La séance, suspendue à douze heures cinquante, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Guy Fischer.
La séance est reprise.
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le projet d’avenant au contrat d’objectifs et de moyens, le COM, de France Télévisions pour la période 2009-2012, établi en application de l’article 53 de la loi n°86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de la communication.
Acte est donné du dépôt de ce document.
Il a été transmis à la commission des finances, ainsi qu’à la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, et sera disponible au bureau de la distribution.
Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2010, adopté par l’Assemblée nationale.
Je vous rappelle que, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes. Je serai intransigeant.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme la ministre.
Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite apporter quelques éléments de réponse à l’intervention brillante de M. le rapporteur général, qui nous a élevés au-delà du projet de loi de finances vers des sommets littéraires dont nous nous sommes tous réjouis.
Sourires
Monsieur le rapporteur général, vous avez insisté sur la nécessité d’une concomitance entre la relance, les réformes et la restauration des grands équilibres budgétaires. Or c’est précisément dans cette perspective que nous inscrivons notre action.
Je voudrais également vous remercier – j’avais omis de le faire dans mon intervention liminaire – de l’excellent rapport que vous avez déposé sur le projet compliqué de réforme de la taxe professionnelle. Dans ce document, nous retrouvons une multitude d’informations, de tableaux et de simulations. Il s’agit d’une analyse très approfondie, et c’est vraiment une chance pour nous de disposer de cet outil de travail supplémentaire.
Je souhaite répondre à quelques-unes des propositions que vous avez formulées.
Tout d’abord, le Gouvernement approuve la réorganisation du débat entre première et deuxième parties que vous avez suggérée. Il nous paraît en effet tout à fait judicieux d’avoir le temps de la réflexion entre l’une et l’autre.
Ensuite, je trouve excellentes vos propositions de nature sémantique consistant à rebaptiser certains éléments de la contribution économique territoriale. Je suis certaine que nous aurons l’occasion d’en débattre.
En outre, nous serons dans la subtilité, dans la recherche de l’équilibre, s’agissant de la péréquation au niveau national et du principe de territorialisation. Mais c’est clairement une voie sur laquelle nous cheminerons ensemble. Tel est bien notre projet.
Je vous remercie également d’avoir salué les efforts réalisés pour limiter la hausse des dépenses budgétaires, qui augmenteront en volume de seulement 1, 1 %, alors que le taux prévisionnel d’inflation est de 1, 2 %.
Enfin, vous avez souligné l’importance des dépenses fiscales.
À cet égard, je vous indique que j’ai confié à l’Inspection générale des finances une mission de réexamen des 468 niches fiscales existantes. Les inspecteurs devront, d’une part, apprécier dans quelle mesure chacune de ces niches fiscales répond aujourd'hui à l’objectif qui lui était assigné lors de sa création et, d’autre part, évaluer l’efficacité et la portée de chacune d’entre elles. J’espère donc que nous disposerons, dès le début de l’année 2010, des éléments complémentaires nous permettant de déterminer si le plafonnement institué l’année dernière pour certaines d’entre elles est suffisamment efficace ou si nous devons aller encore plus loin.
Vous le voyez, nous avons l’intention d’avancer sur le dossier des niches fiscales, mais seulement une fois que nous disposerons du rapport de l’Inspection générale des finances, c'est-à-dire sans doute au début de l’année 2010.
Monsieur le président de la commission des finances, je voudrais vous remercier d’avoir mentionné le rôle du médiateur du crédit. À mon sens, cette institution est effectivement riche d’enseignements sur l’action des banques et sur les éléments qu’il convient d’améliorer. Environ 63 % des dossiers ont été examinés, et plus de 8 000 entreprises ont fait l’objet d’un réexamen favorable de leur cas, ce qui représente plus de 120 000 emplois. Le rôle du médiateur est donc totalement déterminant.
Vous avez également abordé la question de la valeur ajoutée et la nécessité d’en réexaminer les composantes. Je souhaite attirer votre attention sur un point, qui figure d’ailleurs dans le rapport de M. Philippe Marini. Aujourd'hui, la valeur ajoutée est déjà prise en compte dans le calcul de la taxe professionnelle, même si le plafonnement et la cotisation minimum permettent de l’encadrer.
La réforme que nous souhaitons mettre en place aura pour effet de réduire le poids de la taxe sur l’élément travail, à hauteur d’un peu plus d’1 milliard d’euros.
Mme Christine Lagarde, ministre. Par conséquent, même si nous réintroduisons effectivement une part de taxe sur les salaires, nous diminuons la charge qui pèse sur le travail.
M. Marc manifeste son scepticisme.
Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, à en croire le Gouvernement, nous serions tirés d’affaire, comme en témoigne l’augmentation du produit intérieur brut de 0, 3 % au deuxième et au troisième trimestre de l’année 2009.
Notons d’emblée qu’une telle progression signifie une croissance positive de 1, 5 milliard d’euros. Or, cette année, il y a eu un jour ouvré de plus qu’au cours de l’été 2008, puisque le 15 août est tombé un samedi.
Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi se déclare satisfaite. Mais, selon nous, les communiqués victorieux et les satisfecit à bon compte de Nicolas Sarkozy et de quelques ministres ont pour seuls objectifs de valider le cap suivi depuis le début de la crise et d’accréditer l’idée qu’il n’y aurait pas besoin de changer de politique gouvernementale ou de mode de gestion des entreprises. En d’autres termes, il s’agit de faire croire que tout a changé pour que rien ne change et que tout recommence…
Voilà des discours bien éloignés de la réalité vécue par les dizaines de milliers de salariés qui ont perdu leur emploi au troisième trimestre, par les centaines de milliers de salariés qui se trouvent au chômage depuis un an et par les salariés et les retraités qui souffrent de la baisse du pouvoir d’achat. Et je ne parle même pas de la crise morale qui mine de plus en plus le pays. Or nous n’avons rien entendu de tout cela dans vos propos de ce matin. C’est d’autant plus singulier devant le spectacle indécent de la richesse, de la fortune, de l’argent, du « bling-bling » et des passe-droits !
Pour tous, la reprise, quand elle viendra, se mesurera à l’aune des emplois et des salaires, c’est-à-dire des changements qu’attendent les Françaises et les Français.
Par ailleurs, tempèrent les experts, la consommation des ménages, traditionnel moteur de la croissance, a stagné au troisième trimestre, tandis que l’investissement a continué à reculer de 0, 7 % pour les entreprises et de 2, 9 % pour les ménages.
Ainsi que le confirment les chiffres de l’Institut national de la statistique et des études économiques, l’INSEE, la croissance économique en France s’explique, comme au trimestre précédent, par la hausse des exportations.
Si rien ne change d’ici à la fin de l’année, nous aurons une décroissance de 2, 5 % en 2009, avec une forte baisse de 7 % de l’investissement des entreprises et la suppression d’un demi-million d’emplois dans les secteurs marchands non agricoles !
Selon M. Éric Heyer, économiste à l’Observatoire français des conjonctures économiques, l’OFCE, tout laisse penser que les entreprises vont « continuer à ajuster leurs effectifs » à la baisse pour s’adapter à l’activité, regagner en productivité et restaurer leurs marges, ce qui crée les conditions d’« une reprise sans création d’emplois ».
Comme le disait si bien Carlos Ghosn, le PDG de Renault, dans une interview au Financial Times au mois d’avril dernier : « Nous pouvons faire des choses que nous n’aurions jamais pu faire il y a quelques années » !
Plus récemment, c'est-à-dire jeudi dernier, le groupe PSA Peugeot Citroën a annoncé que la suppression de 10 % des effectifs du groupe en France, soit 6 000 postes, était « nécessaire » d’ici à 2012 pour améliorer sa productivité.
Grâce à l’injection de milliards d’euros d’argent public, les difficultés ont été de courte durée pour les secteurs financiers, qui affichent des bénéfices considérables et s’apprêtent à distribuer des dividendes importants aux actionnaires...
Ainsi, Wall Street est sur le point de reverser 160 milliards de bonus aux traders et dirigeants de banques d’affaires et de sociétés d’investissement, tandis que près de la moitié des bénéfices des entreprises du CAC 40 seront, cette année encore, transformés en dividendes. Toujours la vieille lune de la mutualisation des pertes et de la privatisation des profits !
Sur le fond, depuis trente-cinq ans désormais, nous connaissons une crise durable du système économique libéral, à peine marquée par de courtes phases de rémission, et surtout porteuse de longues périodes de ralentissement et de récession.
Un demi-point à trois quarts de point de croissance, ce n’est pas la reprise, madame la ministre ! La reprise, mes chers collègues, ne sera une réalité que lorsque nous connaîtrons une véritable réduction du chômage, associée à de réels progrès économiques et sociaux pour l’ensemble du pays.
Nous devons nous méfier de certains indices, au motif, entre autres, que la croissance, telle qu’elle a été longtemps conçue, n’a pas toujours été respectueuse de l’environnement – je ne citerai pas tous les exemples, trop nombreux, au risque de lasser l’auditoire – ou n’a pas toujours été marquée par une juste répartition de la richesse créée.
Aussi, plutôt que de nous féliciter d’indices trompeurs, vaudrait-il mieux nous arrêter sur la réalité de la crise durable de notre économie et de notre société pour concevoir, dès maintenant, les éléments qui nous permettront, dans les années à venir, une fois que le pays aura été débarrassé des politiques libérales dont il paie le prix chaque jour, de définir une nouvelle croissance, plus juste et plus durable.
Aujourd’hui, la France compte plus de 2, 5 millions de chômeurs officiels – grâce au travail statistique demandé à Pôle emploi, la réalité est en partie masquée, nous le savons tous – et que fait-on ? On invente la taxe carbone et on supprime la taxe professionnelle ! Comme si les 11, 7 milliards d’euros attendus de cette mesure allaient suffire à trouver le moyen de créer les milliers d’emplois qu’attendent les habitants de notre pays ! En réalité, mobiliser 11, 7 milliards d’euros pour une croissance en valeur s’établissant entre 10 milliards d'euros et 15 milliards d’euros constitue un très faible effet de levier !
L’État est fortement endetté : le niveau de la dette publique atteint 1 000 milliards d’euros, et que fait-on ? On laisse courir les pertes de recettes fiscales, en aménageant à la baisse le produit de l’impôt de solidarité sur la fortune, l’ISF, en continuant à appliquer les mesures du paquet fiscal de l’été 2007 – 15 milliards d’euros de pertes de recettes en année pleine, je le rappelle – et, dans le même temps, la direction générale des finances publiques tient « table ouverte » pour que les entreprises puissent récupérer, sans contrôle excessif, les acomptes d’impôt sur les sociétés, la TVA déductible ou encore les multiples crédits d’impôt dont est truffée notre législation.
Il y a des déficits car les rentrées fiscales sont insuffisantes. En effet, on défiscalise, d’importants cadeaux sont consentis au patronat. Je reviendrai sur ce point dans quelques instants.
Comment ne pas pointer du doigt, comme l’a fait le président de la commission des finances de l’Assemblée nationale, les 20, 5 milliards d’euros de bonus fiscal accordés à 6 200 grandes entreprises avec la mise en place progressive de l’exonération des plus-values de long terme, véritable prime à l’externalisation et aux délocalisations ?
En effet, 20, 5 milliards d’euros perdus en trois ans, c’est pratiquement la somme que l’État s’apprête à lever sur les marchés financiers pour atteindre l’objectif des 35 milliards d’euros du grand emprunt Rocard-Juppé ! Tout se passe comme si, pour une part, le Gouvernement attendait que la reprise permette, par des effets mécaniques, de réduire les déficits et, plus encore, de prouver par l’exemple que les choix mis en œuvre depuis le printemps 2007 – et, pour une grande part, depuis 2002 – étaient les seuls possibles.
Ce gouvernement qui a prêté, sans contraintes excessives ni prise de participation au capital, plusieurs milliards d’euros aux banques françaises, cultive quelque peu ce que l’on peut qualifier de foi inébranlable dans les vertus de la « main invisible du marché ».
