Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’ai souhaité intervenir sur cet article afin de faire entendre la voix de la commission de la culture. Elle ne s’est pas saisie pour avis de ce texte, mais je me fais le porte-parole de la majorité des membres de son bureau, qui craignent que l’article 1er n’instaure un monopole des lois de finances et de financement de la sécurité sociale en matière fiscale.
Nous partageons tous l’objectif de stabilité des finances publiques qui sera défini par les lois-cadres fixant les objectifs de dépenses pour trois ans, mais il nous paraît inacceptable que les membres de la commission soient privés de la possibilité de discuter de mesures fiscales dans les textes qui lui sont soumis. Il y aurait ainsi deux catégories de parlementaires. Or nous sommes nous aussi responsables et soucieux de préserver l’avenir des générations futures. Nous souhaitons donc pouvoir pleinement nous exprimer.
Une telle disposition aurait interdit, par exemple, l’examen dans toute leur globalité par la commission de la culture d’un grand nombre des propositions de loi déposées dans ses secteurs de compétences depuis la réforme constitutionnelle, que ce soit la proposition de loi relative au service civique, la proposition de loi relative au prix du livre numérique, la proposition de loi relative au patrimoine monumental de l’État ou celle visant à renforcer l’éthique du sport et les droits des sportifs.
De la même façon, la commission de la culture n’aurait pu discuter ni du montant, ni de l’assiette de la redevance, ni des taxes destinées à compenser la suppression de la publicité sur France Télévisions, alors que nos amendements visaient à trouver de nouvelles recettes. Et que dire des réformes de l’université, de l’archéologie ou du mécénat, qui comportaient évidemment de nombreuses dispositions fiscales ?
On nous objectera sans doute qu’il nous est possible de nous saisir pour avis de toutes les lois à caractère financier. Nous le faisons déjà bien souvent. Mais l’expérience prouve que les dispositions que nous faisons adopter au Sénat sont la plupart du temps balayées en commission mixte paritaire, où nous ne sommes, hélas, pas représentés ! J’ai encore en mémoire l’amendement de la commission de la culture sur le financement des écoles numériques en zone rurale, adopté dans le projet de loi de finances, mais qui n’a pas survécu au cours de la navette.
La commission des lois, saisie au fond, et la commission des affaires sociales ont adopté un amendement visant à supprimer ce monopole et je m’en réjouis ; mais elles proposent une validation obligatoire en loi de finances. La commission des finances a adopté un amendement tendant à prévoir que lorsqu’une loi comporte des mesures financières, le Gouvernement dépose simultanément un projet de loi de finances ou de financement de la sécurité sociale. Toutes ces solutions vont dans le sens d’une multiplication des débats, alors que le calendrier parlementaire est déjà restreint.
Telle est la raison pour laquelle j’ai déposé un amendement identique à celui qu’a présenté la commission de l’économie. Il tend à permettre l’application, au 1er janvier de l’année suivante, de toute disposition votée ayant une incidence financière, afin de permettre à tous les parlementaires de conserver leur pouvoir d’initiative, tout en donnant aux commissions des finances et des affaires sociales la possibilité de contrôler chaque année le cadrage financier général des évolutions législatives. Ces commissions auraient ainsi la possibilité d’intervenir pour prendre les mesures d’économie nécessaires pour rester dans l’équilibre défini par la loi-cadre ou, le cas échéant, pour revenir sur une mesure jugée trop coûteuse.
Une telle disposition permettrait de conserver la cohérence des réformes introduites dans des lois ordinaires en ne dissociant pas systématiquement l’examen d’une politique de la discussion sur les moyens qu’elle suppose et sur les coûts ou les économies qu’elle induit.
L’enjeu est de taille : il y va ni plus ni moins de l’exercice du droit d’amendement par chaque parlementaire.