La séance est ouverte à onze heures cinq.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
J’ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, le projet de loi de finances pour 2010, adopté par l’Assemblée nationale.
Acte est donné de cette transmission.
J’informe le Sénat que le projet de loi de finances pour 2010, adopté par l’Assemblée nationale (n° 100, 2009 2010), dont la commission des finances est saisie au fond est envoyé pour avis, à leur demande, à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, à la commission des affaires sociales, à la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, à la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire et à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale.
J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 est parvenue à l’adoption d’un texte commun.
Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, mesdames, messieurs les sénateurs, face à la plus grande crise qu’ait connue notre économie depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, le Gouvernement a choisi d’être un acteur majeur de la reprise qui, nous l’espérons tous, se fera jour en 2010.
Le budget que nous vous présentons aujourd’hui n’est pas un budget qui se contente d’attendre un redémarrage économique providentiel. C’est un budget qui s’inscrit dans le prolongement de notre stratégie économique et sociale.
Il y a un an, l’objectif prioritaire du Gouvernement était d’éviter que le système financier et l’activité ne s’effondrent. Tout le budget pour 2009 et les différents collectifs qui l’ont complété ont été construits en fonction de l’impératif de faire face à une crise exceptionnelle.
Aujourd’hui, mesdames, messieurs les sénateurs, notre objectif est de réussir la sortie de crise. Il ne s’agit plus, comme il y a un an, de tout faire pour limiter l’ampleur de la chute. Il s’agit, désormais, de tout faire pour favoriser la reprise et pour que celle-ci soit durable.
Renouer avec la croissance et avec une croissance plus forte, c’est sur cet impératif que nous avons construit le projet de loi de finances pour 2010 ainsi que le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010, qui a été examiné au Sénat la semaine dernière.
Avant d’entrer dans le détail du budget pour 2010, je reviendrai quelques instants sur l’année 2009.
Face à cette crise exceptionnelle, le Gouvernement a, en matière budgétaire, pris trois décisions essentielles.
La première décision est de mettre en œuvre des mesures immédiates de soutien aux banques ; la deuxième est d’accepter des baisses de recettes fiscales d’une ampleur inégalée ; la troisième est de relancer l’activité économique par un effort supplémentaire d’investissement et de pouvoir d’achat.
L’année dernière, à la même l’époque, le plan de relance français avait été jugé par l’opposition mal construit et insuffisant, et le soutien aux banques avait été trouvé excessif et coûteux.
Nous constatons bien aujourd’hui combien ces critiques étaient erronées.
L’opposition nous expliquait qu’elle ne trouvait pas son compte dans ce plan de relance. Mais l’économie, elle, s’y est retrouvée, et la France aussi !
En matière de croissance, nous faisons aujourd’hui mieux que nos principaux partenaires. D’après la Commission européenne, l’Allemagne, l’Italie et le Royaume-Uni verraient en 2009 leur activité baisser de 4, 5 points à 5 points, contre un repli d’environ 2, 25 points pour la France.
Les résultats sont là : on ne peut les nier !
Nous avons réussi l’examen de passage de 2009 : celui de la gestion de crise et du plan de relance !
Cependant, si rien n’est assuré et que la situation en matière d’emploi n’est pas satisfaisante, je considère que notre gestion de l’année 2009 a prouvé son efficacité et son équilibre. Les décisions du Gouvernement ont largement permis de soutenir la consommation.
Nos mesures ont permis de limiter la contraction de l’investissement.
Les mesures de sauvetage des banques ont été proportionnées et efficaces. Ce soutien a rapporté au contribuable, en 2009, 1, 4 milliard d’euros, qui viennent s’ajouter au budget de l’État.
Bien sûr, le déficit de l’État est sans commune mesure avec celui que nous avions connu les années précédentes : il atteindrait 141 milliards d’euros à la fin de l’année. Mais il faut être très clair, près de 100% de cette dégradation est due à la situation de crise.
Les dépenses « hors relance » sont tenues. Mieux, comme j’aurais l’occasion de vous le montrer lors de l’examen du collectif, elles sont même en diminution, certes légère, par rapport à l’exécution de 2008 et aux dépenses votées en 2009.
Je ne laisserai donc pas caricaturer notre action. Ce sont les recettes qui ont fondu spectaculairement sous l’effet de la crise et non pas les dépenses de tous les jours qui ont explosé !
Entre 2008 et 2009, l’État a perdu 53 milliards d’euros de recettes.
Rien que sur l’impôt sur les sociétés, la baisse est de 30 milliards d’euros, soit quasiment l’ampleur du déficit budgétaire de 2007.
Entre une année normale, qui voit ses recettes fiscales augmenter de 10 milliards à 12 milliards d’euros, et l’année 2009, qui a enregistré une baisse de 53 milliards d’euros, la différence est pratiquement de l’ordre de 65 milliards d’euros, ce qui est une somme absolument gigantesque.
La sphère sociale se trouve dans la même situation.
Là encore, je ne laisserai passer aucune caricature. Le déficit du régime général atteindrait 23, 4 milliards d’euros, mais la moitié de ce déficit est due à la crise. Notons que l’objectif national de dépenses d’assurance maladie, l’ONDAM, que vous avez voté sur l’année 2009 sera tenu à 3, 3 % ou à 3, 4 %.
Loin de moi l’idée de dire que nous sommes satisfaits d’un déficit public qui au total dépassera 8 points de PIB. Qui pourrait l’être ?
Cependant, il faut regarder autour de nous, cette dégradation est moins forte en France. Le FMI et la Commission européenne le confirment, la dégradation du déficit public devrait être depuis 2007 de plus de 7 points de PIB pour l’ensemble des pays industrialisés et de plus de 6 points pour l’ensemble des pays de l’Union européenne, contre 5, 5 points pour la France.
Cela signifie deux choses : nous avons obtenu de meilleurs résultats en matière de croissance et notre positionnement relatif en matière de déficit s’est amélioré.
Le résultat est concret. Notre prélèvement sur recettes pour l’Union européenne augmentera. Or, comme il est calé sur les autres, cela prouve que notre situation relative s’est améliorée.
Notre politique budgétaire nous a donc permis d’enrayer la chute de l’activité en 2009 et de terminer l’année avec une récession moindre que prévue. Quoi qu’il en soit, vous le savez, la situation reste extrêmement fragile. Le défi majeur de l’année 2010 sera, bien évidemment, de réussir durablement la sortie de crise.
Réussir la sortie de crise, c’est d’abord faire en sorte que la reprise, aujourd’hui encore fragile, ne casse pas. Cela signifie qu’il faudra porter une grande attention aux conditions dans lesquelles le plan de relance sera retiré.
Ce plan a une vocation temporaire. Pour l’essentiel, les dépenses de relance pour 2009, soit 39 milliards d’euros si l’on inclut les 6, 7 milliards d’euros de prêts aux constructeurs automobiles, ont donc vocation à ne pas être reconduites en 2010. Néanmoins, nous avons décidé qu’un petit nombre d’entre elles seront maintenues, car il serait excessivement dangereux pour la sortie de crise de les stopper brutalement.
Les dépenses de la mission « Plan de relance de l’économie » représenteront donc encore 4, 1 milliards d’euros de crédits en 2010. Elles seront consacrées à deux priorités, l’investissement et l’emploi.
Le budget prévoit, notamment, les crédits nécessaires à la poursuite des mesures exceptionnelles en faveur de l’emploi mises en œuvre dans le cadre du Fonds d’investissement social, le FISO, mais également l’exonération de charges pour les nouvelles embauches dans les petites entreprises.
Le secteur automobile continuera à bénéficier d’un soutien particulier grâce au maintien, en 2010, de la prime à la casse, dont le montant sera néanmoins progressivement réduit.
Au-delà des crédits de la mission « Plan de relance de l’économie » notre vigilance sur la reprise de l’activité nous a conduits à accentuer notre effort en matière de soutien à la trésorerie des entreprises. Nous poursuivrons, au travers du crédit d’impôt recherche, notamment, ce soutien de trésorerie essentiel à l’activité des entreprises.
Tous ces choix, vous le comprendrez, ont été très longuement pesés. Ils ne sont d’ailleurs pas propres à la France. La plupart des grandes économies développées considèrent l’année 2010 comme une année charnière pour réussir la sortie de crise et utilisent leur budget public en conséquence.
Le G 20 a, à cet égard, bien montré le très fort consensus sur les plans de relance.
Ce retrait progressif du plan de relance conduit à une réduction de 25 milliards d’euros du déficit de l’État, qui passera, en 2010, de 141 milliards d’euros à 116 milliards d’euros. Les 16 milliards d’euros qui manquent pour nous permettre de descendre sous la barre symbolique des 100 milliards d’euros nous semblent indispensables pour sécuriser la reprise. Ils correspondent aux mesures de relance maintenues, au crédit d’impôt recherche ou encore à la suppression de la taxe professionnelle en un an qui entraîne un surcoût temporaire.
D’une part, le déficit budgétaire s’améliore ; d’autre part, les comptes sociaux se dégradent en raison de la situation de l’emploi. Ne nous leurrons pas, il nous reste quelques mois difficiles à vivre sur le front du chômage, même si la stabilisation du marché du travail au troisième trimestre s’avère une bonne nouvelle. La situation dégradée du marché du travail pénalise les rentrées de cotisations sociales. En dépit des efforts réalisés pour maîtriser les dépenses de l’assurance maladie, le déficit du régime général continuera donc de se dégrader, pour atteindre 30, 6 milliards d’euros. Le déficit des administrations sociales passera donc de 1, 4 % du PIB en 2009 à 2, 3 % du PIB en 2010.
Au total, l’ensemble des déficits publics devrait atteindre 8, 5 % du PIB en 2010. Mais, comme je l’ai évoqué, la réforme de la taxe professionnelle coûte plus cher…
… à l’État en 2010 qu’en régime de croisière, puisque nous concentrons tous les remboursements sur une seule année. Si l’on isole ce « surcoût » temporaire, le solde public se stabilise à 8, 2 % du PIB. La réduction du déficit de l’État est donc compensée par une augmentation du déficit de la sécurité sociale.