Il faut la foi du charbonnier pour croire que tout ira mieux dans le meilleur des mondes parce que les « stabilisateurs » du marché se remettront bientôt à fonctionner avec beauté et harmonie !
Une question se pose : les demandeurs de logement, les personnes privées d’emploi, les travailleurs précaires, les salariés stressés qui mettent parfois fin à leurs jours, les jeunes diplômés qui ne trouvent pas d’emploi à la fin de leurs études vont-ils attendre que toute cette belle mécanique se mette effectivement à fonctionner ?
Les choix effectués par le Gouvernement dans le présent projet de loi de finances montrent que l’on est fort loin de la prise en compte des besoins collectifs.
Suppression de la taxe professionnelle, invention de la taxe carbone – véritable TVA sociale repeinte en vert –, alourdissement de l’impôt sur le revenu, hausse prévisible et attendue des impositions locales, suppression massive d’emplois publics : tels sont les choix opérés par le Gouvernement et sa majorité.
Aux difficultés d’emploi que rencontrent des milliers de jeunes de notre pays, l’État répond en supprimant 35 000 emplois publics, au nom d’une idéologie surannée particulièrement inadéquate ces temps-ci.
Le schéma d’un système fiscal de plus en plus injuste, pesant sur le revenu des ménages, sur la consommation populaire au sens large, et quittant de plus en plus le lieu de production de richesses – l’entreprise, pour mémoire – est à l’œuvre. Comment ne pas s’en rendre compte encore à l’examen de ce projet de loi de finances ? On supprime la taxe professionnelle et on crée la taxe carbone dans le même élan, ce qui montre bien l’inflexion prise.
La taxe carbone est sans doute le plus mauvais tour que l’on ait joué à la cause de l’environnement. Ceux qui en soutiennent le principe – même s’ils peuvent être en désaccord sur les modalités – en seront bientôt comptables devant l’opinion.
M. Thierry Foucaud. En conclusion, je ne pense pas trahir la pensée de mes collègues du groupe CRC-SPG, ni les attentes que m’exposent les Françaises et les Français, les habitants de ma ville, de ma région, que je côtoie quotidiennement, en vous indiquant que nous combattrons, au cours du débat budgétaire, les orientations qui nous sont proposées par le Gouvernement.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste.
Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, nous vivons la crise économique et sociale la plus grave depuis soixante-quatre ans.
Le poids de l’ensemble des dépenses publiques dans le produit intérieur brut, le PIB, est passé de 52, 7 % en 2008 à 55, 6 % en 2009 et s’établira à 55, 9 % en 2010. L’ensemble des dépenses publiques atteindra alors 1 100 milliards d’euros pour un PIB de 1 970 milliards d’euros.
Alors que les charges publiques ont augmenté, le taux des prélèvements obligatoires est passé de 43, 9 % du PIB en 2006 à 43, 2 % en 2007, puis à 42, 8 % en 2008. Sa chute, qui a donc commencé avant la crise, a été accélérée de manière spectaculaire par cette même crise : ces prélèvements sont tombés à 40, 7 % du PIB en 2009, enregistrant en un an une baisse de 2, 1 %.
La chute du poids des prélèvements obligatoires a été aggravée par des mesures fiscales qui n’ont pas été compensées à due concurrence, contrairement à l’engagement pris en ce sens.
Cette année encore, les dépenses fiscales hors plan de relance s’accroissent de 1, 5 milliard d’euros, passant de 70, 7 milliards d’euros en 2009 à 72, 2 milliards d’euros en 2010.
Le niveau des déficits publics risque d’entraîner l’explosion de notre dette. En 2010, il augmentera encore légèrement, puisqu’il passera de 8, 2 % du PIB à 8, 5 %. La dette publique, atteignant 63, 8 % du PIB en 2007 et 68, 1 % en 2008, s’élève à 77, 1 % en 2009. Son montant sera de 84 % en 2010, hors grand emprunt. En trois ans, elle aura progressé de 20 points de PIB.
Face à ce constat et pour encourager la sortie de crise, le projet de budget que nous allons examiner est construit autour de trois axes : la poursuite de la relance avec des priorités ciblées, la maîtrise de la dépense avec un budget stabilisé au niveau de l’inflation et, enfin, une réforme de la fiscalité au service de l’investissement, de l’équité pour les ménages et du développement durable.
La création de la taxe carbone, que nous souhaiterions voir rebaptisée « contribution climat énergie », est l’exemple d’une mesure fiscale incitative en faveur de l’environnement. Nous en soutiendrons largement le principe, tout en proposant certains aménagements de son application.
Les trois grands objectifs que comporte le présent projet de budget sont louables. Les membres du groupe de l’Union centriste dans sa majorité y souscrivent pleinement. Cependant, tout n’est pas fait pour qu’ils soient atteints.
En matière d’équité fiscale, par exemple, l’efficacité et la pertinence de très nombreuses niches ne sont pas bien démontrées.
Par ailleurs, le bouclier fiscal, dont nous partageons la finalité, n’est pas satisfaisant dans sa forme actuelle.
Premièrement, le plafond effectif du taux d’imposition est, en fait, bien inférieur à 50 %, puisque c’est non pas le revenu réel qui est pris en compte, mais le revenu fiscal, calculé après une série de déductions.
Deuxièmement, la situation qui prévalait lors de sa mise en place par la loi de finances de 2006, puis au moment de son renforcement dans le cadre de la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, dite loi TEPA, a profondément évolué.
Troisièmement, nous ne pouvons pas accepter que les efforts que nous devrons inéluctablement consentir pour redresser nos finances publiques soient supportés par tous les contribuables, sauf par ceux que le bouclier fiscal protège.
Pour ces trois raisons, nous vous proposerons à nouveau d’abroger conjointement l’ISF et le bouclier fiscal, en compensant le manque à gagner notamment par la création d’une tranche supplémentaire de l’impôt sur le revenu. Avec cette réforme, la fiscalité gagnerait en simplicité, mais surtout en équité.
Aujourd’hui, nous devons trouver non seulement des solutions, mais aussi de l’inspiration. Pour cela, nous tourner vers nos voisins proches et moins proches est toujours utile.
Si nous regardons du côté du Japon, nous constatons qu’il est possible de passer d’un endettement de 100 % à 200 % du PIB.
A contrario, nous pouvons aussi observer comment, voilà quelques années, le Canada est parvenu à redresser la situation de ses finances publiques. En 1994, le Wall Street Journal annonçait la faillite de ce pays. Le déficit public s’élevait à plus de 5 % du PIB alors que la dette atteignait 67 % de la richesse intérieure. En trois ans, ce déficit était résorbé ; en dix années, la situation financière du pays était assainie.
Le pays, le modèle social, la situation mondiale, la période, tout diffère, et il s’agit non pas de dresser des comparaisons, ni de chercher un modèle, mais de tirer des enseignements utiles.
Le premier de ces enseignements, c’est qu’avant l’action il est indispensable de passer par une phase que les Canadiens ont appelé la « conscientisation ».
La « conscientisation », c’est un effort concerté de lucidité et de responsabilité de la part des acteurs publics, des élus locaux, de la société civile. C’est la conviction que remettre le problème à plus tard, c’est hypothéquer l’avenir des générations futures. C’est la volonté partagée de donner aux citoyens de demain la possibilité de bâtir l’avenir de leur choix.
Concrètement, cette étape exige clarté et dialogue. Je citerai un exemple, certes modeste. En organisant chaque année, par grand secteur dans mon département, un rendez-vous de proximité avec les élus et en rapprochant ces derniers des entreprises installées sur leur territoire, j’ai constaté que le dialogue qui se nouait entre collectivités et entrepreneurs profitait non seulement au lien social, ainsi qu’au développement et à l’animation des territoires, mais surtout à la compréhension mutuelle. Cela doit permettre de rapprocher les points de vue et les préoccupations de tous les acteurs concernés au lieu que ceux-ci se tournent le dos.
En allant à la rencontre de nombreuses entreprises dans le cadre des travaux que je mène actuellement sur le crédit d’impôt recherche, en tant que rapporteur spécial de la commission des finances sur le budget de la recherche, j’ai constaté que de nombreuses PME hésitaient à recourir à ce crédit d’impôt parce qu’elles craignaient l’administration fiscale. Or cette administration peine parfois à suivre l’utilisation des sommes perçues par les holdings de grandes entreprises au titre de cette mesure.
Aujourd’hui, il faut accepter le fait que le retour de la croissance passera, notamment, par une baisse des charges imposées aux entreprises, en particulier celles qui pèsent sur leurs investissements. Mais nous ne pouvons pas faire l’économie d’une réflexion sur la répartition des richesses. Cela doit aller de pair : il est urgent de permettre à l’entrepreneur d’être plus compétitif, tout en répartissant mieux les fruits de la création de richesse.
La « conscientisation » implique, pour les collectivités territoriales, d’accepter, en même temps que le besoin de compétitivité des entreprises, leur propre besoin de se moderniser et d’être plus compétitives.
La suppression de la taxe professionnelle ne peut pas consister uniquement en une substitution ; il faut réformer en profondeur. En ce sens, figer la situation actuelle, avec ses anomalies, ses inégalités, serait une erreur grave. Comme l’a indiqué le rapporteur général, cette réforme importante ne peut pas être adoptée à l’emporte-pièce et nous souscrivons pleinement à son examen en deux temps, mais aussi à la clause de révision.
Nous proposons des principes clairs pour guider la répartition des ressources entre collectivités lors du projet de loi de finances rectificative pour 2010 et nous jugeons indispensable que le dispositif qui sera adopté à cette occasion soit réexaminé après la réforme des compétences des collectivités territoriales.
La responsabilisation des collectivités doit être accompagnée d’une rénovation de leur autonomie financière, c’est-à-dire de leur autonomie fiscale, mais aussi de leur autonomie en termes de dépenses. Nous défendrons un amendement pour que les décisions entraînant la création d’une dépense pour les collectivités soient soumises à l’accord des associations représentatives des élus locaux, comme l’avait préconisé au Sénat la mission temporaire sur l’organisation et l’évolution des collectivités territoriales.
La conscientisation doit être suivie de l’action. De l’un à l’autre, évidemment, il y a un pas. L’action, ce n’est pas la réduction générale et indiscriminée des dépenses publiques. Ce n’est pas non plus la poursuite de la chimère qui voudrait que l’on puisse faire toujours plus avec toujours moins. L’action exige de nous une discipline. Nous ne pouvons pas prétendre redresser notre situation en augmentant les dépenses et en baissant les impôts. C’est impossible.
Voilà, mes chers collègues, les quelques lignes de conduite qui guideront, je l’espère, nos efforts tout au long de l’examen de ce projet de loi et au-delà, vers la sortie de l’ornière. Assurément, la voie à emprunter n’est ni facile ni rapide, mais rien n’est plus encourageant que d’évoluer vers le succès.
Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste et de l ’ UMP.
Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, monsieur le rapporteur général de la commission des finances, mes chers collègues, un budget s’apprécie dans un contexte macroéconomique, dans un schéma général de finances publiques, et dans l’orientation fiscale à laquelle il se réfère.
Le Gouvernement a bâti son budget sur une hypothèse de croissance de 0, 75 %, hypothèse prudente alors que les experts tablent plutôt sur 1, 2 %. Mme la ministre de l’économie s’est réjouie de la croissance de 0, 3 % annoncée au troisième trimestre de 2009. S’il est vrai qu’au point de vue technique cela signifie la fin de la récession, cela ne peut masquer la réalité. Je vais citer des chiffres qui sont quelque peu différents de ceux qui nous ont été cités ce matin.
En effet, si l’on compare l’année 2008 à l’année 2009, c’est-à-dire la période ayant précédé la crise financière et son explosion, et la période actuelle, la perte de richesse pour notre pays est de 55 milliards d’euros, soit près de 2, 75 % de croissance perdue. Si la tendance de 2007 s’était poursuivie, c’eût été comparativement 5 % de richesse en moins, soit environ 100 milliards d’euros. Que veulent dire ces chiffres ? Cela signifie, en clair, un appauvrissement de la France et des Français.
