Intervention de Simon Loueckhote

Réunion du 15 juin 2011 à 22h15
Nouvelle-calédonie — Discussion en procédure accélérée et adoption d'un projet de loi organique dans le texte de la commission modifié

Photo de Simon LoueckhoteSimon Loueckhote :

… afin de discuter un texte petit par le nombre de ses articles, mais grand par ce qu’il apportera à la Nouvelle-Calédonie en matière de stabilité institutionnelle.

Le 17 février dernier, trois membres du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie démissionnaient, ouvrant ainsi une période d’instabilité qui suscite de l’inquiétude et des doutes parmi nos compatriotes de cette terre française du Pacifique.

Les membres du gouvernement démissionnaires liaient leur geste au fait que trois communes de la Nouvelle-Calédonie n’avaient pas encore hissé le drapeau indépendantiste au fronton de leur mairie. Ils reprochaient ainsi au président du gouvernement d’être le responsable de cette situation.

Comme le prévoit la loi organique du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie, le congrès s’est réuni quinze jours après, soit le 3 mars 2011, afin d’élire un nouveau gouvernement. Dans la foulée de cette élection, le président déchu et ses colistiers démissionnaient à leur tour, provoquant la démission de plein droit du gouvernement nouvellement élu.

Ces démissions allaient se répéter après les élections du gouvernement du 17 mars et du 1er avril derniers, installant la Nouvelle-Calédonie dans une profonde crise institutionnelle, dont l’une des issues possibles est le projet de loi organique que nous examinons aujourd’hui.

Les Calédoniens sont inquiets, et ne veulent pas revivre le passé. Même si la situation politique ainsi créée n’est en rien comparable à celle que nous avons connue dans les années les plus sombres de notre histoire, elle a eu quelques effets sur l’économie fragile de l’archipel. C’est pourquoi il faut trouver une solution à la fois juridique et politique.

Madame le ministre, lorsque vous êtes venue nous rendre visite, en avril dernier, la situation était préoccupante. Chacun a pu, lors de ce déplacement, apprécier votre capacité d’écoute, votre volonté d’entendre toutes les forces politiques afin de trouver ensemble une issue à cette crise institutionnelle. Je tiens aujourd’hui à vous remercier publiquement.

Vous aviez conscience, en venant en Nouvelle- Calédonie, qu’un simple bricolage de la loi organique ne suffirait pas à sortir d’une crise dont vous avez pu mesurer la profondeur. En effet, il ne faut pas remettre en cause les principes qui ont fondé les accords de Matignon, puis de Nouméa.

Par ailleurs, et j’en ai été très heureux, en mai dernier, le Premier ministre, François Fillon, a, sur votre proposition, rencontré à l’hôtel Matignon des représentants de l’ensemble des forces politiques de Nouvelle-Calédonie. J’ai apprécié, une fois encore, l’esprit de consensus et la capacité d’écoute du Gouvernement de la République. Bien sûr, il y a des divergences d’approches entre les forces politiques qui ont été reçues, et c’est là le gage de la démocratie. Mais l’État et les responsables politiques calédoniens, c’est-à-dire les partenaires de l’accord de Nouméa, savent entretenir et faire vivre le dialogue sur l’essentiel, à savoir notre avenir commun.

Pour mettre un terme à la crise politique sur le Caillou, il a été décidé d’engager une procédure de modification technique du statut. L’histoire, qu’elle soit récente ou ancienne, est lourde de significations et d’enjeux en Nouvelle-Calédonie. L’État partage avec les responsables calédoniens une très grande responsabilité dans cette histoire. Comme à Paris en 1988, puis à Nouméa en 1998, et de nouveau à Paris cette année, nous sommes capables de trouver ensemble les ressources pour continuer à bâtir un avenir partagé, si cher aux Calédoniens.

C’est dans cet esprit que le Premier ministre réunira de nouveau, début juillet à Paris, le Comité des signataires de l’accord de Nouméa, afin de poursuivre cette œuvre, qui est une œuvre historique pour la Nouvelle-Calédonie et qui fait honneur à la France.

Mais alors, madame le ministre, pourquoi faire cette réforme ?

Il semblait nécessaire, pour préserver le fonctionnement des institutions calédoniennes, de corriger cette faille du statut, sans pour autant supprimer le mécanisme prévu à l’article 121. Les groupes politiques, que vous avez consultés lors de votre déplacement en Nouvelle-Calédonie du 14 au 17 avril 2011, sont attachés au maintien d’une disposition présentée comme essentielle pour préserver le « droit des minorités ». Je partage totalement cette position. Nous avons tous insisté sur ce point auprès du Premier ministre lors des entretiens qu’il nous a accordés à Paris en mai dernier.

L’idée de la modification de la loi organique a fait son chemin. Depuis février 2011, l’article 121 de la loi organique est sur la sellette. C’est lui qui permet d’entretenir l’instabilité institutionnelle. Or, on ne touche pas à un texte de portée constitutionnelle et aussi sensible sans consulter préalablement les différentes forces politiques. C’est ce qui a été fait par le Gouvernement, et je m’en réjouis.

Pour mémoire, le dispositif de l’article 121 permet à un groupe politique de provoquer la chute de l’exécutif en faisant démissionner les membres du gouvernement lui appartenant, ainsi que les suivants de liste. Tel qu’il est rédigé, il permet même de le faire à répétition, d’où la crise actuelle !

Or ce texte n’a pas été conçu pour cela. Personne n’avait imaginé que cet article serait utilisé pour faire tomber le gouvernement et, ainsi, rechercher le blocage des institutions. Il avait pour objet de permettre de remplacer un membre du gouvernement démissionnaire par le suivant de liste et, en cas d’impossibilité, de procéder à une réélection du gouvernement. L’épuisement d’une liste ou la démission en bloc ne devaient intervenir que marginalement, et non pas se substituer à la motion de censure pour renverser le gouvernement.

On le voit bien, l’article 121, tel qu’il est utilisé, crée de l’instabilité artificielle. Il faut donc en limiter les effets pervers.

Le Gouvernement nous propose, par conséquent, de le modifier, en corrigeant le mécanisme prévu par les dispositions de cet article sans les vider de leur substance.

Le texte proposé a donc pour ambition de permettre d’atteindre l’objectif de stabilité institutionnelle visé, de préserver le fonctionnement des institutions calédoniennes, tout en respectant les principes à valeur constitutionnelle de collégialité et de proportionnalité, issus de l’accord de Nouméa du 5 mai 1998.

Les groupes politiques dont des représentants ont été reçus par le Premier ministre ont très majoritairement adhéré à l’objectif de stabilité visé par le texte et approuvé cette réforme dans son principe.

Ainsi, le projet de loi organique fixe un délai de dix-huit mois, à compter de la dernière démission d’office, pendant lequel la démission d’un nombre minoritaire de ses membres n’entraîne plus celle de l’institution toute entière.

Il s’agit d’éviter que des démissions collectives répétées ne conduisent à la démission d’office du gouvernement. Le mécanisme est ainsi maintenu dans son principe, mais son effet est limité en cas de répétition.

Le projet de loi organique permettra également aux groupes démissionnaires qui se trouveraient, pendant ce délai de dix-huit mois, privés de la représentation qui leur revient au sein du gouvernement, de déposer à tout moment une nouvelle liste et de revenir ainsi au gouvernement.

Il s’agit de maintenir le mécanisme de la démission du gouvernement par démission complète d’une liste, considéré comme intimement lié à la collégialité, mais en évitant que le scénario ne se reproduise trop souvent. Cette synthèse constitutionnelle est-elle fonctionnelle ? Si un groupe a utilisé cette possibilité une fois, le scénario ne peut se reproduire : on ne renouvelle alors que les membres de la liste qui a démissionné.

J’attire l’attention sur le fait que, au travers de la décision du Conseil d’État, nous avons vu la fragilité de la loi organique. L’éclaircie aurait pu provenir d’une solution juridique, mais, compte tenu du fonctionnement des institutions de la Nouvelle-Calédonie, cette solution juridique ne suffira pas en elle-même : il faudra certainement aussi une solution politique, autrement dit une formule consensuelle.

Au sujet de la modification de la loi organique, nous sommes donc parvenus, je l’espère, à l’étape ultime de règlement de la crise politique qui nous préoccupe depuis bientôt trois mois. L’arsenal déployé n’a pas été des moindres, et tous les outils ont été mis à contribution, des ministères, y compris le premier d’entre eux, jusqu’au Conseil d’État, pour parvenir à la modification de la loi organique qui nous est soumise aujourd’hui. Cet exercice illustre la politisation du droit et la constitutionnalisation du politique !

Aujourd’hui, madame le ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, je tiens à exprimer ma satisfaction quant à la version de l’article 121 soumise au Sénat. Elle est plus souple que l’avis exprimé par le congrès. L’objectif d’éviter les démissions à répétition sans les exclure, pour préserver le droit de l’opposition, est atteint ; je m’en réjouis. Les principes de collégialité et de proportionnalité à valeur constitutionnelle, qui sont incontournables, sont ici préservés.

Je souhaite aussi parler des droits des partis minoritaires. Je rappellerai, comme je l’ai déjà fait en d’autres temps, notamment à propos de l’ouverture du paysage radiophonique, que, comme l’a récemment dit François Fillon lors de la consultation à Matignon des différents groupes politiques, « on ne peut pas faire l’unanimité en écartant ceux qui ne sont pas d’accord ».

La recherche d’une solution d’avenir ne peut pas se faire sans les autres. La sortie de l’accord de Nouméa doit être préparée dans le respect de cette notion de collégialité et d’écoute.

En conclusion, madame le ministre, je ne peux aujourd’hui que me féliciter de l’esprit de concertation dont le Gouvernement a fait preuve afin de gérer au mieux la crise politique sans précédent qui a secoué la Nouvelle-Calédonie. J’ose espérer que la réforme que vous nous proposez nous permettra d’en sortir par le haut et apaisera les esprits, ce qui n’est pas complètement gagné ! Une nouvelle déception pointe déjà, toujours au sujet de la répartition des portefeuilles au sein du gouvernement : affaire à suivre !

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