Pour ces trois raisons, nous vous proposerons à nouveau d’abroger conjointement l’ISF et le bouclier fiscal, en compensant le manque à gagner notamment par la création d’une tranche supplémentaire de l’impôt sur le revenu. Avec cette réforme, la fiscalité gagnerait en simplicité, mais surtout en équité.
Aujourd’hui, nous devons trouver non seulement des solutions, mais aussi de l’inspiration. Pour cela, nous tourner vers nos voisins proches et moins proches est toujours utile.
Si nous regardons du côté du Japon, nous constatons qu’il est possible de passer d’un endettement de 100 % à 200 % du PIB.
A contrario, nous pouvons aussi observer comment, voilà quelques années, le Canada est parvenu à redresser la situation de ses finances publiques. En 1994, le Wall Street Journal annonçait la faillite de ce pays. Le déficit public s’élevait à plus de 5 % du PIB alors que la dette atteignait 67 % de la richesse intérieure. En trois ans, ce déficit était résorbé ; en dix années, la situation financière du pays était assainie.
Le pays, le modèle social, la situation mondiale, la période, tout diffère, et il s’agit non pas de dresser des comparaisons, ni de chercher un modèle, mais de tirer des enseignements utiles.
Le premier de ces enseignements, c’est qu’avant l’action il est indispensable de passer par une phase que les Canadiens ont appelé la « conscientisation ».
La « conscientisation », c’est un effort concerté de lucidité et de responsabilité de la part des acteurs publics, des élus locaux, de la société civile. C’est la conviction que remettre le problème à plus tard, c’est hypothéquer l’avenir des générations futures. C’est la volonté partagée de donner aux citoyens de demain la possibilité de bâtir l’avenir de leur choix.
Concrètement, cette étape exige clarté et dialogue. Je citerai un exemple, certes modeste. En organisant chaque année, par grand secteur dans mon département, un rendez-vous de proximité avec les élus et en rapprochant ces derniers des entreprises installées sur leur territoire, j’ai constaté que le dialogue qui se nouait entre collectivités et entrepreneurs profitait non seulement au lien social, ainsi qu’au développement et à l’animation des territoires, mais surtout à la compréhension mutuelle. Cela doit permettre de rapprocher les points de vue et les préoccupations de tous les acteurs concernés au lieu que ceux-ci se tournent le dos.
En allant à la rencontre de nombreuses entreprises dans le cadre des travaux que je mène actuellement sur le crédit d’impôt recherche, en tant que rapporteur spécial de la commission des finances sur le budget de la recherche, j’ai constaté que de nombreuses PME hésitaient à recourir à ce crédit d’impôt parce qu’elles craignaient l’administration fiscale. Or cette administration peine parfois à suivre l’utilisation des sommes perçues par les holdings de grandes entreprises au titre de cette mesure.
Aujourd’hui, il faut accepter le fait que le retour de la croissance passera, notamment, par une baisse des charges imposées aux entreprises, en particulier celles qui pèsent sur leurs investissements. Mais nous ne pouvons pas faire l’économie d’une réflexion sur la répartition des richesses. Cela doit aller de pair : il est urgent de permettre à l’entrepreneur d’être plus compétitif, tout en répartissant mieux les fruits de la création de richesse.
La « conscientisation » implique, pour les collectivités territoriales, d’accepter, en même temps que le besoin de compétitivité des entreprises, leur propre besoin de se moderniser et d’être plus compétitives.
La suppression de la taxe professionnelle ne peut pas consister uniquement en une substitution ; il faut réformer en profondeur. En ce sens, figer la situation actuelle, avec ses anomalies, ses inégalités, serait une erreur grave. Comme l’a indiqué le rapporteur général, cette réforme importante ne peut pas être adoptée à l’emporte-pièce et nous souscrivons pleinement à son examen en deux temps, mais aussi à la clause de révision.
Nous proposons des principes clairs pour guider la répartition des ressources entre collectivités lors du projet de loi de finances rectificative pour 2010 et nous jugeons indispensable que le dispositif qui sera adopté à cette occasion soit réexaminé après la réforme des compétences des collectivités territoriales.
La responsabilisation des collectivités doit être accompagnée d’une rénovation de leur autonomie financière, c’est-à-dire de leur autonomie fiscale, mais aussi de leur autonomie en termes de dépenses. Nous défendrons un amendement pour que les décisions entraînant la création d’une dépense pour les collectivités soient soumises à l’accord des associations représentatives des élus locaux, comme l’avait préconisé au Sénat la mission temporaire sur l’organisation et l’évolution des collectivités territoriales.
La conscientisation doit être suivie de l’action. De l’un à l’autre, évidemment, il y a un pas. L’action, ce n’est pas la réduction générale et indiscriminée des dépenses publiques. Ce n’est pas non plus la poursuite de la chimère qui voudrait que l’on puisse faire toujours plus avec toujours moins. L’action exige de nous une discipline. Nous ne pouvons pas prétendre redresser notre situation en augmentant les dépenses et en baissant les impôts. C’est impossible.
Voilà, mes chers collègues, les quelques lignes de conduite qui guideront, je l’espère, nos efforts tout au long de l’examen de ce projet de loi et au-delà, vers la sortie de l’ornière. Assurément, la voie à emprunter n’est ni facile ni rapide, mais rien n’est plus encourageant que d’évoluer vers le succès.