Dès lors, la question est dans toutes les têtes : comment se fera l’ajustement ? Traduite de manière plus triviale, la question que se posent tous les Français est simple : qui paiera ? Force est de constater que, jusqu’à présent, ce ne sont paradoxalement pas les riches, et ce à cause de la rigidité idéologique du Président de la République et du Gouvernement.
Ce matin, madame, monsieur les ministres, vous vous êtes consolés en vous comparant à nos partenaires européens. Certes, si l’on se compare à l’Irlande, qui avait fondé toute sa stratégie sur le dumping fiscal et la financiarisation de son économie, on peut se réjouir. Mais quand on regarde comment l’Allemagne, notre partenaire essentiel, est entrée dans la crise, on ne peut pas se réjouir.
Nous faisons donc face à un contexte économique morose, où la faible croissance sera synonyme, quelle qu’elle soit, d’accentuation du chômage de masse, auquel il faudra ajouter un état très dégradé des finances publiques, un déficit de 141 milliards d’euros en 2009, et un déficit annoncé de 116 milliards d’euros en 2010. Le Premier ministre, du reste, a annoncé qu’il ferait connaître sa stratégie de finances publiques au début de l’année 2010, afin de ramener le déficit public à 3 % du PIB en 2014.
Il est dommage que le Gouvernement n’ait pas saisi l’occasion de l’examen de loi de finances pour nous faire connaître son cheminement ainsi que les ajustements qu’il compte opérer. Nous devons donc en conclure que le budget dont nous parlons est un budget virtuel
M. le ministre proteste.
Maastrichtien ou pas, notre déficit sera de plus de 10 % en 2011 parce qu’il faudra bien intégrer, que vous le vouliez ou non, l’emprunt de 22 milliards d’euros qui devrait nous être annoncé. Il faut rappeler, vous connaissez ces chiffres, que nous empruntons 252 milliards d’euros en 2009 et que, compte tenu du déficit prévisionnel, nous emprunterons 212 milliards d’euros en 2010. Cela relativise l’emprunt.
Le seul ajustement que vous proposez s’opère sur la dépense publique. Cela veut dire que vous refusez d’agir sur les recettes de l’État. Paradoxalement, la seule recette sur laquelle vous jouez dans ce budget, c’est celle des collectivités locales. Vous les privez de leur recette principale tout en ajoutant près de 12 milliards d’euros au déficit.
Le Président de la République en avait fait la promesse au MEDEF lors de sa campagne de 2007. Que lui importe si tout cela se fait dans l’impréparation et la confusion !
Ce qui n’est pas virtuel, en revanche, c’est l’acharnement du Gouvernement à défendre un schéma fiscal qui s’enferme dans des mécanismes inégalitaires, qui plombe les recettes de l’État et le prive de toute efficacité pour assurer la sortie de crise. Je voudrais vous en citer quelques exemples.
Le Gouvernement a commencé cette discussion budgétaire en faisant taire sa majorité parlementaire, qui souhaitait aménager quelque peu le bouclier fiscal. Tout au plus lui a-t-il consenti un petit correctif technique dans la deuxième partie du projet de loi de finances à l’Assemblée nationale. Plus tard, sur l’initiative du groupe UMP de l’Assemblée nationale, le Gouvernement a non seulement accepté mais soutenu l’amendement qui vise à fiscaliser les indemnités journalières versées au titre des accidents du travail.
Ce vote est injustifiable ! Il rapporterait 150 millions d’euros au mieux, quand vous amputez dans le même temps de 3 milliards d’euros les recettes de l’État, sans contrepartie, avec la baisse de la TVA dans la restauration.
Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste.
Vous avez déclaré, monsieur le ministre, à cette occasion, que le système des indemnités journalières des accidentés du travail était une « anomalie fiscale » à « réparer ». Mais c’est bien l’ensemble de notre fiscalité, telle qu’elle est mise en œuvre depuis 2002 qui est une anomalie ! L’initiateur de cette pitoyable mesure, le président du groupe UMP de l’Assemblée nationale, n’a pas froid aux yeux puisqu’il la revendique au nom de « l’équité ». Mais c’est toute la fiscalité qui est inéquitable !
Parmi les quelque 500 niches fiscales, il en est une que M. Copé connaît bien : l’exonération des plus-values sur les titres de participation, créée en 2004 à l’occasion de la loi de finances rectificative et qui a coûté à l’État 12, 5 milliards d’euros en 2008 et 8 milliards d’euros en 2009. Dans ces conditions, est-il vraiment nécessaire d’emprunter ?
Vous renvoyez à plus tard l’examen des niches fiscales. Alors que le plafonnement adopté l’année dernière n’a pas prouvé son efficacité, nous proposerons de le modifier. En effet, la feuille de route du groupe socialiste est claire : il s’agit pour nous de rétablir l’impôt dans sa fonction essentielle de redistribution des services publics de qualité et de redistribution à l’égard des plus faibles. Il nous faut réarmer notre fiscalité, tout le monde en convient mais cela reste un sujet tabou. Pourtant, vous savez bien que toute baisse d’impôt est une ineptie financière et économique, car elle se finance à crédit.
Cette confrontation autour de la fiscalité, ce rendez-vous, nous l’aurons avec l’opinion, dont une nette majorité se sent trahie par les promesses fallacieuses qui lui ont été faites en 2007.
Le portrait social dressé tout récemment par l’INSEE est éloquent : stagnation salariale, inégalités de patrimoine, tout conduit les Français à restreindre leur consommation, à différer leurs investissements, et à craindre encore une fois de n’être appelés à des efforts supplémentaires, alors même que les plus aisés continueraient à être protégés au nom de l’attractivité et de la compétitivité.
C’est l’argument que vous avez avancé, madame la ministre, pour justifier, au début de ce quinquennat, le vote de la loi TEPA. Il est significatif que vous repreniez le même argument, pour supprimer la taxe professionnelle sans avoir remplacé cet impôt par un impôt efficient. C’est la principale innovation fiscale de ce budget.
Vous affirmez sans le démontrer qu’elle est un handicap majeur à l’installation et au développement des entreprises. Rappelez-vous l’expression qu’avait utilisée François Mitterrand il y a déjà près d’une trentaine d’années à propos de la taxe professionnelle, qu’il avait qualifiée d’« impôt imbécile » !
Vous savez très bien que, depuis lors, elle a été réformée, et que la réforme de 1999 qui en supprimait la part salariale a été très bénéfique pour l’emploi, comme cela a été dit ce matin
Bien sûr, elle pose un problème à nos industries, notamment celles qui sont exposées à la concurrence internationale. Fallait-il pour autant procéder à un allégement général de la fiscalité des entreprises, …
… que vous tentez en vain de présenter comme une réforme de la fiscalité locale ? Que ne défendez-vous nos industries, dans le cadre d’une véritable politique industrielle visant à réarmer notre appareil productif, qui est mal orienté sur les marchés extérieurs et insuffisamment novateur ?
Mais, là encore, votre projet, qui inquiète villes et campagnes, qui trouble votre majorité, impuissante à faire face localement aux craintes et aux angoisses, et qui fait redouter aux ménages d’en supporter le poids, est teinté d’idéologie. Celle-ci repose sur la méfiance à l’égard de l’ensemble des élus, qui gèrent au mieux les collectivités dont ils ont la charge. Le message subliminal du discours prononcé à Saint-Dizier par le Président de la République est le suivant : il y a trop d’élus et ils coûtent trop cher.
Madame la ministre, vous avez eu une phrase malheureuse en disant que vous ne souhaitiez pas « organiser la féodalité ». Doit-on traduire que la décentralisation est une féodalité ? C’est faire injure aux 500 000 élus locaux, souvent bénévoles, et aux 36 000 communes qui font la France. Elles sont le visage de la France !
Ce retour à la centralisation par le biais de dotations d’État, au demeurant en diminution constante depuis 2002, est une grave régression, et ce d’autant plus que l’État est impécunieux, qu’il paie ses factures à coup d’emprunts et d’intérêts. Certes, les taux sont bas aujourd’hui, mais jusqu’à quand le seront-ils ?
Nos collègues de la majorité sénatoriale qui accepteront le premier volet de la suppression de la taxe professionnelle pour les entreprises se condamnent à l’impuissance et à l’incompréhension de leurs collègues élus et de leurs concitoyens. En effet, comment pourrions-nous répartir de manière satisfaisante un produit qui diminuera de moitié, faute de disposer d’une assiette suffisante ?
À propos de la procédure que vous avez instituée, M. le rapporteur général de la commission des finances a dit qu’elle se déroulerait en « un temps, deux mouvements ». Inversant cette formule, je dirai qu’elle se fera plutôt en « un mouvement et deux temps : dans un premier temps, vous asséchez les ressources, et dans un second temps, vous étouffez le pouvoir local par des projets de loi d’organisation territoriale.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Madame la ministre, depuis que vous êtes venue devant la commission des finances, le 9 septembre dernier, défendre la suppression de la taxe professionnelle, votre discours n’a pas varié d’un iota. Vous nous avez dit, en réponse à notre collègue Edmond Hervé, que cette taxe était faite pour les entreprises et non pour les collectivités locales. Tous ceux qui, sur ces travées, s’affirment décentralisateurs ne peuvent nier que la taxe professionnelle, avec tous ses défauts, a été un moteur de la décentralisation et un accélérateur puissant de l’intercommunalité.
Ce que je comprends, à travers les déclarations du Premier ministre, du ministre chargé des comptes publics, et à travers les écrits cosignés par MM. Marini et Longuet, c’est que les collectivités locales devront contracter leurs dépenses pour respecter l’objectif des 3 %. On leur demandera simultanément de soutenir leur effort d’investissement. Elles ont pourtant réduit leur dette de 9, 5 % à 7, 5 % en 2008, alors que celle de l’État atteindra 84 % du PIB. J’ajoute que leurs dépenses représentent en France 11, 3 % du PIB, alors que la moyenne européenne s’élève à 12, 7 %.
La loi de finances pour 2010 devient, par la médiation de M. Marini, une loi expérimentale et hasardeuse, destinée à préparer des simulations de répartition et à les adapter, le moment venu, aux compétences qui seront redéfinies au mois de janvier.
Madame la ministre, vous défendez avec la même opiniâtreté le milieu bancaire ; nous y reviendrons quand nous présenterons nos amendements. Ce que nous voulons, c’est qu’à l’avenir les contribuables ne soient pas appelés à être les assureurs des risques excessifs pris par les banques.
Mes chers collègues, nous aurons également à évoquer de nouveau la taxe carbone, un impôt mal ficelé dont l’assiette est étroite et injuste. J’y reviendrai au cours de notre débat.
Je conclus, monsieur le président.
Les Français ressentent une lassitude générale. En particulier, ceux qui avaient sincèrement cru à la réforme se détournent de l’homme qui prétendait l’incarner. Le verni a craqué : il ne reste que l’idéologie, la posture et le conservatisme. Je crois véritablement que vient le temps de l’alternance, …
Sourires
Mme Nicole Bricq. … qui reposera à la fois sur un contrat social conclu avec les Français, dans lequel la fiscalité progressive retrouvera sa juste place, et sur un pacte de confiance entre l’État et les collectivités territoriales, afin d’assurer le financement de l’action publique. C’est à ce projet que nous, socialistes, travaillons.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, la crise dans laquelle se trouve installé notre pays depuis plus d’un an est, certes, moins spectaculaire qu’à ses débuts.
Les grandes faillites bancaires, de Bern Stern à Lehman Brothers, qui ont plongé le monde dans le souvenir cruel de la grande dépression de 1929, semblent derrière nous. Les banques se sont refait une santé, ou peu s’en faut, parfois avec indécence, d'ailleurs. Ainsi, nous constatons qu’elles sont retournées très vite à leur activité favorite, la spéculation, alors que des dizaines de milliers d’entreprises continuent à mettre la clé sous la porte faute de liquidités pour survivre, faute d’aide de la part desdites banques !
