Non seulement parce que je ne voudrais pas être coincé, comme cela a été dit tout à l’heure, mais aussi parce qu’il me semble que nous avons une certaine connaissance des questions relatives aux Français de l’étranger et qu’il serait paradoxal que nous n’apportions pas cette expérience pour élaborer la meilleure loi possible sur l’élection de leurs députés.
Bien sûr, il ne s’agit pas d’entrer dans les détails du découpage des circonscriptions. Mais je crois que nous avons une contribution à offrir sur le plan des principes, des idées et de l’expérience. Preuve en est que nombre de nos collègues sénateurs représentant les Français établis hors de France sont présents, aujourd’hui, dans l’hémicycle.
Les articles 2 et 3 du projet de loi relatif à la commission prévue à l’article 25 de la Constitution et à l’élection des députés constituent la seconde étape de la mise en œuvre du principe énoncé à l’article 24 de la Constitution.
Je souhaiterais d’abord rappeler – ce n’est pas inutile au vu des débats qui ont eu lieu à l’Assemblée nationale – que l’élection des députés représentant les Français établis hors de France n’est ni un gadget ni une lubie. Elle ne répond pas non plus aux intérêts d’un quelconque lobby. Il s’agit au contraire de parfaire notre démocratie en comblant le déficit de représentation parlementaire dont cette population pâtit, population qui représente pourtant, avec 863 000 inscrits, l’équivalent du dix-huitième département français en nombre d’inscrits sur les listes électorales.
Jusqu’à présent, nous étions en quelque sorte des semi-citoyens, ne bénéficiant que d’une demi-représentation parlementaire. Depuis de nombreuses années, sur les bancs de l’opposition comme sur les bancs de la majorité, nous militions tous pour parfaire cette citoyenneté.
Le 17 juin dernier, lors de l’examen en première lecture du projet de loi constitutionnelle, j’ai averti le Gouvernement des risques de dévoiement de cette nouvelle disposition constitutionnelle. Mes craintes portaient notamment sur le nombre de députés, le mode de scrutin retenu et le choix du découpage électoral.
Malheureusement, à la lecture du projet de loi ordinaire, je constate que je n’ai pas été entendu. Vous n’avez pas non plus tenu compte, monsieur le secrétaire d’État, des observations et des critiques formulées par mes collègues de la majorité et de l’opposition réunis, unanimes, et par les conseillers élus à l’Assemblée des Français de l’étranger, puisque ces derniers ont pris position, à plusieurs reprises, sur ces questions.
Le projet de loi nous propose d’autoriser le Gouvernement à légiférer par voie d’ordonnance pour fixer le nombre de députés et délimiter les circonscriptions dans lesquelles ces parlementaires seront élus. Il propose également de rendre applicable à l’élection des députés représentant les Français établis hors de France le scrutin uninominal majoritaire à deux tours.
Vous comprendrez que nous soyons rétifs à cette démarche qui permet au Gouvernement de dessaisir le Parlement de son pouvoir de légiférer. Comme d’autres, je pense qu’il eût mieux valu commencer par créer la commission dite indépendante afin que celle-ci puisse donner son avis sur la demande d’habilitation concernant la fixation du nombre de députés et le découpage électoral.
Vous justifiez le calendrier et la séquence retenue en invoquant les données statistiques qui ne seront pas arrêtées avant le début de l’année prochaine. J’estime que nous pouvions parfaitement attendre un peu, les prochaines élections législatives étant normalement prévues en 2012, ou bien limiter l’habilitation.
Par ailleurs, le paragraphe I de l’article 2 propose d’autoriser le Gouvernement à fixer par voie d’ordonnance le nombre des députés représentant les Français établis hors de France. Ces dispositions sont en contradiction avec les engagements qui ont été pris. Ainsi, le 20 juin dernier, lors de l’examen au Sénat du projet de loi constitutionnelle, M. Roger Karoutchi a affirmé : « Nous envisageons la création d’une douzaine de sièges de député représentant les Français de l’étranger. II appartiendra, bien sûr, au législateur organique de fixer précisément le nombre de ces sièges. »
Plus grave encore, ces dispositions sont contraires à l’article 25 de la Constitution, qui dispose qu’une loi organique fixe le nombre des membres de chaque assemblée. Selon l’interprétation que nous en faisons, cet article s’applique également à la fixation du nombre de députés représentant les Français de l’étranger.
Je tiens, d’ailleurs, à citer un extrait de la page 17 de l’excellent rapport de notre collègue Gélard : « De là, en principe, le nombre de ces députés – il s’agissait des députés représentants les Français de l’étranger – doit être fixé par une loi organique, la répartition des sièges étant prévue par une loi ordinaire. »