant la publication des ordonnances. Là aussi, l’idée est que le rythme d’examen au Parlement ne nous retarde pas, mais nous permette au contraire d’avancer rapidement.
Enfin, le dernier article de la loi ordinaire prévoit le remplacement temporaire des représentants au Parlement européen nommés au Gouvernement. Il s’agit simplement d’appliquer le parallélisme des formes aux députés européens en reprenant le dispositif mis en œuvre pour les parlementaires nationaux.
Je ne prolongerai pas davantage mon intervention puisque Alain Marleix vous apportera toutes les précisions nécessaires au cours du débat, afin que ce texte réponde le mieux possible aux exigences de la démocratie et que l’activité législative des deux assemblées soit mieux reconnue par nos concitoyens.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et au banc de la commission.
Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi organique et le projet de loi ordinaire que j’ai l’honneur de vous présenter aujourd’hui sont, comme vient de le rappeler Mme le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités locales, les premiers textes d’application de l’importante réforme des institutions opérée par la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008.
Ils mettent en œuvre, pour l’essentiel, les nouvelles dispositions de l’article 25 de la Constitution. C’est pour cette raison qu’ils vous ont été transmis simultanément et peuvent faire l’objet d’une discussion commune.
Adoptés par l’Assemblée nationale le 20 novembre dernier, ils concernent la révision de la carte des circonscriptions d’élection des députés et le remplacement temporaire des parlementaires devenus ministres.
Les deux textes ont fait l’objet de débats approfondis à l’Assemblée nationale, particulièrement concernée, on en conviendra, par les dispositions relatives à l’élection de ses membres. Sept amendements au projet de loi organique ont été adoptés par les députés, et quinze sur le projet de loi ordinaire. Des améliorations rédactionnelles et des compléments utiles ont été ainsi apportés aux deux projets et trois amendements ont modifié sur le fond le projet de loi ordinaire. J’y reviendrai dans un instant.
Dans un premier temps, le remplacement temporaire des parlementaires nommés au Gouvernement – mis en œuvre par les articles 2, 3 et 4 du projet de loi organique – a été décidé lors de la révision constitutionnelle de juillet dernier. Cette innovation a été alors longuement débattue, tout particulièrement dans votre assemblée, tant sur le principe du caractère temporaire du remplacement que sur son entrée en vigueur. Il vous revient maintenant de la mettre en œuvre.
Tel est le simple objet de ces trois articles, qui en assurent la traduction dans la loi organique par la réécriture des articles L.O. 176, L.O. 319 et L.O. 320 du code électoral ; le premier est relatif aux députés, les deux autres vous concernent plus spécialement.
D’abord, un sénateur devenant ministre sera remplacé, provisoirement, par son suppléant s’il a été élu au scrutin majoritaire, ou son suivant de liste s’il a été élu au scrutin proportionnel. Il retrouvera automatiquement son siège au plus tard un mois après la cessation de ses fonctions gouvernementales. S’il a été élu au scrutin majoritaire, il n’aura donc pas à solliciter la démission de son suppléant, de façon à provoquer une élection sénatoriale partielle, comme vous avez pu en connaître quelquefois dans votre assemblée.
L’ancien sénateur pourra toutefois renoncer à reprendre l’exercice de son mandat pendant ce délai d’un mois, auquel cas son remplacement deviendra définitif jusqu’au prochain renouvellement partiel de la série à laquelle il appartenait.
Dans cette hypothèse, nous nous retrouvons dans une situation voisine de celle que nous connaissons depuis 1958. Il n’y a aucune différence par rapport au droit actuel, où l’occupation du siège par le suppléant jusqu’à la fin du mandat restant à courir n’a jamais fait l’objet de contestation, car elle évite une élection partielle qui ne donne jamais lieu, on le sait bien, à une forte participation électorale.
Nous avons choisi cette solution, parce qu’il ne peut être exclu qu’un ministre ayant cessé d’appartenir au Gouvernement refuse de retrouver le siège de député ou de sénateur qu’il occupait auparavant.
Le cas peut se produire s’il quitte le Gouvernement pour occuper une autre fonction incompatible avec l’appartenance à l’une des assemblées, par exemple – le cas s’est produit – celle de membre du Conseil constitutionnel ou celle de membre de la Commission européenne.
Ensuite, au cas où plusieurs remplacements successifs, ayant des causes différentes, seraient intervenus sur une même liste sénatoriale, c’est le dernier arrivé qui devra céder son siège. Le candidat de la liste du titulaire initial du mandat qui est devenu sénateur le plus récemment en remplaçant soit le sénateur devenu ministre, soit un autre sénateur dont le siège était vacant, devra donc céder ce siège au parlementaire ayant cessé d’exercer ses fonctions gouvernementales.
La nouvelle rédaction de l’article L.O. 320 du code électoral proposée sur ce point par le Gouvernement a été réécrite par l’Assemblée nationale, afin de la rendre à la fois plus complète et plus lisible.
Votre rapporteur n’est pas étranger à cette réécriture, c’est le moins qu’on puisse dire ; je crois savoir qu’il en est même l’auteur !
Quoi de plus normal d’ailleurs, et conforme à la tradition républicaine, évoquée à plusieurs reprises dans son rapport par le sénateur Patrice Gélard, que l’assemblée dont les membres sont concernés au premier chef par une disposition prenne une part décisive à sa rédaction, et que l’autre assemblée s’abstienne de la remettre en cause ?
La nouvelle rédaction comporte un ajout utile, en précisant que le sénateur remplaçant temporaire qui a dû céder son siège reprend la première position de la liste, en tête des candidats non élus de celle-ci. Ainsi, il n’y a plus aucune ambiguïté sur le sort réservé à la personne ayant remplacé temporairement un sénateur élu au scrutin de liste et devenu ministre, lorsque ce dernier reprend son mandat.
Par ailleurs, conformément au texte de la réforme constitutionnelle, le nouveau système est applicable aux membres actuels du Gouvernement : le III de l’article 46 de la loi constitutionnelle du 23 juillet dernier énonce en effet qu’il s’applique aux députés et sénateurs ayant accepté des fonctions gouvernementales antérieurement à la date d’entrée en vigueur de la loi organique prévue à l’article 25 – celle dont il est question aujourd’hui – « si, à cette même date, ils exercent encore ces fonctions et que le mandat parlementaire pour lequel ils avaient été élus n’est pas encore expiré », ce qui, vous en conviendrez, est la logique même.
Il n’y a donc là aucune rétroactivité, j’y insiste, mais il y a une simple application aux situations en cours à la date à laquelle vous vous prononcez.
Enfin, le projet de loi ordinaire contient également une disposition technique semblable pour les députés européens qui deviennent membres du Gouvernement, dont la rédaction est calquée sur celle qui s’appliquera à ceux d’entre vous qui sont élus au scrutin proportionnel, en y incluant les améliorations que j’évoquais il y a un instant.
Comme le signale M. Gélard, dans son excellent rapport, une disposition spécifique de l’article 24 de la loi du 7 juillet 1977 qui régit l’élection de nos députés au Parlement européen permet déjà à un représentant ayant accepté une fonction de membre du Gouvernement ou du Conseil constitutionnel, ou la prolongation au-delà de six mois d’une mission temporaire confiée par le Gouvernement, de reprendre l’exercice de son ancien mandat, lorsque ces fonctions ou missions ont cessé et que leur remplaçant est décédé ou a démissionné. Il dispose pour ce faire d’un délai d’un mois.
Ce retour au Parlement européen, qui restera applicable dans les cas autres que l’entrée au Gouvernement, est donc seulement étendu, dans cette dernière hypothèse, pour s’appliquer de droit, sans se limiter aux cas de démission ou de décès du remplaçant.
Le nouveau système n’entrera toutefois en vigueur qu’après le renouvellement du Parlement européen de juin prochain, parce qu’une simple loi ne peut prévoir son application aux situations en cours.
Dans un second temps, j’aborderai les autres dispositions des deux textes, qui portent essentiellement sur l’élection des députés, comme l’indique d’ailleurs le titre du projet de loi ordinaire. Permettez-moi cependant de vous en exposer rapidement le contenu.
La première disposition figure à l’article 1er du projet de loi organique. C’est celle qui fixe, dans l’article L.O. 119 du code électoral, le nombre total des députés, qui correspond en fait au plafond retenu maintenant dans la Constitution, soit cinq cent soixante-dix-sept, qui est aussi, je vous le rappelle, le nombre des membres de l’Assemblée nationale depuis 1985.
Les dispositions organiques du code électoral fixant le nombre des députés élus respectivement dans les départements et dans les collectivités d’outre-mer sont en conséquence abrogées : c’est l’objet de l’article 7 du projet de loi organique. Il appartiendra dorénavant à la loi ordinaire d’arrêter leur nombre.
Certes, une distorsion se trouve ainsi introduite – et il en a été question mercredi dernier au sein de votre commission des lois – avec la fixation des effectifs de votre assemblée, qui résultent de l’addition de plusieurs dispositions fixant, dans le code électoral, les nombres respectifs de sénateurs élus dans les départements et dans chacune des collectivités d’outre-mer et, dans une loi organique spécifique, le nombre de ceux d’entre vous qui représentent les Français de l’étranger.
Mais les deux situations sont conformes à la Constitution, dont l’article 25 renvoie à la loi organique le soin de fixer le nombre des membres de chaque assemblée : il peut s’agir d’un nombre global ou de ce que j’appellerai une somme de « contingents ». Je vous répète toutefois qu’une harmonisation pourrait intervenir à l’occasion de la recodification du code électoral, qui est en cours d’élaboration. Et, pour ce qui est des dispositions organiques relatives au Sénat, leur modification ne se fera qu’avec votre accord.
Les autres dispositions qui figurent dans le projet de loi ordinaire constituent la première étape de l’ajustement de la carte des circonscriptions législatives. Je vous rappelle que cet ajustement est exigé depuis près de dix ans par le Conseil constitutionnel, compte tenu des disparités et des écarts très importants apparus dans leurs populations respectives.
N’oublions pas que la délimitation actuelle a été arrêtée en 1986 sur la base d’un recensement effectué en 1982. La France comptait alors 55 millions d’habitants, contre près de 64 millions aujourd’hui. Cette délimitation aurait dû être révisée au moins en 1999, à la suite des deux recensements généraux de la population intervenus en 1990 et en 1999, mais cela n’a pas été fait, pour toutes sortes de raisons. Nous ne pouvons plus, aujourd’hui, reporter cette réforme.
M. le président de la commission et M. le rapporteur approuvent
Comme le souligne d’ailleurs M. Patrice Gélard dans son rapport, qui cite plusieurs exemples éloquents à l’appui de son propos, il y a là une véritable « urgence démocratique », les écarts de population existant entre les circonscriptions rendant la représentativité de leurs députés respectifs très inégalitaire.
Afin d’adopter cette réforme, qui est nécessaire, le plus rapidement possible, le Gouvernement propose de recourir à la procédure des ordonnances. Ce fut la méthode utilisée en 1958, puis en 1986. C’est aussi celle qui paraît la plus adaptée au sujet. On imagine mal les députés discuter eux-mêmes dans le détail de la répartition des sièges et de la délimitation de leurs propres circonscriptions et déposer des amendements au résultat desquels ils seraient directement intéressés !
Toutefois, ce recours aux ordonnances ne supprime en aucune façon – le rapport établi au nom de votre commission des lois le souligne à juste titre – l’intervention du Parlement, ni en amont, parce que le projet de loi énonce, dans l’exposé des motifs ou dans l’article d’habilitation lui-même, les critères qui présideront à l’ajustement de la carte des circonscriptions législatives et dont les députés ont longuement débattu, ni en aval, parce que les deux assemblées pourront, lors de la ratification qui devra intervenir de manière expresse, conformément à la nouvelle rédaction de l’article 38 de notre Constitution, contrôler l’application de ces critères par le Gouvernement.
Les choix effectués par celui-ci seront d’ailleurs soumis à un contrôle juridictionnel rigoureux…
… et même sans précédent de la part du Conseil d’État, s’il est saisi d’un recours administratif contre les ordonnances avant leur ratification, de la part du Conseil constitutionnel si la loi de ratification est soumise à son contrôle de constitutionnalité.
Le Président de la République et le Premier ministre m’ont chargé, pour répondre aux exigences du Conseil constitutionnel, d’adapter la délimitation des circonscriptions aux évolutions démographiques : il s’agit donc non pas d’élaborer une nouvelle carte électorale, ce qui avait été le cas en 1986, mais de se limiter aux stricts ajustements nécessaires.
Cette révision de la carte électorale comprendra la modification de la répartition des sièges, la fixation du nombre de députés représentant les Français de l’étranger, la création de nouvelles circonscriptions et l’ajustement des circonscriptions existantes. Ces différentes opérations seront soumises à une commission indépendante, avant d’être examinées par le Conseil d’État. C’est là que l’innovation est d’importance.
La création de cette commission a été prévue par l’article 25 de notre Constitution, révisée en juillet dernier ; elle constitue une grande nouveauté par rapport à la réforme électorale de 1985, où aucune commission n’avait pu contrôler ni les modalités du calcul du nombre des députés, ni la répartition des sièges.
Son inscription dans notre loi fondamentale permet d’assurer la pérennité de cette commission, ce qui n’était pas le cas de l’instance homologue mise en place lors du découpage de 1986, et lui donne une autorité à coup sûr plus forte.
La commission sera consultée à la fois sur les projets de texte et sur les propositions de loi « délimitant les circonscriptions pour l’élection des députés ou modifiant la répartition des sièges de députés ou de sénateurs » : elle sera donc, en particulier, saisie non seulement des futures ordonnances sur l’élection des députés, mais aussi, à l’avenir, de tout texte d’origine gouvernementale ou parlementaire ayant pour objet de modifier la répartition de vos sièges de sénateurs.
En revanche, elle ne pourra pas se saisir elle-même d’une question entrant dans son champ de compétences ; elle ne sera pas non plus saisie d’éventuels redécoupages des cantons, qui se feront, le cas échéant, plus tard, mais qui relèvent de décrets.
Le rôle de la commission est consultatif : elle n’est donc pas chargée de choisir – la nuance est très importante, beaucoup de choses ayant été écrites à tort et à travers – les règles de répartition, ni de faire le découpage, mais de donner un avis sur les solutions proposées.
À l’avenir, aucune modification de la répartition des parlementaires ou des limites des circonscriptions législatives ne pourra donc intervenir sans qu’elle se soit prononcée.
Elle le fera par un avis rendu public, qu’il appartiendra aux auteurs du texte, qu’il s’agisse du Gouvernement ou de parlementaires, par le biais de propositions de loi, de suivre ou de ne pas suivre.
La composition et les règles d’organisation et de fonctionnement de la commission figurent à l’article 1er du projet de loi ordinaire : elles apportent des garanties suffisantes pour assurer son indépendance. Compte tenu des compétences de la commission, elles vous concernent directement.
Son indépendance est d’abord assurée par les membres qui la composeront : trois représentants des plus hautes juridictions, le Conseil d’État, la Cour de cassation et la Cour des comptes, élus par leurs pairs, et trois personnalités, désignées par le Président de la République, le président de l’Assemblée nationale et le président de votre assemblée.
Vous serez associés, mesdames, messieurs les sénateurs, comme le seront vos collègues de l’Assemblée nationale, à la désignation de ces personnalités. Calquant la procédure nouvelle prévue par l’article 13 de la Constitution pour la nomination des emplois ou fonctions les plus importants pour la garantie des droits et libertés ou la vie économique et sociale de la nation, les nouveaux articles L. 567-1 et L.O. 567-9 du code électoral prévoient que ces désignations seront précédées de la consultation des commissions des lois des deux assemblées : les deux commissions pour le membre désigné par le Président de la République, qui sera président de la commission, comme nous l’a demandé le Conseil d’État, et la commission de l’assemblée concernée pour les deux autres membres.
En pratique, les deux commissions se prononceront, selon des modalités qu’elles définiront, sur les propositions faites par les autorités de désignation, qu’elles pourront récuser à la majorité des trois cinquièmes de leurs membres. L’opposition parlementaire sera ainsi associée aux choix effectués, ce qui constitue, comme l’a écrit votre rapporteur, « un signe fort de transparence ».
Plus précisément – il faut le souligner, parce qu’il s’agit d’une première constitutionnelle –, vingt-neuf d’entre vous pourront ainsi opposer leur veto sur le membre nommé par le président de votre assemblée, comme pourront le faire quarante-quatre députés pour celui qui est nommé par le président de l’Assemblée nationale et soixante-douze députés ou sénateurs pour le président de la commission.
Les nominations devraient ainsi être entourées d’un certain consensus. Il est d’ailleurs probable qu’une personnalité fortement contestée par l’opposition parlementaire ne sera pas nommée…
… quand bien même le « veto » des trois cinquièmes des votes négatifs par rapport aux suffrages exprimés ne serait pas atteint.
L’indépendance de la commission est renforcée par l’incompatibilité existant entre la fonction de membre de la commission et tout mandat électif, l’affirmation de la liberté totale des membres dans leur tâche et les modalités de son renouvellement.
Il était impossible de prévoir, comme cela a été suggéré, la présence au sein de la commission de parlementaires issus de différents groupes des assemblées ou celle de représentants des partis politiques, car elle aurait été contraire au principe d’indépendance. C’est la même raison qui nous a conduits à exclure que des élus, nationaux ou locaux, puissent y siéger.
Le texte affirme également que, dans l’exercice de leurs attributions, les membres de la commission ne reçoivent d’instruction d’aucune autorité et qu’ils seront astreints à un devoir de réserve portant sur « le contenu des débats, votes et documents de travail internes » : ce devoir de réserve est indispensable au caractère collégial de la commission et à la sérénité de ses travaux.
L’autonomie de la commission est encore renforcée par les dispositions lui permettant de désigner des rapporteurs, de faire appel aux services compétents de l’État, de procéder à des consultations, et de gérer librement les crédits qui lui sont affectés.
Enfin, les membres de la commission seront nommés pour une durée de six ans non renouvelable et la commission sera renouvelée par moitié tous les trois ans.
Parallèlement aux opérations d’ajustement de la carte électorale, il nous faut, conformément à la nouvelle rédaction de l’article 24 de la Constitution, créer des sièges de députés pour représenter les Français de l’étranger.
Cette question, je le sais, intéresse ceux de vos collègues qui représentent déjà, dans votre assemblée, nos compatriotes établis hors de France.
