Intervention de Annie David

Réunion du 9 avril 2008 à 21h30
Lutte contre les discriminations — Article 2

Photo de Annie DavidAnnie David :

Avec l’examen de l’article 2, nous entrons au cœur des récriminations de la Commission européenne, qui considère que les transpositions par la France ont été insuffisamment ou incorrectement opérées.

Par ailleurs, cet article soulève, selon moi, le plus grand nombre d’interrogations.

En effet, il a pour vocation de transposer dans notre droit les définitions des discriminations interdites, discriminations fondées sur des critères bien particuliers ; pour être franche, je dois dire que je regrette la rédaction qui a été retenue par le Gouvernement pour cette transcription, car elle s’éloigne considérablement de l’esprit de la directive.

Plutôt que d’ériger une interdiction générale de discrimination fondée sur une définition large et complète des actes et pratiques discriminatoires, le Gouvernement a préféré une rédaction en quatre sections, chacune d’elle répondant à un grief formulé par la Commission. Pourquoi ce choix, puisqu’il porte en lui des différences en termes de droit d’accès en fonction des différences des personnes ?

Ainsi, une personne appartenant à une ethnie bien définie aurait accès à la santé ou à l’éducation, alors qu’une personne handicapée, ou à l’orientation sexuelle particulière, n’y aurait pas accès ?

C’est bien de cette façon qu’est rédigé l’article 2 ; c’est en tout cas ainsi que je le comprends !

Cet article est, en quelque sorte, la quintessence des défauts de ce texte, qui se caractérise par son caractère hautement administratif et qui, au surplus, hiérarchise les discriminations !

Cette rédaction en quatre sections ne répondra pas de manière satisfaisante aux attentes des personnes victimes de discriminations ; elle pourrait même accroître leurs difficultés. En réalité, elle ne satisfait que le Gouvernement et traduit son désir d’en finir rapidement avec ce projet de loi, et ce d’autant plus, de l’aveu même de Mme Valérie Létard devant notre commission, que le Gouvernement veut prendre la présidence de l’Union européenne en ayant soldé ce passif.

Si l’on peut se féliciter de la bonne prise en compte des discriminations d’ordre ethnique ou national en matière d’accès à la protection sociale, à la santé, aux avantages sociaux, en matière d’éducation, d’accès aux biens et services, de fourniture de biens et services, en revanche on ne peut que regretter la moindre prise en compte des autres formes de discrimination. J’ai évoqué le handicap ou l’orientation sexuelle, mais je pense aussi aux discriminations commises à raison de l’âge ou de la religion, qui ne sont pas mentionnées au 1 du présent article.

C’est faire de la réalité vécue par nos concitoyens une véritable abstraction et méconnaître la réalité. Dans les faits, combien de couples homosexuels se voient refuser la location d’un appartement parce qu’ils ont opté pour une sexualité ne correspondant pas nécessairement à ce qui est considéré communément comme la norme ?

De très nombreuses associations se sont émues de cette situation ; je le sais pour les avoir rencontrées. D’ailleurs l’inter- LGBT – Lesbian, Gay, Bisexual and Transgendered People, adapté en français en « Lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres » – a notamment demandé à Mme Valérie Létard de mettre fin à cette hiérarchisation qui fait reculer très loin dans le temps le combat pour les droits.

Il est difficile de trouver rédaction plus maladroite ! Il aurait été plus sage et plus simple de préciser au sein d’un même article l’ensemble des motifs discriminants. Le Gouvernement aurait pu, pour ce faire, combiner l’ensemble des motifs visés dans les directives européennes dont il est question aujourd’hui et ceux qui sont contenus dans l’article 225-1 du code pénal.

C’est la raison pour laquelle, chers collègues, je vous invite à adopter cet amendement qui a pour objet de remédier à l’inacceptable hiérarchisation des discriminations et des souffrances qu’induit la rédaction actuelle de l’article 2.

J’espère sincèrement que cette mesure de sagesse sera reconnue à sa juste valeur. Rappelons tout de même les raisons pour lesquelles nous légiférons aujourd’hui, au premier rang desquelles notre volonté commune de donner à tous nos concitoyens, hommes et femmes, les outils juridiques nécessaires à la pleine reconnaissance de leurs droits.

L’égalité est l’un de ces droits : il serait temps de passer de l’incantation à la réalisation, ce que vous ne manquerez pas de faire, chers collègues, en votant cet amendement.

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