On nous objecte que nous pourrions être représentés par un député de la Guadeloupe ou par un député de Saint-Martin.
Les communes ont toutes le même statut dans la République ; il est donc normal qu’un même député puisse représenter plusieurs communes lorsqu’il s’agit de voter des textes de loi. Mais notre île n’est plus une commune : elle est une collectivité jouissant d’un statut unique, différent de celui de toutes les autres collectivités françaises.
Nos voisins de Saint-Martin et nous-mêmes n’avons pas la même histoire, la même population, la même culture. Nous n’avons pas fait non plus les mêmes choix de développement économique : ainsi, nous sommes depuis toujours opposés à la défiscalisation, nos voisins y sont très favorables. Nous ne bénéficions pas non plus des mêmes conditions de développement : Saint-Martin est directement relié au monde entier par sa plate-forme portuaire et aéroportuaire internationale, nous sommes victimes de la double insularité et de toutes ses conséquences.
Nous n’avons pas le même statut : les compétences choisies ne sont pas les mêmes et la manière de les assumer, définie dans les actes des deux collectivités, est différente.
Nous n’avons pas les mêmes options politiques. Ainsi, dans notre relation à l’Europe, nous souhaitons entrer dans la catégorie des PTOM, Saint-Martin veut rester région ultrapériphérique.
Je pourrais multiplier les exemples concrets qui témoignent de nos différences, y compris dans tous les domaines de la loi.
Dans ces conditions, comment expliquer qu’aujourd’hui on veuille nous priver de député et nous mettre sous la tutelle de Saint-Martin ? Une telle décision condamnerait tout simplement notre île à l’échec, alors qu’elle se veut un modèle pour l’outre-mer et pour la France.
Aujourd’hui, le statut de Saint-Barthélemy dans la République est tel que seul un électeur résident de l’île et parfaitement conscient des réalités économiques, sociales et culturelles, des choix politiques et du modèle de développement mis en place peut sérieusement les expliquer et les défendre.
J’ajoute enfin que, sans cette représentation, mon action personnelle au Sénat perdrait plus de la moitié de son efficacité – il ne me semble pas nécessaire de vous faire de dessin.
Mes chers collègues, dans l’outre-mer français, notre collectivité et sa population sont singulières à bien des égards, et c’est à ce titre qu’elle demande à être représentée à l’Assemblée nationale par un député issu de son corps électoral.
Cette affirmation est aussi valable pour chacune des autres îles. C’est, pour nous îliens, une telle évidence que nous nous interrogeons : pourquoi, à l’échelon national, se fait-on parfois un malin plaisir à ne pas vouloir le reconnaître ? Nous pensons y avoir droit, et nous sommes convaincus que cette représentation nous est indispensable pour réussir le projet de société que nous avons mis en place, en accord avec le Gouvernement et avec le Parlement.
Le revirement de situation d’aujourd’hui est totalement incohérent et pour le moins inexplicable.
Nous n’avons jamais cherché à prendre le siège de qui que ce soit à l’Assemblée nationale : nous avons demandé qu’il en soit créé un. Nous ne cherchons pas davantage à offrir un poste « à un copain ». À Saint-Barthélemy, nous, les élus, ne sommes pas considérés comme des hommes ou des femmes politiques, nous ne sommes pas des professionnels de la politique : nous consacrons une partie de notre vie au service de notre collectivité, avant que d’autres ne prennent le relai.