Intervention de Josiane Mathon-Poinat

Réunion du 11 décembre 2008 à 9h30
Application de l'article 25 de la constitution et élections des députés — Suite de la discussion d'un projet de loi organique et d'un projet de loi déclarés d'urgence

Photo de Josiane Mathon-PoinatJosiane Mathon-Poinat :

Afin d’éviter un conflit d'intérêts trop évident, M. Marleix a quitté la direction nationale de l'UMP le temps de sa mission, avant de la réintégrer à nouveau fin novembre. L'hypocrisie de cette manœuvre en dit tellement sur l'opacité du redécoupage à venir qu'il n'est pas la peine, à mon sens, d'en rajouter !

Nous ne sommes pas rassurés davantage par la mise en place d'une commission de contrôle prévue par la réforme constitutionnelle. D’une part, cette commission ne disposera que d'un pouvoir purement symbolique : rien n’obligera en effet le Gouvernement à suivre l’avis rendu ! D'autre part, il y a fort à parier que cette commission ne rendra que des avis conformes aux souhaits du Gouvernement, tant sa composition même manque de neutralité. En effet, cette nouvelle institution est censée être composée de trois hauts magistrats et de trois personnalités qualifiées, nommées conjointement par le Président de la République, le président de l'Assemblée nationale et celui du Sénat, c'est-à-dire uniquement par la majorité.

S’agissant d’une question institutionnelle aussi grave que le redécoupage électoral, où sont les droits de l'opposition que le Président de la République prétendait renforcer en modifiant la Constitution ? Pourtant, lorsque nous avions évoqué cette difficulté au cours de la discussion de la réforme constitutionnelle, Mme la garde des sceaux avait tenu à nous rassurer par ces mots : cette commission « sera composée d'experts. Ce seront des démographes, des statisticiens, des juristes et des experts en droit électoral ». Nous avons beau chercher, la promesse n'est pas tenue... hormis pour M. Marleix, expert en droit électoral, de l’UMP !

Peut-on parler de neutralité politique lorsque de telles désignations relèvent de personnalités issues du même terreau politique ? Intégrer à cette commission un membre désigné par chaque groupe parlementaire serait la moindre des choses. C’est d’ailleurs l’objet de l’un de nos amendements.

Selon le projet de loi, la personne désignée par le chef de l’État présidera cette commission, et ce à l'image du futur mode de nomination du président de France télévision. Bien qu'il s'en défende, cela devient une fâcheuse tendance de notre Président de nommer, car tel est son bon plaisir, des personnes à des postes clés. Il s'arroge ainsi un contrôle accru des institutions et une concentration des pouvoirs proprement scandaleuse.

De plus, vous demandez aujourd'hui au Parlement de cautionner un redécoupage de la carte électorale combinant suppression d'un certain nombre de circonscriptions et manœuvres politiques, et de donner entière liberté au Gouvernement via le système d'ordonnances.

Nous sommes et serons toujours opposés à ce que le Gouvernement légifère par ordonnances, particulièrement sur de tels sujets. Il est impensable que le Parlement soit privé de tout pouvoir de contrôle ! Si l'opposition ne peut se prononcer, le redécoupage se fera au seul profit de la majorité au pouvoir. En effet, un redécoupage électoral n'est jamais innocent ou neutre : il l'est encore moins lorsque le Parlement n'est pas consulté.

Lors de son audition à l’Assemblée nationale, M. Marleix justifiait le recours aux ordonnances par le fait que cela avait déjà été le cas en 1986. Mais cela est faux ! Le Président de la République de l'époque, François Mitterrand, avait refusé de signer les ordonnances qui avaient alors dû être transformées en projet loi.

Enfin, et pour conclure sur l'opacité de cette manœuvre, je rappelle que la prochaine réforme des collectivités territoriales pourrait supprimer le département – du moins c’est dans l’air ! – ou encore modifier le mode de scrutin pour les élections régionales. Nous débattons donc au final du redécoupage des circonscriptions sans rien savoir, ni de la future articulation entre les départements et la région, ni de l'évolution des modes de scrutin.

Bref, vous l'aurez compris, nous ne pouvons cautionner deux textes de lois aussi circonstanciels et subordonnés à la majorité gouvernementale. Lors de la réforme constitutionnelle, vous tentiez de prouver l'intérêt démocratique et respectueux de la pluralité politique de vos réformes, mais nous voyons mal de quelle façon vous pouvez continuer à le soutenir aujourd’hui !

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