Intervention de Annie David

Réunion du 9 avril 2008 à 21h30
Lutte contre les discriminations — Article 6, amendements 41 2007

Photo de Annie DavidAnnie David :

La rédaction proposée par le projet de loi pour le premier alinéa de l’article L. 122-45-3 permettra d’excuser par avance la discrimination à l’embauche de ce qu’il est convenu d’appeler pudiquement aujourd’hui les seniors !

En effet, si nous adoptions cet article sans modification, nous autoriserions un employeur à opérer une discrimination à l’égard d’un salarié candidat à l’embauche en raison de son âge. Bien sûr, l’employeur le ferait au nom de l’intérêt du candidat à l’embauche, justifiant sa décision par le souci de préserver la santé de ce dernier.

Nous ne sommes pas habitués à une telle bienveillance du patronat, qui, voilà peu de temps encore, n’hésitait pas à exposer les salariés aux pires polluants et à l’amiante pour accroître ses bénéfices !

Et si rien ne vous heurte dans cette disposition, mes chers collègues, tel n’est pas mon cas. Si l’on parle de santé et de protection de la santé du candidat à l’embauche, nous devons nécessairement nous poser la question de l’évaluation. Qui décidera si la santé d’un salarié âgé le rend apte à occuper le poste auquel il est candidat ?

En l’absence de précision, on devine que cette mission incombera à l’employeur ou au service des ressources humaines. Mais sur quel fondement ? L’apparence physique ? Pis, la réponse à un questionnaire de santé, digne de ceux qui sont exigés par les assureurs ?

Cet article vise une même logique : dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, vous avez autorisé le médecin de l’employeur à vérifier le bien-fondé de la maladie du salarié et à faire connaître son analyse à la sécurité sociale, qui peut ainsi décider de suspendre ou non les indemnités journalières.

Avec cet article, vous franchissez une nouvelle étape, faisant de l’employeur un médecin capable de jauger l’état de santé du candidat.

Il est également fait référence à la notion de « but nécessaire et approprié ». Mais, là encore, à qui appartiendra-t-il de définir précisément ce but nécessaire et approprié ? À une commission spécifique ? Sera-t-elle indépendante de l’employeur et de la hiérarchie ?

Madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, vous ne pouvez ignorer cette inquiétude ! La HALDE, dont tout le monde, dans cet hémicycle, s’accorde à vanter les mérites, a souhaité, dans son tableau comparatif commenté du projet de loi, que cette notion pour le moins abstraite de « but nécessaire et approprié » soit précisée.

Si notre amendement n° 41 n’est pas parfait, il ne permet en tout cas pas de justifier la discrimination à l’emploi des seniors au nom d’un motif apparemment généreux ! En outre, il s’inspire de l’avis du collège de la HALDE en date du mois de novembre 2007, avis relatif au projet de loi que nous examinons aujourd’hui et que mon groupe a d’ailleurs eu bien du mal à se procurer.

Et que dit cet avis ? Ni plus ni moins ce que nous vous proposons. Je ne résiste pas au plaisir de vous donner lecture du point numéro 20 : « La Haute autorité renouvelle son souhait que les différences de traitement fondées sur l’âge ne soient autorisées que sous réserve de la proportionnalité et de la nécessité de leur mise en œuvre. À cet égard, la Haute autorité rappelle que la sécurité des travailleurs est placée sous le contrôle de la médecine du travail. C’est pourquoi des différences de traitement à raison de l’âge, prises sur le fondement de la sécurité des travailleurs, ne pourraient être nécessaires et proportionnées que si elles sont adoptées sous le contrôle de la médecine du travail. »

Madame la secrétaire d’État, le Gouvernement prétend vouloir accroître la lutte contre le chômage des seniors. Pourtant, dès que vous en avez la possibilité, vous permettez la discrimination des salariés les plus âgés, soit en supprimant la contribution Delalande, soit, comme c’est ici le cas, en opérant une discrimination à leur égard dès la candidature d’embauche.

Si vous avez réellement à cœur de protéger la santé des travailleurs, mes chers collègues, alors adoptez cet amendement, qui dispose qu’il appartient à la médecine du travail de statuer sur la compétence physique du candidat.

Voilà la seule sécurité acceptable en matière de santé au travail. Là encore, lorsque l’on prétend lutter contre les discriminations, encore faut-il aller jusqu’au bout !

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