Intervention de Jean Desessard

Réunion du 15 juin 2011 à 14h30
Équilibre des finances publiques — Vote sur l'ensemble

Photo de Jean DesessardJean Desessard :

Lors de la discussion générale, j’ai expliqué pourquoi nous considérions que ce texte était une mauvaise réponse à la très bonne question que pose la dette. Nous sommes particulièrement alarmés de voir que, s’estimant lui-même incapable de résister aux clientélismes fiscaux, le Gouvernement préfère abandonner ses responsabilités et s’en remettre entièrement à l’illusoire protection de la Constitution.

Au-delà de ce dramatique affaiblissement du politique, il est frappant de constater dans ce projet de loi constitutionnelle que vous avez choisi les seules finances comme pivot de votre projet politique, monsieur le garde des sceaux. Équilibrer les finances publiques est une nécessité, je l’ai clairement exposé en discussion générale. Mais cela n’est pas la seule nécessité ! Il y a urgence environnementale et urgence sociale.

Permettez-moi de prendre un exemple.

Il n’est désormais plus raisonnablement contesté que, s’il n’est pas brutalement endigué, le dérèglement climatique aura des conséquences terribles. Pour ne prendre que le seul angle comptable, je souligne que le rapport Stern chiffrait le coût de l’inaction climatique à 5 500 milliards d’euros à l’échelle de la planète, soit, à proportion du PIB, 231 milliards d’euros pour la France. Pour l’instant... Car chaque retard pris aujourd’hui dans la réduction des émissions de CO2 alourdit la facture de demain. Le temps joue contre nous. Il est donc crucial non seulement d’agir, mais d’agir dès maintenant !

Dès lors, si l’on veut inscrire tous les risques dans la Constitution, ne faudrait-il pas plutôt inscrire la réduction des émissions de gaz à effet de serre ? Ne faudrait-il pas plutôt créer des lois-cadres de réduction des émissions publiques, soumettre tout projet ou toute proposition de loi à leur monopole et saisir systématiquement au fond la commission de l’économie ?

Ni l’imminence du danger ni ses conséquences ne rendent cette proposition moins logique que la vôtre aujourd'hui. Pourtant, les deux propositions sont incompatibles...

Que faut-il en conclure ? Tout simplement que le modèle à l’aide duquel vous appréhendez le monde d’aujourd’hui est étriqué, dépassé, archaïque. Il vous empêche de saisir le monde dans sa complexité, dans son interdépendance. Il vous empêche de comprendre que nous ne sortirons de cette crise systémique qu’avec un projet de société global et non simplement financier.

Il vous empêche de comprendre que réduire la dette en accroissant les inégalités et en détruisant les solidarités crée une société de tensions, et que ces tensions finiront toujours par se retourner, pacifiquement ou violemment, dans dix ans ou dans vingt ans, contre l’oligarchie qui les a engendrées – les révolutions arabes en témoignent aujourd’hui.

Il vous empêche enfin de comprendre qu’une société, même paisible et solidaire, ne peut survivre dans un environnement par trop dégradé et que toutes ces dimensions de la politique sont indissociables.

Alors non, monsieur le garde des sceaux, la finance n’est pas l’économie et l’économie n’est pas la politique ! La politique, c’est la complexité, et c’est la responsabilité, celle qui vous a précisément fait défaut ces quatre dernières années, quand la dette a dramatiquement augmenté de 40 % !

Les sénatrices et sénateurs écologistes voteront contre ce texte, virtuel quant à son efficacité mais bien réel quant à l’atteinte aux pouvoirs du Parlement qu’il consacre.

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