La dette publique, quant à elle, atteindra 84 % du PIB, elle progresserait donc de vingt points entre 2007 et 2010. Mais l’ensemble des pays de la zone euro connaissent la même situation et, sur la même période, la dette publique des États-Unis a augmenté d’un peu plus de trente points du PIB, celle du Royaume-Uni et du Japon d’un peu moins de quarante points.
Face à la situation de nos finances publiques, nous pouvons nous engager sur un vrai chemin. Ceux qui pensent que l’on peut encore augmenter les impôts en France se trompent lourdement, ils condamneraient la reprise à une impasse.
Alors que notre pays occupe le cinquième rang au monde pour le niveau des prélèvements obligatoires, croire que l’on peut faire retrouver des recettes en augmentant purement et simplement le taux des impôts est une hérésie économique et probablement politique !
En conséquence, le Gouvernement ne soutiendra aucune mesure qui irait dans le sens d’une augmentation générale des impôts, qu’il s’agisse de créer de nouvelles tranches de barème de l’impôt sur le revenu ou de « détricoter » le bouclier fiscal. Le Gouvernement soutiendra d’autant moins cette politique de hausse des impôts que, depuis 2007, il les a réduits de 16 milliards d’euros, dont plus de 10 milliards d’euros au bénéfice des ménages !
Notre choix consiste à faire revenir les recettes grâce à l’augmentation de l’activité et au retour de la croissance – tel est l’enjeu du débat sur la suppression de la taxe professionnelle – et non en augmentant les taux d’imposition. Ce budget repose sur une conviction simple : face à nos déficits, nous devons, d’une part, tout faire pour encourager le retour de la croissance et, d’autre part, poursuivre parallèlement, avec encore plus de vigueur, notre action de resserrement de la dépense publique.
Des réformes structurelles pour la croissance et des réformes structurelles pour réduire les dépenses, tel est le chemin que nous avons choisi !
Pour renforcer notre potentiel de croissance, dont M. le rapporteur général nous a parlé à plusieurs reprises, notre budget prend quatre décisions parfaitement cohérentes avec cette stratégie de croissance.
Premièrement, il engage des réformes fiscales de grande ampleur pour rendre notre économie plus compétitive : Christine Lagarde reviendra sur cette question et j’écourterai donc mon propos sur ce point.
Deuxièmement, notre budget conforte la priorité donnée à la formation et à l’économie de la connaissance : l’enseignement supérieur et la recherche continuent d’être prioritaires, comme en 2008 et en 2009, avec une augmentation de leurs moyens à hauteur de 1, 8 milliard d’euros cette année ; le plan pour l’intégration des jeunes, qui a été présenté par le Président de la République et Martin Hirsch, se voit attribuer dans le budget pour 2010 un crédit d’environ 500 millions d’euros en faveur de la formation des moins de 25 ans.
Troisièmement, nous continuons à tout faire pour valoriser le travail, conformément à la ligne directrice annoncée par le Président de la République lors de la campagne pour l’élection présidentielle de 2007. Nous rétablissons une plus grande équité de taxation entre les revenus de remplacement et les revenus du travail : par exemple, les indemnités de départ en retraite volontaire seront fiscalisées au premier euro. Au nom de ce principe, j’ai accepté l’amendement visant à fiscaliser les indemnités journalières versées aux victimes d’accidents du travail, présenté à l’Assemblée nationale.
Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
De même, dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale, nous avons élargi le financement de la protection sociale par les revenus du capital pour éviter qu’il ne repose à l’excès sur le travail.
Ces mesures sont des mesures d’équité, sur lesquelles, comme vient de le rappeler Philippe Marini, le Sénat avait montré la voie. Elles ne méritent pas la caricature politique que vous en faites.
Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG et applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Quatrièmement, nous poursuivons le basculement de l’économie française vers un modèle de croissance plus verte : en déplaçant une partie de la fiscalité de la production vers la pollution avec la taxe carbone, en procédant à un certain nombre d’ajustements de nos dispositifs fiscaux pour encourager les comportements écologiques – je pense en partie au « verdissement » de la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat ou du dispositif Scellier et à la poursuite du crédit d’impôt « chaudière », qui encourage l’acquisition d’équipements performants de maîtrise de l’énergie.
Enfin, travailler au retour durable de la croissance, c’est aussi poursuivre la réforme du capitalisme pour ne pas reproduire les errements du passé.
Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Dans le prolongement des décisions des sommets de Londres et de Pittsburgh, Christine Lagarde et moi-même poursuivons résolument la lutte contre les paradis fiscaux et contre la fraude.
Nous menons donc, d’une part, une action forte pour favoriser le retour durable de la croissance et poursuivons, d’autre part, notre effort de resserrement de la dépense publique. En effet, la situation de nos finances publiques ne s’améliorera pas si nous relâchons notre effort en matière de dépenses.
En 2009, je le dis clairement, notre comportement en matière de dépenses a été exemplaire.
Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
Permettez-moi de rappeler qu’en plein milieu de cette crise économique violente, nous avons été capables de tenir les deux objectifs que le Parlement avait fixés au Gouvernement : une stricte maîtrise des dépenses de l’État – vous pouvez toujours le contester, mais la réalité des chiffres parle d’elle-même ! – et une maîtrise des dépenses d’assurance-maladie plus forte qu’elle ne l’a jamais été depuis 1997 !
Je souhaite donc que nous poursuivions cet effort sans relâche en 2010. Face aux déficits structurels, nous ne pouvons qu’engager des réformes structurelles.
Ces réformes concernent l’État au premier chef : ses dépenses, d’un montant de 352 milliards d’euros, n’augmenteront pas plus vite que l’inflation, alors même que l’hypothèse d’inflation est plus faible – elle passe de 1, 75 %, dans la loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012, à 1, 2 % dans ce projet de loi de finances – et que la crise nous conduit à augmenter certains postes par rapport au budget triennal – je pense aux dépenses concernant l’emploi, qui augmentent de 700 millions d’euros, ou aux dotations sociales majorées de 1, 5 milliard d’euros. Enfin, les charges contraintes progressent, notamment les dépenses dues aux pensions, en raison des départs en retraite, qui augmentent d’un milliard d’euros, et les prélèvements sur recettes en faveur de l’Union européenne, majorés de 600 millions d’euros, soit une croissance de 3, 2 %, compte tenu du bon positionnement de la France par rapport à ses partenaires européens.
Un effort encore plus exigeant doit donc être accompli sur l’ensemble des autres dépenses. Ainsi, les effectifs de l’État diminueront de 34 000 postes en 2010, dont 16 000 postes au ministère de l’éducation nationale et plus de 8 000 postes au ministère de la défense. Entre 2007 et 2010, nous aurons supprimé 100 000 postes dans la fonction publique d’État, réalisant ainsi une économie brute de 3 milliards d’euros.
Nous allons également accentuer notre effort sur les dépenses de fonctionnement. Entre 2009 et 2010, elles diminueront de l’ordre de 1 % en valeur, grâce aux réformes structurelles engagées dans tous les ministères.
Enfin l’État mène aussi un certain train de vie et doit aussi se montrer exemplaire à l’égard des Français en la matière. Notre politique immobilière rencontre de bons résultats, mais je pense aussi à la réduction de nombreuses autres dépenses considérées comme liées au train de vie de l’État.
Enfin, les dotations en faveur des collectivités territoriales augmenteront de 0, 6 % et, parmi ces concours, la dotation globale de fonctionnement augmentera de 0, 9 %. Bien évidemment, le Fonds de compensation pour la TVA progressera en fonction des dépenses réalisées, et sa dotation augmente de près de 6 %. Tels sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les fondements du projet de budget pour 2010.
Dans les quelques minutes qui me restent, je souhaiterais évoquer les perspectives que nous envisageons d’ici à 2012 pour atteindre nos objectifs.
Globalement, je conserve l’analyse que j’avais développée lors du débat d’orientation budgétaire. Si nous poursuivons la stratégie consistant, d’une part, à favoriser le retour des recettes par la croissance et non par l’augmentation des impôts et, d’autre part, à contenir les dépenses, nous pouvons réduire le déficit de l’ordre d’un point de PIB par an. Concrètement, un taux de croissance de 2, 5 % à compter de 2011 – on peut contester ce chiffre, mais il est sur la table, et d’autres pays affichent des ambitions du même ordre de grandeur – et une progression des dépenses publiques de 1 % en volume nous permettront de maintenir ce rythme de baisse. En 2011, l’amélioration devrait même se révéler plus importante encore, avec l’extinction du plan de relance et la disparition du surcoût lié à la suppression de la taxe professionnelle.
La clé du succès résidera bien évidemment, en premier lieu, dans notre capacité à accélérer la croissance par la poursuite des réformes structurelles : autonomie des universités, réforme de la formation professionnelle, loi de modernisation de l’économie, travail du dimanche, réforme de l’accompagnement vers l’emploi, etc. Toutes ces réformes transforment la société française et améliorent ses chances de réussite dans l’avenir. Il suffit d’ailleurs d’observer les réformes engagées par nos partenaires !
En second lieu, notre capacité à limiter dans la durée à 1 % par an, en euros constants, l’augmentation de la dépense publique suppose la poursuite des réformes structurelles portant sur la dépense. Les engagements pris par le Gouvernement pour cette année 2010 démontrent notre détermination, qu’il s’agisse de la modernisation de notre système hospitalier, de la montée en puissance des réorganisations administratives, etc.
