Intervention de Gisèle Gautier

Réunion du 9 avril 2008 à 15h00
Lutte contre les discriminations — Discussion générale

Photo de Gisèle GautierGisèle Gautier, présidente de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, parmi les cinq directives européennes devant être transposées dans notre droit interne, trois d’entre elles concernent spécifiquement la mise en œuvre du principe d’égalité de traitement entre les femmes et les hommes.

Il s’agit là d’un sujet qui se trouve au cœur des préoccupations de notre délégation.

Je parlerai, dans un premier temps, des discriminations fondées sur le genre. Celles-ci sont fréquentes, même si les femmes elles-mêmes n’en ont pas forcément conscience et n’osent pas toujours s’en plaindre. Ainsi, au cours de son audition devant notre délégation, Louis Schweitzer, président de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, a fait état de sondages selon lesquels de nombreuses femmes avaient le sentiment d’être « moins bien traitées » que les hommes, sans pour autant parler de « discriminations ».

De fait, les saisines de la HALDE par des femmes s’estimant défavorisées pour des raisons liées à leur sexe sont actuellement très peu nombreuses. Elles n’osent pas, en définitive, se plaindre de ces inégalités de traitement, pourtant bien réelles.

D’après les chiffres avancés par le Gouvernement lors de la Conférence sur l’égalité professionnelle et salariale du 26 novembre 2007, à laquelle vous-même, madame la secrétaire d’État, et M. Bertrand avez bien voulu m’inviter, dans la vie professionnelle, l’écart entre les salaires mensuels moyens des hommes et des femmes était de l’ordre de 25 % en 2002 – en légère baisse –, 5 à 11 % ne pouvant être expliqués par aucun facteur structurel et constituant donc une véritable discrimination salariale.

Les nombreux travaux de notre délégation sur ce sujet l’ont montré : les inégalités salariales persistent malgré un imposant arsenal législatif.

Je me félicite donc de la volonté du Gouvernement de passer au stade des sanctions à l’égard des entreprises qui n’auraient pas pris de mesures pour résorber les inégalités salariales avant la fin de l’année 2009 ; cela devrait faire l’objet d’un prochain projet de loi. Jusqu’à présent, les différents textes de loi sur les inégalités salariales que nous avons votés se contentaient de menaces ; il faut maintenant agir.

Pour l’heure, le projet de loi qui nous est soumis a pour seul objet de transposer des directives européennes, ce qui ne laisse qu’une faible marge de manœuvre au législateur, ainsi que vous l’avez rappelé, madame la secrétaire d’État.

Les définitions européennes de la discrimination directe et de la discrimination indirecte peuvent s’avérer intéressantes pour la promotion d’une égalité réelle entre les hommes et les femmes, car elles permettent de viser des formes de discrimination insidieuse ne se traduisant pas toujours par des mesures directement défavorables.

Permettez-moi cependant de regretter qu’en superposant les définitions retenues dans les directives aux dispositions déjà prévues dans nos différents codes, ce projet de loi aboutisse à alourdir et à complexifier le droit applicable, au détriment de sa clarté et de sa lisibilité pour les victimes de discriminations.

Tel est le cas, par exemple, en matière de harcèlement sexuel. Il faudra bien, un jour, madame la secrétaire d’État, remettre l’ouvrage sur le métier pour parvenir à une meilleure cohérence d’ensemble et à une harmonisation des dispositions existant dans les différentes branches de notre droit.

C’est là l’une des principales recommandations de la délégation aux droits des femmes, qui a également insisté, dans ce domaine comme dans d’autres, sur la nécessité de ne pas se contenter « d’empiler les lois » : il faut veiller davantage à leur application concrète.

Je souhaiterais en outre évoquer plus particulièrement deux dispositions du texte qui me paraissent préoccupantes quant à leurs conséquences potentielles sur le droit des femmes.

D’une part, la disposition autorisant l’organisation d’enseignements en regroupant les élèves en fonction de leur sexe ne doit pas remettre en cause le principe fondamental de la mixité dans notre système d’éducation ni permettre la reproduction de stéréotypes sexués contre lesquels nous cherchons justement à lutter.

D’autre part, et je voudrais exprimer ma vive préoccupation à cet égard, la mesure prévoyant une exception au principe de l’interdiction des discriminations fondées sur le sexe en matière de contenu des médias et de publicité laisse à penser que des représentations sexistes et discriminatoires de la femme pourraient être autorisées.

Cette disposition est d’autant plus inquiétante que la délégation a justement dénoncé, dans son dernier rapport d’activité, de fréquentes dérives dans l’utilisation de l’image de la femme dans les médias, avec des atteintes persistantes et récurrentes à la dignité de la personne humaine dans de nombreuses publicités choquantes et dévalorisantes pour la femme.

La délégation a donc recommandé la suppression de cette mesure, qui nous paraît, à vrai dire, incompréhensible. Avec Mme Hummel et d’autres collègues, j’ai cosigné un amendement en ce sens. Nous y reviendrons donc au cours de la discussion des articles.

Enfin, madame la secrétaire d’État, si vous le permettez, je souhaiterais saisir l’occasion de votre présence dans cet hémicycle pour exprimer mon inquiétude devant les perspectives de réorganisation administrative des délégations régionales aux droits des femmes et à l’égalité. Bien sûr, cette question n’a pas de lien direct avec le sujet que nous traitons aujourd’hui, mais mon devoir était de la soulever, car ces délégations constituent un instrument essentiel de la politique en faveur de l’égalité entre les hommes et les femmes. Les nombreux appels que j’ai reçus attestent cette crainte.

Nous n’ignorons pas que la révision générale des politiques publiques engagée depuis près d’un an fait actuellement l’objet d’arbitrages ministériels et de décisions de programmation définitives. Les délégations régionales et départementales aux droits des femmes et à l’égalité des chances paraissent menacées puisqu’elles feraient l’objet d’une absorption par les directions régionales des affaires sanitaires et sociales et les directions de la jeunesse et des sports. Une telle orientation ne risquerait-elle pas de rendre moins visible l’action de ces délégations ? Jusqu’à ce jour, celles-ci étaient rattachées aux préfets de région. Leur mission était donc soutenue et reconnue et donnait à leurs interventions une légitimité pour défendre le droit des femmes sur le plan départemental et régional.

Le manque de visibilité de ces délégations dans une organisation intégrée regroupant la jeunesse et les sports ainsi que les affaires sociales et l’absence de prise en compte de la spécificité de leur action au titre, par exemple, de l’égalité professionnelle, reviendrait à occulter l’ampleur des difficultés dont souffre la population féminine de notre pays.

Sur ce chapitre, j’aimerais savoir, madame la secrétaire d’État, ce que prévoit le Gouvernement en la matière.

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