Intervention de Pierre-Yves Collombat

Réunion du 15 juin 2011 à 14h30
Équilibre des finances publiques — Article 1er

Photo de Pierre-Yves CollombatPierre-Yves Collombat :

Ce qui me révulse dans les débats d’hier et, je le crains, d’aujourd'hui, ce n’est pas tant le mépris avec lequel vous traitez nos arguments, monsieur Baroin – nous connaissons les mœurs de la société de cour –, que la légèreté drapée dans une fausse rigueur avec laquelle vous abordez cette question du déficit budgétaire et de la dette publique.

Vous la limitez à la seule question du courage politique et de la morale. Soyons rigoureux, et le déficit budgétaire et la dette, qui atteignent effectivement des niveaux préoccupants, s’évanouiront !

Vous vous refusez obstinément à envisager ce que seront les conséquences inévitables de cette politique sur l’endettement privé, sur la croissance économique et l’emploi, et donc sur les recettes fiscales ou les cotisations des organismes sociaux, ainsi que sur les dépenses en matière de prestations sociales compensatoires.

Vous ne voulez pas voir que l’endettement public ou privé n’est pas qu’une facilité à laquelle s’abandonnent les parlementaires et les gouvernements, mais aussi, fondamentalement, le moyen de soutenir la consommation et l’investissement, autant dire les débouchés de la production nationale quand le niveau de l’emploi et des revenus du travail, au nom de la compétitivité, ne le permettent plus.

Je ne dis pas – et personne ne dit ici – que l’endettement public est une bonne chose. Nous disons que s’en passer a des conséquences sur le niveau d’activité économique, sur l’emploi et indirectement sur les recettes et les dépenses de l’État comme des organismes sociaux, ce qui en retour a un impact sur l’équilibre budgétaire.

Par quoi remplacerez-vous le déficit pour maintenir un niveau suffisant d’activité économique et d’emploi ? Cette question ne mérite pas votre silence, monsieur le ministre.

Pour être cornélien, le dilemme n’en est pas moins simple. Soit l’on compense la baisse, voire la suppression du déficit public par de l’endettement privé, une augmentation des revenus du travail ou un excédent extérieur, et les niveaux d’activité et d’emploi se maintiendront. Soit l’on se résigne à voir ces niveaux baisser.

Ce que nous aimerions savoir, ce sont vos choix !

Ce qui me navre aussi, c’est que vous refusiez de voir que le mode de gouvernance de l’Europe et plus encore de la zone euro n’est plus tenable en l’état, ou en tout cas ne le sera pas bien longtemps. Si vous en doutez, observez les résultats électoraux depuis quelques années : échec du traité constitutionnel en 2005, montée de l’extrême droite partout en Europe, raclée administrée aux formations sortantes, quelle que soit leur couleur. Et je ne parle pas des manifestations diverses, ni des rebellions d’État comme en Islande ou en Hongrie !

L’Europe qui devait unir les peuples et les économies est en train de les désunir. Si on avait plus de temps, on pourrait s’attarder en particulier sur la politique de l’Allemagne, grand donneur de leçons mais grand bénéficiaire des déficits commerciaux ou sociaux des autres pays.

Je ne dis pas qu’il faut abandonner l’euro, bien sûr. Au point où nous en sommes, le remède serait pire que le mal. Je dis simplement qu’on ne peut plus le laisser sous la surveillance d’une Banque centrale européenne, ou BCE, dont la seule phobie est l’inflation, qui ne se soucie pas de l’emploi et que l’on oblige à des contorsions pour faire le travail des banques centrales des pays souverains. Je pense notamment – je l’avais évoqué lors de mon intervention d’hier – à la monétisation de la dette souveraine, à laquelle elle ne peut avoir recours que sous le manteau !

La moindre des choses, monsieur le ministre, serait que vous essayiez au moins de répondre à ces questions autrement que par le silence ou en essayant de nous faire croire qu’il suffira d’une loi pour régler ce problème complexe pour lequel personne, effectivement, n’a de solutions, mais qui mérite que nous en cherchions. On ne peut pas se contenter de solutions simplistes comme celle que vous nous proposez.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion