Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je commencerai par répondre à une question que m’a posée Mme le rapporteur à propos de nos chances de succès en cas de recours devant la Cour de justice des Communautés européennes, la CJCE.
S’agissant de la comparaison hypothétique et de l’emploi du conditionnel, la CJCE a déjà tranché dans un arrêt Dekker et un arrêt Perry.
D’une manière générale, il s’avère que la Commission européenne obtient gain de cause dans plus de 95 % des cas devant la CJCE. Les sanctions financières sont alors souvent assez lourdes, ce qui engage la responsabilité de l’État… Cela ne signifie pas pour autant qu’il faille occulter cette possibilité, dans la mesure où l’issue est positive dans 5 % des cas, mais, eu égard aux deux arrêts précités, le succès d’une telle démarche nous semble compromis.
S’agissant de la concertation, madame Alquier, nous avons soumis ce projet de loi à la HALDE, qui a pu présenter le point de vue des victimes de discriminations. Nous avons en outre consulté les partenaires sociaux, tels que la Commission nationale de la négociation collective ou le Conseil supérieur de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, et reçu plusieurs représentants d’associations.
Un travail de concertation a donc bel et bien été mené, et ce dans les délais qui nous étaient impartis. Certes, nous aurions pu consulter un nombre plus grand encore d’intervenants, mais nous en avons entendu beaucoup, en particulier les plus importants d’entre eux.
Vous avez eu raison, madame Dini, madame Hummel, de souligner que l’inégalité de traitement et la discrimination sont deux choses différentes. Le projet de loi fait bien la distinction et utilise les deux expressions à des fins différentes. À cet égard, nous n’abandonnons rien de notre tradition juridique et du principe d’égalité qui la sous-tend. Les directives et le projet de loi complètent le cadre juridique existant, mais ne s’y substituent pas.
Il est vrai que les comparaisons hypothétiques nous sont imposées par la directive ; nous n’avons pas le choix. Toutefois, je tiens à le dire, cela est sans conséquence sur la façon dont la HALDE pourra recourir au testing, une pratique précisée dans la loi du 30 décembre 2004, modifiée en 2006, et à laquelle nous ne touchons absolument pas.
Dans le droit français, nous procédons déjà par comparaisons hypothétiques, pour ce qui concerne les reconstitutions de carrière ou les indemnisations de la perte de chances en matière de responsabilité hospitalière, par exemple.
J’indiquerai à Mme Khiari que le mot « race » figure à l’article 1er de notre Constitution, ainsi que dans la loi du 30 décembre 2004. Au demeurant, les directives indiquent clairement que l’usage de ce terme ne signifie en aucun cas une quelconque adhésion à de sinistres théories à caractère raciste. Certes, cette situation peut paraître insatisfaisante, mais la logique de la transposition amène l’utilisation de certains termes.
Concernant l’enseignement, mesdames Khiari, Hummel et Gautier, le projet de loi ne remet pas en cause le principe de mixité dans l’éducation nationale ; il préserve la liberté d’organisation de tous les établissements d’enseignement. C’est la conséquence du principe de liberté d’enseignement, à valeur constitutionnelle. Notre pays a toujours réussi à concilier la mixité à l’école publique avec le principe de liberté d’enseignement. La disposition présentée vise à assurer la poursuite de cette conciliation et à préserver les libertés acquises, sans constituer un recul pour quiconque.
Mesdames Gautier et Hummel, le contenu des médias et de la publicité est explicitement laissé hors champ de la directive 2004/113/CE. Cette dérogation rend d’autant plus nécessaire, j’en conviens, un travail sur l’image de la femme dans les médias. Comme vous l’avez rappelé, mesdames les sénatrices, la commission Reiser, qui a été mise en place voilà quelques semaines, formulera des propositions concrètes pour progresser plus vite, en partenariat avec les experts, les associations, mais aussi les professionnels du monde des médias. L’objectif est d’élaborer de manière concertée des préconisations qui pourront, le cas échéant, s’inscrire dans une charte ou déboucher sur des dispositions législatives.
S’agissant du harcèlement sexuel et de sa définition, madame Dini, l’article L. 122-46 du code du travail n’a pas été modifié, car il a des conséquences pénales en vertu de l’article L. 152-1-1. Nous avons voulu maintenir une définition pénale autonome. Cela n’est pas illégitime, car les conséquences d’un procès pénal ne sont pas les mêmes que celles d’un procès civil. En revanche, fortement encouragés par les associations concernées, nous avons décidé de créer un groupe de travail sur les violences faites aux femmes, qui réfléchit à l’amélioration de la définition pénale du harcèlement sexuel.
