Intervention de Roger Madec

Réunion du 9 avril 2008 à 15h00
Lutte contre les discriminations — Discussion générale

Photo de Roger MadecRoger Madec :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, notre assemblée est conduite à examiner cet après-midi un projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.

Si les objectifs visés au travers du projet de loi ne peuvent naturellement que recueillir le consensus de tous les groupes politiques, il convient, à mon sens, d’apporter à ce texte, qui apparaît en l’état actuel des choses inachevé, des améliorations par voie d’amendements.

En outre, si la Commission européenne a mis en demeure la France d’adapter son droit aux nouvelles dispositions européennes, cela ne doit pas être fait dans la précipitation et dans l’imprécision.

Je reviendrai sur quelques points qu’il me semble important de relever.

Tout d’abord, comme vient de le rappeler Bariza Khiari, il est particulièrement choquant que le projet de loi tende à rétablir une hiérarchie entre les discriminations, alors que le législateur s’est attaché, depuis 2001, à uniformiser les dispositifs tant pour les procédures judiciaires que pour les peines encourues. Par le biais d’une transposition a minima, ce texte introduit deux niveaux de protection selon la nature et le motif de discrimination.

Ainsi, l’article 2 du projet de loi vise à créer des protections supplémentaires pour les victimes de discriminations liées à la race, notamment en matière de protection sociale, de santé et d’éducation, domaines actuellement non explicitement couverts par les lois antidiscrimination, sans les étendre aux autres victimes de discriminations, notamment celles qui sont liées au handicap ou à l’orientation sexuelle. On peut donc s’interroger sur la constitutionnalité d’une telle disposition, qui permettrait une différence de traitement entre les victimes.

Je tiens également à rappeler que, en matière de discrimination liée à l’orientation sexuelle, les associations spécialisées indiquent que de nombreuses personnes homosexuelles, ainsi que la plupart des personnes séropositives, déclarent être victimes ou avoir été victimes d’un événement discriminatoire sur leur lieu de travail ou au cours de leur vie sociale ou privée.

Cette enquête est corroborée par une étude de la HALDE sur l’homophobie dans l’entreprise, réalisée auprès de 1 413 salariés se déclarant homosexuels et rendue publique au mois de mars dernier. Selon les conclusions de cette étude, 85 % des personnes interrogées affirment avoir déjà ressenti une homophobie implicite pouvant prendre différentes formes – rejet, dénigrement ou harcèlement –, et 40 % d’entre elles ont déjà été directement victimes d’insultes, de dégradations ou de violences physiques.

Par ailleurs, le projet de loi tel qu’il nous est présenté est inachevé, puisqu’il réduit la portée de la directive.

En effet, le droit communautaire impose aux États membres de permettre aux associations d’ester en justice. En l’état actuel du droit, les associations peuvent agir devant les juridictions pénales et prud’homales, mais pas devant le tribunal administratif. Ainsi, les agents de la fonction publique victimes de discrimination ne peuvent bénéficier de l’assistance juridique d’une association en cas de conflit devant la justice administrative. Le groupe socialiste a déposé des amendements visant à remédier à cette carence.

Enfin, je regrette que le projet de loi ne codifie que partiellement les dispositions nouvelles. Aujourd’hui, les mesures relatives à la lutte contre les discriminations sont disséminées dans différents textes de loi ou codes. Cette organisation de la loi rend notre droit peu lisible et peu accessible aux victimes de discriminations.

Comme l’ont indiqué mes collègues Jacqueline Alquier et Bariza Khiari, le groupe socialiste et apparentés défendra de nombreux amendements tendant à améliorer ce projet de loi qui donne, je le redis, l’impression d’être inachevé, et il sera attentif au sort qui leur sera réservé.

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