Intervention de Philippe Marini

Réunion du 19 novembre 2009 à 11h00
Loi de finances pour 2010 — Discussion d'un projet de loi

Photo de Philippe MariniPhilippe Marini, rapporteur général de la commission des finances :

Tout le monde le sait, les analystes comme les opérateurs de tous ordres, cette situation va changer. L’inflation va réapparaître, les taux d’intérêt vont remonter et, comme la dette n’est pas magique, il nous faudra la rembourser. Les remboursements de la dette accumulée aujourd’hui pèseront donc certainement plus lourd demain.

Au demeurant, il y a des indices de reprise autour de nous. Mais il y a en même temps toujours beaucoup de trouble dans les esprits. Le volume des liquidités mises sur le marché est, du fait même de la crise et de la manière dont il a fallu la combattre, sans précédent. Il viendra probablement alimenter de nouvelles bulles d’actifs si l’on n’y prend garde – qu’il s’agisse de matières premières, d’immobilier ou, tout simplement, de titres.

L’observation des marchés financiers ou de la manière dont les banques sont gérées et les résultats qu’elles obtiennent met en lumière un paradoxe. Il existe, en effet, un décalage, tout à fait incompréhensible du point de vue de l’opinion publique, entre une sphère réelle qui peine à se restructurer et une sphère financière qui redevient rapidement florissante. De manière très générale, ce constat vaut pour l’ensemble des pays occidentaux.

Les gouvernements et les banques centrales ne pouvaient, dans le paroxysme de la crise, que traiter le mal par le mal. L’injection considérable de liquidités dans l’économie, le caractère par définition anormal de la structure des taux d’intérêt et l’implication très forte des États dont la marge de manœuvre budgétaire était déjà très faible n’ont pu qu’engendrer des comportements paradoxaux.

Et c’est la conjonction de deux phénomènes – les aides d’État, mais, surtout, l’approvisionnement en liquidités à un coût quasi nul – qui permet aux banques d’améliorer rapidement leur rentabilité.

L’afflux de liquidités commence à faire sentir ses effets pervers sur le marché de changes avec, en particulier, la baisse continue du dollar.

Le Premier ministre a annoncé – et vous l’avez confirmé, madame la ministre – que le taux de croissance en 2010 serait « sans doute » de « plus de 1 % ». Le projet de loi de finances est établi, quant à lui, sur la base prudente d’un taux de 0, 75 %, ce dont je ne peux que me réjouir.

Avec la reprise, de nouvelles difficultés risquent de surgir. Dans leur souci justifié de lutter contre l’inflation, puisque c’est le mandat qu’on leur a confié, les banques centrales devront probablement dans quelques mois durcir leur politique monétaire, surtout si les prix de l’énergie commencent à frémir.

Au demeurant, il suffit d’observer les anticipations ou les décisions prises en matière de détermination des taux d’intérêt par les banques centrales de certains pays situés aux confins de notre monde – je pense à l’Australie.

Le relèvement des taux d’intérêt, que nous savons inévitable et qui s’inscrit d’ailleurs dans le prix des options se négociant sur les marchés, dont nous ne connaissons pas le terme, commencera naturellement par renchérir les charges de la dette d’un certain nombre d’États, notamment la France.

Dès lors qu’il convient de prendre en compte les risques réels et extrêmes du système, il ne faut pas exclure que, à la suite du relèvement des taux d’intérêt, il devienne beaucoup plus difficile de placer une dette publique dont, pour l’instant, tout le monde s’arrache les titres.

Mais, madame la ministre, nous ne pouvons bâtir un chemin durable sur la situation exceptionnelle et sans précédent dans laquelle notre monde économique se trouve aujourd'hui.

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