Ils sont bien présents, comme je m’y attendais, ce qui est tout à leur honneur.
Pour fixer le nombre de ces nouveaux députés, nous ne disposons pas d’un recensement exhaustif de nos compatriotes installés à l’étranger, analogue à ceux qui sont effectués en métropole ou en outre-mer. Nous connaissons cependant le nombre de ceux qui sont immatriculés dans nos consulats, qui est de l’ordre de 1, 4 million, mais ce chiffre ne sera que le point de départ de notre calcul.
Tout d’abord, il devra, en effet, être comparé à la population française recensée dans les départements d’une part, dans les collectivités d’outre-mer d’autre part, de façon à ce que soient répartis aussi équitablement que possible les 577 sièges de députés entre ces sous-ensembles, en tenant compte des contraintes spécifiques à chacun d’eux.
Par ailleurs, ce chiffre devra être corrigé à la baisse pour tenir compte des personnes qui restent inscrites dans une commune française pour les élections présidentielles et législatives et qui souhaitent, pour ne pas rompre tout lien avec la France, pouvoir continuer à le faire : il ne faut pas les comptabiliser deux fois.
La formule retenue dans le texte constitutionnel – « les Français établis hors de France sont représentés à l’Assemblée nationale » –, autorise d’ailleurs une certaine latitude.
Comme j’ai eu l’occasion de l’annoncer devant votre commission des lois, nous devrions ainsi aboutir, au vu des éléments dont nous disposons, à un nombre de députés se situant à huit ou à neuf : ceux-ci s’ajouteront à ceux d’entre vous qui représentent nos compatriotes établis à l’étranger, dont le nombre a été porté de six à neuf, puis à douze pour tenir compte de l’augmentation de leur nombre, à une époque où ils n’étaient pas représentés à l’Assemblée nationale.
L’élection de ces nouveaux députés se fera, comme pour les députés élus dans les départements et les collectivités d’outre-mer, au scrutin majoritaire. Le Gouvernement, qui n’est pas favorable à la représentation proportionnelle, a en effet souhaité que nos compatriotes de l’étranger puissent identifier le député qu’ils vont élire, à l’intérieur d’une circonscription délimitée à l’avance. Celle-ci ne ressemblera certes pas aux circonscriptions actuelles, notamment parce qu’elle sera inévitablement plus vaste, mais tout Français établi dans un pays étranger, si éloigné soit-il, aura un député qui le représente au sein de l’Assemblée nationale.
Les difficultés que soulèvera l’organisation à l’étranger d’une élection au scrutin majoritaire à deux tours seront prises en compte : le Gouvernement sollicite du Parlement une habilitation à procéder par ordonnance aux adaptations nécessaires des dispositions législatives du code électoral à la spécificité de cette élection.
Rien n’est insurmontable : ces adaptations pourront concerner les conditions de la campagne électorale, les règles de son financement, la période séparant les deux tours de scrutin et les modalités de vote, par internet, par voie électronique, ou par correspondance, après concertation avec les sénateurs représentant les Français de l’étranger et les associations représentatives.
J’en viens maintenant aux règles que le Gouvernement devra respecter dans l’élaboration des ordonnances qui contiendront la nouvelle répartition des sièges de députés entre les départements et entre les collectivités d’outre-mer, et la révision de la délimitation de leurs circonscriptions.
Les critères qui présideront à ces deux opérations sont inscrits dans le texte même du projet de loi d’habilitation ou dans son exposé des motifs ; ce sont les mêmes que ceux qui ont été retenus pour le découpage effectué en 1986 et que le Conseil constitutionnel avait alors validés.
Le premier est celui de la règle traditionnelle assurant à tout département un minimum de deux députés, qui est une constante de notre République depuis l’apparition du scrutin majoritaire. Introduite au début de la IIIème République, elle a été conservée lors du passage au scrutin proportionnel en 1985, avec l’approbation de tous les groupes politiques, et devrait jouer en faveur de deux départements : la Lozère et, de justesse, la Creuse, contre quatre en 1986.
La règle du minimum d’un député par collectivité d’outre-mer figurait dans le projet du Gouvernement, et celui-ci y est toujours favorable. Elle n’a cependant pas été adoptée par l’Assemblée nationale, soucieuse de ne pas amplifier trop sensiblement les écarts de population.
Cette règle n’a pas la même ancienneté que celle relative aux départements : elle résulte plus de la tradition républicaine que d’une véritable obligation constitutionnelle. Si les députés ont voté un amendement la supprimant des obligations qui s’imposeront au Gouvernement dans l’élaboration des ordonnances, c’est parce qu’ils ne veulent pas, dans leur très grande majorité, d’une représentation de chacune des deux nouvelles collectivités de Saint-Barthélemy, 8 255 habitants, et de Saint-Martin, 35 263 habitants, par un seul député. Ils avaient déjà exprimé très clairement, à deux reprises, cette position : lors de l’examen, début 2007, de la loi statutaire sur l’outre-mer, puis en plafonnant, dans le texte de la révision constitutionnelle, les effectifs de leur assemblée à 577 et non pas à 579, comme ils auraient dû le faire s’ils voulaient conserver ces deux sièges créés mais non pourvus.
C’est ce que vous avez fait ici en retenant le plafond de 348 sénateurs, qui inclut les deux sièges créés pour deux collectivités, et pourvus depuis le renouvellement de septembre dernier.
M. Alain Marleix, secrétaire d’État. Le Gouvernement a pris acte de la position de l’Assemblée nationale. Il devra, dans sa future ordonnance, fixer la représentation de chaque collectivité d’outre-mer à la lumière de ces positions et de celle que prendra, le cas échéant, le Conseil constitutionnel
M. le présidentde la commission des lois opine
Le seul choix qui me paraît exclu à ce stade est celui du maintien de l’actuelle quatrième circonscription de la Guadeloupe, réunissant huit cantons de la Guadeloupe et les deux collectivités de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin, parce qu’elle ne respecte pas les limites départementales.
La troisième règle que le Gouvernement a proposé de maintenir est celle qui attribue automatiquement à chaque département un siège supplémentaire par tranche de population. Adoptée en 1885, époque où la tranche était de 75 000 habitants, cette procédure a été conservée en 1958, avec une tranche portée à 93 000 habitants, comme lors du passage au mode de scrutin proportionnel en 1985 – M. Fabius était alors Premier ministre et M. Joxe ministre de l’intérieur –, où la tranche a été fixée à 108 000 habitants.
Cette règle dite « de la tranche » est également celle qui régit le mode de répartition de vos sièges entre les départements.
Elle devrait, au vu des chiffres provisoires dont nous disposons, donner un député de plus pour 125 000 habitants supplémentaires et toucher seulement 40 départements sur 101 : ce sont 25 départements qui perdront un ou plusieurs sièges et 15 qui en gagneront un ou deux. Le choix de la répartition proportionnelle aurait un impact sur un nombre beaucoup plus important de départements, de l’ordre de 70 à 80, ce que le Gouvernement ne souhaitait pas.
La quatrième règle conservée est celle, essentielle, de l’écart maximal de plus ou moins 20 % par rapport à la moyenne départementale de la population de chaque circonscription d’un département, règle expressément validée par le Conseil constitutionnel en 1986. Elle nous obligera à réviser la délimitation de certaines circonscriptions, dans une dizaine des départements dont le nombre de sièges ne variera pas : c’est ce que j’appelle le « remodelage », à distinguer du « redécoupage » proprement dit.
La dernière règle conservée concerne la délimitation des circonscriptions, qui devront être constituées d’un territoire continu et respecter les limites cantonales : un amendement adopté par les députés précise quand il peut être fait abstraction de ces limites, notamment pour des cantons de plus de 40 000 habitants – il en existe 130 au total sur 4 000 cantons –, et pour réunifier des communes de moins de 5 000 habitants.
De la même façon, les nouvelles circonscriptions d’élection des députés représentant les Français de l’étranger, qui devraient être équitablement réparties entre l’Europe et le reste du monde, respecteront les limites des circonscriptions existant aujourd’hui pour l’élection des membres de l’Assemblée des Français de l’étranger.
Enfin, et c’est le troisième amendement de fond adopté par les députés, pourrait notamment figurer parmi les motifs d’intérêt général permettant des adaptations au seul critère démographique, « l’évolution respective de la population et des électeurs inscrits sur les listes électorales ». Comme l’ont précisé à la fois l’auteur de cet amendement adopté à l’unanimité, le député socialiste René Dosière, le rapporteur et le président de la commission des lois, son objet est de prendre en considération la situation démographique tout à fait particulière de Mayotte et, dans une moindre mesure, de la Guyane.
Mayotte connaît une très forte expansion démographique : 23 364 habitants au recensement de 1958, 67 205 à celui de 1985 – soit un triplement –, 131 320 à celui de 1997, et 186 452 habitants au 31 décembre 2007, soit une augmentation de 50 % en dix ans. Le problème spécifique que pose cette croissance vient de ce qu’elle est très largement due à la présence d’une importante population comorienne en situation illégale. Alors que les étrangers, même en situation irrégulière, ne sont pas exclus du recensement dans les autres parties du territoire national, avons-nous suffisamment d’éléments fiables pour le faire à Mayotte ? Je ne le crois pas.
Il appartiendra au Gouvernement, au vu de ce que dira, le cas échéant, le Conseil constitutionnel sur cette question délicate, de décider s’il doit ou non maintenir la représentation de cette collectivité d’outre-mer en forte croissance de population. Là encore, la commission indépendante émettra un avis sur sa décision.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales dispositions du « paquet électoral » que vous propose aujourd’hui le Gouvernement.
J’ai lu avec la plus grande attention les conclusions de votre commission des lois vous proposant d’adopter ces deux textes sans les modifier : votre commission a ainsi fait siennes les recommandations de votre rapporteur, qui s’est référé à « une tradition républicaine bien établie » ne permettant pas au Sénat de remettre en cause le choix des députés relatif à leur régime électoral et « à la nécessité d’adopter rapidement les textes examinés pour permettre le lancement effectif des opérations de redécoupage ».
Sachez que ce dossier est loin d’être bouclé, compte tenu de sa complexité. Le Gouvernement souhaite donc être habilité dès que possible à engager les différentes opérations qu’il comprend, et qui seront effectuées dans la plus grande transparence : le Premier ministre s’y est engagé lorsqu’il a reçu, le 16 septembre dernier, les responsables des groupes et des formations politiques représentés dans votre assemblée et à l’Assemblée nationale, et j’y veillerai attentivement.
Plus vite vous vous serez prononcés, plus vite nous pourrons mettre fin aux anomalies dénoncées à plusieurs reprises et à juste titre par le Conseil constitutionnel.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.)
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous vivons aujourd’hui une grande première puisque nous allons examiner le premier des sept projets de loi organique, ainsi que le premier projet de loi ordinaire, prévus en application de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008.
D’autres textes suivront donc, dans le détail desquels je n’entrerai pas. Je rappelle simplement que nous devrons examiner, dans un proche avenir, les projets de loi relatifs à la procédure parlementaire, au Conseil supérieur de la magistrature, au Conseil constitutionnel, ainsi qu’aux nominations aux postes les plus élevés en conseil des ministres ou par le Président de la République. Tel est le programme qui nous attend en 2009.
Mon intervention portera, à la fois, sur le projet de loi organique portant application de l’article 25 de la Constitution et sur le projet de loi ordinaire relatif à la commission prévue à l’article 25 de la Constitution et à l’élection des députés. Ces deux textes sont interdépendants : la loi organique renvoie à la loi ordinaire, et vice versa. Cela pose d’ailleurs un problème juridique. Nous aurions dû examiner en premier lieu, et de façon indépendante, le projet de loi organique, puis, en second lieu, le projet de loi ordinaire. Mais ils sont tellement imbriqués l’un dans l’autre que nous ne pouvons procéder autrement.
J’examinerai en détail, tout d’abord, le projet de loi organique, puis le projet de loi ordinaire, en soulignant, à chaque fois, un certain nombre de problèmes soulevés soit par la commission, soit par les représentants des groupes politiques de notre assemblée. Je souhaite, en outre, attirer l’attention de M. le secrétaire d’État sur les difficultés qui l’attendent.
Tout d’abord, sur le projet de loi organique, je ferai quelques brèves observations.
L’article 1er du projet de loi fixe le nombre des députés à 577. Je rappelle qu’il s’agissait d’un effectif maximum. Par compromis, le Sénat avait également admis que le nombre des sénateurs soit inscrit dans la Constitution, bien que nous n’ayons guère été enthousiasmés par cette disposition, ...
... qui supprime toute liberté de manœuvre, notamment pour le Gouvernement et la commission indépendante, car il n’y aura plus de variable d’ajustement à l’Assemblée nationale.
Je n’ai pas d’autre remarque à formuler sur ce sujet, si ce n’est que je regrette que nous ayons inscrit ce chiffre dans la Constitution. Mais nous avons pour règle, au Sénat, de ne pas nous occuper de l’Assemblée nationale.
Les articles 2, 3 et 4 portent sur le retour des ministres, anciens parlementaires, dans leur assemblée d’origine.
Il s’agit là d’une nouveauté par rapport à la Constitution de 1958 et à la volonté du général de Gaulle, qui avait souhaité, à l’époque, séparer complètement les fonctions ministérielles et les fonctions parlementaires. On sait quelles difficultés cela avait entraîné : d’excellents politiques se retrouvaient sans mandat ou obtenaient la démission de leur suppléant, ce qui conduisait à l’organisation d’élections partielles. Ce système n’était pas satisfaisant.
Les ministres retrouveront donc leur siège d’origine, à l’Assemblée nationale ou au Sénat. Ces nouvelles dispositions nous posent pourtant un problème, ...
... qu’il nous faudra résoudre.
Il y aura deux sortes de suppléants : ceux qui sont actuellement parlementaires, et ceux qui risquent de le devenir.
Qu’adviendra-t-il de ceux qui remplacent actuellement un ministre appelé à assez brève échéance à redevenir parlementaire ? Il y a là une responsabilité de l’État du fait de la loi puisqu’ils étaient nommés jusqu’au terme du mandat. Il reviendra donc à chaque assemblée de résoudre à la satisfaction générale la situation matérielle de ces suppléants renvoyés.
À l’avenir, il sera sans doute plus difficile de trouver des suppléants, car l’application de la règle du non-cumul des mandats les contraindra à abandonner un mandat local qu’ils ne pourront retrouver ensuite dans la mesure où les règles de remplacement ne pourront pas jouer… Bref, il y a là une difficulté qu’il faudra résoudre.
L’article 2 concerne les députés, l’article 3, les sénateurs élus au scrutin majoritaire et l’article 4, les sénateurs élus au scrutin proportionnel. M. le secrétaire d’État a parfaitement explicité les différentes situations. Je ne reviens pas sur la sorte de « commission mixte paritaire » que j’ai tenue avec mon homologue de l’Assemblée nationale pour rendre le texte de l’article 4 compréhensible par tous, notamment par les suppléants élus à la représentation proportionnelle.
L’article 5 tend à compléter le livre VIII du code électoral en vue de préciser la procédure de désignation de la personnalité qualifiée nommée par le Président de la République pour siéger à la commission indépendante prévue à l’article 25 de la Constitution. Cette personnalité serait désignée selon la procédure désormais fixée par le dernier alinéa de l’article 13 de la Constitution pour certaines nominations. Elle devra se présenter devant la commission compétente de chaque assemblée parlementaire.
Quel type de personnalité le Président de la République, le président du Sénat ou le président de l’Assemblée nationale pourront-ils choisir ? La question mérite d’être posée puisque cette commission doit être impartiale sur le plan politique.
À mon avis, mieux vaut ne pas choisir un parlementaire et puiser dans un autre vivier : pourquoi pas un journaliste spécialiste de ces questions, ou bien un responsable d’institut, tel que l’IFOP, la SOFRES ou autre connaissant parfaitement les questions électorales ? Le choix pourrait également se porter sur un universitaire spécialiste de ces questions, venant de l’Institut d’études politiques, par exemple. En ce qui concerne les représentants du Conseil d’État, de la Cour des comptes et de la Cour de cassation, la cause est entendue puisqu’il reviendra à l’assemblée générale de ces trois instances de choisir son représentant.
L’article 6 étend les incompatibilités prévues par la loi électorale aux membres de la commission, et l’article 7 renvoie à la loi ordinaire pour la répartition des députés.
J’évoquerai maintenant mes quelques interrogations, en précisant qu’elles ne m’empêcheront pas de demander le vote conforme sur la loi organique.
Premier problème, deux régimes différents s’appliqueront au Sénat et à l’Assemblée nationale. Le nombre de sénateurs et leur répartition – les représentants des Français de l’étranger, de l’outre-mer et de la métropole – sera fixé par la loi organique, tandis que, pour les députés, ce soin est renvoyé à la loi ordinaire. Voilà qui démontre, si besoin était encore, que nous sommes bien la Haute Assemblée !
Sourires
Le deuxième problème tient à la responsabilité de l’État à l’égard de ceux qui sont actuellement suppléants d’un ministre susceptible de redevenir sénateur ou député. Ce problème devra à mon avis être réglé au sein de chacune des assemblées.
Le troisième problème a été soulevé par M. Bernard Frimat.
Ce problème important est celui du parallélisme des formes. Si un parlementaire démissionne, son suppléant ne prend pas sa place et une élection partielle doit être organisée, alors qu’un ministre, quant à lui, récupérera son siège sans élection partielle.
Je tiens à souligner, monsieur Frimat, que les deux situations sont tout à fait différentes : il n’y a rien de commun entre la démission d’un parlementaire et le retour d’un ancien parlementaire à son siège de député ou de sénateur, cette dernière situation étant prévue par la Constitution. Dans ce cas, il y a non pas démission, mais cessation d’une fonction ministérielle et donc réintégration dans la fonction antérieure de parlementaire ! Ce qui est prévu par la loi organique est par conséquent parfaitement compatible avec les dispositions constitutionnelles.
Riressur les travées du groupe socialiste.
J’en viens maintenant à la loi ordinaire, qui prévoit la création d’une nouvelle autorité administrative indépendante.
On en crée assez souvent – en moyenne, deux par an – pour qu’il me soit permis de suggérer à nouveau d’en réduire un jour le nombre !
C’est tout de même une autorité, ne serait-ce que parce qu’elle aura son budget.
L’article 1er de la loi ordinaire traite de la commission indépendante qui donnera son avis sur le découpage électoral. Elle comprendra six membres, dont un est nommé par le Président de la République, un par le président de l’Assemblée nationale, un par le président du Sénat, les trois autres étant désignés par les assemblées générales des plus hautes juridictions.
Que cette composition puisse faire l’objet d’un certain nombre de remarques, je le conçois. Je pense, par exemple, à la présidence de la commission, qui reviendra au candidat proposé par le Président de la République. Encore faut-il souligner que cette nomination est assortie de toutes les garanties imposées par l’article 13 de la Constitution, avec un passage devant les commissions permanentes compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat. Je précise, pour répondre à une question de M. Pierre Fauchon, que, le cas échéant, on additionnera les deux.
Que mes collègues se rassurent : il est prévu le rejet de la candidature si l’addition des votes négatifs dans chaque commission permanente compétente de l’Assemblée nationale et du Sénat représente au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein des deux commissions. Néanmoins, je n’imagine pas que la candidature proposée puisse aboutir en cas de majorité simple s’opposant à cette candidature dans l’une ou l’autre des commissions ! De quelle autorité pourrait bien bénéficier une personne qui se serait attirée contre elle la majorité, fût-elle simple, de l’une ou de l’autre des commissions ? A mon avis, soit ce candidat se retirera, soit l’autorité chargée de le nommer ne le désignera pas.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Dès lors, je crois qu’il y a lieu d’être pleinement rassuré sur l’indépendance et sur l’autonomie de chacune de ces personnalités. L’opposition pourra pleinement jouer son rôle à l’intérieur de chacune des commissions.
L’article 1er de la loi ordinaire fixe également les incompatibilités. Il traite, entre autres, de la nomination des rapporteurs, du secret du délibéré, du quorum, de la saisine et du renouvellement par moitié tous les trois ans des membres de la commission.
L’article 2 prévoit une habilitation à recourir à l’article 38 de la Constitution : le Gouvernement se voit confier le soin de régler, par voie d’ordonnances, les questions relatives à la composition de l’Assemblée nationale. C’est une tradition. On ne peut pas faire autrement puisque la plupart des découpages ou des redécoupages se sont faits par voie d’ordonnances, à une exception près : je veux parler de la fois où le Président Mitterrand avait refusé de signer les ordonnances, contraignant le gouvernement de l’époque à revenir devant le Parlement.
L’article 2 fixe également le nombre des députés : 577. Là, un problème compliqué va se poser au Gouvernement. Ce dernier devra d’abord répartir les trois catégories de députés.
S’agissant des députés représentant les départements, la règle de deux députés par département s’impose. Comme M. le secrétaire d’État l’a rappelé tout à l’heure, c’est une règle républicaine. Mais cela posera à terme des difficultés, car certains départements seront surreprésentés par rapport à d’autres, en raison du nombre de députés représentant les départements qui est appelé à se restreindre.
Il faudra ensuite fixer le nombre des députés représentant les collectivités d’outre-mer et, enfin, le nombre des députés représentant les Français établis hors de France.
Le Gouvernement a repris, pour l’article 2 du projet de loi ordinaire, des règles posées par le Conseil constitutionnel, que l’Assemblée nationale a approuvées : les bases démographiques, l’écart maximum de 20 % entre la population d’une circonscription et la population moyenne des circonscriptions du département, le territoire continu. S’agissant de ce dernier point, la rédaction de l’Assemblée nationale sur la dérogation au territoire continu n’est pas bonne.
M. Patrice Gélard, rapporteur. Non, il n’y aura pas d’amendement pour la simple raison que le Sénat ne se mêle pas de ce qui concerne l’Assemblée nationale ! Je ne vais pas le répéter dix fois : c’est la règle que nous avons toujours appliquée ! Il n’y a pas de raison de modifier nos comportements !
Applaudissementssur certaines travées de l’UMP. – Protestations sur les travées du groupe socialiste.
S’agissant de la représentation des nouveaux territoires que sont Saint-Barthélemy et Saint-Martin, nous connaissons l’amendement voté par l’Assemblée nationale. La balle est dans le camp du Gouvernement, qui va fixer, dans l’ordonnance, le nombre de représentants de ces collectivités d’outre-mer. Combien seront-ils ? Mais ce n’est là qu’une des difficultés que le Gouvernement rencontrera sur le parcours faisant suite au vote de la loi ordinaire et de la loi organique.
Des difficultés sont également prévisibles, par exemple, pour la représentation des Français établis hors de France. Du moins est-il un point sur lequel le Gouvernement a très clairement précisé sa position : le scrutin majoritaire uninominal à deux tours continuera de s’appliquer tant aux députés représentant les Français établis hors de France qu’aux députés élus de métropole et d’outre-mer.
L’article 4 est consacré aux modalités de remplacement temporaire au Parlement européen des représentants français accédant à des fonctions gouvernementales. Le cas est rarissime : il n’arrive en effet pratiquement jamais qu’un député européen devienne ministre. Mais ne me faites pas dire que le Parlement européen est une voie de garage ; loin de moi cette idée ! Il s’agit surtout, ainsi que l’a indiqué tout à l’heure Mme la ministre, de respecter un parallélisme des formes.
Les difficultés qui attendent le Gouvernement tiennent à la complexité du processus qui va se dérouler. Ce processus commencera par le contrôle éventuel effectué par le Conseil constitutionnel à l’issue du vote de cette loi ordinaire, à la demande de soixante parlementaires, la saisine du Conseil étant automatique pour la loi organique.
La loi organique ne me paraît pas promise à de grandes difficultés. Quant à la loi ordinaire, le Conseil constitutionnel risque de vérifier de près si l’article 2 de la loi d’habilitation reprend bien toutes les conditions qu’il avait précédemment énoncées dans la jurisprudence à propos du découpage des circonscriptions électorales.
Puis, l’ordonnance sera transmise pour avis à la commission, et ensuite soumise au Conseil d'État.
Le Conseil d'État donnera son avis sur son contenu juridique et même, indirectement, sur sa constitutionnalité. Il est en effet juge en excès de pouvoir, et, tant qu’elle n’est pas ratifiée, l’ordonnance reste attaquable comme peut l’être un décret.
Le troisième obstacle sera celui de la ratification devant le Parlement, ce qui annonce vraisemblablement un beau débat, ici comme à l’Assemblée nationale. De nouveau, le Conseil constitutionnel pourra être saisi.
Cela signifie qu’il faudra prendre de grandes précautions. Ainsi, l’application du principe selon lequel il y a un député par collectivité territoriale quelle qu’elle soit sera certainement examinée à la loupe, tant au Conseil constitutionnel qu’au Conseil d'État. Nous aurons là un test grandeur nature quant à la façon dont il faut comprendre ce principe, que nous appliquons tout naturellement au Sénat alors que l’aspect démographique l’emporte à l’Assemblée nationale.
La question relative à Mayotte qu’a soulevée tout à l'heure M. le secrétaire d'État sera également examinée de près par les hautes juridictions.
Il ne faut pas oublier de surcroît qu’il y a outre-mer de considérables développements de la population, et je ne crois pas que l’on puisse y appliquer des règles différentes de celles qui s’appliquent en métropole, sauf à courir le risque de voir tel ou tel choix remis en cause par ces hautes juridictions.
Il en va de même en ce qui concerne les Français de l’étranger.
C’est donc dans un véritable parcours du combattant que le Gouvernement va s’engager à partir du moment où le texte que nous examinons aujourd'hui sera adopté et je préfère que ce parcours se déroule à l’échelon du Gouvernement plutôt qu’ici.
Je me demande en effet comment nous nous en serions sortis si nous avions dû énoncer dans la loi organique le nombre des députés métropolitains, des députés des départements d’outre-mer, des députés des collectivités d’outre-mer et des députés représentant les Français établis hors de France : il n’était pas possible que ce débat ait lieu ici, même si, sur le fond, nous n’aurions pas suivi d’autre voie que celle qu’aurait choisie l’Assemblée nationale.
La commission des lois vous propose donc, mes chers collègues, de voter conforme le projet de loi organique et le projet de loi ordinaire en raison du principe, énoncé plusieurs fois dans mon rapport écrit, selon lequel le Sénat ne se préoccupe pas, sauf lorsqu’il est lui-même mis en cause, des modes de désignation des députés.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Monsieur le président, j’interviens pour m’assurer que nous sommes bien « en phase » s’agissant du déroulement de nos travaux.
On me dit, mais j’attends que vous le confirmiez, que nous discuterions les amendements portant sur le projet de loi ordinaire et voterions celui-ci avant d’examiner le projet de loi organique.
Je m’interroge sur cet ordre sachant que l’Assemblée nationale, qui a examiné les mêmes textes – ces textes à propos desquels M. Gélard vient d’exprimer toute son admiration –, a voté d’abord le projet de loi organique, puis le projet de loi ordinaire.
Est-il normal que nous procédions autrement ? L’ordre naturel n’est-il pas celui qu’a observé l’Assemblée nationale ?
Je souhaiterais que ce point soit précisé dès maintenant pour permettre, à la séance comme à nos collaborateurs, de s’adapter si nous devions changer l’ordre.
Je suis d’accord pour reconnaître que les deux textes sont étroitement imbriqués, mais l’usage veut que la loi organique précède la loi ordinaire et je serais surpris si nous ne respections pas cet ordre.
Rien d’étonnant à cela : le Gouvernement détermine l’ordre du jour prioritaire…
L’ordre a été décidé en conférence des présidents à la demande du Gouvernement, et je l’applique, mais peut-être M. le secrétaire d'État souhaite-t-il répondre à l’interrogation de M. Frimat ?...
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Le Gouvernement estime que la discussion du projet de loi organique doit précéder celle du projet de loi ordinaire, avant le vote final…
Exclamations amusées.
Voilà qui est assez curieux car, en conférence des présidents, le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement a dit exactement le contraire.
Monsieur le président, la conférence des présidents s’étant prononcée, la commission des lois n’a pas son mot à dire et elle suivra la position de M. le secrétaire d'État.
Les deux textes sont liés mais, si le Gouvernement décide maintenant de commencer par l’examen du projet de loi organique, pourquoi pas !
C’est l’ordre qui a été suivi à l’Assemblée nationale et il paraît plus logique – en tout cas pour la discussion, car, pour les votes sur l’ensemble, il s’agit peut-être d’un autre problème.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
La conférence des présidents a cependant reçu, monsieur le président de la commission, une lettre du secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement indiquant très précisément que la loi ordinaire devait précéder la loi organique.
Mon rôle étant d’appliquer une décision qui a été prise à la demande du Gouvernement, je pense qu’une suspension de séance serait nécessaire pour clarifier la situation…
Nous nous trouvons devant un simple problème de procédure : inutile de se compliquer l’existence !
La loi ordinaire a pour objet de supprimer certaines dispositions afin de « nettoyer le terrain » pour permettre ensuite à la loi organique de s’installer. Il y a donc une vraie chronologie dans l’ordre d’examen de ces textes et c’est pourquoi je n’ai pas compris où était le problème.
Mes chers collègues, nous allons donc interrompre nos travaux pendant quelques instants pour accorder nos violons.
Mais non, mon cher collègue : vous avez soulevé une vraie question et je souhaite qu’elle soit réglée !
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à dix heures cinquante, est reprise à onze heures.
La séance est reprise.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous éclairer ?
La Constitution est claire. S’agissant du vote final, elle spécifie que le vote de la loi ordinaire doit précéder le vote de la loi organique. Quant à l’ordre de discussion, il est en quelque sorte la déclinaison de la hiérarchie traditionnelle : très logiquement, la loi organique précède la loi ordinaire.
Je remercie M. Frimat d’avoir posé la question. Nous y voyons plus clair maintenant !
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, si la courtoisie sénatoriale nous impose de ne pas nous occuper des questions relatives à l’Assemblée nationale et d’émettre un vote conforme, je ne vois pas quel est l’intérêt de ce type de séance !
Mais c’est l’application du bicamérisme ! Les deux assemblées votent les lois !
Nous faisons donc comme les sociétés savantes qui se réunissent simplement pour le plaisir de converser sur divers sujets !
Il est tout de même extraordinaire d’en arriver à une telle anomalie !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Nous reprenons la discussion du projet de loi relatif à la commission prévue à l’article 25 de la Constitution et à l’élection des députés et du projet de loi organique portant application de l’article 25 de la Constitution.
Dans la suite de la discussion générale commune, la parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, vous vous en souvenez très certainement, nous avons combattu la réforme constitutionnelle. Nous la considérions en bien des points antidémocratique et taillée sur mesure pour le nouveau Président de la République.
Le Gouvernement nous avait alors rétorqué que nous nous trompions et que cette réforme renforcerait au contraire les pouvoirs du Parlement. Le débat ne fut pas simple et de nombreux sénateurs et députés, au-delà des clivages politiques d’ailleurs, s'y opposèrent. Malgré tout, à quelques marchandages politiques près, la réforme fut votée, mais de si peu, de si peu !...
À la suite de ce débat qui fut difficile pour la majorité, nous aurions attendu du Gouvernement qu’il cherche à réaffirmer la légitimité de cette révision constitutionnelle et nous soumette en priorité les mesures phares de cette réforme : l'organisation du référendum abrogatif ; la liste des emplois pour lesquels le pouvoir de nomination du Président de la République est soumis à un avis préalable ; l'organisation de la délibération des projets de loi ; le droit d'amendement et l'exception d'inconstitutionnalité ; la pétition permettant la saisine du conseil économique, social et environnemental ; les compétences du défenseur des droits des citoyens. Or il n'en est rien !
Les deux premiers projets de loi relatifs à l'application de la réforme constitutionnelle ne sont qu'une basse manœuvre d'opportunisme politique au service du Gouvernement. Débattus avec beaucoup de discrétion et de hâte, ils doivent être efficients dès le prochain remaniement ministériel, qui s'annonce, il faut le dire, de plus en plus proche.
Le projet de loi organique que nous examinons vise à permettre aux ministres, en cas de démission, de retrouver leur siège de parlementaire sans se soumettre à nouveau au suffrage universel, comme c'était le cas depuis 1958 !
L'hypothèse d'un remaniement du Gouvernement dès janvier prochain explique sans aucun doute le dépôt en urgence de cette loi organique. Elle pourrait en effet profiter aux vingt-six ministres, dont le premier d’entre eux, détenteurs d’un mandat d’élu national.
Prouesse remarquable que cette construction juridique : non seulement prévue pour les députés ou les sénateurs qui deviendront ministres après le vote de la loi organique – ce que proposait le « comité Balladur » – cette disposition serait immédiatement applicable puisque cette loi bénéficierait d'un effet rétroactif ! La rétroactivité n’est habituellement pas tolérée car considérée comme anticonstitutionnelle, sauf exceptions de la plus haute importance... C’est sans doute le cas !
Mais quid des suppléants alors ? Seront-ils considérés comme des « sous-élus », des « faire-valoir » ? Ces parlementaires sont arrivés sous le régime d'une règle qui sera changée en cours de législature. Ils n'auront guère leur mot à dire si le ministre sortant désire regagner son siège.
Comment, et au nom de quel principe constitutionnel et démocratique, peut-on légitimer cette disposition ? La question reste sans réponse... En réalité, le Gouvernement se sert de la loi pour régler ses petites affaires personnelles au sein de sa propre famille politique, car le Président de la République veut éviter la fronde au sein de son parti et parmi des députés de la majorité. Ces derniers l'ont bien compris, et certains n'hésitent pas à le dire publiquement. Ainsi, selon votre collègue député UMP Jacques Myard, ce retour quasi automatique des ministres au Parlement consiste à « mettre les députés dans la main du Président de la République ». Un autre de vos confrères député, Jean-Pierre Grand, n'hésite pas à décrire cette réforme comme « la porte ouverte à l'instabilité gouvernementale en période de difficultés ». À ses yeux, « ce sera fatalement ressenti par l'opinion publique comme la mise en place par notre assemblée d'un « parachute politique doré » ».
J’avoue que cela est fort bien dit ! En effet, en cette période de crise, grâce à cette loi, les ministres seront, eux, prémunis du chômage qui menace des centaines de milliers de travailleurs en 2009.
Au lieu de garantir le parcours professionnel des élus de la majorité et de se servir de cette loi pour régler vos démêlés familiaux, mesdames, messieurs de la majorité, il serait temps de créer un vrai statut de l'élu que nous appelons de nos vœux depuis tant et tant d'années et pour lequel nous avons déjà fait de nombreuses propositions. Les salariés élus ne sont pas tous des professionnels de la politique et ne retrouveront pas leur emploi à l'issue de leur mandat !
Abordons maintenant le projet de loi ordinaire
Il fixe les règles d'organisation et de fonctionnement de la commission chargée de donner un avis sur les projets de loi et propositions de loi délimitant les circonscriptions pour l'élection des députés ou modifiant la répartition des sièges de députés ou de sénateurs.
À première vue, la création d'une telle commission paraît nécessaire. Elle permettrait en effet d'étudier le redécoupage des circonscriptions d'une manière plus juste et plus objective. La refonte de la carte électorale a en effet trop souvent été synonyme de manœuvres politiciennes obscures, comme ce fut le cas lors du dernier redécoupage des circonscriptions, décidé par notre collègue Charles Pasqua en 1986.
Toutefois, au vu de l'actualité, nous pouvons légitimement nous inquiéter de l'efficience du travail de cette commission. Il aurait d'ailleurs été souhaitable que nous ayons une discussion sur la personne en charge de la préparation de ce travail de découpage.
Le Président de la République en a décidé autrement et a nommé, « judicieusement », Alain Marleix chargé du secrétariat national aux élections de l'UMP depuis 2004, ….
… qui avait déjà participé au redécoupage électoral de 1986, sous Charles Pasqua !
Afin d’éviter un conflit d'intérêts trop évident, M. Marleix a quitté la direction nationale de l'UMP le temps de sa mission, avant de la réintégrer à nouveau fin novembre. L'hypocrisie de cette manœuvre en dit tellement sur l'opacité du redécoupage à venir qu'il n'est pas la peine, à mon sens, d'en rajouter !