Malgré quelques prévisions optimistes de retour à la croissance, ne nous voilons pas la face, mes chers collègues. De bons indices boursiers ne sont pas forcément le signe d’une véritable reprise, mais plutôt, une fois encore, le reflet du décrochage entre la finance et l’économie réelle.
En effet, la réalité quotidienne de nos concitoyens est bien, hélas, en rapport avec un PIB en recul de plus de 2 % en 2009. Le chômage, qui pourrait bientôt atteindre le chiffre inquiétant de 10 %, et la pauvreté, qui gagne du terrain, en particulier chez les jeunes, attestent d’une crise profonde et durable.
Mes chers collègues, si cette récession est moins grave pour la France que pour les autres pays de la zone euro, dont le PIB avoisine une chute de 4 %, elle est néanmoins plus dure que celles de 1993 et 1975. Le plan de relance, sans doute nécessaire pour juguler la crise à court terme, se révèle insuffisant pour redresser plus fortement la consommation et entraîner une véritable reprise.
Dans ce contexte, l’exercice budgétaire est difficile, nous le reconnaissons. L’état de nos finances publiques est déplorable : les déficits publics dans leur ensemble devraient atteindre 8, 5 % du PIB en 2010.
Le pacte de stabilité n’est plus qu’un vieux souvenir, même si Bruxelles risque de le rappeler prochainement à notre mémoire. Le déficit de la France se rapproche de ceux de l’Irlande, de l’Espagne et du Royaume-Uni, qui oscillent entre 9 % et 10 %.
Certes, la situation est exceptionnelle, et nous savons bien, mes chers collègues, distinguer ce qui relève du conjoncturel et ce qui relève du structurel. Toutefois, nous voyons bien aussi que, au-delà des plans particuliers de relance, le pilotage plus classique de notre économie par des choix fiscaux pertinents peine à convaincre et ne concourt pas à améliorer la situation, bien au contraire !
Pour l’essentiel, la politique du Gouvernement consiste, depuis l’adoption de la loi TEPA, à faire des cadeaux fiscaux à ceux qui n’en ont pas vraiment besoin et à prétexter la RGPP pour lutter contre les déficits.
Avec une économie de 500 millions d’euros par an, il faudra beaucoup de temps pour rattraper les 140 milliards d’euros de déficit du budget 2009.
À moins, madame, monsieur les ministres, que vous ne supprimiez les écoles, les hôpitaux et les élus qui, paraît-il, coûtent trop cher, la révision générale des politiques publiques ne sera pas le sésame du retour à un déficit soutenable pour notre pays.
Dès lors, puisqu’il faut bien trouver des solutions pour relancer la croissance, le Président de la République a soudainement annoncé, en février dernier, la suppression de la taxe professionnelle, la TP.
Nous y voilà, puisque l’article 2 du projet de loi de finances pour 2010 jette les bases des deux nouvelles taxes de substitution à la TP, à savoir la cotisation locale d’activité et la cotisation complémentaire.
Madame la ministre, vous présentez la réforme de la taxe professionnelle comme une nouvelle étape de votre politique de soutien à l’investissement et à l’emploi. La disparition de ce prélèvement constituerait, selon vous, une réponse aux délocalisations, et le Président de la République ne se gêne pas pour le claironner. Or c’est faux !
Nous savons très bien que les délocalisations sont motivées par la recherche de salaires bas dans des pays qui n’ont aucune exigence sociale pour leurs travailleurs.
En France, les entreprises considèrent les charges sociales, avant tout, comme le principal frein à leur développement.
S’agissant de la taxe professionnelle, depuis les réformes portées par Alain Juppé et Dominique Strauss-Kahn, les entreprises comprennent bien que ce prélèvement a aussi une fonction économique et qu’il leur est restitué, certes indirectement, par le biais des investissements que les collectivités locales réalisent en matière d’infrastructures routières, de formation ou de haut débit, par exemple.
Aussi, mes chers collègues, est-il opportun de programmer une telle réforme dans le contexte économique que je viens de rappeler ?
Il faut le reconnaître : la crise a fortement mobilisé les collectivités locales, qui ont pris part aux politiques de relance. Nous qui travaillons sur le terrain, nous avons besoin, aujourd’hui plus que jamais, de sérénité et de clarté pour exercer nos responsabilités.
Or, même si les débats parlementaires lèvent progressivement le voile sur la réforme de la TP, bien des incertitudes demeurent.
La commission des finances tente un compromis pour calmer la grogne qui s’exprime ici sur toutes les travées, à droite comme à gauche, mais le Gouvernement s’entête à vouloir faire passer coûte que coûte, au forcing, une réforme rejetée de toutes parts. Il reste sourd aux messages des parlementaires de tous horizons, qui relaient pourtant le désarroi de milliers d’élus locaux.
Les maires, les conseillers généraux, les conseillers régionaux l’ont encore rappelé cette semaine à Paris à l’occasion du congrès des maires de France : ils s’opposent aux dispositions prévues dans le cadre du projet de loi de finances parce qu’elles ne sécurisent pas les ressources de toutes les collectivités – j’y insiste –, parce qu’elles ne règlent pas la question des dépenses de solidarité, ni pour le passé ni pour l’avenir, parce qu’elles portent atteinte à l’autonomie fiscale des départements et parce qu’elles transfèrent sur les ménages le poids de l’impôt.
La suppression de la TP heurte, vous le savez, le principe d’autonomie financière inscrit dans la Constitution. Ce projet de loi fait peu de cas de l’article 72-2 introduit par la réforme constitutionnelle de mars 2003, et le dispositif de remplacement de la TP déplacera le niveau de la fameuse part prépondérante.
Certes, la TP sera partiellement compensée par le produit d’une nouvelle taxe, la CET, la contribution économique territoriale. Toutefois, sur les quelque 22 milliards d’euros que rapportait la taxe professionnelle, il manque toujours près de 10 milliards d’euros. Pour nous les rendre, le Gouvernement a donc choisi l’option des ressources transférées par l’État : frais d’assiette et de recouvrement, frais d’admission en non-valeur, droits de mutation à titre onéreux, DMTO, taxe spéciale sur les conventions d’assurance, TSCA, taxe sur les surfaces commerciales, Tascom, dotations budgétaires…
Autant dire que le Gouvernement a fait le choix d’une recentralisation, en nous ramenant sous le régime des dotations budgétaires, celui d’une époque révolue depuis les lois de décentralisation, c'est-à-dire depuis 1982.
De surcroît, cette réforme contredit pleinement le principe de la libre administration des collectivités locales, car la multiplication des dotations porte atteinte au droit fondamental des collectivités de fixer et de prélever librement l’impôt.
J’ajoute que ce dispositif entraîne une rupture du lien contractuel entre les citoyens et leurs collectivités. Cette recentralisation nuit donc au pacte qui soude les individus et leurs territoires ; en l’occurrence, la suppression de la TP brise aussi le lien fiscal entre les entreprises et la collectivité.
En outre, s’agissant des dotations, n’oublions pas que celles-ci ne sont pas des recettes actives, et la suppression d’une ressource dynamique privera les collectivités d’un levier fiscal indispensable pour lancer des actions économiques et sociales.
Enfin, les dotations constituent une source d’incertitudes pour les collectivités. Madame, monsieur les ministres, comment bouclerons-nous nos prochains budgets ? Au-delà de 2010, comment croire que la compensation sera intégrale quand on a en mémoire les promesses de dédommagement à l’euro près, formulées au moment de chaque nouveau transfert de compétences, mais jamais tenues dans les faits ?
Je me souviens encore de Jean-François Copé, alors ministre délégué au budget, en visite à Moissac, dans le Tarn-et-Garonne, le département dont je suis l’élu, évoquant le RMI-RMA et s’engageant à compenser à l’euro près le transfert de cette prestation !
Parlons-en, mon cher collègue ! En 2002, dernière année du gouvernement Jospin, le financement de l’allocation personnalisée d’autonomie était assuré, conformément aux engagements pris, à 50 % par l’État et à 50 % par les collectivités territoriales. Puis vous êtes revenus au pouvoir, chers collègues de la majorité, et la répartition est aujourd'hui de 70 % pour les collectivités territoriales et de 30 % pour l’État. Vous avez bien raison d’évoquer l’APA !
En outre, l’État s’est bien gardé de prévoir la montée en charge de dispositifs tels que le RSA, dont la gestion combinée à celle du RMI a suscité une dépense supplémentaire d’un milliard d’euros entre 2003 et 2007, ou encore l’APA, dont la charge financière progresse de 8 % par an.
Dans le passé, l’État n’a pas tenu ses engagements, vous le savez bien, madame, monsieur les ministres. Pourquoi, par quel miracle, les tiendrait-il aujourd’hui ou demain ?
Mes chers collègues, tout le monde ici ne partage pas la même sensibilité, les mêmes opinions, les mêmes idées. C’est d’ailleurs ce qui fait la richesse de notre démocratie et, en l’occurrence, de notre assemblée. Pourtant, nous le voyons, un consensus s’est dégagé pour estimer que la réforme de la taxe professionnelle, telle qu’elle est proposée, porte gravement atteinte aux équilibres institutionnels.
En effet, en affaiblissant le lien avec les citoyens, en plaçant les collectivités locales sous tutelle, en détruisant leur autonomie financière, le Gouvernement fait des choix profondément antirépublicains. C’est la raison pour laquelle cette réforme ne recueillera pas mon soutien, ni celui de mes collègues radicaux de gauche.
Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, dans une conjoncture économique et sociale perturbée et après une année 2009 dramatique pour l’emploi, la croissance et les finances publiques, la loi de finances pour 2010 doit faciliter la sortie de crise et préparer l’avenir.
Il est encore prématuré d’évoquer des perspectives favorables pour les entreprises ou les ménages dès le début de l’année prochaine. C'est pourquoi il faut analyser avec précision le texte qui nous est soumis aujourd'hui, ce qui me conduit à trois séries de réflexions.
Tout d’abord, je tiens à exprimer un regret : aucun signal de retour à la maîtrise des finances publiques n’est perceptible dans ce budget. Un déficit de 8, 5 % du PIB, un endettement global qui dépassera 1 500 milliards d’euros, le maintien de niches fiscales et sociales d’un montant de près de 100 milliards d’euros, voilà de quoi inquiéter nos concitoyens, nos partenaires et la commission de Bruxelles.
Certes, l’hypothèse de croissance annoncée pour 2010 est prudente et la stabilisation du chômage n’interviendra que dans le courant de l’année prochaine. Néanmoins, madame, monsieur les ministres, il aurait été nécessaire de donner quelques signes et de ne pas renvoyer à plus tard le début de l’effort de redressement de nos finances publiques, qui concerne aussi bien l’État que la sécurité sociale et les grandes administrations publiques.
Le refus d’augmenter légèrement le taux de la CRDS et la création de nouvelles niches fiscales compliquent la tâche de ceux qui auront à préparer le budget pour 2011.
… aggravera notre endettement et risque d’atténuer la position aujourd'hui excellente de notre pays sur les marchés financiers.
Mes chers collègues, il est convenu partout de se réjouir du bon fonctionnement du couple franco-allemand, si nécessaire à la construction européenne. Prenons garde à ne pas détériorer cette relation en nous écartant de l’objectif d’un déficit budgétaire inférieur à 3 % du PIB. Que ce soit en 2012, en 2013 ou en 2014, il faut avoir le courage d’annoncer et d’accomplir le retour à l’équilibre des finances publiques !
Après cette réflexion qui traduit une inquiétude, je formulerai deux remarques plus prospectives.
D’abord, je souhaite apporter mon soutien au Gouvernement pour la courageuse politique de réforme fiscale dont témoigne le budget 2010.
La création d’une contribution climat-énergie répond au souci de s’engager résolument dans une politique de développement durable qu’il faudra bien sûr faire partager à nos partenaires européens. Certes, les modalités d’établissement et de restitution de cette contribution sont complexes et nous ne sommes qu’au début d’un processus de modification des comportements, qui est le véritable objectif assigné à cette nouvelle contribution.