En ce qui concerne les associations, madame Alquier, monsieur Madec, nous procéderons par décret sur ce sujet, qui relève du domaine réglementaire. La règle nouvelle s’appliquera aux fonctionnaires. Nous conservons le critère des cinq ans, que l’on retrouve en de multiples occurrences dans notre droit. Être assistées par des acteurs expérimentés et ayant fait leurs preuves constitue une garantie pour les victimes.
Monsieur Hyest, je comprends que vous souhaitiez lever un malentendu sur la portée de la proposition de loi prévoyant une réforme d’ensemble des règles de prescription en matière civile qui a été adoptée par le Sénat et dont vous êtes l’un des co-auteurs.
Il me semble cependant préférable d’engager ce débat à l’occasion de l’examen de cette proposition de loi par l'Assemblée nationale. Cela me paraît plus cohérent et plus satisfaisant. Pour garantir la lisibilité de la future réforme des règles de prescription, il serait souhaitable de ne pas en éparpiller le contenu.
Madame Henneron, vous avez raison de dire que la lutte contre les discriminations participe de la cohésion sociale. Vous avez souligné, avec Mme David, le rôle de la HALDE en matière de mesure de l’importance des discriminations ; pour ma part, je voudrais également rappeler son rôle en termes de prévention, par exemple lorsqu’elle diffuse les bonnes pratiques qu’elle a constatées.
L’accompagnement des entreprises constitue d’ailleurs un axe fort de l’action du Gouvernement. À cet égard, je signale que nous mettrons dès cet été à la disposition des employeurs un nouveau rapport de situation comparée, qui leur permettra de définir des plans d’action en faveur de l’égalité professionnelle et salariale entre les hommes et les femmes. Pour garantir l’adoption de tels plans, le Gouvernement proposera d’adopter le principe d’une sanction financière applicable aux entreprises qui n’auront rien fait d’ici au 31 décembre 2009.
Mme David a en outre insisté sur les discriminations liées à l’origine. Comme elle l’a rappelé, l’étude conjointe réalisée par le BIT et la DARES présente des chiffres alarmants sur ce plan. Je profite de l’occasion qui m’est donnée pour souligner la force des dispositions du projet de loi en la matière, car tous les domaines sont couverts, qu’il s’agisse de l’accès aux biens et aux services, de l’emploi, de l’éducation, de la santé ou de la protection sociale.
S’agissant du CV anonyme, mesdames Alquier et Khiari, les partenaires sociaux ont prévu, dans le cadre de l’accord national interprofessionnel sur la diversité dans l’entreprise signé le 19 octobre 2006, de dresser un bilan des expérimentations conduites en la matière. Le Gouvernement en tirera tous les enseignements utiles en vue de prendre les textes d’application de la loi instaurant le CV anonyme ; nous ne pouvons nous passer, dans ce domaine, de l’expertise des partenaires sociaux.
Enfin, Mme Gautier m’a interrogée sur la révision générale des politiques publiques et sur le Service des droits des femmes et de l’égalité, le SDFE.
La modification de l’organisation administrative de l’État a pour objet d’améliorer la qualité de nos administrations, qui devront toutes s’adapter aux exigences de modernisation. Elle nous incite à imaginer des solutions nouvelles, à réduire la mosaïque des petites structures pour en faciliter notamment le fonctionnement, avec une gestion mutualisée de leurs moyens.
À ce jour, rien n’est arrêté définitivement quant au positionnement du SDFE et de son réseau déconcentré. Il est impératif d’en conserver la spécificité et de préserver la lisibilité de son action à deux échelons, quelles que soient les configurations adoptées.
À l’échelon central, l’intégration de ce service dans une grande direction est envisagée, mais cette hypothèse n’est pas incompatible avec le maintien, voire le renforcement, d’une politique transversale et interministérielle de l’égalité entre les hommes et les femmes.
À l’échelon régional, la circulaire du Premier ministre du 19 mars dernier a prévu huit structures administratives. Des aménagements sont néanmoins possibles avec cette configuration, et nous suivons deux pistes de réflexion : le rattachement auprès du préfet, dans l’équipe du SGAR, le secrétariat général aux affaires régionales, ou l’intégration dans la direction régionale de la cohésion sociale, en maintenant une entité chargée des droits des femmes et de l’égalité qui soit visible et dont la mission serait de poursuivre l’approche intégrée de l’égalité dans toutes les politiques publiques.
Dans les départements, rien n’est arrêté, mais les mêmes préoccupations m’animent, et je m’attacherai à ce que la politique de l’égalité continue d’être menée par tous les départements ministériels, à l’échelon central et sur l’ensemble du territoire.
Je pense avoir répondu de manière exhaustive aux différents orateurs. Au fil de l’examen des articles, j’essaierai de répondre plus précisément encore à vos questions et à vos propositions, mesdames, messieurs les sénateurs.