Certains veulent que nous réduisions encore plus vite nos déficits. Ainsi, la Commission européenne nous demande de ramener le déficit public sous la barre des 3 % du PIB dès 2013. Bien évidemment, nous sommes prêts à nous engager sur des objectifs ambitieux, car le redressement des finances publiques répond à une nécessité. Mais cet engagement n’aura de sens que si les objectifs fixés ne restent pas hors de portée. Nous poursuivrons les discussions avec la Commission. Si nous pouvons aller plus vite, nous le ferons, mais nous devons conserver des objectifs crédibles en fonction des capacités de notre économie. En matière de déficit, il faut redescendre une marche après l’autre pour ne pas retomber dans l’escalier de la crise. Telle est la politique que nous entendons mener !
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous l’avez compris, le budget pour 2009 était un budget de gestion de la crise ; celui de 2010 sera un budget de gestion de la sortie de crise par la croissance, par la compétitivité et par l’emploi. L’année 2010 sera une année charnière. La reprise restera éminemment fragile et nous devrons tout faire pour réussir, non seulement à la consolider, mais également à renouer durablement avec la croissance. Il importe, plus que jamais, de ne pas céder à l’illusion de l’augmentation des impôts, à la facilité fiscale et de préférer la voie, bien plus difficile mais bien plus prometteuse, de la réforme en faveur de l’investissement, de la croissance et de la baisse des dépenses.
Dans quelques instants, Alain Juppé et Michel Rocard présenteront au Président de la République les conclusions de la commission chargée de réfléchir à l’emprunt national, qu’ils ont coprésidée.
M. Éric Woerth, ministre. Cet emprunt illustre notre volonté de donner la priorité à l’investissement sur la dépense de fonctionnement. Il ne devra en aucun cas fournir un prétexte à l’augmentation des dépenses de fonctionnement. Au contraire, il devra nous offrir une vraie chance d’améliorer la compétitivité de notre économie, en se focalisant sur une sélection d’investissements à très forte rentabilité, mais nous aurons bien évidemment l’occasion d’en reparler. Lorsque les modalités de cet emprunt auront fait l’objet de décisions, le Parlement sera naturellement invité, dans le cadre d’un collectif budgétaire, à se prononcer sur son contenu.
Applaudissementssur les travées de l’UMP, ainsi que sur certaines travées de l’Union centriste et du RDSE.
La parole est à Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi.
Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, je vais être brève sur un certain nombre de points qui ont été largement abordés par Éric Woerth.
Je reviendrai toutefois sur la politique économique que nous entendons mener en 2010, sous l’autorité du Président de la République et du Premier ministre, et qui s’inscrit dans le droit-fil de celle de l’année 2009. Cette politique économique est fondée sur deux axes principaux : l’investissement et l’emploi.
Ces axes principaux, qui nous guideront pendant l’année 2010, sont effectivement ceux qui ont sous-tendu notre politique pour 2009 et celle-ci a porté ses fruits. Ainsi, la France achève l’année 2009 avec des performances deux fois meilleures que la moyenne de la zone euro. Évidemment, il n’y a pas de quoi se réjouir, puisque la croissance est environ à moins 2, 2 %. Néanmoins, la moyenne enregistrée sur le reste de la zone euro est à moins 4 % et l’Allemagne est à moins 5 %.
Marques d’ironie sur les travées du groupe socialiste.
Pour ceux qui s’étonnent de ces performances, je préciserai qu’elles sont le résultat, à la fois, du plan de relance et d’une politique ayant consisté à concentrer notre effort sur l’investissement et sur l’emploi, sans négliger les ménages les plus modestes. Ainsi 14 milliards d’euros sur les 45 milliards d’euros de soutien à l’économie ont été consacrés au soutien des ménages.
Cela ne signifie pas pour autant qu’il faut perdre de vue les grands équilibres financiers. Qu’il s’agisse du déficit public ou de l’endettement, nous devons avoir un objectif à long terme de restauration de ces grands équilibres. Cet effort doit être entamé avec l’exercice 2010 et, très certainement, s’amplifier avec l’exercice 2011, si le pari que nous faisons d’un retour de la croissance à partir de l’année 2010 est effectivement tenu.
Nous allons débuter l’année 2010 avec un élan de croissance supérieur à celui d’un certain nombre de nos partenaires européens, ayant enregistré, contrairement à la plupart d’entre eux, une croissance positive sur le deuxième trimestre et le troisième trimestre de 2009.
Je voudrais répondre à un argument que j’ai entendu, ici ou là, et qui me paraît mériter un point de clarification. Vous savez que le plan de relance que nous avons engagé grâce à de multiples travaux parlementaires, dont je souhaiterais ici vous remercier, comportait un volet relatif aux banques. En particulier, nous avons mis en place un plan de soutien au secteur bancaire, afin d’éviter une thrombose du crédit aux ménages et aux entreprises. Dans ce cadre, nous avons renforcé les capitaux propres des banques grâce à des prêts – le plus souvent des prêts participatifs ou des titres supersubordonnés – et mis en place du crédit interbancaire en engageant la garantie de l’État.
Or certains semblent penser que nous aurions dû entrer au capital de ces banques, spéculer et engranger des plus-values. Ce n’est pas la solution que nous avons retenue. Nous l’avons bien entendu envisagée – nous ne sommes pas plus idiots que les autres ! –, mais nous avons estimé qu’il n’était pas question de spéculer avec l’argent des Français et qu’il était bien préférable de consentir des prêts, en ayant la certitude qu’ils seraient remboursés intégralement et avec intérêts.
Ces intérêts représentent aujourd’hui 1, 4 milliard d’euros apportés aux finances publiques et nous percevrons quelques sommes supplémentaires, sous forme d’intérêts et de dividendes, au titre de l’année 2010. J’ajoute que la plupart des établissements bancaires ont remboursé les emprunts que nous leur avions octroyés. Il me semble donc que l’approche que nous avons retenue était la bonne !
Avant d’aborder les deux sujets qui me concernent spécifiquement, la taxe professionnelle et la taxe carbone, je souhaite revenir un instant sur nos prévisions de croissance. Si j’en crois certains murmures que j’ai pu entendre ici ou là, nous aurions bâti l’ensemble du budget sur une prévision de croissance peut-être un peu conservatrice.
Le chiffrage de 0, 75 % du produit intérieur brut pour la croissance de l’année 2010 a été retenu en tenant compte de l’environnement international. L’économie française ne tourne pas en vase clos et c’est bien le commerce extérieur qui, aujourd’hui, prend le relais des moteurs habituels de la croissance – la consommation a tenu bon, mais est plutôt atone en cette fin d’année 2009 ; l’investissement ne tient que sur le seul investissement public, l’investissement privé ayant baissé de 7 % – et contribue de manière positive à cette croissance.
C’est donc en prenant en compte l’environnement international que nous avons fixé une croissance de 0, 75 % et cette prévision semble, non pas conservatrice, mais raisonnable au regard des rééquilibrages en cours sur l’ensemble de la planète. Ainsi, si les taux de croissance sont importants en Asie, notamment en Chine, mais également en Malaisie, en Indonésie et dans un certain nombre d’autres pays périphériques – autrefois dénommés les dragons asiatiques –, on envisage pour l’année 2010 une croissance américaine relativement faible, qui ne sera pas de nature à tirer l’économie mondiale comme elle l’a fait jusqu’à présent.
Compte tenu de cet environnement international et des fondamentaux de l’économie française, il est préférable d’établir une prévision de croissance de 0, 75 %, même si, par ailleurs, la Commission européenne estime que notre PIB progressera de 1, 2 % et l’Organisation de coopération et de développement économiques, l’OCDE, dans sa prévision sortie ce matin même, qu’il augmentera de 1, 4 %.
Nous verrons bien comment se déroulera le début de l’année 2010. Certes, comme je l’ai indiqué précédemment, nous entamerons cette période avec un élan de croissance, si l’on en croit l’appréciation que donnent les statisticiens des derniers chiffres réalisés en 2009. Néanmoins, il est préférable d’attendre et de ne pas réviser, pour l’instant, cette prévision de croissance.
Avant d’aborder la question de la taxe professionnelle, je dirai quelques mots sur l’emploi.
Selon un principe économique observé systématiquement et, surtout, en période de sortie de crise lourde – c’est le cas des crises mondialisées affectant à la fois le système bancaire et le secteur immobilier, comme la crise que nous traversons – nous allons constater un décalage entre le rebond de la croissance, enregistré à l’occasion d’une reprise certes faible, mais confirmée, et la création de nouveaux emplois.
Nous devons bien entendu gérer ce décalage avec une politique de l’emploi très ciblée, solide et, évidemment, financée.
C’est pourquoi, mesdames, messieurs les sénateurs, je me félicite que le projet de loi de finances pour 2010 tende à maintenir le dispositif « zéro charge », qui permet aux très petites entreprises, les TPE, c’est-à-dire les entreprises de moins de dix salariés, d’embaucher sans avoir à payer de charges sociales.
À ce jour et au titre de l’année 2009, 500 000 emplois ont été créés grâce au dispositif, pour un objectif de 700 000 embauches avant la fin de l’année. Par ailleurs, nous maintenons le mécanisme jusqu’au 30 juin 2010 en clarifiant certaines incertitudes. Ainsi, pour les 200 000 embauches restant à réaliser en 2009 et pour toute embauche effectuée jusqu’au 30 juin 2010, l’exonération de charges est garantie pendant douze mois.
Deuxième outil que nous avons conforté, le chômage partiel continuera également à être soutenu. Ce soutien renforcé au chômage partiel a effectivement apporté un certain nombre de résultats. Ainsi, au deuxième trimestre, 319 000 personnes ont bénéficié du dispositif, soit deux fois plus qu’au premier trimestre.
En outre, les chiffres comparés du chômage font apparaître que l’Allemagne a connu une progression de son taux de chômage beaucoup plus faible que celle enregistrée en France et que la moyenne européenne. Quand on interroge nos homologues allemands, ils font tous le même constat : c’est le mécanisme du chômage partiel, la durée du chômage partiel et l’association qui est faite entre ce chômage partiel et la formation professionnelle qui leur permettent d’obtenir ces résultats. Ils évitent ainsi des ruptures de contrat pour des salariés qui se retrouvent simultanément en activité partielle et en formation professionnelle.