Nous ne sommes pas rassurés davantage par la mise en place d'une commission de contrôle prévue par la réforme constitutionnelle. D’une part, cette commission ne disposera que d'un pouvoir purement symbolique : rien n’obligera en effet le Gouvernement à suivre l’avis rendu ! D'autre part, il y a fort à parier que cette commission ne rendra que des avis conformes aux souhaits du Gouvernement, tant sa composition même manque de neutralité. En effet, cette nouvelle institution est censée être composée de trois hauts magistrats et de trois personnalités qualifiées, nommées conjointement par le Président de la République, le président de l'Assemblée nationale et celui du Sénat, c'est-à-dire uniquement par la majorité.
S’agissant d’une question institutionnelle aussi grave que le redécoupage électoral, où sont les droits de l'opposition que le Président de la République prétendait renforcer en modifiant la Constitution ? Pourtant, lorsque nous avions évoqué cette difficulté au cours de la discussion de la réforme constitutionnelle, Mme la garde des sceaux avait tenu à nous rassurer par ces mots : cette commission « sera composée d'experts. Ce seront des démographes, des statisticiens, des juristes et des experts en droit électoral ». Nous avons beau chercher, la promesse n'est pas tenue... hormis pour M. Marleix, expert en droit électoral, de l’UMP !
Peut-on parler de neutralité politique lorsque de telles désignations relèvent de personnalités issues du même terreau politique ? Intégrer à cette commission un membre désigné par chaque groupe parlementaire serait la moindre des choses. C’est d’ailleurs l’objet de l’un de nos amendements.
Selon le projet de loi, la personne désignée par le chef de l’État présidera cette commission, et ce à l'image du futur mode de nomination du président de France télévision. Bien qu'il s'en défende, cela devient une fâcheuse tendance de notre Président de nommer, car tel est son bon plaisir, des personnes à des postes clés. Il s'arroge ainsi un contrôle accru des institutions et une concentration des pouvoirs proprement scandaleuse.
De plus, vous demandez aujourd'hui au Parlement de cautionner un redécoupage de la carte électorale combinant suppression d'un certain nombre de circonscriptions et manœuvres politiques, et de donner entière liberté au Gouvernement via le système d'ordonnances.
Nous sommes et serons toujours opposés à ce que le Gouvernement légifère par ordonnances, particulièrement sur de tels sujets. Il est impensable que le Parlement soit privé de tout pouvoir de contrôle ! Si l'opposition ne peut se prononcer, le redécoupage se fera au seul profit de la majorité au pouvoir. En effet, un redécoupage électoral n'est jamais innocent ou neutre : il l'est encore moins lorsque le Parlement n'est pas consulté.
Lors de son audition à l’Assemblée nationale, M. Marleix justifiait le recours aux ordonnances par le fait que cela avait déjà été le cas en 1986. Mais cela est faux ! Le Président de la République de l'époque, François Mitterrand, avait refusé de signer les ordonnances qui avaient alors dû être transformées en projet loi.
Enfin, et pour conclure sur l'opacité de cette manœuvre, je rappelle que la prochaine réforme des collectivités territoriales pourrait supprimer le département – du moins c’est dans l’air ! – ou encore modifier le mode de scrutin pour les élections régionales. Nous débattons donc au final du redécoupage des circonscriptions sans rien savoir, ni de la future articulation entre les départements et la région, ni de l'évolution des modes de scrutin.
Bref, vous l'aurez compris, nous ne pouvons cautionner deux textes de lois aussi circonstanciels et subordonnés à la majorité gouvernementale. Lors de la réforme constitutionnelle, vous tentiez de prouver l'intérêt démocratique et respectueux de la pluralité politique de vos réformes, mais nous voyons mal de quelle façon vous pouvez continuer à le soutenir aujourd’hui !
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la discussion de ces deux projets de loi ouvre la voie à la mise en œuvre de la révision constitutionnelle adoptée en juillet dernier, s’agissant notamment des dispositions de l'article 25.
Comme vient de le souligner Mme le ministre, ces deux textes – l'un organique, l'autre ordinaire – visent à rendre notre démocratie plus représentative, plus transparente et plus efficace.
Pour rendre notre démocratie plus représentative, ces projets de loi lancent la première étape de l’ajustement des circonscriptions législatives. Le rééquilibrage démographique des circonscriptions est en effet réclamé avec insistance par le Conseil constitutionnel, et ce depuis de nombreuses années.
La délimitation actuelle a été arrêtée en 1986, sur la base d'un recensement effectué en 1982. Depuis lors, malgré les recensements de 1990 et de 1999, il n'y a pas eu d'ajustement des circonscriptions, d'où des différences parfois importantes entre elles, et les demandes de plus en plus pressantes du Conseil constitutionnel.
Il était donc grand temps pour le législateur d'autoriser le Gouvernement à procéder à un ajustement de la carte des circonscriptions. Comme l'a indiqué .le rapporteur, Patrice Gélard, les deux projets de loi qui nous sont aujourd'hui soumis répondent à « une urgence démocratique » : adapter la répartition des sièges de députés.
J’observe que, à l’instar de ce qui s’est passé pour bien d'autres réformes, c'est grâce à l'action du Président de la République et à celle de son Gouvernement que l'exercice difficile du redécoupage des circonscriptions va être réalisé.
Cette adaptation est d'autant plus nécessaire aujourd’hui en raison de la création de nouveaux postes de députés chargés de représenter les Français établis hors de France.
Le redécoupage des circonscriptions législatives prendra en compte les évolutions démographiques de la population française depuis 1982. Ainsi, l'Assemblée nationale représentera plus justement l’ensemble de nos concitoyens.
Le deuxième objectif visé par ces deux projets de loi est la transparence.
C'est bien avec cette finalité que le nouvel article 25 de la Constitution prévoit la création d'une commission indépendante chargée de donner un avis public sur tout projet de texte ayant pour objet une nouvelle délimitation des circonscriptions législatives ou une modification de la répartition des sièges de sénateurs.
Si l’indépendance de cette commission est consacrée dans le code électoral, elle est également confortée par les dispositions amenées à en régir la composition et le fonctionnement.
Cette commission indépendante sera composée de trois magistrats issus de chacune des juridictions suprêmes et désignés par leurs pairs et de trois personnalités nommées respectivement par le Président de la République, le président de l'Assemblée nationale et le président du Sénat, après avis des commissions permanentes compétentes de chaque assemblée.
À cet égard, je m’associe aux propos du rapporteur et souligne à mon tour que, conformément aux souhaits exprimés par les sénateurs lors de l’examen de la révision constitutionnelle, les commissions compétentes des deux assemblées se prononceront séparément sur la nomination des candidats, en vertu du principe d’autonomie des assemblées.
Signe fort de transparence, ces désignations seront précédées d’une audition des candidats par les commissions parlementaires et d’un avis public de ces dernières. L’opposition parlementaire sera donc associée à ces désignations et pourra s’exprimer sur la personnalité envisagée.
Je tiens également à souligner que ni la Constitution ni le présent projet de loi ordinaire ne confèrent à la commission indépendante un pouvoir normatif. C’est au législateur qu’il revient de fixer dès aujourd’hui, à la lumière des principes énoncés par le Conseil constitutionnel, les règles de forme et de fond auxquelles devra obéir le remodelage de la carte électorale. Dès lors, nous ne voyons pas de raison de faire de procès d’intention au Gouvernement quant à la méthode choisie.
Le groupe UMP se réjouit de l’étendue des garanties ainsi offertes à cette commission, en termes d’impartialité, de transparence et d’indépendance.
Le troisième objectif est l’efficacité. C’est au nom de celle-ci qu’a été décidée la mesure relative aux parlementaires nommés au Gouvernement. Le projet de loi organique organise en effet le remplacement temporaire des parlementaires nommés au Gouvernement.
Il faut rappeler que le Sénat n’a accepté ce dispositif qu’au terme d’un long débat, non sans marquer quelques réserves sur son opportunité. Si les modalités d’application de cette mesure nous ont paru d’emblée claires et cohérentes pour les parlementaires élus au scrutin majoritaire, la rédaction initiale des projets de loi relative au remplacement temporaire des parlementaires élus à au scrutin proportionnel manquait, à notre sens, de clarté.
Cette rédaction ne précisait pas le sort du suivant de liste devenu provisoirement sénateur ou député européen, une fois que l’ancien ministre retrouvait l’exercice de son mandat. La rédaction votée par l'Assemblée nationale a permis de lever ces ambiguïtés. La solution tendant à replacer l’ancien parlementaire « temporaire » en tête des suivants de liste non élus nous paraît satisfaisante.
Enfin, à l’instar du rapporteur, le groupe UMP souhaite que ne soit pas oubliée la situation de nos quatre collègues devenus sénateurs en remplacement des sénateurs devenus membres du Gouvernement depuis 2007, qui ont dû, pour certains, renoncer à un mandat local afin de respecter les règles de non-cumul des mandats ou fonctions.
Le recours aux ordonnances pour délimiter les circonscriptions législatives, prévu à l’article 2 du projet de loi ordinaire, constitue un autre sujet de préoccupation.
Cette procédure nous semble justifiée, car elle permet d’assurer une mise en œuvre rapide de la réforme. Par ailleurs, eu égard au caractère particulièrement technique et minutieux des opérations de redécoupage, le recours aux ordonnances nous semble également justifié sur un plan pratique.
En outre, nous ne sommes pas en terrain inconnu, puisque le législateur avait adopté en 1986 une loi relative à l'élection des députés et autorisant le Gouvernement à délimiter par ordonnances les circonscriptions électorales, déclarée conforme à la Constitution par une décision du Conseil constitutionnel du 2 juillet 1986.
Enfin, cette procédure paraît acceptable, dès lors que les projets d’ordonnance seront soumis pour avis à la commission indépendante et au Conseil d’État et suivis du dépôt d’un projet de loi de ratification. Le recours aux ordonnances ne prive donc pas le Parlement d’un contrôle de l’opération tant en amont qu’en aval.
Il n’empêchera pas le législateur d’avoir le dernier mot pour fixer les orientations de cette nouvelle délimitation, en validant ou non les options choisies par le Gouvernement lors de la ratification des ordonnances.
Au total, le Gouvernement nous présente deux textes qui fixent des règles claires, transparentes et cohérentes. Pour l’ensemble de ces raisons et sous réserve de ces observations, le groupe UMP les adoptera.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le Sénat est appelé à délibérer aujourd'hui sur deux textes présentés par le Gouvernement. Ce sont les premiers qui sont soumis au Parlement depuis l’adoption de la révision constitutionnelle.
Quel paradoxe et, malheureusement, quel symbole, monsieur le rapporteur, de nous proposer un vote conforme pour adopter les deux premiers textes d’application d’une révision constitutionnelle censée développer les droits du Parlement !
Au demeurant, il nous faut constater en toute objectivité que, depuis l’ouverture de la session ordinaire, la pratique du Gouvernement est à l’opposé du discours qui accompagnait la révision constitutionnelle. L’essentiel, ce n’est pas de favoriser l’organisation d’un débat parlementaire fructueux qui améliore la loi, c’est d’aller vite et de faire fonctionner le plus souvent possible le Parlement comme une chambre d’enregistrement de l’agitation législative présidentielle.
Nous atteignons avec le débat de ce jour le stade de la caricature, puisque nous cumulons la déclaration d’urgence et le vote conforme, tout cela pour dessaisir le Parlement de son pouvoir en permettant le recours aux ordonnances !
Nous allons néanmoins, monsieur le secrétaire d'État, faire notre travail de parlementaire, exposer dans la discussion générale notre point de vue sur les textes en discussion, défendre nos amendements, expliquer notre vote tant sur les différents amendements proposés que sur les deux textes. Le fait que la majorité de la commission des lois ait choisi un vote conforme ne peut avoir pour conséquence de nous réduire au silence, d’escamoter l’examen de ces projets de loi qui détermineront le niveau de démocratie effectif qui existera dans notre République.
Faute de pouvoir vous convaincre, mes chers collègues de la majorité ou, plus exactement, faute de vous amener à changer votre vote quand bien même vous partageriez nos remarques et nos analyses, nos propos auront pour destinataire essentiel le Conseil constitutionnel, qui, saisi automatiquement de la loi organique, le sera aussi par nos soins et par cohérence de la loi ordinaire, compte tenu des liens étroits existants entre les deux textes, ainsi que vous l’avez rappelé, monsieur le rapporteur.
J’aborderai successivement trois points : le parachute parlementaire des ministres en exercice, la commission prévue à l’article 25 de la Constitution, l’élection des députés.
La révision constitutionnelle instaure, contrairement à ce qui se pratiquait depuis l’origine de la Ve République, un droit de retour automatique des ministres antérieurement députés, sénateurs ou membres du Parlement européen dans l’assemblée où ils siégeaient à la date de leur nomination. Aux dires du rapporteur, la modalité en vigueur antérieurement, qui ne prévoyait pas un tel retour, n’était pas pratique. Il aura fallu cinquante ans pour s’en rendre compte !...
Intellectuellement, il y a tout de même du ménage à faire !
Nous avons combattu cette proposition ; notre opinion sur son caractère néfaste n’a pas varié. Nous continuons à penser qu’il s’agit d’une mesure de confort qui vise un double but : d’une part, permettre au Président de la République de nommer et de congédier à sa guise des ministres, d’autre part, comme vous ne cessez de le répéter, d’éviter à tout prix les élections partielles.
L’application immédiate de cette disposition aux ministres actuellement en exercice, décidée elle aussi par l’article 46 de la loi de révision constitutionnelle, a commencé par rencontrer l’hostilité forte de la commission des lois du Sénat, vous l’avez justement rappelé, monsieur le rapporteur. Pour de nombreux sénateurs, par-delà leur appartenance politique, il ne semblait pas convenable que les ministres en fonction bénéficient de ce privilège ; il fallait réserver celui-ci aux parlementaires qui deviendraient ministres après l’adoption de la loi organique nécessaire.
Cette solution, qui respectait les suppléants devenus aujourd’hui parlementaires de plein exercice, n’a pas été retenue. En conséquence, certains de nos collègues parlementaires seront sans doute très prochainement démis d’office, victimes d’une injustice légale. Ils seront d’ailleurs très profondément lésés, et pas seulement par l’abandon de leur siège de parlementaire. Certains ont en effet été amenés, pour se mettre en conformité avec la loi relative à la limitation du cumul des mandats électoraux, à abandonner des mandats locaux, qu’ils ne retrouveront pas.
Quelle preuve de mépris à l’égard d’élus de la République que de considérer ces conséquences comme quantité négligeable par rapport à l’effet d’aubaine réservé aux ministres actuels ! Mais peu importe : pour le Président de la République, il faut impérativement que le projet de loi organique soit adopté afin qu’il puisse effectuer, en toute tranquillité, les divers remaniements annoncés tant au Gouvernement qu’à l’UMP.
Comme si cela ne suffisait pas, le Gouvernement a voulu ajouter à ce dispositif la possibilité pour les anciens ministres de renoncer à revenir au Parlement, ce qui entraînera, le cas échéant, le maintien du suppléant dans ses fonctions de parlementaire. Même si cette hypothèse, sans doute la moins vraisemblable, ne peut que satisfaire les collègues qui échapperaient ainsi au licenciement, à la guillotine, elle nous paraît incertaine – et c’est le moins ! – au regard du respect de la Constitution.
Antérieurement, les choses étaient simples : le député ou le sénateur devenu ministre perdait la qualité de parlementaire. Il devenait, vous l’avez souligné, monsieur le rapporteur, « ancien parlementaire ». Depuis la révision constitutionnelle, il ne perd plus cette qualité, celle-ci est simplement suspendue puisqu’il n’est plus remplacé que temporairement. Il est donc fondé d’affirmer que, dès la fin de sa fonction ministérielle, une fois écoulé le délai de convenance d’un mois, il retrouve son statut de parlementaire, qu’il ne peut quitter, comme c’est le cas de tout parlementaire, que par une démission, avec les conséquences que cela entraîne en termes d’élections partielles.
La solution qui est proposée par le Gouvernement et qui nous paraît contraire à la Constitution introduit donc une différence, non pas entre parlementaires en fonction et anciens parlementaires, mais entre parlementaires, car, si le ministre peut redevenir parlementaire, c’est bien qu’il en a conservé le statut.
Une telle différence ne nous paraît pas acceptable.
Le parachute parlementaire est-il doré ou non ? C’est une question que je ne trancherai pas : je vous laisse le soin de l’apprécier en ces temps de crise sociale et de lutte contre le chômage.
J’en viens maintenant à la commission prévue à l’article 25 de la Constitution et qualifiée – grande prudence ! – d’« indépendante ». Comme cela, au moins dans la lettre, elle le sera.
La loi ordinaire doit en fixer la composition ainsi que les règles d’organisation et de fonctionnement. Son rôle est, quant à lui, défini par la Constitution. La lecture des débats que nous avons eus sur ce point à l’occasion de la révision constitutionnelle montre clairement que la garantie d’indépendance de la commission chargée d’émettre un avis public sur la délimitation des circonscriptions et la répartition des sièges était un aspect essentiel, constitutif d’une réelle démocratie.
Où en sommes-nous aujourd’hui de la réalité de l’indépendance de cette commission dite « indépendante » ?
Le projet de loi ordinaire propose de la composer, vous l’avez rappelé, ma chère collègue, de trois magistrats élus appartenant au Conseil d’État, à la Cour de Cassation et à la Cour des Comptes et de trois personnalités qualifiées nommées par le Président de la République, le président de l’Assemblée nationale et le président du Sénat. En quoi cette composition garantit-elle l’indépendance de la commission, puisque son président est nommé par le Président de la République et dispose – au diable l’avarice ! – d’une voix prépondérante ?
Nous sommes d’accord, je pense, pour constater que le Président de la République est un acteur très engagé dans le combat politique. Ce n’est pas lui faire injure de considérer qu’il est resté le chef du principal parti de la majorité, il le revendique. Dans ces conditions, comment considérer que la nomination du président de la commission indépendante par le Président de la République, patron de l’UMP, soit une garantie d’indépendance ? Faudrait-il admettre que, dès qu’une personne qualifiée est nommée par le Président de la République, elle devient de jure, par définition, indépendante ?
Quelles que soient les qualités personnelles des intéressés, comment une commission dont, compte tenu de la voix prépondérante du président, la majorité est nommée par trois membres de la même famille politique, en l’occurrence l’UMP, peut-elle prétendre à l’indépendance ?
La présence des magistrats, qui n’appelle pas d’opposition de notre part, n’est pas suffisante pour assurer l’indépendance de ladite commission. Le Gouvernement serait donc bien avisé de revenir sur la composition de la commission indépendante de façon que son caractère partisan soit gommé. Je suis cependant convaincu qu’il n’en fera rien.
Nous formulons plusieurs propositions en ce sens.
Pour respecter pleinement la séparation des pouvoirs et le pluralisme, également inscrit dans la Constitution, nous proposons que la commission ne comporte plus de personnes qualifiées nommées par le Président de la République et que son président soit élu par ses membres, et non plus nommé par le Président de la République.
Nous proposons également que les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat nomment chacun deux personnalités qualifiées, dont l’une le serait sur proposition conjointe des groupes d’opposition, …
…qui peuvent, eux aussi, s’élever au-dessus des intérêts partisans. Une telle mesure assurerait effectivement un choix pluraliste, ce qui est, selon nous, la meilleure garantie de l’indépendance de cette commission si importante.
En revanche, à l’instar de la disposition figurant à l’article 13 de la Constitution, l’impossibilité de procéder à une nomination lorsque les votes négatifs dans chaque commission des lois représentent au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés nous semble une garantie bien formelle. Il suffit de s’en tenir à une majorité simple dès que l’avis de la commission porte sur la proposition de double nomination par les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat. Vous avez tous, mes chers collègues, reconnu ce fait. Alors présentez des amendements en ce sens !
S’il est important que la commission chargée de donner un avis soit réellement indépendante, il est plus encore fondamental que la répartition des sièges des députés et la délimitation des circonscriptions soient indiscutables. Si notre pays prétend au qualificatif de « démocratie irréprochable », pour reprendre les propos du Président de la République, il lui faut assurer, en tout premier lieu, l’élection d’une Assemblée nationale conforme à la volonté exprimée dans les urnes par les citoyens et donc privilégier une approche en termes essentiellement démographiques. En effet, pour respecter le principe constitutionnel de l’égalité du suffrage, il faut que, sauf exception dûment justifiée, la voix de chaque citoyen ait un poids comparable dans l’élection d’un député. C’est d’ailleurs parce que le découpage actuel ne respecte plus ce principe que le Conseil constitutionnel a exigé du Parlement la révision de la carte électorale.
Il n’y a donc de notre part aucune opposition, bien au contraire, monsieur le secrétaire d'État, à ce qu’une nouvelle délimitation des circonscriptions électorales soit effectuée afin d’arriver à une plus juste représentation de nos concitoyens.
Tout le monde s’accorde à reconnaître que le découpage électoral est un art complexe et qu’il échappe difficilement à la critique. Il donne lieu, lors des débats parlementaires – le récent débat qui s’est déroulé à l'Assemblée nationale le confirme –, à l’évocation de différentes activités professionnelles, toutes nobles : quelquefois le rémouleur, pour son talent à aiguiser les ciseaux, instrument symbolique du découpage ; plus souvent le charcutier, en raison du caractère habile mais brutal et sanglant de sa découpe ; et parfois le chirurgien, pour les opérations de découpage les plus sophistiquées.
En évoquant le découpage de 1986 effectué sous l’autorité de notre collègue Charles Pasqua, dans lequel vous avez joué, monsieur le secrétaire d'État, un rôle actif, il est de bon ton de le légitimer en disant qu’il n’a pas interdit l’alternance. C’est quand même le minimum ! Faudrait-il voir dans cette formulation le rêve inavoué, car inavouable, d’un découpage idéal, mettant une fois pour toutes la majorité actuelle à l’abri des choix du citoyen ? Je n’ose le penser !
Signalons que, si l’alternance a eu lieu, son amplitude est tout de même révélatrice de la spécificité du découpage. En effet, sur 577 circonscriptions, 247 – c’est-à-dire 43 % d’entre elles – n’ont jamais connu d’alternance.
La ventilation de ces 43 % n’est pas neutre. Les circonscriptions qui ont toujours élu un député de gauche correspondent à 10 % du total des circonscriptions, alors que le nombre de celles qui ont toujours élu un député de droite s’élève au tiers de ce total. On mesure ainsi plus clairement les contraintes différentes qui pèsent sur la droite et la gauche dans la conquête de la majorité de l’Assemblée nationale. Quand la gauche, pour assurer sa victoire, doit l’emporter dans plus de 40 % des circonscriptions flottantes, il suffit à la droite d’en conquérir nettement moins de 20 %.
Certes, on peut m’opposer les réalités sociologiques et la géographie contrastée des différents quartiers de nos agglomérations.
Je n’en nie pas l’existence. Il sera, en effet, toujours plus facile pour Olivier Besancenot d’être facteur à Neuilly-sur-Seine que d’en être le député ! Je vous le concède. Mais la valeur de cette argumentation fondée sur les réalités sociologiques, économiques et démographiques ne peut suffire à expliquer cette différence. Il n’est pas admissible que les élections législatives s’apparentent, dans une « démocratie irréprochable », à une course hippique à handicap dans laquelle les concurrents auraient des poids différents.
Monsieur le secrétaire d'État, vous demandez au Parlement d’autoriser le Gouvernement à procéder à ces opérations, dont je viens de vous démontrer le caractère pour le moins délicat, par voie d’ordonnances. Nous ne pouvons vous suivre sur ce point pour plusieurs raisons.
La première raison qui nous conduit à rejeter la voie des ordonnances tient à l’histoire récente.
Pour valider le découpage actuellement en vigueur, le président François Mitterrand avait refusé de signer les ordonnances préparées par le gouvernement de l’époque car il estimait qu’il ne fallait pas dessaisir le Parlement du pouvoir de délibérer publiquement et complètement sur la délimitation des circonscriptions. En conséquence, le gouvernement de Jacques Chirac, ne pouvant franchir cet obstacle, avait utilisé la voie parlementaire normale et déposé un projet de loi.
La preuve a donc été faite qu’il était possible de procéder à une délimitation des circonscriptions sans recourir à la voie des ordonnances. Ce qui était possible hier doit l’être aujourd’hui.
La seconde raison qui nous amène à refuser la voie que vous proposez tient au champ couvert par la loi d’habilitation. Laisser en effet au Gouvernement le pouvoir de déterminer, par ordonnance, la répartition des députés entre départements, collectivités d’outre-mer et circonscriptions des Français résidant hors de France est une novation. Cette dernière nous paraît contraire à la tradition républicaine selon laquelle l’Assemblée nationale détermine elle-même les modalités de l’élection des députés.
On peut à la limite se demander si nous ne nous trouvons pas dans un cas d’incompétence négative. En effet, il me semble possible de soutenir que le législateur ne saurait, sans méconnaître sa compétence, habiliter le Gouvernement à déterminer le nombre de députés par département, collectivité d’outre-mer et pour les Français de l’étranger. En refusant au législateur de procéder lui-même à cette répartition, le projet de loi prive ce dernier de la compétence qu’il tire de l’article 34 de la Constitution.
Par ailleurs, si l’obligation de découpage est impérative et indiscutable, il n’y a aucun impératif d’urgence à voter, à la va-vite, une habilitation d’une telle ampleur. En effet, les prochaines élections n’auront lieu qu’au mois de mars 2012, sauf dissolution, peu probable, de l’Assemblée nationale.
Les résultats définitifs du recensement ne sont pas encore connus : bagatelle ! Ils le seront très prochainement ; il était donc peu coûteux en temps d’attendre leur publication.
La commission indépendante n’est pas créée.
Or, il était dans l’esprit de la révision constitutionnelle de lui permettre de jouer un rôle dès le début du processus en recueillant son avis sur le contenu de la loi d’habilitation. Cela ne pourra être le cas.
La démarche qui nous semblait s’imposer pour respecter les exigences de neutralité, de transparence et d’équité consistait d’abord à créer une commission véritablement indépendante, ensuite à soumettre au Parlement un projet de loi fixant le nombre de circonscriptions par département, par collectivité d’outre-mer et pour les Français établis hors de France, ainsi que les critères utilisés pour ce découpage. Vous avez préféré, en demandant l’habilitation la plus large jamais pratiquée, vous donner les mains libres pour concocter, dans la plus grande tranquillité et dans la plus faible transparence, un découpage qui sera forcément suspecté de grande partialité.
Enfin, il n’est pas convenable que le Gouvernement s’arroge le droit d’utiliser une méthode de répartition des sièges dans laquelle, commençant par déterminer à sa guise le nombre de députés représentant les Français établis hors de France, puis celui des députés représentant les collectivités d’outre-mer, il fasse du nombre de députés des départements métropolitains et d’outre-mer le solde de ces calculs antérieurs. Cela aboutira à la sous-représentation des départements les plus peuplés. Qu’en est-il alors du respect de l’égalité du suffrage ?
Nous nous opposerons donc, monsieur le secrétaire d'État, aux deux projets de loi que vous nous soumettez, qui ne sont pas conformes à l’idée que nous nous faisons d’une république exemplaire au regard de la démocratie.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le président, il ne me semble pas qu’une intervention solennelle à la tribune soit nécessaire pour formuler les quelques réflexions qui traduiront le soutien de mon groupe aux textes qui nous sont proposés.
M. Pierre Fauchon. Mon cher collègue, il convient d’être modeste, sans toutefois en abuser ! À cet égard, aucun soupçon ne pèse sur vous !
Sourires
Ne reprenons pas le débat que nous avons déjà eu l’année dernière, ce à quoi vous avez tendance, monsieur Frimat…
Vous le faites avec la mesure qui caractérise vos propos et que nous apprécions toujours !
Quoi qu’il en soit, les membres du groupe de l’Union centriste approuvent les conclusions de la commission des lois et les suivront.
Monsieur Fortassin, s’agissant des règles constitutionnelles qui régissent l’organisation de l’Assemblée nationale, je n’affirmerai pas que nous ne devons pas nous en préoccuper – rien ne doit nous échapper –, mais nous ne devons pas nous en mêler d’une manière normative, respectant ainsi un bon usage. Ces questions intéressent tous les citoyens et, a fortiori, tous les parlementaires. Mais il est sage que nous ne prétendions pas intervenir de manière normative pour ce qui concerne l’organisation de l’autre assemblée, sous réserve, bien entendu, de réciprocité.
Sourires
Relevons quelques avancées, car il y en a tout de même, cher Bernard Frimat !
S’agissant de la commission indépendante, qui a déjà existé et qui est maintenant institutionnalisée, elle présente de véritables garanties. Certes, mon cher collègue, vous êtes sceptique, mais cette attitude est due à votre position.
La question des nominations, qui va relever d’un processus de type un peu américain est intéressante. L’année dernière, nous avons adopté sur ce point une mesure correspondant à une grande avancée de la démocratie. Mes chers collègues, je vous donne rendez-vous dans quelques années. Nous verrons alors de quelle manière se passent les nominations. À cet égard, les commissions des lois de chaque assemblée doivent donner leur avis sur la nomination de la personnalité qualifiée qu’il s’agit de désigner. Lesdites commissions font librement part de leurs interrogations, de leurs commentaires et se prononcent également en toute liberté.
Cet exercice n’est pas si facile. N’importe qui ne peut pas s’y soumettre. Cette façon de procéder permet d’éliminer tous les phénomènes de népotisme, de clientélisme. On est à peu près sûr que tous les candidats tiendront la route, si je puis dire.
Je salue cette avancée qui apparaîtra de plus en plus importante, comme je salue le fait que le recours aux ordonnances, que vous avez critiqué, est assez adapté à une question aussi complexe, qui comporte des aspects relevant plutôt du pittoresque. Dès lors que nous avons décidé que les ordonnances devraient être validées expressément, nous les avons réintégrées, en quelque sorte, dans un processus démocratique normal.
Toutes ces avancées méritent d’être saluées.
Un sujet m’embarrasse davantage. Il s’agit de la question de la récupération de leur siège de parlementaire par les membres du Gouvernement qui quittent leurs fonctions ministérielles.
Cette mesure éviterait des élections partielles. Cette préoccupation, certes assez légitime, n’est pas suffisante. Cette disposition correspond à une évolution de notre système.
Nous sommes là confrontés sinon à la banalisation de la fonction ministérielle, du moins à sa désacralisation en profondeur.
J’y ai souscrit parce que, comme mon groupe, j’ai d’une manière générale une préférence pour l’évolution vers un régime présidentiel : elle ne me choque pas, car nous sommes très loin aujourd’hui de la IIIe République et de la sacralisation qui la caractérisait, du jeu savant qui précédait la composition du Gouvernement par le choix des différentes personnalités appelées chacune à peser dans son sens et à tenir le rôle qu’elle entendait tenir, avec les arrière-plans que cela impliquait. Nous sommes désormais en présence d’une conception nouvelle du Gouvernement qui correspond à une évolution vers le régime présidentiel.
Au demeurant, cette évolution est en partie obérée par l’aspect inabouti de la réforme constitutionnelle de l’année dernière, je l’avais alors souligné. M. Balladur avait souhaité, à titre personnel, aller jusqu’au bout de la logique, et je partageais son point de vue. La mesure qui nous est ici proposée facilitera la transformation dans ce sens et, pour ma part, je n’y vois pas d’inconvénient : j’y vois même une bonne évolution.
Ce qui est fâcheux, néanmoins, c’est la part de rétroactivité, même si celle-ci n’est que partielle, qu’elle comporte : moi qui suis libre de mon propos, monsieur le rapporteur, je prononce le mot !
Certaines personnes se sont engagées comme suppléants et ont pris leurs dispositions pour pouvoir assumer leur mandat jusqu’à son terme dès lors que leur titulaire devenait ministre. Ils auront peut-être renoncé à des mandats, éventuellement à l’exercice de leur profession, ils pourront par exemple avoir transféré leur activité à des associés… Toutes les hypothèses peuvent être imaginées ! Ils seront victimes de cette mesure, et c’est franchement regrettable.
La disposition est votée, il n’est pas question de rouvrir le débat ; pour autant, ce vote est regrettable parce qu’il introduit le problème de la rétroactivité. Il ne me reste plus qu’à espérer vivement que les ministres qui seront concernés prendront les mesures qui s’imposent. Vous avez fait allusion, monsieur le rapporteur, à celles que pourront prendre les assemblées. Mais elles ne pourront pas résoudre toutes les difficultés qui surgiront !
C’est donc aux ministres qu’il reviendra d’essayer, en conscience, de corriger autant que faire se peut les conséquences fâcheuses que pourra entraîner cette rétroactivité, qui est, en effet, tout à fait contraire à des principes infiniment respectables.
Il est vrai cependant qu’elle ne constitue qu’un aspect très partiel et très ponctuel de l’ensemble et, puisqu’elle a été votée, nous ne reviendrons pas dessus : la démarche est essentiellement technique, il faut bien le reconnaître, et, en tant que telle, nous paraît raisonnable ; notre excellent rapporteur l’a d’ailleurs très bien expliquée.
C’est donc avec confiance que mon groupe apportera son soutien aux conclusions de la commission.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
En tant que président du groupe sénatorial d’amitié France-Amérique du Sud et au nom du Sénat, je vous souhaite chaleureusement la bienvenue au sein de notre Haute Assemblée.
Je forme des vœux, madame la présidente, pour que votre visite contribue à renforcer nos relations interparlementaires, que je souhaite voir se développer davantage encore, et fortifie, s’il en est besoin, les liens qui unissent nos deux pays.
Applaudissements
Je tiens également à saluer la présence en tribune de notre ancienne collègue Mme Paulette Brisepierre, qui s’intéresse tout particulièrement à nos travaux.
Nouveaux applaudissements.
M. Guy Fischer remplace M. Roland du Luart au fauteuil de la présidence.
Nous reprenons la discussion du projet de loi relatif à la commission prévue à l’article 25 de la Constitution et à l’élection des députés et du projet de loi organique portant application de l’article 25 de la Constitution.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Michel Magras.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, « l’outre-mer constitue une chance et un atout pour la France » : cette phrase, qui revient régulièrement dans les propos de tous ceux qui connaissent réellement l’outre-mer, s’applique parfaitement à Saint-Barthélemy. Tous les étrangers, tous les métropolitains qui viennent sur notre île sont unanimes à le reconnaître : Saint-Barthélemy est l’une des plus belles vitrines de la République française.
Pour quelqu’un qui est habitué à vivre sous les tropiques, cela fait l’effet d’une douche froide ! Il me sera difficile d’oublier une telle phrase, et je ne sais pas quelle thérapie appliquer.
J’aime mieux pour ma part penser que les parlementaires que vous êtes, mes chers collègues, qui avez créé ces deux collectivités, et la grande majorité des Français ne sont pas de cet avis. J’en veux pour preuve, et je préfère adhérer à cette idée, une autre phrase, prononcée par le Président Sarkozy s’adressant aux habitants de Saint-Pierre-et-Miquelon en février 2007 : « La distance, pas plus que la dimension des territoires ou l’importance des populations ne sauraient constituer des critères de discriminations au sein de notre République. »
Le rapporteur de la commission des lois de l’Assemblée nationale et son président ont clairement indiqué au Gouvernement que leur amendement n°7 avait pour objet de faire en sorte que Saint-Barthélemy et Saint Martin n’aient pas de député, mais que, à la rigueur, ils comprendraient que le Gouvernement veuille donner un député pour les deux îles.
En adoptant cet amendement, l’Assemblée nationale a voté une décision incohérente et totalement injuste. Un tel choix relève soit de l’ignorance totale des réalités qui sont les nôtres, soit de la mauvaise foi du législateur. L’image qui me vient à l’esprit est celle d’un enfant auxquels les parents, après lui avoir donné naissance, décideraient d’enlever un bras sous prétexte que les autres membres de la famille – les adultes – auraient besoin de ce bras. Que notre collectivité soit petite ou grande, elle a besoin, comme tout être humain qui se veut autonome, de ses deux bras !
Nous ne pouvons pas, chaque fois que l’occasion nous en est donnée, vanter l’intérêt et les mérites du bicamérisme, et tout faire pour priver une collectivité de sa représentation à l’Assemblée nationale. Comment expliquer à la population que l’on puisse poser comme principe fondamental de la loi que tout département est représenté par au moins deux députés, et s’opposer à l’idée qu’une collectivité de la République, qui jouit de surcroît d’un statut particulier, puisse avoir ne serait-ce qu’un seul député ?