Mais, après le Grenelle de l’environnement et les deux lois qui en découlent, il était nécessaire d’instituer une telle contribution : à nous, mes chers collègues, de l’expliquer et, surtout, de la faire accepter par nos concitoyens.
La suppression de la taxe professionnelle, instituée en 1975 pour remplacer la contribution des patentes, pose d’autres problèmes. Madame la ministre, permettez-moi de souligner tout d’abord que la taxe professionnelle ne porte pas, à elle seule, la responsabilité du début de désindustrialisation de notre pays.
C’est la suppression de l’une de ses bases, la base salariale, par M. Strauss-Kahn qui a aggravé la situation, en faisant porter l’essentiel de la taxe sur les investissements des entreprises.
Je comprends que le Gouvernement insiste aujourd'hui pour que la taxe professionnelle soit supprimée – il faudrait d’ailleurs plutôt dire modifiée – dès le 1er janvier 2010. Il faut en effet stimuler la reprise de l’investissement privé et il est nécessaire de le faire en cette période de sortie de crise.
Reste que cet impôt constitue une part essentielle de la fiscalité des collectivités territoriales et le socle de l’intercommunalité. Il faut donc légiférer avec prudence pour garantir l’autonomie financière locale. Je souhaite que le Gouvernement accepte non seulement les propositions élaborées par la commission des finances mais aussi les rendez-vous qui devraient suivre après le vote des autres textes, pour s’assurer que les simulations sont justes et que les résultats peuvent être anticipés et à la hauteur des promesses qui nous sont faites.
Si la mondialisation exige que les investissements des entreprises ne soient pas taxés en tant que tels, la démocratie locale exige tout autant que les collectivités territoriales puissent continuer à améliorer le cadre et les conditions de vie de nos concitoyens.
Enfin, la question essentielle est de savoir si le projet de budget pour 2010 accompagne dans de bonnes conditions la sortie de crise et s’il prépare le retour à la croissance.
Comme en 2009, le Gouvernement laisse les recettes fiscales se réduire comme peau de chagrin et les dépenses s’accroître selon les orientations définies dans la loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012. Certes, j’en conviens et je vous en donne acte, madame, messieurs les ministres, l’encadrement des dépenses est relativement strict, notamment en matière de réduction d’emplois, et les priorités que nous avons décidées – justice, enseignement supérieur, recherche, emploi – sont respectées.
Au cours du débat à l’Assemblée nationale, les hypothèses de croissance du PIB, d’autant plus difficiles à formuler qu’un concert d’économistes souffle le chaud et le froid, ont été révisées. Mais la situation de l’emploi nous oblige – et en ce sens le Gouvernement a raison – à laisser jouer les amortisseurs sociaux et fiscaux et à accepter un déficit budgétaire qui, en 2010, représentera 70 % des recettes fiscales nettes.
Je n’ai jamais vu un tel déficit : pourtant, je m’occupe de ces questions depuis un certain nombre d’années. Il ne peut s’agir que d’un épiphénomène qu’il faudra essayer de réduire dans les prochaines années.
L’amélioration conjoncturelle constatée au troisième trimestre de cette année et la bonne orientation des dernières enquêtes de l’INSEE et de la Banque de France laissent penser que le pari que constitue ce budget peut être gagné.
C’est pour cela que, en conclusion et en dépit du regret que j’ai formulé au début de mon intervention, j’estime avec l’ensemble de mes collègues du groupe UMP que le projet de loi de finances pour 2010 doit être adopté.
À titre personnel, j’exprimerai cependant deux réserves.
La première tient au lancement du grand emprunt dont le montant ne doit pas être excessif – il semble respecter le volume autorisé – et dont il faut que les points d’application soient bien ciblés et bien contrôlés. Rien ne serait pire que d’emprunter 35 milliards d'euros et de les répandre un peu partout, telle la semeuse, sans en mesurer de façon précise l’effet réel, comme l’a très bien souligné M. le rapporteur général.
La seconde est liée à l’évolution des taux d’intérêt. M. le président de la commission des finances a clairement expliqué quels risques nous courrions de voir augmenter les taux d’intérêt, notamment les taux à court terme. Il est clair, monsieur le ministre, que, si jamais dans le courant de l’année 2010, les taux d’intérêt augmentaient, il faudrait immédiatement décider des mesures d’économie destinées à compenser la charge nouvelle qui pèserait sur le budget.
Le déficit budgétaire est estimé à 70 % des recettes fiscales nettes : tout doit être fait pour que ce chiffre ne soit pas atteint et que l’on puisse le réduire.
Madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, un budget, c’est un acte politique qui engage le Gouvernement et la majorité qui le soutient. Encore faut-il que cette majorité soit lucide et courageuse !
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP, ainsi que sur certaines travées de l ’ Union centriste.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 22 juin dernier, le Président de la République, devant le Parlement réuni en Congrès à Versailles, déclarait : « C’est au nom de ce choix stratégique en faveur du travail et de la production que la taxe professionnelle doit être supprimée. Cette réforme sera l’occasion de repenser notre système de fiscalité locale, qui en a bien besoin.
« C’est avec la même détermination que je souhaite que nous allions le plus loin possible sur la taxe carbone. Plus nous taxerons la pollution et plus nous pourrons alléger les charges qui pèsent sur le travail. C’est un enjeu immense. C’est un enjeu écologique. C’est un enjeu pour l’emploi. »
Eh bien, mes chers collègues, avec ce projet de loi de finances pour 2010, nous sommes face à une déclinaison remarquable de ce discours présidentiel, avec l’ensemble de ce qui constitue le « grand écart » entre les mots et les choix.
Car il nous faut rappeler ici que ce n’est pas la production de richesses qui est l’objet principal des impositions d’État ou des impositions locales ! Ce sont les droits indirects, pesant sur la consommation, qui constituent encore aujourd’hui l’essentiel des recettes fiscales de l’État et une part croissante des ressources de la sécurité sociale.
Celui qui est effectivement mis à contribution, c’est le consommateur salarié, car les achats de biens et de services de la vie quotidienne sont régulièrement ponctionnés par la TVA, et son salaire sert de base d’évaluation du financement de la protection sociale. Mais le salaire n’est qu’une utilisation parmi d’autres de la richesse créée, de la somme des valeurs ajoutées que constitue le PIB. Il est manifeste que d’autres formes d’utilisation de cette valeur ajoutée, comme les dividendes ou les frais bancaires par exemple, sont très faiblement mises à contribution dans notre législation fiscale et sociale.
S’agissant des impositions locales, nous le savons de longue date, elles n’ont qu’un lointain rapport avec la capacité contributive des uns et des autres, qu’il s’agisse des entreprises avec la taxe professionnelle ou des particuliers avec la taxe d’habitation et les taxes foncières.
Mais la perspective d’une réforme de la fiscalité locale qui commence par la suppression d’un élément essentiel de celle-ci ne présage rien de bon.
Le discours présidentiel sur la taxe carbone montre clairement que les enjeux écologiques sont fort éloignés de ce nouvel impôt qui ne touchera, dans un premier temps, que les ménages et les collectivités locales et qui risque fort, dans les années à venir, de croître et d’embellir.
Cette croissance et cet embellissement n’auront rien à voir avec la cause de l’environnent, dont le Gouvernement ne se préoccupe guère, étant donné qu’il procède régulièrement à la réduction des crédits destinés à développer les solutions de remplacement au « tout routier » ; elles auront beaucoup plus à voir avec la réforme fiscale.
Demain, la taxe carbone sera l’instrument utilisé pour gager de nouveaux cadeaux fiscaux qui seront faits une fois aux ménages les plus aisés, une autre fois aux entreprises, au nom, bien entendu, de « l’allégement de la fiscalité du travail ».
Moins taxer le travail, dans le discours de la majorité, ce n’est pas augmenter les salaires – on sait l’attachement que le Gouvernement met à développer les formules de participation des salariés et les modes d’intéressement –, c’est juste offrir un peu plus d’argent aux entreprises pour rémunérer le capital et s’engager dans une croissance externe sans cesse relancée.
La cause du travail ne préoccupe pas le Gouvernement. C’est encore et toujours celle du capital qui guide ses choix et lui indique la marche à suivre.
La suppression de la taxe professionnelle, ce n’est pas une revendication populaire : ce n’est rien d’autre que l’une des plus anciennes revendications du MEDEF qui, une fois encore, va trouver force de loi !
Et les milliards gaspillés dans cette improbable affaire conduiront naturellement le débat parlementaire à tourner, une fois encore, à la litanie. Tout ce qui sera proposition alternative, tout ce qui partira enfin des besoins populaires, sera, dans tous les cas et de toute manière, trop cher.
Il n’est qu’un point sur lequel nous sommes d’accord avec le Président de la République : il est grand temps de procéder à une profonde réforme fiscale, une réforme tendant d’ailleurs, en rétablissant la justice, à permettre une réduction vertueuse des déficits publics.
Car là est sans doute la démonstration la plus éclairante de l’inconséquence des politiques menées depuis 2007, dans le prolongement de celles qui sont menées depuis 2002, et dans le droit fil des recommandations européennes : crise financière ou non, jamais ces choix n’ont permis de réduire durablement le niveau des déficits publics et, sur bien des aspects, ils ont même tendu à les aggraver sérieusement. Et l’arme du déficit, si souvent instrumentalisée, a servi à justifier par avance de nouvelles coupes dans les dépenses publiques, comme de nouveaux choix fiscaux sans cesse plus injustes.
Une véritable réforme fiscale commence par une remise à plat, courageuse, déterminée, essentielle.
Ce qui tient lieu aujourd’hui de première dépense budgétaire, c’est l’incroyable mise en œuvre de l’ensemble des multiples dispositifs dérogatoires dont notre code fiscal est truffé.
Commençons donc par interroger cette dépense fiscale, dans toutes ses composantes, sans la moindre exclusive, à partir d’idées simples. Combien coûte telle mesure ? Quelle incidence a-t-elle sur le comportement des agents économiques, qu’il s’agisse des ménages ou des entreprises ? Est-il nécessaire de la maintenir ?
Quand on sait par exemple que la moitié du crédit d’impôt recherche reversé aux entreprises cette année est arrivée au niveau des sociétés holding, sans hausse visible des dépenses effectives de recherche, on mesure la nécessité d’un tel examen !
Nous devons ensuite nous interroger sur l’équilibre des recettes fiscales.
Nous sommes clairement partisans d’un système fiscal s’appuyant sur des prélèvements à la source de la création de richesses, c’est-à-dire l’entreprise, par les indispensables prélèvements sociaux, comme l’impôt sur les sociétés ou une taxe professionnelle rénovée. C’est là que l’assiette fiscale est la plus large et c’est donc là que nous devons agir.
Mais n’oublions pas une nécessité à la fois politique et morale, celle de pénaliser les comportements tendant à la financiarisation des activités humaines et de la production.
Tout doit être mis en œuvre pour réformer profondément la fiscalité des capitaux et des placements et pour décourager la spéculation financière qui pèse sur le travail humain plus sûrement que le moindre impôt.
S’agissant de la mise à contribution des revenus, la même observation vaut. La priorité est donnée, aujourd’hui, pour des motifs injustifiés, à l’allégement de la taxation des revenus financiers, du patrimoine et du capital. Ainsi met-on en œuvre l’amendement « Scellier » au moment même où la perspective de l’explosion de la fiscalité locale se dessine derrière la révision des valeurs locatives. Moins lourde pour les propriétaires et les investisseurs, la fiscalité sera donc plus lourde pour les locataires et pour les familles.
Cette orientation générale de notre fiscalité des revenus doit être corrigée par un renforcement de la progressivité de l’impôt sur le revenu, comme l’application de cette même progressivité à d’autres éléments de revenu.
Enfin, nous devons veiller à réduire durablement la fiscalité pesant sur la consommation populaire, à commencer par la taxe sur la valeur ajoutée. Sans doute faudra-t-il employer une autre manière que celle qui a présidé à l’application du taux réduit de TVA au secteur de la restauration, mais, en tout état de cause, une telle démarche est plus que jamais nécessaire.
Telles sont donc, rappelées brièvement, les grandes lignes que le projet de budget pour 2010 devrait traduire, en termes de réforme de notre système fiscal.
C’est pourtant un choix diamétralement inverse que fait le Gouvernement, qui continue imperturbablement à se positionner en fonction des attentes du patronat.
C’est pourquoi, mes chers collègues, le groupe CRC-SPG ne votera pas ce projet de loi de finances pour 2010.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, « État en faillite », crise historique de nos finances publiques, niveau d’endettement sans précédent, situation inquiétante de nos finances publiques, ces expressions utilisées par d’éminentes personnalités traduisent toutes la même idée : notre pays est au bord de l’asphyxie !
Force est de constater qu’il s’est accoutumé à une culture des déficits qui concerne l’ensemble des finances publiques et sociales. À titre personnel, alors que je suis parlementaire depuis plus de vingt ans, jamais je n’ai vu un budget à l’équilibre. Pis, jamais l’équilibre, pourtant inscrit dans l’article 34 de la Constitution, n’a été approché. Et nous nous en éloignons même durablement.
La situation budgétaire de notre pays est « extra-ordinaire » au sens premier du terme. Le déficit public s’élève, en effet, à 141 milliards d’euros cette année. C’est la première fois que, en temps de paix, le déficit de l’État atteint la moitié des dépenses du budget général.
C’est aussi la première fois depuis la Seconde Guerre mondiale que le déficit de l’ensemble de nos administrations publiques se situera à plus de 8 % du PIB pendant deux années consécutives. L’année prochaine, le déficit public atteindra encore, je le rappelle, 116 milliards d’euros, soit 8, 5 % du PIB.
Je souhaite d’ailleurs attirer votre attention, mes chers collègues, sur le sens du débat budgétaire que nous avons aujourd’hui : que valent les prévisions du Gouvernement, alors que nous examinerons dans quelques mois, voire quelques semaines, un collectif destiné à financer des dépenses d’investissement liées au grand emprunt, dépenses qui devraient naturellement figurer dans le présent budget ? Nous risquons de finir l’année 2010 avec une situation budgétaire aussi dégradée que cette année.
Nous en sommes au point où le retour sous les limites fixées par le pacte de stabilité européen n’est désormais plus envisagé par le Gouvernement avant 2014, alors que la Commission européenne l’exige dès 2013, et ce malgré des hypothèses de croissance économique retenues particulièrement optimistes, pour ne pas dire irréalistes !
Il est difficile de croire, en effet, que nous connaîtrons une croissance de 2, 5 % par an jusqu’en 2014, une augmentation de la masse salariale de 5 % par an en valeur, ainsi qu’une baisse de la dépense publique de 1 % par an. Personnellement, au vu de la conjoncture économique mondiale et de la politique menée depuis 2007, j’ai un peu de mal à souscrire à cette vision.
Le Gouvernement nous explique ces déficits – Mme Lagarde et M. Woerth en ont fait brillamment la démonstration ce matin – par la situation exceptionnelle due à la crise. En 2009, nous avions un budget de gestion de la crise, comprenant les différentes mesures du plan de relance ; en 2010, nous aurons un budget de gestion de la sortie de crise, ce qui justifie l’énorme niveau de déficit budgétaire prévu pour l’année prochaine.
Cette distinction habile permet de justifier la politique attentiste défendue par le Gouvernement en matière de déficits : selon cette analyse, ce n’est pas le moment de réduire les dépenses, de réexaminer les dépenses fiscales, ni de revenir sur les avantages fiscaux inefficaces. Par conséquent, 2010 sera une année charnière, la dernière avant le retour à une certaine rigueur budgétaire, nous assure-t-on. En attendant, les déficits se creusent toujours plus et la dette explose.
Je n’évoquerai pas en cet instant les conséquences de ce niveau de déficits sur notre dette, puisque je m’exprimerai mercredi prochain, dans le cadre du débat consacré à l’évolution de la dette.
Certes, j’entends bien l’argument du Gouvernement : la situation extrêmement dégradée de nos comptes publics s’explique, pour une grande part, par la crise économique qui a réduit fortement les rentrées fiscales. Je ne reprendrai pas les chiffres cités par M. le ministre ce matin. Bien entendu, je ne suis pas favorable à une politique de rigueur excessive qui « asphyxierait » le moteur de la croissance et de la reprise. C’est la raison pour laquelle j’ai approuvé globalement le plan de relance.
Cependant, la France est l’un des rares pays européens à ne pas avoir réduit son déficit public pendant le cycle de croissance qui a précédé la récession. Je ne prendrai qu’un exemple pour montrer que nous payons aujourd’hui le prix de notre attitude irresponsable de ces dernières années. En 2005, la France et l’Allemagne avaient un déficit comparable : 3 % en France, contre 3, 4 % en Allemagne. Trois ans plus tard, en 2008, à la veille de la récession, l’Allemagne avait ramené son déficit à 0 %, alors que le nôtre s’élevait encore à 3, 4 % ! Conséquence : aujourd’hui, l’Allemagne a un déficit de 3, 7 %, alors que le nôtre dépasse les 8 % !
Cela veut dire également que, à l’issue de la crise, la France se trouvera en plus mauvaise posture que ses partenaires qui, eux, grâce à une situation de départ plus saine, s’en sortiront plus rapidement. Contrairement à ce que nous dit le Gouvernement, laisser perdurer les déficits, loin de maintenir l’activité et de relancer l’économie, ralentit le rythme de la croissance et de la sortie de crise.
À ce niveau, le déficit des finances publiques est devenu clairement insoutenable. Il est aujourd’hui évident, et j’espère que chacun dans cette enceinte en a conscience, que la seule reprise économique – qui sera lente et molle, de l’ordre de 1, 7 % à 1, 8 %, de l’aveu même du Gouvernement – ne permettra pas de résorber ce déficit. Il faut donc aller plus loin dans la réduction des dépenses et, surtout, dans la pérennisation des recettes, voire leur augmentation.
Je ne citerai que quelques chiffres pour illustrer mon propos. Le poids de nos dépenses publiques, dont une grande part est due à l’augmentation des dépenses sociales et des dépenses des collectivités territoriales et qui n’ont cessé de croître, représentera presque 56 % de notre richesse nationale en 2010 ; c’est un record ! L’ensemble des dépenses publiques montera à 1100 milliards d’euros pour un PIB de 1970 milliards d’euros.
De l’autre côté, nous assistons à la chute des prélèvements obligatoires, qui est la conséquence, pour partie, de mesures fiscales contestables. Les taux de prélèvements obligatoires sont ainsi passés, dans notre pays, de 43, 9 % du PIB en 2006 à 42, 8 % en 2008, donc avant la crise. Ils sont tombés à 40, 7 % du PIB en 2009. Sur dix ans, les prélèvements obligatoires ont été réduits de 66 milliards d’euros à la suite de mesures pour partie inappropriées et injustifiées.
Ainsi, pour ne prendre qu’un exemple qui me tient particulièrement à cœur, était-il responsable de créer une nouvelle dépense fiscale, la baisse de la TVA dans la restauration, dont la pertinence est particulièrement discutable ?
Nous le voyons aujourd’hui avec les chiffres de l’INSEE. Le Gouvernement a d’ailleurs enfreint, à cette occasion, la règle vertueuse de ne faire aucune dépense fiscale sans prévoir une économie à due concurrence.
On ne peut donc plus continuer à baisser les prélèvements obligatoires dans les prochaines années. La question du moment où les Français devront payer la facture et où il faudra donc augmenter les impôts – après 2012 ? – reste posée. Nous ne pouvons pas non plus financer les baisses d’impôt par le déficit et par l’endettement. Je ne fais que reprendre ce que disait, en 2005, la commission « Pébereau », dont les préconisations sont malheureusement tombées dans l’oubli !
Ma conviction est qu’il faut mettre plus de justice dans le système des prélèvements obligatoires. Notre système fiscal est devenu d’une complexité extrême et, avec la combinaison des niches fiscales et du bouclier fiscal, il produit de profondes injustices. C’est pourquoi je suis personnellement favorable à une grande réforme fiscale remettant à plat l’ensemble de notre système en réétudiant, notamment, une à une, les quatre cent soixante-dix niches fiscales.
Pour cela, il nous faudra, à tous, du courage. Malheureusement, force est de constater que les gouvernements cèdent, depuis de trop nombreuses années, à la tentation très facile de remettre à demain ce qui doit être fait aujourd’hui.
Pour terminer, permettez-moi de citer Georges Clemenceau : « Il faut savoir ce que l’on veut. Quand on le sait, il faut avoir le courage de le dire ; quand on le dit, il faut avoir le courage de le faire. » Je laisse aux ministres le soin de répondre à ces trois interrogations.
Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et de l’UMP.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, le contexte économique et social de l’année 2010 s’annonce préoccupant. Or les orientations du projet de loi de finances que nous examinons aujourd’hui ne répondent pas aux exigences d’une telle situation.
Compte tenu de l’état fortement dégradé de nos finances publiques et des incertitudes sur les conséquences de la crise à moyen terme, le Gouvernement aurait dû opérer d’autres choix.
En effet, non seulement ce projet de budget n’est pas pertinent, mais il est également fiscalement injuste et amputé d’un élément pourtant fondamental, le grand emprunt, dont on apprenait la semaine dernière qu’il s’élèverait à 35 milliards d’euros.
En premier lieu, le projet de loi de finances pour 2010 ne prend la mesure ni des effets à venir du ralentissement de la conjoncture ni de la situation plus que préoccupante de nos comptes publics.
Lorsque Mme la ministre de l’économie, de l'industrie et de l'emploi se réjouit de la bonne tenue de la croissance française, chiffrée à plus de 0, 3 % au troisième trimestre de 2009, elle omet de signaler que d’autres indicateurs pourraient considérablement hypothéquer le retour en France d’une croissance durable.
En effet, selon l’INSEE, la demande intérieure, pourtant l’un des principaux moteurs de notre croissance, a contribué négativement au PIB à hauteur de moins 0, 1 point au troisième trimestre.
Ainsi, cette timide reprise est à mettre sur le compte non pas du plan de relance français, qui a eu un impact nul sur la consommation des ménages, mais bien des différents dispositifs mis en place dans le reste de l’Union européenne, qui ont considérablement relancé les exportations françaises, en particulier, la prime à la casse en Allemagne, qui a favorisé le bien-être de Renault ou de Peugeot.
Loin d’attester de l’utilité des mesures votées dans le cadre de la relance, ce résultat, lorsqu’il est analysé plus finement, apporte au contraire la preuve de l’erreur politique du Gouvernement qui, en faisant peu de cas des ménages, et en particulier des plus modestes, s’est privé d’un levier de relance majeur.
De plus, la fragilité de la reprise amorcée au deuxième trimestre sera également fortement affectée par les conséquences de la crise en termes de destructions d’emplois et d’augmentation du chômage. En effet, entre 2009 et 2010, 800 000 personnes devraient venir grossir le nombre des demandeurs d’emploi, portant le taux de chômage à 10, 6 % l’année prochaine, contre 7, 8 % fin 2008.
Pourtant, le Gouvernement préfère ignorer cette réalité, allant même jusqu’à ne pas comptabiliser les demandeurs d’emploi de catégories B et C dans le chiffre officiel du chômage. Or ces salariés, qui travaillent pour la plupart moins ou à peine plus de soixante-dix-huit heures par mois, demeurent, malgré leur activité, dans une situation précaire. Ainsi, si l’on ajoute ces salariés particulièrement vulnérables au chiffre officiel du chômage, en août 2009, on comptait non pas 2, 6 millions, mais bien 3, 7 millions de demandeurs d’emplois.
En outre, l’alarme aurait également dû être tirée du fait de l’augmentation significative du nombre de chômeurs de longue durée. En septembre 2009, presque 1, 3 million de personnes appartenaient à cette catégorie.