Le maintien d’un troisième mécanisme, un mécanisme double, est prévu dans ce projet de loi de finances.
D’une part, il s’agit de renforcer les conventions de reclassement personnalisé, les CRP, qui soutiennent les salariés ayant fait l’objet d’un licenciement économique, leur assurent un très haut niveau d’indemnisation et rencontrent un succès réel avec plus de 60 % de reclassement à l’issue de ces conventions.
D’autre part, le contrat de transition professionnelle, le CTP, particulièrement bienvenu, est actuellement en vigueur dans 25 bassins d’emploi. Un amendement au projet de loi relatif à l’orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie tend à prévoir son extension à un total de 40 bassins d’emploi. Nous avons donc encore 15 cartouches à tirer, si j’ose dire, dans ce domaine. Le projet de loi est actuellement examiné par le Conseil constitutionnel et j’espère que, dès qu’il sera validé, nous pourrons déployer le CTP sur de nouveaux bassins d’emploi.
Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, ce que je voulais vous indiquer sur la situation de l’emploi, qui constitue un objectif majeur pour l’année 2010. Nous escomptons, sur cette période, une consolidation du mouvement de reprise observé à la fin de l’année 2009, mais nous savons très bien que ses effets en matière de créations d’emploi se feront attendre sur la deuxième partie de l’année. C’est pourquoi il est déterminant de soutenir l’emploi.
J’en viens maintenant à la réforme de la taxe professionnelle et à notre préoccupation majeure, l’amélioration de la compétitivité des entreprises. Comme je le rappelais hier devant le congrès des maires de France, notre objectif est, d’abord et avant tout, économique et je sais que vous êtes nombreux à partager ce point de vue.
Notre but est d’éliminer tous les obstacles à la création d’emplois et au maintien d’activités économiques sur notre territoire.
Mme Christine Lagarde, ministre. Avec cette réforme de la taxe professionnelle – nous en viendrons ensuite au sujet capital du financement des collectivités territoriales –, je veux que plus une seule entreprise n’utilise l’alibi de la taxe professionnelle pour délocaliser.
Protestations sur les travées du groupe socialiste.
Il en existe, mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, et je vous présenterai un certain nombre de cas !
Je veux également qu’aucun des investisseurs directs étrangers – nous sommes en mesure d’en attirer – ne me dise, en utilisant le tableau comparatif de la fiscalité assise sur l’investissement, qu’il ne vient pas en France au motif que, sur l’ensemble des pays de l’Union européenne, toutes catégories confondues, c’est le seul pays à imposer l’investissement productif.
Nous aurons ce débat passionnant et vous pourrez développer vos propres arguments. Pour l’instant, permettez-moi de préciser les nôtres !
D’autres pays imposent le foncier, à un taux souvent plus élevé. Si vous connaissez, mesdames, messieurs les sénateurs, un seul pays, autre que la France, qui impose l’investissement productif, indépendamment de son utilisation et de son résultat, je vous invite à m’en informer. À part le canton de Genève, je ne pense pas qu’il y en ait !
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Le président François Mitterrand disait lui-même que la taxe professionnelle était un impôt imbécile.
Pour ma part, je dis qu’il est absurde, absurde au point que Dominique Strauss-Kahn avait considéré à l’époque qu’il valait mieux le retirer de son assiette si on voulait soutenir l’emploi.
De la même manière, nous estimons que, pour soutenir les investissements et, en conséquence, l’industrie, il faut sortir ces investissements de l’assiette de la taxe professionnelle. Seulement, si vous ôtez ces deux éléments, il ne reste plus rien ! Il devient donc nécessaire de remplacer cette taxe par un autre dispositif.
C’est précisément ce que prévoit le projet de loi de finances.
La situation est d’ailleurs très simple. Les chiffres nous apprennent qu’au cours des vingt dernières années l’industrie française a perdu 500 000 emplois directs, …
Mme Christine Lagarde, ministre. … passant de 21 % à 14 % du PIB. Cette évolution n’est pas due à la seule taxe professionnelle – contrairement à d’autres, je ne suis pas sectaire sur ce point –, mais celle-ci a eu un impact.
Protestations sur les travées du groupe socialiste.
Notre proposition consiste donc à mettre en place un impôt plus moderne. Il s’agit, non pas d’éliminer le lien entre l’entreprise et le territoire, lien qui s’avère indispensable, mais plutôt de le remplacer par un impôt qui soit en ligne avec la politique industrielle et avec ce que sont devenus les éléments fondamentaux de notre PIB : une proportion importante d’activités de service, aujourd’hui largement exonérées ou bénéficiant d’un assouplissement considérable en matière de taxe professionnelle ; une faible part d’activités industrielles, fortement taxées dans ce domaine.
Nous sommes très clairement à l’heure des choix ! Nous aurons, à ce sujet, un débat long, approfondi et technique. D’ailleurs, je remercie infiniment M. le président de la commission des finances d’avoir bien voulu nous donner le temps d’étudier cette question. Nous prendrons donc le temps de l’examen.
Comme je vous l’ai déjà dit, et comme l’a annoncé avant moi M. le Premier ministre, avec plus encore de clarté et d’autorité, nous sommes d’accord pour convenir d’une clause de rendez-vous à mi-année. Il s’agit non pas de remettre en cause tout le système, car nous devons assurer plus de sécurité, mais de corriger à la marge les erreurs que nous aurions pu commettre. Nous pourrons également vérifier, sur la base des simulations, si nous avons atteint les objectifs que nous nous sommes fixés.
Très bien ! sur les travées de l ’ UMP.
Cet objectif est double. D’une part, nous voulons soutenir l’industrie, c’est-à-dire les entreprises, car ce sont elles qui créent des emplois tout en contribuant aujourd’hui à la taxe professionnelle et demain à la contribution économique territoriale. D’autre part, nous voulons garantir les finances publiques, puisque l’ensemble des collectivités territoriales bénéficieront de ce financement.
Mme Christine Lagarde, ministre. Avec cette réforme, je le rappelle, nous remplaçons la taxe professionnelle par un impôt moderne qui marche sur deux jambes, comprenant une part foncière et une part assise sur la valeur ajoutée.
Exclamations sur les travées du groupe socialiste.
Avec cette réforme, l’imposition des entreprises sera allégée de 4, 3 milliards d’euros. Il sera dorénavant moins coûteux d’investir en France, et donc d’y créer des emplois.
Je comprends parfaitement que ce projet de réforme, avec son double objectif – imposer l’activité économique tout en l’encourageant, et garantir le financement des collectivités territoriales – suscite des questions et des incertitudes. C’est pourquoi j’estime qu’il doit faire l’objet d’un débat serein, intelligent et néanmoins technique.
Je dois cependant rappeler avec la plus grande clarté l’intention du Gouvernement. Nous voulons non seulement maintenir les recettes des collectivités territoriales, de toutes les collectivités territoriales, de chacune des collectivités territoriales ; mais nous voulons aussi le faire dans le respect du principe de l’autonomie financière.
Les ressources transférées aux collectivités territoriales ne seront pas des subventions sous forme de dotations complémentaires, dont les élus que vous êtes connaissent le caractère incertain à long terme. Au contraire, elles seront constituées de recettes fiscales pérennes et dynamiques, les collectivités territoriales conservant la capacité de fixer le taux d’imposition sur les éléments fonciers de la taxe.
J’étais hier au congrès annuel de l’Association des maires de France. Je sais que certains d’entre vous y ont participé et je les en remercie. Depuis le début, le Gouvernement a toujours pris le parti de l’écoute et du dialogue avec les parlementaires. Ce dialogue, je suis bien sûr prête à l’approfondir car, pour une réforme aussi importante, il n’y en aura jamais assez.
Je rappellerai que, depuis la conférence nationale des exécutifs, il y a huit mois, le Gouvernement n’a cessé de travailler avec les élus sur cette question.
Protestations sur les travées du groupe socialiste.
Je voudrais, à cet égard, remercier les sénateurs qui ont accepté de participer à ce processus de concertation. En particulier, il faut rendre hommage au talent de MM. les sénateurs Albéric de Montgolfier et Charles Guené
Bravo ! et applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
, ainsi qu’à celui de leur collègue Edmond Hervé, qui a lui aussi participé à ce groupe de travail.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et de l ’ UMP.
Mme Christine Lagarde, ministre. Vous noterez au passage qu’à droite on applaudit tout le monde !
Exclamations sur les travées du groupe socialiste.
Par ailleurs, j’ai été entendue à huit reprises par la conférence nationale des exécutifs et par le Parlement. De nombreuses réunions ont eu lieu avec les associations d’élus locaux, avec les entreprises ou avec le groupe de travail parlementaire constitué sur la suggestion de M. le président de la commission des finances, qui rassemblait les sénateurs dont je viens d’évoquer le nom et que je remercie à nouveau.
Ce travail fructueux a débouché sur des modifications profondes du texte. Permettez-moi de vous en citer deux exemples.
Le premier, c’est l’idée d’une cotisation sur la valeur ajoutée, réclamée par les associations d’élus depuis de nombreuses années. Personne n’a pu, jusqu’à présent, lui donner forme, de même que personne, depuis vingt ans, n’avait osé réformer la taxe professionnelle. C’est ce que vous allez faire en examinant ce texte.
Le second apport considérable du groupe de travail réuni par le Gouvernement, c’est le découplage entre la cotisation et la part foncière de la taxe professionnelle : là encore, c’est une initiative des élus ! Cette idée n’avait pas la faveur des représentants des entreprises, et je dois avouer qu’il n’a pas été facile de travailler sur cette partie du texte. Si nous l’avons maintenue, c’est que le projet de réforme du Gouvernement n’avait pas pour objet d’avantager les entreprises, mais d’être à la fois favorable à notre économie et respectueux des finances locales.
Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Nous avons donc continué à améliorer ce texte avec les députés. L’Assemblée nationale nous a ainsi convaincus d’attribuer au bloc communal – et notamment aux intercommunalités – une partie de la cotisation sur la valeur ajoutée que, par une illumination de fiscalistes, nous avions prévu d’affecter exclusivement au bloc régional et au bloc départemental. C’est pourquoi le texte tel qu’il vous est soumis prévoit que 20% de la cotisation sur la valeur ajoutée aille aux établissements publics de coopération intercommunale.
Mme Christine Lagarde, ministre. Nous allons évidemment continuer à travailler sur ces matières. Je sais en tout cas que je pourrai compter sur les sénateurs, qui ont à cœur de défendre les intérêts des collectivités territoriales, pour améliorer le texte. Je sais en particulier que nous devrons nous efforcer d’accorder deux principes difficilement conciliables et néanmoins inéluctables : celui de la territorialisation et celui de la bonne clé de répartition sur laquelle il faut d’ailleurs s’interroger pour savoir si elle est, en l’état actuel, favorable ou non à l’équilibre entre les territoires.
Très bien ! sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.
L’engagement que je prends vis-à-vis de vous, c’est de tenter par tous les moyens d’être simple. Même s’il serait plus facile de débattre entre experts d’une matière qui peut paraître obscure, je crois qu’il s’agit d’un impôt trop important pour que son élaboration soit laissée aux seuls spécialistes.
Je passerai plus vite sur le deuxième volet important de la réforme fiscale que nous vous proposons, puisque nous aurons l’occasion d’en débattre à l’occasion de l’examen des amendements, et qui nous amène à envisager une croissance plus durable. J’évoquerai ici la taxe carbone.
Cette taxe carbone découle d’un choix stratégique et difficile. Nous savons que réduire aujourd’hui nos émissions de CO2 nous coûtera moins cher que d’en assumer, demain, les conséquences du changement climatique. C’est la position de France dans les organisations internationales, que Jean-Louis Borloo a défendue avec énergie en tentant de dépasser les clivages traditionnels entre pays émergents et moins développés d’un côté, pays industriels et développés de l’autre. A cet effet, il a proposé un compartimentage un peu différent, qui permettrait d’isoler les pays les moins développés et les plus menacés par le risque climatique de l’ensemble des autres, qu’ils soient « émergents » ou « développés ».
Nous avons donc choisi de donner suite aux propositions de Michel Rocard et de Nicolas Hulot pour taxer les émissions de CO2, afin que personne ne puisse continuer à dégrader la planète sans en payer le prix ou, du moins, sans connaître ce prix
Comme l’a dit fort justement M. le rapporteur général dans un article récent, il est légitime de s’interroger sur la nature de la taxe carbone. Car, à vrai dire, s’agit-il bien d’une taxe ? N’est-ce pas plutôt, en l’état actuel, un signal-prix et un mode de détermination d’un coût ?
Tout à fait ! Ce n’est pas une taxe, c’est un prix. Il faut gagner la bataille des mots !
À défaut d’un glissement sémantique – même si la sémantique, en la matière, compte infiniment – je constate que ce signal-prix entraînera, dans son évolution potentielle, un glissement d’assiette de nos prélèvements obligatoires. Cette taxe est porteuse d’un double dividende, parce qu’elle permet de restructurer notre fiscalité en taxant moins les investissements, moins les revenus et plus la pollution.
La méthode, je le crois, a fait ses preuves ; nous avons vu que le mécanisme du bonus-malus dans le secteur automobile a permis de quadrupler la part des véhicules propres dans les ventes de voitures en un an. La taxe carbone s’appuie sur un système comparable : le malus, c’est la taxe carbone ; le bonus, c’est la compensation forfaitaire redistribuée aux ménages, telle qu’elle est prévue par l’article 6 du projet de loi soumis à votre examen.
Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, ce que je voulais brièvement vous indiquer ; je sais que nous aurons l’occasion de débattre plus avant et de manière, je l’espère, tout à la fois technique et simple, de ces deux modifications fondamentales de notre paysage fiscal. Ces réformes, j’en suis convaincue, nous permettront de poursuivre notre politique économique, fondée sur l’investissement et l’emploi dans une perspective durable.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP, ainsi que sur certaines travées de l ’ Union centriste et du RDSE.
Madame la ministre, en vous décernant le titre de meilleur ministre des finances de la zone euro, le Financial Times ignorait sans doute votre discours d’aujourd’hui. Quoi qu’il en soit, nous vous en félicitons !
La parole est maintenant à M. le rapporteur général de la commission des finances.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je vous propose d’organiser cette présentation en deux phases. La première sera consacrée au contexte économique et financier, entre crise et reprise. La seconde aura plus précisément trait au projet de loi de finances dont nous entamons l’examen : entre relance et retour à la normale ou, peut-être, entre relance et rigueur.
Applaudissementssur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.
Vous me connaissez suffisamment bien, mes chers collègues, pour savoir que, de ma part, le terme « rigueur » n’est pas un gros mot.
Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
C’est au contraire un mot qui traduit le souci de la saine gestion des deniers publics, ce qui est notre devoir
Très bien ! sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.
J’en viens donc à la première phase. Nous ne savons plus très bien où nous en sommes. Nous avons un problème de repères.
Sourires sur les travées du groupe socialiste.
Sourires
En ce qui concerne cette perte de repères, je voudrais souligner qu’en peu de temps tout a changé d’échelle – qu’il s’agisse des déficits, de l’endettement des États, du total des bilans des banques centrales – et qu’en la matière notre pays ne fait pas exception.
Je vous rappelle les chiffres : 116 milliards d’euros de déficit pour le budget de l’État de 2010, après sans doute plus de 140 milliards d’euros au titre de 2009 ! Si l’on regarde l’ensemble des administrations publiques, sécurité sociale et collectivités territoriales comprises, l’augmentation est tout aussi spectaculaire puisqu’en pourcentage du produit intérieur brut nous atteindrions 8, 5% en 2010.
Dans cette phase intermédiaire, nous sommes pour ainsi dire dans un état d’apesanteur financière. La dette explose et, pourtant, elle n’a jamais été aussi légère !
Sourires
Pour vous, 140 milliards, c’est de l’apesanteur ! Je dirais plutôt que c’est du plomb !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Elle est si légère que cette légèreté est, à l’évidence même, insoutenable. N’est-ce pas ?
Sourires
Tout le monde le sait, les analystes comme les opérateurs de tous ordres, cette situation va changer. L’inflation va réapparaître, les taux d’intérêt vont remonter et, comme la dette n’est pas magique, il nous faudra la rembourser. Les remboursements de la dette accumulée aujourd’hui pèseront donc certainement plus lourd demain.
Au demeurant, il y a des indices de reprise autour de nous. Mais il y a en même temps toujours beaucoup de trouble dans les esprits. Le volume des liquidités mises sur le marché est, du fait même de la crise et de la manière dont il a fallu la combattre, sans précédent. Il viendra probablement alimenter de nouvelles bulles d’actifs si l’on n’y prend garde – qu’il s’agisse de matières premières, d’immobilier ou, tout simplement, de titres.
L’observation des marchés financiers ou de la manière dont les banques sont gérées et les résultats qu’elles obtiennent met en lumière un paradoxe. Il existe, en effet, un décalage, tout à fait incompréhensible du point de vue de l’opinion publique, entre une sphère réelle qui peine à se restructurer et une sphère financière qui redevient rapidement florissante. De manière très générale, ce constat vaut pour l’ensemble des pays occidentaux.
Les gouvernements et les banques centrales ne pouvaient, dans le paroxysme de la crise, que traiter le mal par le mal. L’injection considérable de liquidités dans l’économie, le caractère par définition anormal de la structure des taux d’intérêt et l’implication très forte des États dont la marge de manœuvre budgétaire était déjà très faible n’ont pu qu’engendrer des comportements paradoxaux.
Et c’est la conjonction de deux phénomènes – les aides d’État, mais, surtout, l’approvisionnement en liquidités à un coût quasi nul – qui permet aux banques d’améliorer rapidement leur rentabilité.
L’afflux de liquidités commence à faire sentir ses effets pervers sur le marché de changes avec, en particulier, la baisse continue du dollar.
Le Premier ministre a annoncé – et vous l’avez confirmé, madame la ministre – que le taux de croissance en 2010 serait « sans doute » de « plus de 1 % ». Le projet de loi de finances est établi, quant à lui, sur la base prudente d’un taux de 0, 75 %, ce dont je ne peux que me réjouir.
Avec la reprise, de nouvelles difficultés risquent de surgir. Dans leur souci justifié de lutter contre l’inflation, puisque c’est le mandat qu’on leur a confié, les banques centrales devront probablement dans quelques mois durcir leur politique monétaire, surtout si les prix de l’énergie commencent à frémir.
Au demeurant, il suffit d’observer les anticipations ou les décisions prises en matière de détermination des taux d’intérêt par les banques centrales de certains pays situés aux confins de notre monde – je pense à l’Australie.
Le relèvement des taux d’intérêt, que nous savons inévitable et qui s’inscrit d’ailleurs dans le prix des options se négociant sur les marchés, dont nous ne connaissons pas le terme, commencera naturellement par renchérir les charges de la dette d’un certain nombre d’États, notamment la France.
Dès lors qu’il convient de prendre en compte les risques réels et extrêmes du système, il ne faut pas exclure que, à la suite du relèvement des taux d’intérêt, il devienne beaucoup plus difficile de placer une dette publique dont, pour l’instant, tout le monde s’arrache les titres.
Mais, madame la ministre, nous ne pouvons bâtir un chemin durable sur la situation exceptionnelle et sans précédent dans laquelle notre monde économique se trouve aujourd'hui.
La sortie de crise constituera le moment de vérité pour les modèles économiques. Il faut raisonner nation par nation. On a souvent vanté les modèles de croissance et de rigueur de l’Espagne et du Royaume-Uni. Aujourd'hui, nous le savons, ces pays qui sont en phase de sortie de crise vont devoir modifier sensiblement ces modèles, voire en inventer de nouveaux. En termes de comparaisons intra-européennes, nous connaissons le nom de celui qui sortira vainqueur : c’est notre meilleur allié et partenaire, l’Allemagne, qui, ayant su limiter les déficits, devrait profiter des toutes premières brises de reprise en qualité de meilleur fournisseur des zones émergentes, c'est-à-dire de celles qui connaîtront les taux de croissance les plus élevés.
Aujourd'hui, le niveau exceptionnellement bas des taux d’intérêt constitue une fenêtre d’opportunité, que nous devons utiliser à bon escient, sans illusions, avec la préoccupation permanente de poursuivre les réformes qui affirmeront notre compétitivité.
J’en viens au projet de loi de finances pour 2010. J’évoquerai à mon tour les principales dispositions de politique fiscale – le financement des collectivités territoriales et le « signal prix », appellation préférable à celle de « taxe carbone » –, avant d’en venir à quelques réflexions sur le sujet qui nous prive à l’instant de la présence de M. Éric Woerth, c'est-à-dire le grand emprunt, et de conclure sur la bonne tenue des dépenses publiques.
En ce qui concerne la taxe professionnelle, …
… vous le savez, madame la ministre, je n’étais pas demandeur de cet exercice, …
… tout comme la plupart de nos collègues ici présents. Dès lors que la réforme est engagée, il est indispensable que le Sénat joue tout son rôle, qui porte à la fois sur la méthode et l’explicitation.
À vrai dire, vous avez élaboré ce texte dans des conditions particulièrement difficiles, votre administration n’étant pas nécessairement bien préparée. Il faut rendre hommage à votre travail, …
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. … car vous vous y êtes attelée avec discipline
Sourires.
Je ne le crois pas. Mais, pour mieux comprendre cette réforme, nous convaincre de sa pertinence, …
On en connaît qui ne sont pas convaincus, n’est-ce pas, chers collègues de la majorité ?
… pour l’expliciter et la défendre à l’extérieur, nous avons encore besoin de tout le temps de nos débats et de quelques stades intermédiaires.
À la vérité, lorsqu’on lit l’article 2 qui comporte, si je ne me trompe, 135 pages, …
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. … nous ne sommes pas encore en mesure d’en faire une analyse globale. C’est la raison pour laquelle j’ai recommandé – et je suis très reconnaissant au Gouvernement de ne pas s’y opposer –d’utiliser la meilleure méthode, qui est celle de Descartes. En substance, face à une difficulté que l’on peine à analyser, il faut « diviser chacune des difficultés que j’examinerai en autant de parcelles qu’il se pourrait et qu’il serait requis pour les mieux résoudre ». Nous devrions nous en tenir à cette règle extraite du Discours de la Méthode.
Applaudissementssur les travées de l’UMP, ainsi que sur certaines travées de l’Union centriste.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Sa traduction moderne et immédiate, ici et maintenant, c’est : un temps, deux mouvements !
Ah ! sur les travées du groupe socialiste.
Ainsi, les dispositions ayant vocation à être opérationnelles dès le 1er janvier 2010 doivent figurer dans la première partie de la loi de finances.
Je pense, tout d’abord, à la suppression de la taxe professionnelle, et, de ce fait, au second volet du plan de relance et de soutien de la trésorerie des entreprises pour la seconde année consécutive – mais je crois que c’est bien nécessaire dans la conjoncture actuelle –, de l’ordre de 11 milliards d’euros.
Vient, ensuite, la création de nouvelles contributions, à propos desquelles, madame la ministre, nous souhaitons que l’on appelle un chat un chat !
Ah ! sur les travées du groupe socialiste.
Enfin, le troisième élément devant figurer dans la première partie de la loi de finances est la « compensation relais », qui doit permettre à la machine de continuer à tourner et aux collectivités territoriales d’être financées.
À mes collègues qui sont aussi maires, je voudrais signaler que, en période de crise, lorsque nous sommes plus exposés à perdre des bases d’imposition qu’à en gagner, le gel d’une situation de référence peut rendre bien des services, et je parle en connaissance de cause !
Ah ! sur les travées du groupe socialiste.
Ce n’est pas en raison de la taxe professionnelle que l’établissement a fermé !
Beaucoup d’entre vous sont, hélas ! dans des cas de figure assez analogues. Il reste encore un certain nombre de dispositions complémentaires à mettre en place dès le 1er janvier 2010.
Dans la seconde partie de la loi de finances, figureront des dispositions portant essentiellement sur trois aspects – nous y reviendrons de manière plus détaillée dans le débat de cet après-midi –, à savoir la répartition des nouvelles cotisations entre les strates de collectivités territoriales, la compensation au-delà du 1er janvier 2011 et la péréquation.
S’agissant tout d’abord de la répartition des nouvelles cotisations entre les strates de collectivités territoriales, la commission des finances est en train d’élaborer sa position. Nous pouvons simplement dire dès à présent que notre raisonnement se fait à compétences inchangées, car la loi de finances ne saurait préjuger la loi sur les institutions territoriales.
Exclamations sur les travées du groupe socialiste.
Elle peut toutefois – et elle doit – préparer utilement cette loi, car vous seriez fondés, mes chers collègues, à nous critiquer encore plus ! (Absolument ! sur les travées du groupe socialiste.)
Il va de soi que nous ne saurions reprocher à l’opposition de jouer son rôle critique !
Mais, je le répète, vous seriez fondés à nous critiquer encore plus si nous abordions la discussion de la future loi sur les institutions territoriales sans disposer de simulations financières.
À nous de faire que le projet de loi de finances devienne un texte opérationnel susceptible de servir de base à de véritables simulations.
Ensuite, s’il le faut, nous pourrons faire jouer le curseur des compétences en toute connaissance de cause, …
… c’est-à-dire sur la base de données chiffrées, méthodiques, qui résulteront de nos travaux.
Le deuxième aspect à traiter est la compensation au-delà du 1er janvier 2011. Faut-il tout figer pour l’éternité des temps ?
Ce type de sujet doit être traité en toute transparence et tout doit être mis sur la table. En d’autres termes, comme le voulait Descartes, il faut bien comprendre ce que nous faisons.
Le texte qui nous a été transmis comporte en effet trop de choix implicites.
Je ne jette la pierre à personne, car la tâche est infiniment difficile, et elle a été réalisée en peu de temps.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Le troisième aspect à traiter est la péréquation.
Applaudissementssur certaines travées de l’UMP.
Mes chers collègues, je vous rappelle qu’il nous appartiendra de trouver un juste équilibre.
Tout le monde, en particulier votre serviteur, est attaché au lien territorial. Mais plus l’assiette est territorialisée, plus les différences de la nature et de l’économie jouent, et donc plus la péréquation est nécessaire.
Mais si la péréquation est un égalitarisme total, intégral, voire intégriste, il n’y a plus de territorialisation.
Il nous appartiendra donc aussi, qu’il s’agisse du stock ou des flux, de trouver le juste arbitrage en prenant tout le temps nécessaire – nous y sommes prêts, madame la ministre – afin que la pédagogie opère et que l’on trouve les bonnes solutions pour l’avenir.
J’en viens en quelques mots à d’autres aspects du projet de loi de finances.
La commission des finances, notamment sous l’impulsion de notre excellent rapporteur spécial Fabienne Keller, aborde le dispositif dit de la taxe carbone dans un esprit très constructif. Je signale toutefois que la question du chauffage individuel a été moins traitée jusqu’ici, notamment à l’Assemblée nationale, que la problématique des déplacements. Or la perspective d’une hausse du prix de certains modes de chauffage individuel aura des conséquences sur la vie de nos concitoyens, notamment en termes de pouvoir d’achat. Nous devrons donc aborder ce sujet sur le fond.
Le projet de budget que nous examinons ne marquera pas l’achèvement de nos travaux financiers de ce cycle. En janvier, probablement, Éric Woerth et vous-même, madame la ministre, serez en effet conduits à nous présenter un projet de loi de finances rectificative ou un texte similaire, qui sera le support juridique du grand emprunt.
Si j’évoque dès à présent ce dispositif sans en connaître les règles du jeu en quelque sorte, c’est tout simplement pour exprimer quelques principes.
Tout d’abord, ce grand emprunt ne saurait être la session de rattrapage de dépenses budgétaires tellement prioritaires qu’elles n’auraient pas pu être inscrites dans le projet de budget.
Ensuite, si l’emprunt intervient – et je crois que c’est une formule tout à fait défendable –, il engendrera des charges. Face à ces dernières, il faut des produits. Par conséquent, les projets qui seront identifiés pour bénéficier de ce financement devront être porteurs de rentabilité.
Or, permettez-moi de le dire, la rentabilité n’est ni un espoir ni un discours, c’est une notion comptable. Même si les comptables ont, comme les financiers, mauvaise presse, il n’en reste pas moins que personne ne peut définir une rentabilité qui ne reposerait pas sur des chiffres, c’est-à-dire sur des données mesurables.
Il faudra donc, je le répète, trouver une solution pour que, aux charges, correspondent des produits. Identifions une gouvernance afin de déterminer non seulement les projets, mais aussi la manière dont les produits permettront d’assumer les charges et que ceux-ci puissent faire l’objet d’un suivi et d’un contrôle indispensables dans la durée.
Voilà, madame la ministre, ce qu’attendent nos partenaires de l’Union européenne ainsi que les analystes financiers. Car, ne l’oublions pas, notre dette est notée !
Comme vous êtes le meilleur ministre des finances, notamment dans les enceintes internationales, …
… vous savez beaucoup mieux que moi que traduire le français en langage international n’est pas facile et que traduire le langage international en français est un exercice plus difficile encore. Mais je vous sais orfèvre en la matière. Il faut donc faire en sorte que l’emprunt ne nous déprécie pas aux yeux de nos partenaires européens ni vis-à-vis de nos bailleurs de fonds.
Pour terminer, je voudrais saluer les efforts importants en matière de dépenses publiques. Hors plan de relance et à périmètre constant, les dépenses de l’État augmentent de 1, 1 % dans le projet de loi de finances pour 2010. Pour la première fois, on assiste à une baisse en volume, si je me réfère au taux d’inflation prévisionnelle, qui s’établit à 1, 2 %.
La loi de programmation pluriannuelle avait retenu un taux d’inflation de 1, 75 % pour 2010, mais le Gouvernement a fait le choix – je l’approuve et je l’en félicite – de limiter la progression de l’ensemble au taux d’inflation de 1, 2 %. Il faut saluer cette volonté de tenir la dépense « structurelle », même pendant la crise ou en phase de préparation de sortie de crise, avec la norme globale de 1, 1 %.
La limitation de la norme de dépense n’aboutit pas à remettre en cause la plupart des enveloppes des missions. Mais grâce au mode de calcul des crédits des pensions, des économies significatives ont été réalisées, ce qui a permis des redéploiements.
Cependant, ce satisfecit doit être contrebalancé par une inquiétude : le coût des crédits d’impôt. Ce sont les dépenses fiscales – c’est donc de votre compétence directe, madame la ministre – qui s’apparentent le plus à des subventions. Leur montant passerait de 12, 8 milliards d’euros en 2009 à 17, 5 milliards d’euros en 2010.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. C’est cela qu’il faudra limiter le plus à l’avenir. Il faudra bien à mon avis que la dépense fiscale soit astreinte à la même règle que la dépense budgétaire. On ne peut pas continuer ainsi !
Applaudissementssur les travées de l’UMP, ainsi que sur certaines travées de l’Union centriste.
Soyons rigoureux à bon escient sur les dépenses au sens classique du terme. Incluons les opérateurs de l’État dans le même raisonnement que les crédits des ministères.
Les dépenses fiscales devront tout naturellement être astreintes au même raisonnement.
Pour conclure, je voudrais rappeler que des choses très difficiles ont été réalisées avec persévérance année après année, en particulier dans la gestion des ressources humaines de l’État. En l’occurrence, saluons les efforts qui ont été faits, car la règle du non-remplacement d’un départ à la retraite sur deux se traduit par des économies qui, au fil du temps, deviennent importantes, et par des capacités de redéploiement. Même sur les dépenses en principe les plus rigides dans le budget de fonctionnement de l’État, nous sommes parvenus à faire bouger les lignes et, dans le même temps, à valoriser le travail réalisé au sein de la fonction publique.
Madame la ministre, c’est donc avec espoir, mais non sans quelques inquiétudes, et avec le souci d’entamer cette discussion budgétaire de manière constructive et pédagogique que la commission des finances a rédigé ses rapports. Elle s’efforcera tout au long des journées que nous aurons la joie de passer ensemble, notamment en fin de semaine, de contribuer le mieux possible à l’élaboration des positions du Sénat.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP, ainsi que sur certaines travées de l ’ Union centriste.
M. Roland du Luart remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, au moment d’aborder le projet de loi de finances pour 2010, il n’est pas inutile de nous reporter un an en arrière et de nous souvenir de l’état d’esprit qui avait présidé à nos débats. Nos interrogations étaient alors nombreuses, et la situation que nous affrontions avait créé, reconnaissons-le, un certain désarroi.
J’avais débuté mon intervention en soulignant combien la crise économique, née des graves défaillances du système financier mondial, menaçait les équilibres sociaux de notre pays et portait en germe la ruine de notre pacte républicain.
Un an après, le Gouvernement évoque à juste titre un budget de « sortie de crise ». Celle-ci a bien eu lieu, et nous avons subi toutes ses rigueurs au cours des derniers mois.
Madame le ministre, vos prévisions de croissance pour 2009 sont de moins 2, 2 % du produit intérieur brut, donnée qui reflète, il faut le souligner, la pire récession enregistrée par notre pays depuis 1945. Néanmoins, les choix faits voilà un an nous permettront vraisemblablement de réaliser des performances en moyenne deux fois moins mauvaises que celles de nos partenaires de la zone euro et du Japon et à peu près identiques à celles des États-Unis. Notre principal partenaire, l’Allemagne, devrait ainsi connaître une contraction de 5 % de son produit intérieur brut.
Cette relative maîtrise de la situation n’emprunte rien au hasard. Nous la devons à l’action énergique du Gouvernement, qui a su agir avec discernement et célérité : d’abord, pour rompre la paralysie qui menaçait le système bancaire et donc le financement de l’économie ; ensuite, pour donner un coup de fouet indispensable à l’activité économique à travers le plan de relance.
Je ne reprendrai pas sur ce point les excellents développements de ceux qui m’ont précédé à la tribune. Qu’il me soit cependant permis de saluer le travail tout à fait déterminant du Médiateur du crédit, qui a mis là où il le fallait, quand il le fallait, les quelques « gouttes d’huile » nécessaires pour assurer la survie de nombreuses entreprises.
Il faudra suivre cela « comme le lait sur le feu », madame le ministre, car, ici et là, dans nos territoires, des PME se trouvent probablement à la limite du dépôt de bilan. Veillons à ce que tous les gestionnaires des fonds publics d’investissement, y compris des fonds de consolidation, ne confondent pas le private equity et le soutien à des entreprises hautement et gravement menacées de disparition, avec tous les emplois qui pourraient succomber.
Le budget de l’État et, complémentairement, les budgets de la sécurité sociale et des collectivités territoriales ont joué à plein leur rôle d’amortisseurs de la crise. Les résultats sont là, incontestables. La richesse nationale a recommencé de progresser dès le deuxième trimestre de cette année, et 2010 devrait être tout entière une année de croissance du produit intérieur brut. À ce sujet, j’approuve la très grande prudence dont fait preuve le Gouvernement en évoquant un taux de 0, 75 %, là où le consensus des économistes évoque pratiquement le double. Le budget ne peut qu’y gagner en sincérité et la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF, en crédibilité. Cela étant, il conviendra de prolonger les comparaisons en observant de près la tonicité des premiers signes de reprise.
En effet, au-delà des louanges, si méritées soient-elles, il nous faut regarder la vérité en face : la réponse budgétaire que nous avons dû, à juste titre, apporter à la crise n’a fait qu’accentuer les déséquilibres gigantesques qui affectent nos finances publiques. Je donne volontiers acte au ministre des comptes publics de sa volonté de tenir les dépenses. Hors plan de relance, que l’on peut à bon droit exclure des bases de comparaisons car il a consisté en des charges ponctuelles et non récurrentes, et à périmètre constant, les dépenses de l’État n’augmenteraient que de 1, 1 %, ce qui correspond à une très légère réduction en volume. Naturellement, il faudra être attentif aux dépenses fiscales, madame le ministre.
Mais nous devons tenir compte du passé et du passif accumulé ces dernières années. Il est aussi de notre devoir d’envisager sérieusement un scénario dans lequel notre potentiel de croissance aurait été durablement entamé par la crise dont nous continuons à subir les effets.
Mme la ministre acquiesce.
Selon la réponse, les perspectives ne sont pas les mêmes et, comme le souligne fort bien M. Philippe Marini dans son rapport, on ne peut pas exclure, toutes choses égales par ailleurs, une perte pérenne de recettes d’impôt, notamment, mais pas seulement, d’impôt sur les sociétés…
En 2010 encore, en dépit d’une incontestable reprise qui se traduira par des rentrées supplémentaires, et même si l’on ne tient pas compte de l’effet de la réforme de la taxe professionnelle, les recettes nettes du budget général resteront moindres que celles qui sont prévues en loi de finances initiale pour 2009. Inférieures à 200 milliards d’euros, elles ne couvrent plus aujourd’hui que moins de 60 % des dépenses du budget général, ce qui signifie un déficit de 40 %.
Le déficit, sans doute supérieur à 140 milliards d’euros cette année, sera encore au-dessus de 110 milliards d’euros l’an prochain. À ce niveau de déficit, madame le ministre, nous n’amortissons pas la dette ; celle qui vient à échéance fait l’objet de nouveaux emprunts. Si l’on avait l’ambition d’éteindre cette dette en cinquante ans, il faudrait cesser dès 2011 d’adopter des budgets en déficit. Les marges économiques dégagées par la RGPP, la révision générale des politiques publiques, ou par la politique de non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite sont appréciables, mais elles ne sont pas à la hauteur de l’enjeu.
Le déficit public global dépasse le seuil considérable de 8 % du produit intérieur brut. La Commission européenne nous somme de revenir sous la barre des 3 % d’ici à 2013. Le Gouvernement envisage plutôt 2014. Puisse-t-il avoir raison ! La question doit être posée : serons-nous encore longtemps crédibles sur nos perspectives de retour à l’équilibre si nous différons les mesures structurelles qu’impose un état de nos finances publiques qui n’est plus soutenable ?
J’approuve par avance le Premier ministre lorsqu’il souhaite présenter au Parlement, début 2010, une stratégie de finances publiques qui se traduirait, pour respecter le seuil de 3 % de déficit à l’horizon 2014, par une réduction du déficit de plus de 1 % par an. L’objectif peut paraître ambitieux, mais, mes chers collègues, avons-nous d’autre choix que d’y souscrire ?
L’heure de vérité pourrait bien venir dès les prochains mois, avec le retournement, attendu, des conditions de remboursement de notre dette.
L’année 2010 devrait marquer le retour des emprunts à moyen et à long terme, après de nombreux mois au cours desquels le financement à court terme est resté anormalement avantageux.
M. le rapporteur général de la commission des finances acquiesce.
Dans ce contexte, le projet de loi de finances pour 2010 ne doit pas seulement être un outil de sortie de crise. Il ambitionne, les ministres nous l’ont dit, d’être un budget porteur d’espoir, préparant l’avenir, même si j’ai bien compris que, pour cela, il faudrait peut-être compléter le budget au début de l’année 2010.
Les deux innovations majeures que comporte le projet de loi de finances sont une réforme fiscale d’une ampleur exceptionnelle, la suppression de la taxe professionnelle, et la mise en place de la taxe carbone.
