Cet amendement pourrait paraître hors sujet. Néanmoins, nous entendons par ce moyen réformer les conditions de compensation par l’État aux départements en matière sociale.
Depuis les lois de décentralisation du 2 mars 1982 et du 13 août 2004, la solidarité collective repose, dans une large mesure, sur les collectivités territoriales et en particulier sur les départements. Vous l’aurez compris, nous sommes mécontents du désengagement progressif de l’État.
Or les règles de compensations sont très différentes selon qu’il s’agisse d’un transfert de compétences, d’un élargissement des compétences déjà dédiées aux départements ou d’une création de compétences. Il n’en demeure pas moins que, dans tous les cas, ce sont bien les départements qui financent partiellement ou totalement des allocations nécessaires à nos concitoyens mais relevant d’une logique de solidarité nationale, comme l’atteste le fait que c’est encore à l’État que revient la charge de définir les normes. Et c’est tant mieux !
Ainsi, pour justifier son rejet de la proposition de loi tendant à la compensation des allocations individuelles que nous avions déposée, le rapporteur comme le Gouvernement ont fait savoir que le transfert du RMI aux départements en 2004 a bien été qualifié, au regard de l’article 72-2 de la Constitution, de « transfert de compétences ».
Il en résulte que l’État a eu l’obligation de transférer aux départements des ressources équivalant à celles qu’il consacrait à cette compétence avant son transfert. Ce principe, bien que posé, n’a malheureusement pas été respecté. D’où mon coup de gueule, chers collègues !
De son côté, la généralisation du RSA a été qualifiée, en 2009, de simple « extension de compétences » des départements et non de « transfert ». L’État n’a donc pour obligation constitutionnelle que de transférer des ressources permettant de préserver le principe de libre administration des collectivités territoriales. Autant dire que la compensation n’a été que très partielle !
Les financements de l’allocation personnalisée d’autonomie, l’APA, et de la prestation de compensation du handicap, la PCH, obéissent à une troisième logique, différente.
Pas plus que la généralisation du RSA, les créations de l’APA en 2002 et de la PCH en 2006 n’ont constitué des transferts de compétences. Par conséquent, seul l’objectif constitutionnel de préservation du principe de libre administration s’applique. Aucun dispositif de compensation des charges par transfert de fiscalité n’a été mis en place. C’est la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, la CNSA, qui participe au financement de ces dispositifs à la charge des départements.
Tout cela conduit à une asphyxie financière des départements. Pour éviter de s’endetter, ceux-ci n’ont d’autres choix que d’augmenter leur financement par l’impôt. De son côté, le Gouvernement poursuit le désengagement qu’il a entrepris depuis des années, tout en imposant des règles financières insupportables pour les départements et en tentant de circonscrire leurs actions à des compétences très limitées.
De gauche comme de droite, les présidents de conseil général, et ils sont nombreux dans cette assemblée, soulignent que la situation n’est pas tenable à long terme. D’aucuns, à commencer par le président du Sénat, emploient l’expression – abusive – de « dépôt de bilan » de certains départements.
Afin de remédier à une telle situation et de garantir l’égalité de traitement entre nos concitoyens, nous proposons par cet amendement de prévoir une compensation intégrale pour les transferts, les extensions ou les créations de compétences qui doivent logiquement relever de la solidarité nationale.