Intervention de Hervé Maurey

Réunion du 15 juin 2011 à 14h30
Équilibre des finances publiques — Article 1er

Photo de Hervé MaureyHervé Maurey :

Les présidents de commission ont déposé des amendements, ce dont je me réjouis. Comme je l’ai dit hier, autant nous devons mener un combat sans merci pour réduire les déficits publics, autant j’admets la nécessité de lois-cadres pour encadrer les lois de finances sur un minimum de trois exercices, autant je considère qu’il est impossible que les parlementaires, de droite, de gauche ou du centre, se fassent hara-kiri au nom de déficits budgétaires dont ils ne sont pas responsables puisque, chacun l’a reconnu – et même M. le ministre –, la situation financière du pays résulte de la gestion des divers gouvernements passés, qu’ils soient de droite ou de gauche. Je suis donc très heureux que des parlementaires éminents, présidents de commission, conscients de cette situation, aient déposé un certain nombre d’amendements pour trouver une solution.

L’amendement présenté par le président Hyest me paraît aller dans la bonne direction puisque, s’il était adopté, nous pourrions continuer d’adopter des propositions de loi comportant des dispositions financières, de déposer des amendements de caractère financier sur des projets de loi ordinaires, comme nous l’avons fait lors de la discussion de la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche ou de la loi portant nouvelle organisation du marché de l’électricité. Nous pourrions ainsi continuer de mener des débats cohérents sur les grandes politiques publiques.

Cependant, un aspect me paraît peu satisfaisant, comme d’autres collègues l’ont déjà souligné : si les dispositions ainsi adoptées ne sont pas « ratifiées » dans les quatre mois qui suivent par un projet de loi de finances, elles deviennent caduques. J’y vois une sorte de leurre, qui risque de nous faire déchanter. Nous savons tous parfaitement que les projets de loi de finances, par définition, relèvent exclusivement de l’initiative du Gouvernement. L’adoption d’un tel dispositif reviendrait ipso facto à accorder au Gouvernement un droit de veto tacite. Les gouvernements sont déjà responsables de la situation de nos finances publiques et nous devrions, en plus, leur reconnaître un droit de veto sur les initiatives des parlementaires !

Une telle solution me paraît difficilement acceptable, d’autant plus que, même si le Gouvernement dépose à temps des projets de loi de finances rectificative, il faudrait qu’il ait véritablement la volonté de les faire aboutir dans un délai de quatre mois ! Quatre mois pour rédiger un projet de loi de finances, le soumettre au Conseil d’État, le présenter en conseil des ministres et le faire adopter par les deux assemblées : il faudrait vraiment que le Gouvernement soit extrêmement motivé pour faire aboutir une initiative parlementaire ! Je ne suis qu’un jeune parlementaire, mais il me semble que très peu de gouvernements seraient prêts le faire… Il est donc évident que ce dispositif recèle, en l’état, un réel danger.

Par ailleurs, même si un gouvernement faisait preuve d’une telle bonne volonté, les impératifs de calendrier ne lui permettraient pas d’aboutir. Que se passerait-il si le Parlement adoptait au mois de juillet des dispositions emportant des conséquences financières ? Comment voulez-vous qu’elles soient ratifiées dans les quatre mois par un projet de loi de finances ? C’est tout simplement impossible !

Nous ne devons donc pas nous laisser leurrer par cet amendement : même si sa rédaction est meilleure que celle qu’a adoptée l’Assemblée nationale, il me semble tout à fait insuffisant. C’est pourquoi je soutiens pleinement le sous-amendement déposé par le président Emorine qui tend à préciser que les dispositions à caractère financier sont ratifiées par la première loi de finances soumise au Parlement après leur adoption. M. le ministre nous objecte que cette solution pourrait entraîner des retards : il appartiendra au Gouvernement de déposer dans de brefs délais des projets de loi de finances rectificative pour faire en sorte que ces dispositions prennent leur plein effet.

Pour conclure, j’exprimerai plusieurs regrets. Tout d’abord, je regrette que tous les dispositifs présentés portent atteinte au droit d’initiative parlementaire alors que, nous l’avons dit, ce sont les gouvernements qui sont à l’origine de la situation de nos finances publiques. Sur ce point, je souscris à la suggestion de Jean-Pierre Fourcade : il faudrait dissocier les projets de loi des propositions de loi, puisqu’un projet de loi peut être accompagné d’un projet de loi de finances rectificative, ce qui n’est pas le cas d’une proposition de loi.

Il faudrait également établir une distinction, au sein des mesures fiscales, entre celles qui créent des dépenses et celles qui créent des recettes. Quand on crée des recettes supplémentaires, comme nous l’avons fait dans le cadre de la loi portant nouvelle organisation du marché de l’électricité et de la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, je ne vois pas en quoi la situation de nos finances publiques serait aggravée ! Il est vrai que je n’ai pas la chance d’être membre de la commission des finances, mais quelque chose m’échappe dans ce raisonnement !

Enfin, je regrette l’absence totale d’ouverture du Gouvernement. M. le ministre nous dit, une fois de plus : « Circulez ! Il n’y a rien à voir ! » Ses propositions sont intangibles, nous n’avons qu’à les voter ou à nous taire ! Cette attitude ne me paraît pas convenable !

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