Saint-Barthélemy, devenue collectivité d’outre-mer, assume seule les compétences d’une commune, d’un département, d’une région et, en partie, de l’État. Toutes ces compétences sont définies dans des lois votées par le Parlement et dans des règlements, décrets et autres ordonnances du Gouvernement. Pour la seule année 2008, c’est sur plus d’une centaine de textes que le Gouvernement a officiellement consulté notre collectivité. Et l’on voudrait nous faire croire qu’un élu de Saint-Barth n’aurait pas sa place à l’Assemblée nationale, où ces lois sont votées !
On nous oppose dans les débats que « les députés ne sont pas là pour représenter les collectivités […] Les députés sont d’abord là pour représenter la population ».
C’est pourtant bien de cela qu’il s’agit ! Les lois que votent les assemblées, mais aussi les règlements, les décrets, les ordonnances, c’est bien à la population qu’ils s’appliquent !
On nous objecte que nous pourrions être représentés par un député de la Guadeloupe ou par un député de Saint-Martin.
Les communes ont toutes le même statut dans la République ; il est donc normal qu’un même député puisse représenter plusieurs communes lorsqu’il s’agit de voter des textes de loi. Mais notre île n’est plus une commune : elle est une collectivité jouissant d’un statut unique, différent de celui de toutes les autres collectivités françaises.
Nos voisins de Saint-Martin et nous-mêmes n’avons pas la même histoire, la même population, la même culture. Nous n’avons pas fait non plus les mêmes choix de développement économique : ainsi, nous sommes depuis toujours opposés à la défiscalisation, nos voisins y sont très favorables. Nous ne bénéficions pas non plus des mêmes conditions de développement : Saint-Martin est directement relié au monde entier par sa plate-forme portuaire et aéroportuaire internationale, nous sommes victimes de la double insularité et de toutes ses conséquences.
Nous n’avons pas le même statut : les compétences choisies ne sont pas les mêmes et la manière de les assumer, définie dans les actes des deux collectivités, est différente.
Nous n’avons pas les mêmes options politiques. Ainsi, dans notre relation à l’Europe, nous souhaitons entrer dans la catégorie des PTOM, Saint-Martin veut rester région ultrapériphérique.
Je pourrais multiplier les exemples concrets qui témoignent de nos différences, y compris dans tous les domaines de la loi.
Dans ces conditions, comment expliquer qu’aujourd’hui on veuille nous priver de député et nous mettre sous la tutelle de Saint-Martin ? Une telle décision condamnerait tout simplement notre île à l’échec, alors qu’elle se veut un modèle pour l’outre-mer et pour la France.
Aujourd’hui, le statut de Saint-Barthélemy dans la République est tel que seul un électeur résident de l’île et parfaitement conscient des réalités économiques, sociales et culturelles, des choix politiques et du modèle de développement mis en place peut sérieusement les expliquer et les défendre.
J’ajoute enfin que, sans cette représentation, mon action personnelle au Sénat perdrait plus de la moitié de son efficacité – il ne me semble pas nécessaire de vous faire de dessin.
Mes chers collègues, dans l’outre-mer français, notre collectivité et sa population sont singulières à bien des égards, et c’est à ce titre qu’elle demande à être représentée à l’Assemblée nationale par un député issu de son corps électoral.
Cette affirmation est aussi valable pour chacune des autres îles. C’est, pour nous îliens, une telle évidence que nous nous interrogeons : pourquoi, à l’échelon national, se fait-on parfois un malin plaisir à ne pas vouloir le reconnaître ? Nous pensons y avoir droit, et nous sommes convaincus que cette représentation nous est indispensable pour réussir le projet de société que nous avons mis en place, en accord avec le Gouvernement et avec le Parlement.
Le revirement de situation d’aujourd’hui est totalement incohérent et pour le moins inexplicable.
Nous n’avons jamais cherché à prendre le siège de qui que ce soit à l’Assemblée nationale : nous avons demandé qu’il en soit créé un. Nous ne cherchons pas davantage à offrir un poste « à un copain ». À Saint-Barthélemy, nous, les élus, ne sommes pas considérés comme des hommes ou des femmes politiques, nous ne sommes pas des professionnels de la politique : nous consacrons une partie de notre vie au service de notre collectivité, avant que d’autres ne prennent le relai.
En nous battant pour ce siège, nous voulons simplement donner à Saint-Barthélemy les moyens de réussir son projet d’avenir.
Ce n’est pas faire injure à l’Assemblée nationale que de vous demander, mes chers collègues, d’appliquer ici le principe selon lequel toute collectivité de la République est représentée par au moins un député, principe voulu par le Gouvernement et conforme aux objectifs du Président de la République. Je ne comprendrais pas que vous puissiez vous opposer à cette demande !
Aujourd’hui, je ne sais plus à qui me confier. J’ai expliqué, et j’ai le sentiment de n’avoir été ni écouté ni entendu : les enjeux politiques de ce découpage électoral sont trop importants pour qu’une petite collectivité de 8 450 Français vienne perturber les calculs à l’échelle nationale…
Monsieur le secrétaire d’État, si je me fie aux déclarations publiques des différents ministres, je ne devrais pas avoir à douter du Gouvernement. Le secrétaire d’État chargé de l’outre-mer, M. Yves Jégo, intervenant dans la presse sur cette question, n’a cessé de confirmer que les collectivités de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin auraient chacune un député : « Le Gouvernement ne change pas sa position, la Constitution est claire, il y aura un député pour Saint-Martin et un député pour Saint-Barthélemy car tout simplement c’est constitutionnel. » Il poursuivait : « Saint-Barth et Saint-Martin, c’est la position du Gouvernement et la Constitution de la France, auront un député et un sénateur, le Gouvernement restera sur la position constitutionnelle et on ne peut que respecter la Constitution, il n’y a pas d’interrogation dans cette approche. » Il l’a encore confirmé il y a une semaine à cette tribune même.
Mme le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales, auditionnée par la commission des lois de l’Assemblée nationale, et répondant à une question du député Didier Quentin – que je tiens ici à remercier publiquement de la fidélité de son engagement – a indiqué : « La loi organique du 21 février 2007 a créé un siège de député pour chacune de ces collectivités. J’écoute toujours votre commission avec respect et attention mais je suis très attachée à ce que l’État tienne ses engagements et je note que le traitement de Saint-Pierre-et-Miquelon ne donne pas lieu à contestation. »
La presse a également publié une déclaration du Premier ministre, M. François Fillon, qui, devant les députés UMP, indiquait que Saint-Barthélemy et Saint-Martin auraient chacun un député : « La Constitution ne permet pas autre chose. »
À travers vous, monsieur le secrétaire d’État, c’est donc à l’ensemble du Gouvernement que je m’adresse et que je demande de me donner de bonnes raisons de croire en la parole du Gouvernement.
Je sais que ces projets de loi doivent être votés conformes par notre assemblée : je respecte la tradition républicaine d’indépendance des deux assemblées, à laquelle j’adhère.
Vous verrez, mon cher collègue, quel sera mon choix au moment du vote final !
J’ai néanmoins déposé deux amendements visant à garantir un siège de député pour Saint-Barthélemy. Vous l’aurez compris, monsieur le secrétaire d’État, seul un engagement fort et ferme du Gouvernement pourrait m’inciter à retirer ces amendements.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je souhaiterais consacrer mon intervention à l’examen des dispositions qui concernent plus particulièrement la représentation à l’Assemblée nationale des 2, 5 millions de Français établis hors de France. Mes propos viendront en quelque sorte compléter les positions précédemment défendues par notre collègue Bernard Frimat sur le projet de loi organique.
Je ne me sens pas très concerné, ni très convaincu par l’argument qui voudrait que le Sénat ne puisse pas débattre de ce type de questions.
Non seulement parce que je ne voudrais pas être coincé, comme cela a été dit tout à l’heure, mais aussi parce qu’il me semble que nous avons une certaine connaissance des questions relatives aux Français de l’étranger et qu’il serait paradoxal que nous n’apportions pas cette expérience pour élaborer la meilleure loi possible sur l’élection de leurs députés.
Bien sûr, il ne s’agit pas d’entrer dans les détails du découpage des circonscriptions. Mais je crois que nous avons une contribution à offrir sur le plan des principes, des idées et de l’expérience. Preuve en est que nombre de nos collègues sénateurs représentant les Français établis hors de France sont présents, aujourd’hui, dans l’hémicycle.
Les articles 2 et 3 du projet de loi relatif à la commission prévue à l’article 25 de la Constitution et à l’élection des députés constituent la seconde étape de la mise en œuvre du principe énoncé à l’article 24 de la Constitution.
Je souhaiterais d’abord rappeler – ce n’est pas inutile au vu des débats qui ont eu lieu à l’Assemblée nationale – que l’élection des députés représentant les Français établis hors de France n’est ni un gadget ni une lubie. Elle ne répond pas non plus aux intérêts d’un quelconque lobby. Il s’agit au contraire de parfaire notre démocratie en comblant le déficit de représentation parlementaire dont cette population pâtit, population qui représente pourtant, avec 863 000 inscrits, l’équivalent du dix-huitième département français en nombre d’inscrits sur les listes électorales.
Jusqu’à présent, nous étions en quelque sorte des semi-citoyens, ne bénéficiant que d’une demi-représentation parlementaire. Depuis de nombreuses années, sur les bancs de l’opposition comme sur les bancs de la majorité, nous militions tous pour parfaire cette citoyenneté.
Le 17 juin dernier, lors de l’examen en première lecture du projet de loi constitutionnelle, j’ai averti le Gouvernement des risques de dévoiement de cette nouvelle disposition constitutionnelle. Mes craintes portaient notamment sur le nombre de députés, le mode de scrutin retenu et le choix du découpage électoral.
Malheureusement, à la lecture du projet de loi ordinaire, je constate que je n’ai pas été entendu. Vous n’avez pas non plus tenu compte, monsieur le secrétaire d’État, des observations et des critiques formulées par mes collègues de la majorité et de l’opposition réunis, unanimes, et par les conseillers élus à l’Assemblée des Français de l’étranger, puisque ces derniers ont pris position, à plusieurs reprises, sur ces questions.
Le projet de loi nous propose d’autoriser le Gouvernement à légiférer par voie d’ordonnance pour fixer le nombre de députés et délimiter les circonscriptions dans lesquelles ces parlementaires seront élus. Il propose également de rendre applicable à l’élection des députés représentant les Français établis hors de France le scrutin uninominal majoritaire à deux tours.
Vous comprendrez que nous soyons rétifs à cette démarche qui permet au Gouvernement de dessaisir le Parlement de son pouvoir de légiférer. Comme d’autres, je pense qu’il eût mieux valu commencer par créer la commission dite indépendante afin que celle-ci puisse donner son avis sur la demande d’habilitation concernant la fixation du nombre de députés et le découpage électoral.
Vous justifiez le calendrier et la séquence retenue en invoquant les données statistiques qui ne seront pas arrêtées avant le début de l’année prochaine. J’estime que nous pouvions parfaitement attendre un peu, les prochaines élections législatives étant normalement prévues en 2012, ou bien limiter l’habilitation.
Par ailleurs, le paragraphe I de l’article 2 propose d’autoriser le Gouvernement à fixer par voie d’ordonnance le nombre des députés représentant les Français établis hors de France. Ces dispositions sont en contradiction avec les engagements qui ont été pris. Ainsi, le 20 juin dernier, lors de l’examen au Sénat du projet de loi constitutionnelle, M. Roger Karoutchi a affirmé : « Nous envisageons la création d’une douzaine de sièges de député représentant les Français de l’étranger. II appartiendra, bien sûr, au législateur organique de fixer précisément le nombre de ces sièges. »
Plus grave encore, ces dispositions sont contraires à l’article 25 de la Constitution, qui dispose qu’une loi organique fixe le nombre des membres de chaque assemblée. Selon l’interprétation que nous en faisons, cet article s’applique également à la fixation du nombre de députés représentant les Français de l’étranger.
Je tiens, d’ailleurs, à citer un extrait de la page 17 de l’excellent rapport de notre collègue Gélard : « De là, en principe, le nombre de ces députés – il s’agissait des députés représentants les Français de l’étranger – doit être fixé par une loi organique, la répartition des sièges étant prévue par une loi ordinaire. »
Mais nous devons voter conforme, et probablement pas pour les raisons qui nous ont été données !
La demande d’habilitation, elle-même, n’est pas très claire non plus. Elle ne précise pas le mode de calcul de la base démographique permettant de déterminer le nombre de députés représentant les Français de l’étranger. Nous sommes donc hésitants – je dirai même opposés – à vous autoriser à légiférer par voie d’ordonnance, en nous contentant de vagues principes généraux et de simples déclarations.
La population des Français établis hors de France représente plus de 2 millions de personnes. Même si, en l’absence de véritable recensement, ce nombre est difficile à préciser, on avance tout de même un chiffre de 2, 4 millions ou 2, 5 millions de personnes. Ces Français devraient être représentés par autant de députés que les Français qui résident à Paris, par exemple, puisque les populations sont équivalentes.
C’est bien ce que le Comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Ve République, présidé par Édouard Balladur, avait admis en affirmant que la modification de la représentation parlementaire supposerait « l’élection d’une vingtaine de députés au moins ». Il en avait d’ailleurs tiré la conclusion qu’il ne fallait pas instaurer de députés représentant les Français de l’étranger.
Or, nous comprenons qu’il est envisagé de limiter le nombre de ces députés à 8 ou 9. Pour aboutir à un tel résultat, vous proposez de minorer le nombre de Français inscrits au registre mondial des Français établis hors de France du nombre de personnes restant inscrites sur des listes électorales en France, notamment pour les élections législatives. Cela reviendrait à retirer ces électeurs de la population inscrite sur les listes électorales consulaires, au motif que, étant inscrits sur des listes électorales en France, ils votent plutôt en France.
Pour moi, il s’agit d’un artifice permettant de diminuer la base démographique et d’atteindre un niveau de 8 ou 9 sièges. En effet, les Français qui sont inscrits sur une liste électorale en France – j’en ai fait partie – ont avant tout opté pour ce système car ils n’avaient pas la possibilité de voter à l’étranger à l’occasion des élections législatives.
Si, à l’avenir, cette possibilité leur est offerte, ils voteront à l’étranger. D’ailleurs, je ne me serais pas opposé à obliger tous les électeurs inscrits sur des listes électorales consulaires à voter à l’étranger pour les élections législatives.
Toutefois, certains d’entre nous gardent aussi un intérêt pour la vie locale de leur commune de naissance ou de la commune dans laquelle ils ont une maison. Ils souhaitent donc pouvoir participer aux élections communales, et une inscription sur les listes électorales de Vouvray, par exemple, pour ces élections n’implique pas qu’on doive être rayé de la liste électorale des Français de l’étranger.
Je pense donc que cet argument n’est pas valable. Vous avez cherché – vous en aviez sans doute besoin – un raisonnement qui permettait de minorer la base représentative, mais vous comprendrez que nous soyons opposés à cette démarche.
Par ailleurs, monsieur le secrétaire d’État, vous avez déclaré à l’Assemblée nationale que le critère du nombre de Français immatriculés à l’étranger ne pouvait être retenu car « les mineurs et les personnes privées de droits civiques y figurent également ». Concernant ces dernières, eu égard à la qualité des Français de l’étranger que nous représentons, j’ose espérer qu’elles ne sont pas très nombreuses.
Quant au problème des mineurs, il se pose également en France métropolitaine et vous n’en tenez pas compte, monsieur le secrétaire d’État. Vous semblez donc appliquer deux poids, deux mesures.
Vous affirmez que le code électoral offre aux Français de l’étranger de nombreuses possibilités pour s’inscrire sur les listes électorales d’une commune française. C’est vrai, grâce aux mesures prises par le Sénat, il y a quelques années. Et vous avez déclaré qu’en choisissant l’une de ces options, – je vous cite – « nos compatriotes ne manifestent pas vraiment une volonté d’établissement durable hors de France ». Comme je l’ai indiqué, nous nous inscrivions sur ces listes électorales car, précisément, nous n’avions pas d’autres choix.
En tout état de cause, je ne pense pas qu’il soit légitime de minorer le nombre officiel de Français de l’étranger car, au final, il en résultera qu’une population de 2, 5 millions de personnes sera représentée par 8 ou 9 députés. Cela pose tout de même un problème en termes de poids représentatif.
Pour ce qui est du mode de scrutin, vous avez fait le choix, choix que vous assumez, monsieur le secrétaire d’État, du scrutin uninominal majoritaire à deux tours. Vous refusez que les députés représentant les Français de l’étranger soient élus selon un mode de scrutin différent de celui auquel sont soumis les autres députés. Une telle situation serait, d’après vous, « susceptible de dévaloriser ces nouveaux députés par rapport à leurs collègues de métropole et d’outre-mer ». Cet argument me paraît difficile à accepter.
Comme vous le savez, plus de la moitié de notre assemblée est désormais élue à la représentation proportionnelle. Or je n’ai jamais eu le sentiment que ceux d’entre nous qui ont été élus selon ce mode de scrutin pèsent moins que les autres.
L’argument de la proximité du député vis-à-vis de la population qui l’a élu n’est pas non plus pertinent. Vous imaginez bien que le député qui représentera les 40 ou 45 pays qui composent l’Afrique ne pourra faire valoir qu’une proximité relative entre Johannesburg et Alger, par exemple. Il en ira de même pour celui qui représentera l’Océanie et le Pacifique, de Tokyo aux Îles Tuvalu.
Je rappelle, d’ailleurs, que le Comité Balladur – qui était plein de sagesse – affirmait que l’élection des députés des Français de l’étranger à l’Assemblée nationale « ne pourrait se concevoir que par le biais d’un scrutin de liste, appliqué à de vastes circonscriptions regroupant plusieurs régions du monde. »
C’est une idée que nous avons défendue et que nous continuons à défendre, en dehors de l’idée selon laquelle c’était un moyen d’instiller une dose de représentation proportionnelle dans notre système de représentation politique.
Je comprends votre hostilité envers cet aspect politique des choses, mais l’Assemblée des Français de l’étranger et mes collègues ont attiré votre attention sur la difficulté d’organiser un scrutin majoritaire à deux tours dans huit ou neuf circonscriptions.
Imaginez la situation à l’issue du premier tour, le dimanche soir, dans la circonscription de l’Afrique, par exemple. Le candidat sera à Bangui – c’est un peu le centre du continent – et il devra prendre un certain nombre de décisions : désistement ou maintien, soutien ou non, et à qui ? Les électeurs devront ensuite être informés de ces décisions ; ce sera très difficile, même s’il est prévu quinze jours entre les deux tours.
Il y a donc un problème matériel grave, en dehors même de la question des découpages. Vous allez créer une véritable bombe à retardement qui risque d’engendrer un nombre de contentieux tout à fait considérable, ce que nous ne souhaitons pas.
J’en viens au découpage des circonscriptions.
Les critères évoqués sur la démographie ou la continuité des circonscriptions sont tout à fait respectables, mais nous sommes réticents à l’introduction de la clause d’exception. On peut la comprendre sur le principe, mais nous craignons qu’elle ne permette des découpages qui pourraient poser des problèmes et il sera très difficile de parvenir à un système convenable.
Monsieur le secrétaire d’État, nous pensons bien que vous chercherez naturellement à instaurer un découpage assurant une représentation juste et que nous n’aurons pas un député de gauche pour huit députés de droite.
Mais la tentation peut être grande : selon que vous rattachez Israël aux pays du Maghreb ou à ceux du Moyen-Orient, la circonscription peut basculer.
Quant à l’Allemagne, vous pouvez peut-être la découper selon la règle du « brie »…
Nous éprouvons donc quelques craintes, à moins que la commission indépendante ne fasse son travail de façon efficace, ce dont je ne suis pas persuadé.
Pour conclure, je répète que le bon mode de scrutin, c’est le scrutin proportionnel dans deux circonscriptions : une pour l’Europe et une pour le reste du monde.
Pour toutes ces raisons, bien évidemment, nous ne voterons pas ces projets de loi.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, s’il est une chose dont nous pouvons tous être fiers, c’est que la représentation politique de nos compatriotes de l’étranger soit une préoccupation constante de la République française, et ce depuis 1789 avec les dix-sept députés d’outre-mer siégeant aux États Généraux.
En effet, nos expatriés constituent une composante à part entière de la nation et cette réalité a trouvé sa traduction par la création en 1946 des conseillers de la République représentant les Français de l’extérieur, futurs sénateurs représentant les Français établis hors de France et, en 1948, par la création du Conseil supérieur des Français de l’étranger, qui deviendra en 2004 l’Assemblée des Français de l’étranger.
Ainsi, il ne manquait plus à la collectivité des Français de l’étranger que sa représentation à l’Assemblée nationale. C’est la réforme constitutionnelle du 21 juillet dernier qui vient compléter ce dispositif en prévoyant l’élection, à compter de 2012, de députés des Français de l’étranger. En cela, je ne peux que me réjouir de la concrétisation de la promesse faite par le Président de la République, qui répond à une grande attente de nos compatriotes de l’étranger.
Même si nos usages républicains veulent que les sénateurs ne se mêlent pas de la vie des députés quant à leur régime électoral ou leur mode de fonctionnement interne, et vice versa, pour autant, ce texte intéresse au plus haut point – vous le comprendrez aisément – le représentant des Français établis hors de France que je suis.
Lors des débats à l’Assemblée nationale, tout et son contraire a été dit sur ce sujet. Pour ma part, monsieur le secrétaire d’État, je souhaiterais simplement vous faire part de quelques réflexions concernant le nombre de sièges proposé et le mode de scrutin retenu, puis évoquer quelques considérations pour l’avenir.
Tout d’abord, à propos du nombre de sièges, je serais heureux, monsieur le secrétaire d’État, que vous m’expliquiez pourquoi vous souhaitez retrancher du nombre des Français de l’étranger, qui était de 1 403 580 le 1er juillet 2008, ceux qui sont inscrits dans des communes en France pour les élections législatives, alors que ce sont aujourd’hui les seuls qui ont clairement fait le choix de continuer à participer à toute la vie politique de la nation.
Ne serait-il pas plus honnête de retrancher de ce nombre les seuls Français de l’étranger exerçant en France leur droit de vote pour l’élection du Président de la République ? Je serais heureux de connaître votre position sur ce point.
Je ne souhaite pas me livrer à un énième calcul, dont le résultat situerait plutôt à douze qu’à huit le nombre de sièges de députés qu’il faudrait créer, mais je tiens à dire que nous sommes très nombreux à considérer que le nombre minimum en dessous duquel le découpage deviendrait quasi-impossible est de neuf sièges.
En effet, outre les quatre sièges pour l’Europe, ce nombre permettrait de créer deux sièges pour l’Amérique, deux pour l’Afrique et le Moyen-Orient et, enfin, un pour l’Asie et l’Océanie. Sur ce point aussi, je souhaiterais connaître votre position.
J’en viens au mode de scrutin.
Le projet de loi prévoit que les députés représentant les Français de l’étranger seront élus, comme tous les autres, au scrutin uninominal majoritaire, soit.
Cela étant, je souhaiterais, monsieur le secrétaire d’État, que vous preniez trois engagements devant la Haute Assemblée concernant le mode de scrutin.
Le premier a trait au nécessaire espacement entre les deux tours, qui devrait être au minimum de deux semaines.
Le deuxième serait de dégager les moyens nécessaires à l’information des électeurs par le biais de TV5, France 24 et RFI, sur le plan tant de l’information civique que de la propagande électorale. Cette information permettrait à nos compatriotes d’être réellement impliqués dans une campagne électorale qui se déroulera au sein de circonscriptions dont la superficie représente parfois entre cinquante et deux cents fois celle de la France.
Le troisième engagement serait d’élargir le mode de scrutin au vote par correspondance par la voie postale ou électronique. Rapprocher l’urne de l’électeur n’est pas un vain mot pour les Français de l’étranger. Le vote par internet fonctionne déjà pour les élections à l’Assemblée des Français de l’étranger, il doit être possible de l’étendre aux législatives les concernant.
Enfin, je souhaiterais formuler quelques considérations pour l’avenir.
Tout d’abord, il faudra nécessairement revoir les règles de financement des campagnes électorales, puisque la règle actuelle retient le seul nombre des électeurs de la circonscription comme base de calcul. Des critères objectifs devront être définis pour tenir compte de la taille, des distances et des coûts de déplacement et d’acheminement des documents, par exemple. Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous d’ores et déjà, nous apporter quelques informations sur ce sujet ?
Par ailleurs, quels critères prévaudront pour les futurs chefs-lieux de circonscriptions ? Ceux-ci seront lourds de significations et de conséquences politiques. Pour le député d’Afrique subsaharienne, par exemple, quelle capitale africaine sera désignée et sur quels critères autres que le nombre de Français y résidant vous appuierez-vous ?
Pour conclure, je me ferai l’interprète de nombre de mes collègues ainsi que des élus de l’Assemblée des Français de l’étranger pour vous dire que cette création des députés des Français de l’étranger nous laisse un peu sur notre faim...
Nous comptons beaucoup sur vous, monsieur le secrétaire d’État, d’une part, pour nous rassurer et, d’autre part, pour donner aux Français de l’étranger la garantie qu’ils auront des députés en mesure d’exercer leur mandat.
Sous ces quelques réserves, je voterai les projets de loi qui nous sont soumis.
Bravo ! et applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je souhaiterais focaliser mon intervention sur un point précis du projet de loi relatif à l’application de l’article 25 de la Constitution aujourd’hui soumis à notre examen. Il s’agit de l’article 2, qui prévoit qu’un député nommé membre du Gouvernement est remplacé par son suppléant durant la durée de ses fonctions ministérielles et qu’il pourra désormais retrouver automatiquement son siège dès qu’il quittera le Gouvernement.
Ainsi, le dispositif prévu à l’article 2 permet au titulaire de conserver sa « légitimité électorale » pendant toute la durée de sa fonction ministérielle et de retrouver son siège.
J’évoquerai maintenant le cas des suppléants, qui a été abordé également par M. le rapporteur. En effet, il arrive souvent que le suppléant soit également maire et conseiller général. Le jour où il sera appelé à devenir député titulaire, il ne le sera plus qu’à titre provisoire et non à titre définitif. Dans ces conditions, il y a un double risque : d’une part, de voir un suppléant refuser d’occuper la fonction de député titulaire pour ne pas perdre une de ses fonctions locales importantes et, d’autre part, que le candidat titulaire qui chercherait dans sa circonscription un suppléant à l’ancrage local fort n’en trouve pas.
Nous devons donc poursuivre notre réflexion sur ce sujet. Il serait opportun, soit de prévoir une dérogation à la règle du cumul pendant la durée du remplacement, puisque le mandat pourrait désormais être qualifié de « temporaire », soit, ce qui est difficile aussi j’en conviens, de faire bénéficier les suppléants de la même disposition « en cascade » de retour automatique dans l’assemblée d’origine que celle qui protège les députés titulaires.
Il me semble en effet difficile qu’un suppléant devenu titulaire perde un mandat pour un remplacement à la durée « hypothétique ». Une telle incertitude risque de dissuader les intéressés et cela peut provoquer des difficultés.
Monsieur le secrétaire d’État, il serait intéressant que vous nous fassiez part de votre conception sur ce sujet, ne serait-ce que pour éclairer le choix des élus concernés. Je vous remercie par avance des réponses que vous nous apporterez.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, ce projet de loi a pour objet de déterminer les modalités d’application des nouvelles dispositions de l’article 25 de la Constitution, qui renvoie à une loi organique le soin de fixer le nombre de députés ou de sénateurs.
À cet égard, ce projet de loi prévoit un certain nombre de règles, à savoir : les opérations doivent être conduites sur des bases essentiellement démographiques ; un minimum de deux sièges par département et d’un siège par collectivité d’outre-mer doit être accordé ; la délimitation des circonscriptions doit respecter les limites administratives ; aucune circonscription ne doit avoir un écart démographique supérieur à 20 % par rapport à la population moyenne des circonscriptions du département ou de la collectivité d’outre-mer.
Alors que le Gouvernement avait projeté la création d’une deuxième circonscription à Mayotte, la commission des lois constitutionnelles de l’Assemblée nationale, sur intervention de M. René Dosière, a fermé cette voie.
Or, il est une règle traditionnellement admise selon laquelle chaque département doit être représenté par au moins deux députés. Je rappelle que, lors de la modification de la répartition du nombre de sénateurs en 2002, le Sénat a tenu compte uniquement des critères démographiques …
Il serait donc paradoxal que la représentation législative demeure inférieure à la représentation sénatoriale.
Monsieur le secrétaire d'État, vous savez que les arguments avancés pour fermer la porte à la création d’une deuxième circonscription législative à Mayotte sont, de mon point de vue, fallacieux et contraires à la Constitution, dans la mesure où cette dernière retient comme critère non point le nombre d’électeurs ou d’étrangers en situation irrégulière, mais le chiffre de la population, qui s’établissait à Mayotte à 186 452 habitants, au 31 juillet 2007.
S’il faut déroger au critère démographique applicable sur le territoire national, il faut le faire partout en métropole et outre-mer !
Sur ce point, je rejoins l’avis de notre collègue Jean-Jacques Hyest, qui a émis des réserves sur une application large et différenciée de l’amendement de M. René Dosière selon les départements et les collectivités d’outre-mer. La répartition des sièges de députés doit être fondée soit sur la population, soit sur le nombre d’électeurs inscrits. Si l’on choisit de se référer à la population, on ne peut envisager une modulation spécifique à certaines parties du territoire.
Par ailleurs, si l’on ne tient pas compte de la jeunesse de la population – 71 % de la population de Mayotte a moins de trente ans – et des difficultés que rencontrent certains de nos concitoyens pour s’inscrire sur les listes électorales en raison du retard apporté à la révision de l’état civil, on peut tout faire dire au texte, même des contrevérités pour ce qui concerne Mayotte.
Mes chers collègues, vous le savez, l’argumentaire de M. Dosière n’est pas valable au regard de notre belle Constitution ; d’ailleurs, notre cher collègue Bernard Frimat a souligné, en commission, l’impertinence de cet amendement.
Monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, comme vous l’avez dit, les débats et les éclairages de la Haute Assemblée seront essentiels pour les futures décisions du Conseil constitutionnel sur cette réforme. C’est pourquoi je vous demande de réparer cette injustice et d’ouvrir la possibilité de créer une deuxième circonscription législative à Mayotte.
Dès lors que le nombre de députés est fixé par la Constitution, je comprends évidemment les difficultés que pose un redécoupage des circonscriptions. Toutefois, au nom de la population de Mayotte, je vous dis que nous ne saurions servir de variable d’ajustement.
Sous ces réserves, je voterai votre projet de loi organique, monsieur le secrétaire d'État.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Monsieur le secrétaire d'État, réjouissons-nous de la tenue de ce débat, qui, dans le prolongement de la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008, modifiera certaines dispositions de la Constitution pour assurer une meilleure représentativité des Français au Parlement.
Avec ce projet de loi organique, il s’agit bien de renforcer la représentativité, tant réclamée, et ce depuis longtemps, de nos concitoyens établis hors de France : 63, 8 millions de Français vivent à l’intérieur de nos frontières, et sont représentés par 577 députés et 331 sénateurs, alors que 2, 5 millions de Français établis hors de France pour des raisons tout à fait légitimes ne sont représentés que par 12 sénateurs.
Je tiens à remercier le Gouvernement d’engager ce débat, qui permettra aux Français de l’étranger d’être enfin représentés au Parlement dans son intégralité, et ce au nom du respect d’un bicaméralisme républicain, pierre angulaire de notre système politique.
Je me permets de rappeler que les sénateurs représentant les Français établis hors de France n’étaient que 6 avant la loi organique du 17 juin 1983.
Compte tenu de cette réalité, de la longue expérience et de la sagesse de notre assemblée, le chiffre de 12 sénateurs est raisonnable. Il a fait ses preuves, et on devrait s’en inspirer pour la représentation de nos compatriotes de l’étranger à l’Assemblée nationale. Ainsi, les 12 sénateurs représentant les Français établis hors de France que nous sommes ont bien conscience de représenter ici la totalité de la population des Français expatriés.
Dès lors, pourquoi ne pas tout simplement transposer à l’Assemblée nationale cette règle qui fonctionne bien au Sénat ? Un équilibre entre les deux chambres serait ainsi respecté, comme est respecté le mode de scrutin majoritaire à deux tours, que le Gouvernement entend conserver pour ne pas opposer deux catégories de députés. Si le Gouvernement souhaite respecter une stricte égalité entre les députés au regard du mode de scrutin majoritaire, pourquoi ne pas respecter un même ordre de grandeur entre ces nouveaux députés et les sénateurs des Français de l’étranger ?
En ce qui concerne le critère démographique, le projet de loi organique prévoit de fixer le nombre de nouveaux députés en fonction du nombre de nos compatriotes inscrits sur les listes électorales consulaires. C’est un point de vue que je ne partage pas complètement, car l’immatriculation sur les listes consulaires n’est pas obligatoire.
En l’état actuel de la législation, l’incitation à s’inscrire sur les listes consulaires n’est pas assez forte en dépit des campagnes de communication du ministère des affaires étrangères et européennes, du travail de l’Assemblée des Français de l’étranger, de la présence sur le terrain des 153 conseillers élus et du travail parlementaire des 12 sénateurs représentant les Français établis hors de France.
Monsieur le secrétaire d'État, si l’on se réfère à votre base de calcul établie à partir de la seule prise en compte des Français immatriculés à l’étranger, au nombre de 1, 4 million au 1er juillet 2008, nous devrions élire 11 ou 12 députés. Or vous proposez de revoir ce chiffre à la baisse pour tenir compte du nombre de personnes inscrites en France et de ne prévoir l’élection que de 8 ou 9 députés ; ce n’est guère acceptable.
Je suis opposé à cette proposition, car cette évaluation ne correspond pas à la réalité du terrain. Nous le savons bien, ici même, comme au sein de notre administration consulaire, le chiffre de 1, 4 million ne reflète pas la réalité, puisqu’il y a vraisemblablement 2, 5 millions de Français vivant à l’étranger. D’ailleurs, le chiffre corrigé par les consulats est précisément de 2, 5 millions de Français environ.
De plus, compte tenu de ce qui a été constaté depuis une dizaine d’années, ce chiffre tend régulièrement à s’accroître. L’absence d’une représentation à l’Assemblée nationale des Français de l’étranger contribue, il est vrai, au manque d’intérêt que nos compatriotes portent aux élections législatives. Nos compatriotes qui restent inscrits en France n’avaient pas jusqu’à présent la possibilité de voter de l’étranger aux législatives, leurs députés n’existant pas ! Une telle situation ne traduit pas, monsieur le secrétaire d'État, comme vous l’avez dit devant l’Assemblée nationale, le 19 novembre dernier, l’absence de manifestation d’« une volonté d’établissement durable hors de France ».
Je salue l’intention du Gouvernement d’attribuer automatiquement un siège supplémentaire par tranche de population – un député de plus pour 125 000 habitants supplémentaires. Si l’on applique le même calcul aux Français établis hors de France, on arrive à 20 députés. Nous n’en demandons pas tant !
Toujours le 19 novembre dernier, vous avez employé le terme de « population » en parlant de l’intention du Gouvernement de conserver « l’attribution automatique d’un siège supplémentaire par tranche de population ». Vous avez d’ailleurs précisé : « J’ai bien dit “population”, et non pas “électeurs inscrits”, parce que chaque député représente la nation, les adultes comme les mineurs. »
Ce n’est pas, semble-t-il, le dispositif que vous voulez appliquer pour les Français de l’étranger !
On peut aussi s’interroger sur la correction qu’il conviendra d’apporter pour les élections législatives lorsque le nombre de Français inscrits en France diminuera au bénéfice du nombre d’inscrits à l’étranger. Qu’adviendra-t-il lorsque, comme cela est prévisible, nos compatriotes, dont le nombre ne cesse d’augmenter, voteront plus massivement de l’étranger pour ces nouveaux députés ?
Aujourd’hui, le temps semble venu de mettre fin à une certaine hypocrisie pour regarder la réalité en face et tenir compte d’une situation de fait qu’on ne peut plus occulter.
Pour finir, je souhaiterais m’exprimer sur les modalités de vote.
Bien que conscient de la nécessité urgente de trouver des moyens d’améliorer les conditions de vote de nos compatriotes, je reste très réservé sur le vote électronique. Plus que tout autre procédé, ce vote est sujet aux fraudes, ce qui ne saurait être satisfaisant pour des élections aussi importantes et symboliques que les élections législatives.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale commune est close.
La parole est à M. le secrétaire d'État.
À l’issue de la discussion générale, je répondrai point par point aux questions précises qui m’ont été posées par l’ensemble des intervenants.