Le sujet du « grand emprunt », mes chers collègues, devrait être évoqué dans le cadre d’un collectif budgétaire en début d’année prochaine, mais il relève bien de la même inspiration, qui privilégie les réponses à apporter dès aujourd’hui aux défis déjà présents auxquels nous resterons confrontés, en termes sans doute encore plus aigus au cours des prochaines années.
Mais ce grand emprunt constituera bien une nouvelle injection de dépenses publiques. Je ne peux taire les fortes réserves que m’inspire ce complément annoncé de la loi de finances que nous examinons aujourd’hui. Comme si la loi d’aujourd’hui était incomplète, comme s’il fallait y revenir l’année prochaine ! Madame le ministre, pourquoi n’êtes-vous pas parvenue à inscrire les investissements d’avenir dans le projet de loi de finances que vous défendez aujourd’hui devant le Sénat ?
Au fond, notre appréciation sur le texte proposé par le Gouvernement se résume à une seule question : ce projet de budget est-il de nature à améliorer la compétitivité de nos entreprises, à nous donner ce surcroît de croissance dont nous avons tant besoin, d’abord pour garantir aux Français la préservation et l’amélioration de leur cadre de vie, mais aussi pour assainir nos finances publiques si délabrées, et surtout pour lutter efficacement contre le chômage ?
Je vous le dis d’emblée : au-delà des intentions, que j’approuve sans réserve, j’avoue ressentir quelques réticences sur la méthode. En se montrant les disciples…
… d’une méthode cartésienne, je ne doute pas que nous allons progresser, mais je crains que nous ne parvenions pas toujours à l’objectif exprimé. Le débat qui va s’ouvrir entre nous permettra, n’en doutons pas, de rapprocher les points de vue. En effet, il ne suffira pas d’afficher des intentions, aussi louables soient-elles, mes chers collègues, il faudra rendre clair et compréhensible ce que nous allons voter, ici, au Sénat. Il faudra que ceux qui auront voté la loi de finances puissent rentrer sereinement dans leur département pour expliquer toutes les vertus, tous les bienfaits attendus des dispositions qui auront emporté notre conviction. La réforme, oui, mais une réforme lisible si l’on veut bien lui conférer toutes les chances d’être acceptée par les Français.
Précisément, j’en viens à la suppression de la taxe professionnelle et à la création de la contribution économique territoriale. Conformément à la proposition que j’avais faite à la conférence des présidents, nous aurons un débat spécifique sur ce sujet en fin d’après-midi, mais je voudrais en dire ici quelques mots.
Cette réforme est légitime. Elle met un terme, à mon sens, à une situation anormale, qui était un accélérateur de délocalisations d’activités et d’emplois. Vous l’avez souligné, madame le ministre, la France a perdu de nombreux emplois industriels. Pouvons-nous continuer à appliquer une fiscalité qui organise, en quelque sorte, la disparition de nos emplois ? L’industrie n’est pas seule en cause, madame le ministre, puisque les travaux de recherche et développement dans certains secteurs – je pense à l’automobile, à l’aéronautique – sont aujourd’hui l’objet d’externalisation.
Or l’externalisation est bien souvent le prélude à la délocalisation, …
… notamment en Europe centrale.
Cet allégement de la fiscalité, qui interviendra au 1er janvier 2010, répond donc à une nécessité. Nous souscrivons à son principe.
Pour autant, trois écueils n’ont pas pu être évités. Je salue tout le travail que vous avez accompli, madame le ministre, et je me réjouis que le ministère de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales ait pu enfin vous apporter son concours, car il faut bien à un moment donné qu’une réforme conçue pour les entreprises prenne pleinement en compte les conséquences sur les collectivités territoriales.
Premier écueil, la substitution partielle à l’actuelle assiette de taxe professionnelle d’une assiette fondée sur la valeur ajoutée correspond à un retour des salaires dans la contribution économique.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je ne vous cache pas les fortes réserves que m’inspire cette référence à la valeur ajoutée. C’est la taxe professionnelle d’avant 1999 !
M. Jean-Jacques Jégou applaudit.
… faute de quoi nous aurions là un instrument redoutable qui nous fait encourir un risque sérieux de délocalisation d’activités.
En effet, un taux de 1, 5 % sur le salaire plus les charges sociales équivaut à une charge sociale de 2, 5 % sur le salaire brut.
Deuxième écueil, la réforme est coûteuse pour le budget de l’État : plus de 4 milliards d’euros en période de croisière, selon les calculs du rapporteur général, mais l’équivalent de 10 % du déficit budgétaire l’an prochain.
Troisième écueil, la lisibilité de la réforme est faible, et c’est un euphémisme. D’abord, le texte est rédigé en termes particulièrement abscons, qui le rendent difficilement abordable pour les parlementaires eux-mêmes, je le confesse, …
… pourtant censés le voter – et je voudrais le voter.
Ensuite, les élus locaux ne perçoivent pas au premier abord la logique du dispositif qui va se substituer à celui aujourd’hui en vigueur.
De ce point de vue, l’envoi d’une lettre explicative signée des ministres concernés a été une démarche bienvenue, peut-être un peu tardive. Madame le ministre, je vous ai écoutée devant le congrès des maires, hier, à la Porte de Versailles ; votre propos était convaincant.
J’en viens à ce complément de prix qu’est la taxe carbone. Celle-ci a été au cœur des réflexions de la commission des finances qui lui a consacré un rapport, rédigé par Mme Fabienne Keller. Avec cette taxe additionnelle aux accises existantes sur les consommations d’énergies fossiles, un geste est ainsi fait par la France, à la veille de la conférence de Copenhague, et il est incontestablement le bienvenu au regard des enjeux du réchauffement climatique.
Je note cependant à ce stade que le tarif retenu, soit 17 euros par tonne de carbone produite, est environ deux fois plus faible que le prix de démarrage préconisé par la commission d’experts désignée par le Président de la République et que la trajectoire d’évolution de la taxe n’est pas fixée en l’état par le projet de loi de finances. Nous avons pourtant besoin de prévisibilité et de lisibilité. On peut le comprendre dans le contexte de convalescence qui caractérise notre économie, mais la conséquence en est un prélèvement à faible rendement – oserai-je dire à rendement dérisoire ? – et dont l’impact réel sur les habitudes de consommation reste franchement à démontrer.
Par ailleurs, tout laisse penser que nous allons assister à un défilé incessant de nouvelles niches fiscales, tant le sujet s’y prête. Je compte sur la vigilance du rapporteur général pour nous faire échapper à la multiplication de ces niches. Certaines seront peut-être justifiées, d’autres le seront inévitablement moins...
Il reste enfin à régler le problème évoqué en termes très clairs et extrêmement convaincants par le Président de la République lui-même dans son discours de Nîmes : celui de la mise en place d’un « mécanisme d’inclusion carbone » aux frontières de l’Europe. La taxe carbone serait un contresens lourd de conséquences si nous imposions aux entreprises françaises des règles particulièrement contraignantes en matière d’environnement et si nous laissions entrer au sein de l’Union des produits de pays qui ne respectent pas ces règles.
M. Adrien Gouteyron applaudit.
Le temps est venu de conclure, mes chers collègues, et je le ferai en évoquant les impératifs qui, à mon sens, doivent guider notre action en ces temps difficiles où la France a l’ardente obligation de trouver sa place au sein d’un monde de plus en plus ouvert.
Premier impératif, je le répète : assurer la compétitivité de notre économie, que la crise a soumise à si rude épreuve. Ce projet de budget y parvient-il ? Globalement oui, en dépit de ses insuffisances et des incertitudes qu’il ne peut parvenir à lever. La commission des finances a fait des propositions pour en améliorer le contenu. Je souhaite qu’elles soient prises en compte, notamment en ce qui concerne la réforme de l’impôt économique local.
Second impératif : l’objectif de justice fiscale, qui est la condition indispensable de notre cohésion sociale. Il me semble qu’une réflexion sur l’impôt peut être une contribution au débat qui nous occupe actuellement sur l’identité nationale.
Lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2009, nous nous étions donné rendez-vous, madame le ministre, sur un point qui me tient à cœur : le bouclier fiscal. Il demeure selon moi une mauvaise réponse apportée à un problème réel – oserai-je dire à un mauvais impôt ? –, l’ISF. La crise a rendu parfaitement caduc cet instrument, et, même si des progrès ont été réalisés à l’Assemblée nationale sur la définition du revenu fiscal de référence, le compte à mes yeux n’y est pas. C’est une réflexion personnelle que je vous livre en cet instant.
Vous connaissez mes propositions sur le triptyque suppression de l’ISF et du bouclier fiscal, institution d’une nouvelle tranche d’imposition à l’impôt sur le revenu et hausse du barème d’imposition des plus-values mobilières et immobilières.
Nos débats seront pour moi l’occasion de développer ces thèmes à nouveau, avec, je le souhaite, plus de succès que les années précédentes !
Il faut refonder le pacte républicain sur l’impôt et permettre à la France de sortir de la crise plus compétitive, plus dynamique et plus solidaire. Le budget pour 2010 peut et doit y contribuer, du moins ferai-je tout pour qu’il en soit ainsi.
Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste et de l ’ UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Trois motions de procédure ont été déposées sur le projet de loi de finances pour 2010. La commission des finances se réunira avant la reprise de la séance cet après-midi, afin de statuer sur ces motions, de telle sorte que le Sénat puisse les examiner immédiatement après la clôture de la discussion générale et immédiatement avant l’ouverture du débat sur les recettes des collectivités territoriales et la suppression de la taxe professionnelle, qui devrait commencer en fin d’après-midi.
Cela nous permettra d’ouvrir dès demain après-midi la discussion des articles de la première partie du projet de loi de finances sur l’article 2, qui porte suppression de la taxe professionnelle et institution d’une contribution économique territoriale.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à douze heures cinquante, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Guy Fischer.