Intervention de Jacques Mézard

Réunion du 11 février 2010 à 9h00
Indemnités journalières versées aux victimes d'accident du travail — Rejet d'une proposition de loi

Photo de Jacques MézardJacques Mézard :

Selon nous, la fiscalisation des indemnités journalières perçues par les victimes d’accidents du travail, même en tenant compte de l’atténuation intervenue, remet en cause le compromis fondateur de 1898 que vous avez rappelé.

Jusqu’à cette date, le salarié devait établir la faute de l’employeur et était ainsi renvoyé au droit commun de la responsabilité, qui suppose la preuve d’une faute, d’un dommage et d’un lien de causalité.

La loi de 1898 fut donc un réel progrès pour toutes les victimes d’accidents du travail ou de maladies professionnelles, elle qui a facilité la reconnaissance d’un accident de travail à partir du moment où il s’est produit sur le lieu de travail, puis sur le trajet.

En revanche, cela a été rappelé à bon droit, les victimes n’étaient pas intégralement indemnisées de leurs préjudices. L’exonération des indemnités journalières avait été précisément adoptée pour compenser cette indemnisation limitée et le refus d’indemniser les autres préjudices.

Il s’agissait, pour les parlementaires attentifs de l’époque, à la fois d’une mesure de compensation sociale, mais également d’une reconnaissance de la nation envers des travailleurs qui avait perdu leur santé en contribuant à la production de la richesse du pays.

Aujourd'hui, une nouvelle mesure, pour le moins provocatrice et originale, a été adoptée, bien qu’elle n’ait été ni souhaitée ni voulue par les partenaires sociaux. Si vous entendiez la maintenir, il faudrait, au nom de l’équité, modifier le régime actuel d’indemnisation des victimes d’accidents du travail.

Doit-on le supprimer et renvoyer salariés et employeurs devant le juge civil ou réformer le système afin que le préjudice subi soit intégralement réparé ? Car, de toutes les victimes d’un préjudice corporel, les victimes d’accidents du travail ou de maladies professionnelles sont souvent les moins bien indemnisées. Madame la secrétaire d'État, tous les praticiens le savent, c’est particulièrement vrai pour les accidents de trajet.

Il ne faut pas oublier qu’il s’agit bien de « victimes » d’un dommage, souvent causé – souvent, mais pas toujours - par la faute de l’employeur, qui touche principalement les personnes exerçant une profession manuelle soumise à des risques plus importants.

Plus leur travail est pénible, plus leur emploi est précaire et plus les salariés subissent des conditions de travail augmentant le risque d’accident. Rappelons qu’en 2008 le nombre d’accidents du travail s’est élevé en France à plus de 700 000 et le nombre de décès à 569.

Le président du Conseil économique, social et environnemental, Jacques Dermagne, a rappelé qu’il était injuste de stigmatiser, par une mesure spécifique, les victimes d’accidents du travail. On peut toujours prendre de mauvais exemples pour essayer de faire passer une réforme, mais, oui, il est injuste de stigmatiser celles et ceux qui, je le répète, sont avant tout des victimes.

Les indemnités que ces victimes perçoivent à ce titre ne doivent pas relever d’un traitement fiscal différent de celui des autres indemnités, par exemple celles qui sont obtenues à l’occasion d’un accident de la circulation.

Remettre en cause ces principes fondateurs ne nous semble ni acceptable ni décent, même si, bien évidemment, nous ne sommes pas opposés à des modifications qui seraient justifiées par les évolutions de la société.

La fiscalisation des indemnités journalières du travail devrait rapporter 135 millions d’euros. D’autres solutions financières auraient pu être trouvées. Je le rappelle, le Parlement a récemment voté – même si notre groupe s’est prononcé contre – la suppression de la taxe professionnelle, ce qui devrait permettre aux grandes entreprises d’économiser 10 milliards d’euros.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion