Monsieur le président madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le projet de loi qui va être adopté n’est pas à la hauteur des attentes et des enjeux. Il ne donnera pas naissance à une loi ambitieuse, claire et utile à celles et à ceux qui sont susceptibles de l’invoquer devant nos juridictions.
Sur ce sujet, je partage le point de vue de nos collègues qui ont évoqué devant nous la nécessaire remise à plat de nos législations, non pour en réduire la portée mais au contraire pour offrir une plus grande stabilité juridique à nos concitoyennes et à nos concitoyens, avec une définition unique dans nos différents codes : code du travail, code civil et code pénal.
Le groupe communiste républicain et citoyen a déposé des amendements en ce sens, visant à codifier ces dispositions. Vous les avez malheureusement écartés, nous condamnant à en débattre ultérieurement. Vous ignorez ainsi l’une des leçons de morale que l’on apprenait à nos enfants dans les écoles de nos grands-parents, celles que vous voulez voir réapparaître dans notre pays : il ne faut jamais remettre à demain ce que l’on peut faire le jour même.
Comme vous le savez, les directives indiquent une ligne à tenir, les objectifs qui sont visés. Or, si la France a été condamnée, c’est précisément parce que les objectifs n’ont pas été atteints. Il manquait, par exemple, l’assimilation du harcèlement à la discrimination et l’assimilation de l’injonction de discriminer à une discrimination. Tel n’était pas le cas dans notre pays ; or, vous en conviendrez, ce sont là des éléments capitaux de la lutte contre les discriminations.
Je crains fort que la transposition actuelle ne soit toujours pas suffisante, compte tenu de votre refus d’adopter nos amendements visant à intégrer dans notre droit interne les deux définitions du harcèlement et de votre préférence à en faire une définition unique. Dans la définition du harcèlement, le recours au verbe « subir » en lieu et place du terme « survenir » n’est pas satisfaisant. Si le verbe « subir » est adéquat pour la discrimination sexuelle, en démontrant que l’acte n’est pas souhaité par la victime, il ne permet cependant pas de décrire le harcèlement sexiste résultant d’une ambiance plutôt que d’une personne. Le recours par les directives à deux définitions, l’une utilisant le verbe « subir » et l’autre le verbe « survenir », était plus complet que la fusion que vous avez opérée.
Je regrette aussi que vous ayez persisté à utiliser le mot « race ». Nous savons pourtant tous ici qu’aucun argument politique et scientifique ne le justifie. C’est une occasion manquée pour notre assemblée de démontrer que les sénatrices et les sénateurs savent aussi écouter les avancées de la science et prendre leurs responsabilités de parlementaires.
Enfin, je regrette encore que la rédaction de ce projet de loi poursuive la triste et dangereuse hiérarchisation qui n’aura pour seul effet que d’amoindrir le niveau de protection de nos concitoyens, en différenciant leurs droits en raison des origines ou de l’ethnie et des autres discriminations. Et je n’aborde même pas les discriminations que vous avez préféré balayer d’un geste de la main.
Cette hiérarchisation aura pour effet de créer plus d’instabilité, d’iniquité dans les décisions, quand les objectifs des directives européennes étaient justement d’offrir un outil utile.
Notre « devoir de parlementaire » était de légiférer en pensant d’abord à celles et ceux à qui la loi pourrait servir. Il ne s’agissait donc pas, comme j’ai pu l’entendre, d’élaborer une loi pour épargner une sanction à la France en cas de recours contre elle devant la Cour de justice des Communautés européennes. La loi doit être faite pour protéger les faibles contre les forts, les intérêts collectifs contre les intérêts privés. Voilà quelle devrait être notre mission.
Ce qui paraissait au début comme de la précipitation dans la rédaction témoigne en fait d’une volonté politique réelle. La HALDE a été saisie pour avis en novembre 2007, et vous avez ignoré un certain nombre de ses recommandations, qui restent toujours lettre morte.
Il s’agit donc non pas de précipitation mais d’une réelle volonté politique : vous voulez vider les directives de certaines dispositions. Ce n’est pas que vous ne vouliez pas lutter contre les discriminations, mais votre conception des discriminations n’est visiblement pas la nôtre : je pense au refus de la prise en compte de l’état de santé et des handicaps, dont on sait que l’adoption remettrait en cause un certain nombre de pratiques, en particulier dans l’accès aux services bancaires et assurantiels ; je pense encore – et je suis réellement en colère ! – à votre conception de l’école qui ne doit pas être, selon vous, le fondement d’une éducation à la mixité et au vivre-ensemble.
Je crois également, le regrettant, que les employeurs pourront se réjouir de cette transposition a minima, qui ajoute des définitions à des définitions, sans cohésion et sans outils coercitifs supplémentaires. Je pense, par exemple, au renforcement des missions de la HALDE, à la création d’un délit d’entrave. Je regrette que toutes ces propositions n’aient pas été adoptées, notamment celle qui a été censurée par la commission des finances, visant à satisfaire les promesses du gouvernement précédent, lequel s’était engagé, en la personne de Mme Nelly Olin, à créer vingt-six délégations régionales. Quatre ans sont passés, et nous attendons toujours.
Le groupe communiste républicain et citoyen m’a mandatée pour émettre un vote d’abstention. J’avoue néanmoins que, personnellement, j’étais tentée de voter contre.