Madame Mathon-Poinat, vous affirmez que la création de la commission de contrôle est une basse manœuvre. Je me permets de vous rappeler qu’aucune instance n’existait auparavant. Une commission de sages, composée de magistrats, avait été créée en 1986 pour contrôler le découpage des circonscriptions, mais elle était circonstancielle puisqu’elle n’a vécu que trois mois. De plus, son avis était facultatif.
À la suite de la réforme constitutionnelle du 23 juillet dernier, cette commission de contrôle est devenue pérenne puisqu’elle est inscrite dans la Constitution. Elle jouera un rôle considérable dans le contrôle du découpage des circonscriptions pour l’élection des députés ou modifiant la répartition des sièges de députés ou de sénateurs.
Elle sera composée pour moitié des plus hauts magistrats français représentant les plus hautes juridictions de notre République, à savoir le Conseil d’État, la Cour de cassation et la Cour des comptes, dont la désignation se fera en assemblée générale. Ce serait faire injure aux représentants des plus hauts corps de l’État que de considérer qu’ils ne sont pas indépendants ! De plus, la nomination des trois autres membres pourra être soumise au droit de veto exercé par les parlementaires de chacune des deux assemblées, ce qui est sans précédent.
De ce fait, je peux dire à tous ceux qui ont évoqué cette commission qu’il s’agit là, comme M. Fauchon l’a affirmé, d’une grande avancée démocratique dans notre pays. Il me semble, madame la sénatrice, que cette commission présente toutes les garanties.
Je rappelle que le conseil des ministres a adopté hier un deuxième projet de loi organique d’application de la réforme constitutionnelle concernant plus spécifiquement le rôle du Parlement. D’ici au 1er mars 2009, date d’entrée en vigueur de la réforme, d’autres projets de loi seront présentés.
Enfin, madame la sénatrice, vous avez évoqué un manque de transparence dans le découpage des circonscriptions. Je ne puis pas vous laisser dire cela !
En effet, nous avons eu de très longs débats tant à l'Assemblée nationale qu’au Sénat. Par ailleurs, j’ai reçu personnellement, au ministère de l’intérieur, l’ensemble des députés de la majorité et de l’opposition qui en ont fait la demande, Mme la secrétaire nationale de votre formation politique, Mme Marie-George Buffet, ainsi que le président de votre groupe parlementaire à l'Assemblée nationale. Durant des dizaines d’heures, j’ai expliqué aux députés de l’opposition la méthodologie retenue par le Gouvernement, qui a d’ailleurs été validée par le Conseil d’État et le Conseil constitutionnel à différentes reprises.
Le Premier ministre lui-même a reçu, pendant plus de deux heures, à l’hôtel Matignon, l’ensemble des présidents des groupes parlementaires de l'Assemblée nationale et du Sénat, ainsi que les chefs des formations politiques. La présidente de votre groupe, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, était donc invitée à Matignon, même si elle n’a pas pu s’y rendre.
Madame Catherine Troendle, au nom du groupe UMP, vous avez insisté à juste titre sur l’urgence qu’il y a à adapter la répartition des sièges de député. Vous avez eu raison de le souligner, c’est grâce au Président de la République et au Gouvernement que l’exercice difficile du redécoupage des circonscriptions va être réalisé. Voilà plus de dix ans qu’il aurait dû être entrepris, à l’issue des recensements de 1989 et de 1999. C’est parce qu’il n’a pas été réalisé que nous vivons toujours sur un découpage datant de 1986 et fondé sur le recensement de 1982. La France avait 55 millions d’habitants ; elle en compte aujourd’hui 64 millions !
La règle fondamentale qui s’applique à tous, la Constitution, la loi des lois, est donc bafouée en son article 3 depuis une bonne dizaine d’années. Il était légitime que le Conseil constitutionnel rappelle à maintes reprises la nécessité d’engager une telle réforme et procède à des injonctions répétées.
Vous avez évoqué la situation de vos quatre collègues qui, ayant remplacé depuis 2007 des sénateurs devenus membres du Gouvernement, ont dû renoncer à un mandat local pour respecter la règle limitant le cumul des mandats. C’est ce qui se produit avec le système actuel, quand l’ancien ministre demande à son remplaçant de démissionner pour récupérer le siège qu’il lui avait laissé en accédant au Gouvernement. Dans son intervention, M. Jean-Pierre Leleux a fait des suggestions intéressantes qui permettraient vraisemblablement de régler ce genre de situation. Je le dis à Mme Troendle et à M. Leleux, le Gouvernement est tout à fait ouvert à toute proposition qui pourrait émaner des assemblées, concernées au premier chef.
Monsieur Leleux, vous avez évoqué la possibilité de règles dérogatoires à propos du cumul des mandats locaux. Je le répète, le Gouvernement étudiera toutes les propositions émanant de l’Assemblée nationale et du Sénat.
Monsieur Bernard Frimat, au nom du groupe socialiste, vous vous êtes exprimé sur la révision constitutionnelle, que vous n’avez pas votée et qui n’entrera vraiment en application qu’au 1er mars prochain.
Je ne peux pas accepter les termes que vous avez employés de « parachutage parlementaire » des ministres. Monsieur Frimat, les ministres qui étaient députés ont été élus au scrutin uninominal majoritaire, au suffrage universel direct. Je ne peux donc pas laisser sous-entendre qu’ils auraient été d’une quelconque façon « parachutés ». Les parlementaires devenus ministres sont remplacés temporairement par leur député ou leur sénateur suppléant. Je tiens d’ailleurs à rendre hommage au rôle important joué par ces suppléants, tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat, mais il n’en reste pas moins que le véritable élu est le député ou le sénateur. Les suppléants sont, eux, dans une situation de « remplaçant ». On ne peut donc pas ainsi délégitimer des députés ou des sénateurs élus, à l’Assemblée nationale tous les cinq ans pour les premiers, au Sénat tous les six ans pour les seconds, pour refuser qu’ils retrouvent leur siège !
Vous vous êtes également préoccupé, monsieur le sénateur, de la situation matérielle de ces suppléants. Cela part d’un bon sentiment, ...
Sourires
... mais le décalage est grand entre leur situation et les situations sociales incomparablement plus graves qui existent dans notre pays !
Par définition – c’est le jeu de la démocratie et c’est tout son mérite –, les mandats sont aléatoires. Un député est élu pour cinq ans, un sénateur l’est pour six ans. Le suffrage universel décide ! S’il est vrai, monsieur Frimat, qu’un certain nombre de députés ou de sénateurs se retrouvent dans des situations sociales difficiles lorsqu’ils ne sont pas réélus, que dire des situations engendrées par les dissolutions ? En 1981, la moitié des députés élus en 1978, donc à mi-mandat, se sont retrouvés dans une situation de battus, avec les problèmes que cela pose !
Eh oui ! Il n’y a aucune sécurité de mandat. C’est vrai également pour les suppléants.
Cela dit, il est légitime que les assemblées gèrent les cas douloureux qui se présentent. C’est d’ailleurs ce que, à l’Assemblée nationale comme au Sénat, le bureau a l’habitude de faire. Comme par le passé, elles continueront, j’en suis certain, à gérer ces cas-là.
J’ai bien noté que vous ne remettiez pas en cause la nécessité de procéder à un redécoupage. La méthode que nous avons choisie, validée en quelque sorte par le Conseil d’État, puis par le Conseil constitutionnel, ne touche que le plus petit nombre de circonscriptions.
Ce redécoupage, opéré avec une répartition des sièges par tranche et par fraction de tranche de population, n’aura une incidence que sur une quarantaine de départements sur cent. Une dizaine de départements seront concernés par un remodelage des limites des circonscriptions existantes pour éviter que ne subsistent, au sein de ces départements, des disparités démographiques supérieures à 20 %. C’est la règle. Nous avons donc choisi d’appliquer la loi, toute la loi, mais rien que la loi.
Je remercie M. Pierre Fauchon de sa remarquable intervention, au cours de laquelle il nous a apporté son soutien et a approuvé ces deux textes. Il a eu raison de souligner la sagesse de la Haute Assemblée de ne pas vouloir interférer dans les règles de l’élection des députés. Bien entendu, la réciproque est vraie.
S’agissant de la commission indépendante, il a effectivement eu raison de parler d’avancée considérable. Cette commission est véritablement un progrès.
Il a utilisé le terme de « rétroactivité » à propos du retour des ministres. À mon sens, on ne peut en aucune façon parler de rétroactivité en la matière. Le Conseil d’État, d’ailleurs, l’a bien précisé. En l’occurrence, il s’agit d’appliquer une disposition qui a été votée lors de la réforme de la Constitution du 23 juillet dernier.
Monsieur Magras, comme je le rappelais dans mon intervention liminaire sur ces deux textes, le Gouvernement avait prévu dans le projet de loi initial un député au minimum par collectivité d’outre-mer. Vous souhaitez réintroduire cette règle, qui a été supprimée à l’Assemblée nationale par le vote d’un grand nombre de députés, de la majorité comme de l’opposition, et à laquelle le Gouvernement est a priori toujours favorable ; le secrétaire d’État chargé de l’outre-mer, M. Yves Jégo, l’a rappelé.
Les députés étaient d’autant plus enclins à procéder à une telle modification s’agissant des collectivités d’outre-mer de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin qu’ils avaient déjà écarté à deux reprises la représentation de chacune d’elles par un député : la première fois en 2007, en refusant que ces deux sièges soient pourvus dès les élections législatives suivantes, et une seconde fois lors de la révision constitutionnelle, en plafonnant les effectifs de l’Assemblée nationale à 577 et non à 579 députés.
Le Gouvernement n’a pu que prendre acte de la position ainsi exprimée très clairement par la représentation nationale. Toutefois, monsieur le sénateur, le débat est loin d’être clos.
En effet, il n’est pas exclu que le Conseil constitutionnel, qui sera certainement aussi saisi de la loi ordinaire, se prononce sur cette question. Le Gouvernement devra bien entendu en tenir compte au moment de prendre position sur la représentation de chaque collectivité d’outre-mer dans la future ordonnance.
Comme pour toutes les dispositions des futures ordonnances, la décision qui sera prise sera soumise pour avis à la commission indépendante évoquée tout à l’heure. Par conséquent, monsieur le sénateur, les règles sont loin d’être figées, dans un sens ou dans un autre. Soyez certain que le Gouvernement reste très attentif aux préoccupations que vous avez exprimées à cette tribune.
Monsieur Yung, si je résume votre propos, il faut, selon vous, combler le déficit de représentation des Français de l’étranger. C’est exactement pour cette raison que nous choisissons le scrutin majoritaire, choix qui, pour une question de fond, d’éthique, est d’ailleurs intimement lié au bon fonctionnement et à la stabilité des institutions de la Ve République.
Nous avons toujours refusé la proportionnelle. Nous savons très bien que coexistent deux modes de scrutin pour l’élection des sénateurs : le scrutin majoritaire et la représentation proportionnelle. La majorité des sénateurs est maintenant élue au scrutin proportionnel ; c’est très bien. Mais, pour l’élection des députés, le Gouvernement ne veut pas introduire la moindre dose de représentation proportionnelle. Nous constatons les « poisons » de la proportionnelle dans un certain nombre d’États européens proches de nous, voire dans certaines formations politiques. Par conséquent, nous récusons le scrutin à la proportionnelle et nous assumons ce choix politique.
Les députés des Français de l’étranger seront, comme les autres députés, élus au scrutin majoritaire à deux tours. Bien entendu, des adaptations doivent être trouvées : un laps de temps entre les deux tours supérieur à celui qui prévaut sur le territoire national doit être prévu ; les conditions de financement des campagnes électorales devront tenir compte des spécificités des élections pour les Français de l’étranger. Tous ces points feront l’objet d’une concertation entre les organisations représentatives des Français de l’étranger.
Mesdames et messieurs les sénateurs représentant les Français établis hors de France, nous engagerons la plus grande concertation sur les modalités pratiques des campagnes électorales. Mais nous maintenons le choix du scrutin majoritaire, comme pour l’élection de l’Assemblée des Français de l’étranger, dans les circonscriptions électorales existantes, qui sont au nombre d’une cinquantaine, comme vous le savez parfaitement.
Monsieur Frassa, vous qui, comme M. Yung, représentez les Français établis hors de France, vous vous êtes tout spécialement intéressé aux dispositions qui pourraient être reprises.
Vous avez eu raison de souligner combien ce projet de création de sièges de députés des Français de l’étranger répond à une préoccupation ancienne. Les dispositions qui ont fait l’objet d’un engagement du Président de la République pendant sa campagne électorale et qui trouvent maintenant une traduction concrète, auraient dû être prises depuis longtemps. Je vous rappelle en effet que la désignation de députés des Français de l’étranger faisait déjà partie des 110 propositions du président François Mitterrand en 1981, du programme législatif de Lionel Jospin en 1997 et des propositions de Mme Royal aux dernières élections présidentielles !
M. Bernard Frimat. Vous avez de bonnes lectures et je vous en félicite !
Sourires
Parfaitement, monsieur le sénateur ! J’ai de bonnes lectures lorsqu’il le faut, et j’ai également de bonnes citations !
Nous répondons ainsi à une préoccupation légitime, une aspiration normale des Français de l’étranger à être représentés dans les deux assemblées. Ce sera chose faite si ces deux textes sont adoptés.
Monsieur le sénateur, dans le calcul du nombre de ces députés, nous tiendrons bien compte du nombre de nos compatriotes qui votent en France pour l’élection du Président de la République pour minorer le nombre des personnes immatriculées dans nos consulats.
J’ai pris bonne note du fait que neuf vous paraît être un nombre minimum pour ces députés. À vrai dire, compte tenu des chiffres établis par l’INSEE pour la métropole et l’outre-mer, je ne serais pas très étonné que ce chiffre soit retenu. J’ai moi-même esquissé, mercredi dernier, en commission des lois, un découpage en neuf circonscriptions, quatre se situant en Europe et cinq hors d’Europe, ce qui ne me semble pas très éloigné de celui que vous avez évoqué.
En ce qui concerne les modalités d’élection, l’ordonnance prévue dans la loi d’habilitation fixera les adaptations nécessaires. J’ai pris bonne note de vos propositions, que j’accueille avec un a priori favorable, s’agissant notamment de l’intervalle de deux semaines entre les deux tours de scrutin.
Cette demande a été formulée par l’ensemble des sénateurs représentants les Français établis hors de France.
Vous avez également évoqué, monsieur Frassa, le recours aux médias les plus appropriés pour assurer l’information des électeurs – vous avez cité à juste titre TV5, France 24 et RFI – et le recours au vote par correspondance et au vote électronique. Le Gouvernement est favorable à ces propositions.
J’ai bien noté que certains d’entre vous sont opposés au vote électronique. Je vous rappelle, mesdames, messieurs les sénateurs, que ce mode de votation est actuellement utilisé pour l’élection des représentants d’autres Européens de l’étranger, puisque l’Italie, le Portugal et l’Espagne y ont recours.
C’est vrai, le vote électronique a été utilisé voilà quelques jours pour les élections prud’homales, même si cela n’a pas été un succès en termes de participation.
Monsieur Leleux, vous vous êtes félicité de la mise en place du remplacement temporaire des parlementaires devenus ministres. Je vous remercie d’avoir abordé cette question, qui n’a pas été beaucoup évoquée ce matin.
Vous avez envisagé, comme corollaire au caractère temporaire du remplacement, une dérogation à l’interdiction du cumul des mandats. On pourrait imaginer, dans certaines hypothèses, pour le mandat de conseiller général, pour lequel est désormais prévu un suppléant ou une suppléante, et pour celui de conseiller régional élu au scrutin de liste, un système de remplacement temporaire.
Cela dit, une telle disposition, relativement compliquée, paraît difficile à mettre en place. Au nom du Gouvernement, je m’engage à ce que ces propositions soient étudiées dans le cadre de la réforme en cours des règles relatives à l’interdiction du cumul des mandats. Bien entendu, le Gouvernement est ouvert à toute proposition qui émanerait du Parlement, les assemblées étant concernées au premier chef.
Monsieur Ibrahim Ramadani, vous avez affirmé que l’amendement adopté par l’Assemblée nationale sur l’initiative de M. René Dosière « fermait la porte à la création d’un second siège de député pour la collectivité de Mayotte ».
Cela ne me paraît pas tout à fait exact, l’auteur de l’amendement et ceux qui l’ont soutenu ayant seulement voulu mettre le doigt sur un vrai problème, que j’ai d’ailleurs exposé tout à l’heure dans mon intervention liminaire. Cela dit, vous avez eu raison de le souligner, comme l’a fait M. Hyest, cette disposition, si elle est validée par le Conseil constitutionnel, devrait s’appliquer de la même façon à Mayotte et sur le reste du territoire national, sans modulation spécifique à l’une de ses parties.
Pour aider le Gouvernement et éclairer le Parlement dans les choix qu’il aura à faire pour la représentation de Mayotte, je vous propose, monsieur le sénateur, de demander à M. le Premier ministre de désigner une mission chargée d’étudier sur place les différents aspects du recensement de la population et des listes électorales à Mayotte. Je suis certain qu’une telle mission nous permettrait d’avancer grandement sur cette délicate question.
Monsieur Guerry, en tenant compte du fait qu’un nombre non négligeable de Français de l’étranger continuent à voter en France, notamment lors de l’élection du Président de la République, alors qu’ils ont pourtant la possibilité de voter dans les consulats, nous obtenons un nombre de huit ou neuf députés représentant les Français établis hors de France, ce qui nous paraît correspondre à la notion de représentation à l’Assemblée nationale aujourd’hui inscrite dans notre Constitution.
Si, à l’avenir, le nombre de nos compatriotes installés à l’étranger augmentait considérablement, il appartiendrait au législateur de corriger cette représentation. Nous allons d’ailleurs procéder à une telle correction pour les autres députés, comme l’a exigé le Conseil constitutionnel. S’il le faut, nous le ferons donc également pour les députés représentant les Français de l’étranger, en concertation étroite avec les sénateurs représentant les Français de l’étranger et les associations les plus représentatives.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Je rappelle que les commissions des finances et des lois ont proposé des candidatures pour plusieurs organismes extraparlementaires.
La présidence n’a reçu aucune opposition dans le délai d’une heure prévu par l’article 9 du règlement.
En conséquence, ces candidatures sont ratifiées.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à treize heures cinq, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.