Intervention de Christine Lagarde

Réunion du 19 novembre 2009 à 11h00
Loi de finances pour 2010 — Discussion d'un projet de loi

Christine Lagarde, ministre :

Avant d’aborder les deux sujets qui me concernent spécifiquement, la taxe professionnelle et la taxe carbone, je souhaite revenir un instant sur nos prévisions de croissance. Si j’en crois certains murmures que j’ai pu entendre ici ou là, nous aurions bâti l’ensemble du budget sur une prévision de croissance peut-être un peu conservatrice.

Le chiffrage de 0, 75 % du produit intérieur brut pour la croissance de l’année 2010 a été retenu en tenant compte de l’environnement international. L’économie française ne tourne pas en vase clos et c’est bien le commerce extérieur qui, aujourd’hui, prend le relais des moteurs habituels de la croissance – la consommation a tenu bon, mais est plutôt atone en cette fin d’année 2009 ; l’investissement ne tient que sur le seul investissement public, l’investissement privé ayant baissé de 7 % – et contribue de manière positive à cette croissance.

C’est donc en prenant en compte l’environnement international que nous avons fixé une croissance de 0, 75 % et cette prévision semble, non pas conservatrice, mais raisonnable au regard des rééquilibrages en cours sur l’ensemble de la planète. Ainsi, si les taux de croissance sont importants en Asie, notamment en Chine, mais également en Malaisie, en Indonésie et dans un certain nombre d’autres pays périphériques – autrefois dénommés les dragons asiatiques –, on envisage pour l’année 2010 une croissance américaine relativement faible, qui ne sera pas de nature à tirer l’économie mondiale comme elle l’a fait jusqu’à présent.

Compte tenu de cet environnement international et des fondamentaux de l’économie française, il est préférable d’établir une prévision de croissance de 0, 75 %, même si, par ailleurs, la Commission européenne estime que notre PIB progressera de 1, 2 % et l’Organisation de coopération et de développement économiques, l’OCDE, dans sa prévision sortie ce matin même, qu’il augmentera de 1, 4 %.

Nous verrons bien comment se déroulera le début de l’année 2010. Certes, comme je l’ai indiqué précédemment, nous entamerons cette période avec un élan de croissance, si l’on en croit l’appréciation que donnent les statisticiens des derniers chiffres réalisés en 2009. Néanmoins, il est préférable d’attendre et de ne pas réviser, pour l’instant, cette prévision de croissance.

Avant d’aborder la question de la taxe professionnelle, je dirai quelques mots sur l’emploi.

Selon un principe économique observé systématiquement et, surtout, en période de sortie de crise lourde – c’est le cas des crises mondialisées affectant à la fois le système bancaire et le secteur immobilier, comme la crise que nous traversons – nous allons constater un décalage entre le rebond de la croissance, enregistré à l’occasion d’une reprise certes faible, mais confirmée, et la création de nouveaux emplois.

Nous devons bien entendu gérer ce décalage avec une politique de l’emploi très ciblée, solide et, évidemment, financée.

C’est pourquoi, mesdames, messieurs les sénateurs, je me félicite que le projet de loi de finances pour 2010 tende à maintenir le dispositif « zéro charge », qui permet aux très petites entreprises, les TPE, c’est-à-dire les entreprises de moins de dix salariés, d’embaucher sans avoir à payer de charges sociales.

À ce jour et au titre de l’année 2009, 500 000 emplois ont été créés grâce au dispositif, pour un objectif de 700 000 embauches avant la fin de l’année. Par ailleurs, nous maintenons le mécanisme jusqu’au 30 juin 2010 en clarifiant certaines incertitudes. Ainsi, pour les 200 000 embauches restant à réaliser en 2009 et pour toute embauche effectuée jusqu’au 30 juin 2010, l’exonération de charges est garantie pendant douze mois.

Deuxième outil que nous avons conforté, le chômage partiel continuera également à être soutenu. Ce soutien renforcé au chômage partiel a effectivement apporté un certain nombre de résultats. Ainsi, au deuxième trimestre, 319 000 personnes ont bénéficié du dispositif, soit deux fois plus qu’au premier trimestre.

En outre, les chiffres comparés du chômage font apparaître que l’Allemagne a connu une progression de son taux de chômage beaucoup plus faible que celle enregistrée en France et que la moyenne européenne. Quand on interroge nos homologues allemands, ils font tous le même constat : c’est le mécanisme du chômage partiel, la durée du chômage partiel et l’association qui est faite entre ce chômage partiel et la formation professionnelle qui leur permettent d’obtenir ces résultats. Ils évitent ainsi des ruptures de contrat pour des salariés qui se retrouvent simultanément en activité partielle et en formation professionnelle.

Le maintien d’un troisième mécanisme, un mécanisme double, est prévu dans ce projet de loi de finances.

D’une part, il s’agit de renforcer les conventions de reclassement personnalisé, les CRP, qui soutiennent les salariés ayant fait l’objet d’un licenciement économique, leur assurent un très haut niveau d’indemnisation et rencontrent un succès réel avec plus de 60 % de reclassement à l’issue de ces conventions.

D’autre part, le contrat de transition professionnelle, le CTP, particulièrement bienvenu, est actuellement en vigueur dans 25 bassins d’emploi. Un amendement au projet de loi relatif à l’orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie tend à prévoir son extension à un total de 40 bassins d’emploi. Nous avons donc encore 15 cartouches à tirer, si j’ose dire, dans ce domaine. Le projet de loi est actuellement examiné par le Conseil constitutionnel et j’espère que, dès qu’il sera validé, nous pourrons déployer le CTP sur de nouveaux bassins d’emploi.

Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, ce que je voulais vous indiquer sur la situation de l’emploi, qui constitue un objectif majeur pour l’année 2010. Nous escomptons, sur cette période, une consolidation du mouvement de reprise observé à la fin de l’année 2009, mais nous savons très bien que ses effets en matière de créations d’emploi se feront attendre sur la deuxième partie de l’année. C’est pourquoi il est déterminant de soutenir l’emploi.

J’en viens maintenant à la réforme de la taxe professionnelle et à notre préoccupation majeure, l’amélioration de la compétitivité des entreprises. Comme je le rappelais hier devant le congrès des maires de France, notre objectif est, d’abord et avant tout, économique et je sais que vous êtes nombreux à partager ce point de vue.

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