Les conséquences en termes d’explosion de la pauvreté ne manqueront pas, hélas ! de se faire sentir lorsque ces chômeurs arriveront en fin de droit.
Peut-on croire qu’il est possible de relancer durablement l’économie en s’abstenant d’analyser les causes réelles de la croissance aux deuxième et troisième trimestres de cette année et en se voilant la face quant aux conséquences sociales de la crise ? C’est peu probable.
Cela paraît d’ailleurs d’autant moins probable qu’une reprise pérenne passe nécessairement par une maîtrise du solde public. Or, soucieux de ne pas revenir sur certaines mesures inefficaces – je les développerai plus tard –, le Gouvernement laisse filer le déficit et la dette publique, qui pèseront considérablement sur les générations futures.
En 2010, si l’hypothèse de croissance de 0, 75 % était avérée, cela signifierait que l’État devrait financer à crédit 40 % de ses dépenses. Avec un déficit public de 8, 5 % en 2010, lié autant à la conjoncture qu’à des facteurs structurels, la France se place en situation de voir toutes ses marges de manœuvre financières hypothéquées, d’autant plus qu’en ajoutant à ces prévisions le grand emprunt à venir notre déficit pourrait atteindre 10 % du PIB l’année prochaine.
Dans ce contexte, la dette publique enregistrerait un bond de 16 % entre 2008 et 2010 et s’établirait à 84 % du PIB à la fin de l’année prochaine.
Pourtant, si la baisse de la TVA dans la restauration n’avait pas vu le jour, si le paquet fiscal avait été révisé et si une taxe exceptionnelle sur les bénéfices des banques avait été adoptée, il aurait été possible de dégager près de 15 milliards d’euros et donc de limiter ces dérapages.
En outre, du fait des procédures pour déficit excessif lancées par la Commission européenne, il paraît fort probable que la Banque centrale européenne s’ajuste en renchérissant son principal taux directeur.
Cela est d’autant plus dommageable que la France vient de terminer de rembourser des emprunts à moyen et long terme en empruntant sur du court-terme, emprunts dont les taux vont donc augmenter. Cette situation risque de devenir rapidement intenable pour nos finances publiques ; d’ailleurs monsieur le rapporteur général partage cette analyse.
En refusant d’admettre que la croissance positive des deuxième et troisième trimestres ne doit rien au plan de relance français, loin s’en faut, et en choisissant de ne pas utiliser ce projet de budget comme un tremplin pour sortir, enfin, du marasme économique, le Gouvernement affiche clairement ses priorités : continuer de ne rien faire pour relancer notre demande intérieure, faire des collectivités territoriales les variables d’ajustement de ses réformes et ne pas revenir sur des dispositifs fiscaux coûteux et inefficaces.
L’injustice fiscale est en effet la seconde des caractéristiques de ce projet de loi de finances.
La déductibilité des intérêts d’emprunt, adoptée dans le cadre de la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, la loi TEPA, n’a, par exemple, eu aucun effet sur la part de primo-accédants dans l’ensemble des opérations immobilières d’achat. Peut-on continuer à défendre une telle mesure lorsqu’elle s’apparente plus à un effet d’aubaine qu’à une dépense fiscale efficace ?
Par ailleurs, dans un contexte économique particulièrement morose et où toute recette supplémentaire doit être recherchée, pourquoi le dispositif du bouclier fiscal a-t-il été maintenu alors même que de nombreux ménages modestes auraient pu bénéficier de ces nouvelles recettes grâce à une politique redistributive et contribuer, par leur consommation, à la relance de la demande intérieure qui nous fait tant défaut aujourd’hui ?
Et si, madame et messieurs les ministres, vous doutiez encore de la pertinence d’une politique de relance s’appuyant sur la consommation des ménages, j’ai pu établir, dans un rapport que j’ai présenté au début de l’année devant la délégation pour la planification, que le contenu moyen en importation de la consommation des 10 % des ménages ayant les plus bas revenus est inférieur de 2, 4 points à celui de la moitié des ménages ayant les plus hauts revenus.
Ainsi donc, une approche sociale de la relance aurait pu non seulement protéger les populations les plus fragiles mais aussi contribuer à favoriser la demande en produits nationaux.
Enfin, la future réforme de la taxe professionnelle devrait se traduire par un allègement de l’ordre de 12 milliards d’euros sur la trésorerie des entreprises en 2010, et de 7 milliards d’euros les années suivantes.
La nécessaire redynamisation de l’investissement en France est, certes, une préoccupation très largement partagée dans cet hémicycle, néanmoins, rien ne garantit que ce projet de réforme y contribue.
N’aurait-il pas été plus pertinent, dans le but de favoriser l’investissement et d’éviter les délocalisations, de cibler plus particulièrement les entreprises industrielles, dont le tissu économique français a particulièrement besoin et qui présentent les facteurs de localisation les plus souples ?
Mais, plus grave encore, cette réforme aura des conséquences désastreuses sur les ressources des collectivités qui sont pourtant les premiers investisseurs dans notre pays. Mes collègues du groupe socialiste y reviendront au cours de ce débat, néanmoins je souhaite en dire quelques mots.
La perte d’environ 15 milliards d’euros de recettes de taxe professionnelle pour les collectivités porte une atteinte grave à leur autonomie fiscale, car ces dernières n’auront d’autre choix que de recevoir les recettes de nouveaux impôts ou de bénéficier de transferts d’impôts d’État, dont elles ne seront libres ni de déterminer l’assiette ni de fixer le taux.
Vous ne pouvez ignorer, madame la ministre, messieurs les ministres, que cette modification substantielle de l’imposition locale fera peser plus de 70 % des impôts locaux sur les ménages, alors qu’ils n’en supportent aujourd’hui que 50 %.
Et, comme il paraîtrait tout aussi injuste d’augmenter massivement les impôts locaux acquittés par les particuliers, ce sont les services publics locaux qui, une fois encore, en subiront les effets néfastes.
Le projet de loi de finances pour 2010, tel qu’il nous est proposé, est inacceptable car il prive les communes, les intercommunalités, les départements et les régions, qui auraient pu contribuer à amortir les effets de la crise, de toute marge d’action et ne fait pas le choix de la redistribution.
La volonté du chef de l’État de ne pas revenir sur certaines de ses promesses a fortement contraint les deux précédents exercices budgétaires. Ce projet de budget ne fait pas exception à la règle.
Afin de financer des dépenses dites d’avenir, l’idée d’un grand emprunt fut avancée. Longtemps son montant exact ne fut pas connu : M. Henri Guaino affirmait qu’il pourrait atteindre 100 milliards d’euros ; le premier ministre tablait sur une somme comprise entre 20 milliards et 30 milliards d’euros. Désormais, le chiffre de 35 milliards d’euros est retenu.
Ainsi, alors que la sincérité budgétaire eût voulu que l’examen du grand emprunt soit débattu à l’occasion de la loi de finances initiale, le Gouvernement renvoie cette question à un collectif ultérieur, fragmentant de fait le débat budgétaire et empêchant les parlementaires de l’appréhender dans sa globalité.
En conclusion, et pour qualifier ce budget, je dirai qu’il est insincère et injuste.
Il va de soi que notre groupe s’attachera à défendre des amendements pour rétablir l’équité fiscale tant entre les catégories de la population qu’entre les échelons territoriaux et proposera des mesures visant à remettre notre pays sur la voie de la croissance durable.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, le Président Pompidou affirmait qu’en politique il fallait absolument se donner des objectifs, le nôtre doit être d’atteindre l’équilibre budgétaire, au mieux en 2013 pour répondre aux exigences de la Commission européenne, au pire en 2014 pour répondre aux exigences de nos équilibres économiques et sociaux et aux exigences du poids international de la France.
Est-ce possible ? En tout cas, ce sera très difficile avec un contexte particulièrement morose, une récession économique qui s’est peu à peu installée, une croissance en berne, des chiffres du chômage de plus en plus inquiétants, des déficits publics abyssaux et une dette qui ne cesse de s’accroître.
Aujourd’hui, vos soucis sont grands, madame et messieurs les ministres, et notre inquiétude extrême.
Les déficits empoisonnent la vie politique française depuis trop longtemps. Tous les Gouvernements ont eu leur part de responsabilité, par le choix de la facilité et même de la lâcheté. À aucun moment, le Parlement n’est parvenu à voter un budget en équilibre.
Je dirai, en paraphrasant Oscar Wilde, que la France vit tellement au-dessus de ses revenus qu’en vérité ils mènent, elle et eux, une existence entièrement séparée. Ce déséquilibre s’est fortement accentué entre 2008 et 2009 pour des causes conjoncturelles du fait des mesures nécessaires de relance, mais aussi et surtout en raison de la forte diminution des recettes, en particulier du produit de l’impôt sur les sociétés, passé de 39 milliards à 19 milliards d’euros, et de celui de la TVA, passé de 186 milliards à 171 milliards d’euros.
C’est un effondrement catastrophique, mais la responsabilité n’est pas due à votre politique, au contraire, votre choix de privilégier l’investissement l’a freiné.
Ces causes conjoncturelles risquent de devenir structurelles sans un retour à une croissance forte et à une division par deux du chômage. La crise ne doit pas être un alibi nous autorisant à ignorer nos déficits, qu’il nous faut bien au contraire attaquer avec beaucoup de détermination et de courage.
Un déficit de116 milliards d’euros ! Une telle somme, il y a peu, était inimaginable ! Le temps où l’on se référait aux critères de Maastricht semble bien lointain. Il faut tout faire pour que ce chiffre, d’accidentel, ne devienne, par résignation, un élément du paysage économique.
Madame et messieurs les ministres, permettez-moi de rappeler comme mise en garde le précepte confucéen : « Trop de poux finit par ne plus démanger, trop de dettes finit par ne plus attrister. ».
Applaudissements sur certaines travées du RDSE.
Bravo !
Le Gouvernement, comme les rapporteurs généraux, ont élaboré plusieurs scénarios. Lors du débat sur les prélèvements obligatoires, vous avez été clairs : les impôts ne doivent pas augmenter.
Dans ce cas, la seule piste à long terme est celle de la baisse des dépenses. Un antidote, le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux, n’est pas suffisant : l’économie annuelle réalisée ne représente que 0, 2 % des dépenses nettes du budget général.
Nous devons nous inspirer des exemples de pays confrontés à des problèmes comparables, comme le Canada, la Belgique et la Suède. C’est la Suède qui a réussi le mieux à surmonter une situation désastreuse.
Elle a su créer les conditions nécessaires pour éviter de sombrer dans la spirale infernale des déficits. Pendant près de dix ans, elle n’a cessé de réduire ses dépenses. En imposant une politique budgétaire aux règles pluriannuelles strictes, elle est passée d’un déficit public de 12 % du PIB à un excédent public de près de 3 % !
La Suède s’était donné comme objectif à la fois un plafonnement des dépenses et un excédent moyen des finances publiques de 2 % du PIB.
Le taux de chômage a baissé de 9 % à 4 % de 1993 à 2000 malgré, ou plutôt, en raison de la réduction de 15 % du nombre d’emplois publics. Une forte hausse des emplois privés liée à une reprise de la consommation et de l’investissement a suivi le début de redressement des finances publiques.
Ce résultat fut atteint sans réduction du niveau des services au public dans les secteurs régaliens de l’État ni du niveau de qualification de la population.
Qu’est-ce qui nous empêche de nous inspirer de l’exemple suédois ? Il nous démontre que le redressement de notre déséquilibre budgétaire est possible.
Nous devons tous faire preuve de courage en refusant la facilité et la démagogie.
Madame la ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, la dette publique explose : 64, 9 % du PIB en 2004, 77 % en 2009, la Cour des comptes l’estime à 84 % en 2010, 88 % en 2012.
Lors du débat sur les prélèvements obligatoires, j’avais soutenu la proposition de notre collègue député Jean-Luc Warsmann de mettre en place un sommet national de la dette publique au-delà de tout clivage politique ou idéologique : plus que jamais, l’urgence l’impose.
J’en appelle à votre sens de l’hédonisme, madame et messieurs les ministres, en vous rappelant le proverbe russe : « Le beau moment d’une dette, c’est quand on la paie !».
Que cela se réalise sous votre ministère serait sans doute une utopie, mais soyez-en à tout le moins les initiateurs !
Applaudissements sur les travées du RDSE.
Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, le projet de loi de finances revêt, cette année, une importance et une portée toutes particulières, et ce à double titre.
D'une part, le budget 2010 tient compte de la crise économique actuelle, qui marquera à n’en point douter l’histoire contemporaine, tout en préparant la sortie de crise. D’autre part, il concrétise la suppression de la taxe professionnelle, réforme que le Président de la République s’était engagé à mener à bien, réforme souvent annoncée et toujours différée.
Je concentrerai donc mon propos sur quatre points.
Le premier portera, bien sûr, sur la taxe professionnelle, dispositif qu’il était devenu clairement nécessaire de supprimer. Déjà qualifié de « stupide » par François Mitterrand, il a été modifié, depuis sa création en 1975, par pas moins de 68 textes de loi destinés à en atténuer les effets antiéconomiques.
La plus importante de ces modifications a été conduite par Lionel Jospin et Dominique Strauss-Kahn, qui ont supprimé la part salaire de la taxe professionnelle en expliquant que le meilleur moyen de lutter contre le chômage était de ne pas taxer les emplois. Mais ils ne sont pas allés jusqu’au bout du raisonnement. Il est donc particulièrement curieux d’entendre les voix qui plébiscitaient cette évolution reprocher aujourd’hui au Gouvernement de poursuivre le raisonnement, en faisant valoir que le meilleur moyen de ne pas pénaliser l’investissement est d’éviter de le taxer, tout particulièrement dans le contexte de crise que nous connaissons.
Plus que jamais, il convient donc de ne pas différer cette réforme. Le débat doit porter non pas sur la suppression de la taxe professionnelle, mais bien plus sur le dispositif destiné à la remplacer.
De ce point de vue, l’idée d’opérer un prélèvement sur la valeur ajoutée paraît plus cohérent et plus juste économiquement, surtout dans la situation actuelle où les entreprises à forte valeur ajoutée ne sont pas forcément les plus contributives.
Il est à mon sens nécessaire, sur le long terme, d’opérer des rééquilibrages entre les entreprises et les territoires. Je les appelle de mes vœux. Nos collectivités n’ont rien à craindre de la réforme puisque l’industrie française a perdu 500 000 emplois en 15 ans et que sa part dans la valeur ajoutée est passée de 21 % en 1988 à 14, 1 % en 2007.
Aussi la vraie question porte-t-elle sur la détermination du mode de répartition de ce nouvel impôt et de la part respective qui devra revenir à chaque collectivité.
Nos collègues de l’Assemblée nationale ont élargi aux communes la cotisation assise sur la valeur ajoutée, initialement réservée aux départements et aux régions, et ce à hauteur de 20 %. C’est une heureuse initiative, de nature à conforter le lien entre territoires et entreprises et, surtout, à dynamiser le couple formé par la commune et l’EPCI.
Si d’autres évolutions sont souhaitables, je fais confiance à la commission des finances, tout particulièrement à son président, Jean Arthuis, et à son rapporteur général, Philippe Marini, pour inciter notre assemblée à améliorer et compléter le texte. Nous souhaitons en priorité obtenir – enfin ! – des simulations et la garantie de clauses de revoyure en fonction de l’évolution du dossier de la réorganisation territoriale.
Cela me conduit tout naturellement à évoquer le deuxième point de mon propos : l’autonomie fiscale et la péréquation.
Tout d’abord, peut-on encore parler d’autonomie fiscale lorsque la taxe professionnelle est aujourd’hui, pour plus d’un tiers, prise en charge par l’État ?
C’est entre 1998 et 2002 que l’autonomie fiscale des régions a le plus diminué, conséquemment à la réforme des droits de mutation en 1998, à la suppression de la part régionale de la taxe d’habitation en 2000 et à celle de la part salaire de la taxe professionnelle en 2001.
Ainsi, pour la Bretagne, région qui m’est particulièrement chère, la part des recettes décidée par le conseil régional n’était plus que de 30 % en 2002 quand elle atteignait 56 % en 1998. Une telle diminution, qui fait suite aux réformes fiscales menées par Lionel Jospin et Dominique Strauss-Kahn, permet de relativiser les accusations portées aujourd’hui sur la perte d’autonomie fiscale que la réforme entraînerait, d’autant que les régions ont retrouvé une certaine marge de manœuvre avec le mécanisme de la TIPP institué sous le gouvernement Raffarin.
Ensuite, n’y a-t-il pas un paradoxe, voire une certaine hypocrisie, à réclamer davantage d’autonomie fiscale tout en appelant de ses vœux une augmentation à la fois des dotations de l’État et de la péréquation ?
Je suis bien entendu, comme chacun d’entre nous, attaché au principe d’une autonomie fiscale la plus large possible.
Cependant, compte tenu des déséquilibres territoriaux, que signifie l’autonomie fiscale lorsqu’il n’y a pas, ou peu, de masse taxable et, partant, de perspectives de recettes ?
Dans certains départements, le coût des compétences transférées, ne serait-ce que dans le domaine social avec le RSA et l’APA, est sans commune mesure avec le niveau réel de la contribution qui peut y être levé.
En la matière, une prise de conscience s’impose : plus loin nous souhaiterons aller dans la décentralisation, en confiant aux collectivités territoriales des missions jusque-là exercées par l’État sur son budget, plus il sera difficile, sur un plan macroéconomique, d’assumer le principe d’autonomie fiscale. Je prendrai, là encore, l’exemple de la Bretagne : l’État y collecte 11, 3 milliards d’euros, mais en redistribue 16, 3 milliards !
De ce point de vue, l’instauration de la nouvelle contribution économique territoriale me paraît ouvrir de nouvelles perspectives pour assurer, dans toute la mesure possible, une meilleure équité entre les territoires. Les péréquations et compensations sont peut-être des entorses au principe de l’autonomie fiscale, mais elles expriment une autre valeur, celle de la solidarité nationale, à laquelle nous sommes tous attachés. Cette dernière mérite selon moi d’être autant respectée et défendue qu’un principe d’autonomie dont nous mesurons bien les limites.
Le troisième point que j’aborderai concerne le sort qui sera réservé à la taxe sur le foncier non bâti compte tenu de la suppression de la taxe professionnelle.
Aujourd’hui, la taxe sur le foncier non bâti pèse fortement sur l’agriculture, secteur économique pourtant soumis lui aussi, comme chacun le sait, à une rude concurrence, et s’apparente, à bien des égards, à une taxe professionnelle. Aussi, le raisonnement qui prévaut pour alléger les charges sur les entreprises à fort investissement me semble également valable pour les entreprises agricoles, où le poids du foncier est lourd. Je sais que ces contributions ne sont pas tout à fait de même nature, puisque le foncier ne s’amortit pas. Pour autant, je souhaite que l’examen du dossier de la révision des bases foncières nous donne l’occasion de réfléchir à la pertinence économique de cette taxe et à son évolution.
Enfin, le quatrième point de mon intervention portera sur la maîtrise de nos dépenses
Si nous partageons tous cet objectif, il serait pour le moins fâcheux que la recherche de l’excellence en tous points – qualification des personnels, sécurité, environnement – conduise, par la création de normes excessivement contraignantes, à augmenter les dépenses des collectivités territoriales. Je ne suis pas de ceux qui considèrent que nos collectivités territoriales bénéficieraient d’une sorte de garantie de ressources provenant de l’État, indépendamment du contexte économique.
Pour autant, il ne faudrait pas que, dans le même temps, l’État, au mépris de ce même contexte économique, en vienne à mettre lui-même à faire supporter aux collectivités territoriales des charges nouvelles, au détour d’un décret ou d’une circulaire.
En d’autres termes, si l’État ne veut pas ou ne peut pas compenser toutes ces nouvelles charges, il serait bien inspiré d’éviter d’en créer, surtout lorsque leur utilité reste à démontrer.
Dans le même ordre d’idée, je reconnais à la fiscalité écologique une finalité pédagogique salutaire, et je me réjouis que le Gouvernement ait récemment annoncé son intention d’affecter le produit de la taxe carbone acquittée par les collectivités à un fonds de l’ADEME qui servira à financer les investissements des collectivités locales en matière d’économie, d’énergie et de développement durable. J’ai également noté que la taxe carbone serait intégralement remboursée aux particuliers. Cela étant, l’instauration de contributions écologiques ne doit pas aboutir à absorber l’intégralité du bénéfice tiré de l’exonération de la taxe professionnelle. Pour notre part, nous avons trop souvent déploré et dénoncé ce genre de pratique.
Mes chers collègues, le projet de budget pour 2010 est marqué par un souci de lucidité et de vérité. Il ouvre des perspectives et prépare la sortie de crise, en s’inscrivant, au-delà de la conjoncture particulière que nous traversons, dans une logique de libération de notre économie.
Je sais gré au Gouvernement, malgré un contexte difficile, de faire preuve de courage alors qu’il eût été plus facile de différer une décision aussi lourde de conséquences que la réforme de la taxe professionnelle. C’est parce que je le sais attentif aux propositions du Sénat, dans le but commun de rendre cette nécessaire réforme juste et équilibrée, que nous aborderons la discussion avec confiance.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et sur plusieurs travées l ’ Union centriste.
Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, après avoir entendu de nombreux témoignages sur des sujets variés, je limiterai mon intervention à la réforme de la taxe professionnelle, sur laquelle je voudrais vous confier à la fois mes inquiétudes et mes espoirs.
Le Président de la République a donc annoncé en février dernier la suppression des investissements productifs de l’assiette de la TP, en précisant qu’une telle mesure était nécessaire pour « garder des usines en France ».
La question de l’incidence de la taxe professionnelle sur les délocalisations est à l’évidence parfaitement légitime, mais est-elle totalement fondée ? En effet, lorsqu’on interroge les chefs d’entreprise sur les raisons qui pourraient les pousser à délocaliser totalement ou partiellement leurs productions en Europe de l’Est, en Afrique du Nord ou en Asie, ceux-ci évoquent rarement le poids de la TP et beaucoup plus le coût de la main-d’œuvre et des charges sociales.
De ce fait, je ne suis pas certain que la suppression de la taxe professionnelle sur les investissements suffira à freiner les délocalisations. Cela ne veut bien sûr pas dire que cette taxe ne doit pas être modernisée.
La réforme envisagée ne concerne qu’un article du projet de loi de finances pour 2010, mais celui-ci couvre tout de même 135 pages, ce qui le rend quelque peu inintelligible. Or, s’il est une réforme qui a trait directement au fonctionnement des collectivités territoriales, c’est bien celle-ci.
Le dispositif proposé, à savoir le remplacement d’un impôt dynamique comme la TP par une cotisation locale d’activité – « cotisation foncière des entreprises » selon l’appellation retenue par la commission des finances – et par une cotisation sur la valeur ajoutée, constitue-t-il une bonne solution ? Rien n’est moins sûr si l'examen au Sénat ne permet pas de faire bouger quelques lignes importantes. Je compte sur vous, madame, messieurs les ministres, pour nous aider en ce sens dans la mesure du possible.
Si j’en juge par les simulations qui ont été opérées, les 18 millions d'euros perçus actuellement au titre de la taxe professionnelle par les communautés de communes meusiennes passeraient à 11 millions de taxes et recettes nouvelles. Quant au département lui-même, il subirait une diminution de ses recettes dans des proportions similaires.
À l’évidence, cette perte de recettes devrait être compensée par des dotations de l’État. Mais si, à compter de 2011, les collectivités ne doivent trouver leur salut que sous cette forme, elles vont au-devant de grandes difficultés. Il serait alors nécessaire d’instaurer une péréquation encore plus importante que celle que nous pouvons imaginer.
L’expérience nous le prouve, il n’y a rien de plus aléatoire que les dotations budgétaires de l’État. Il est donc à craindre que, dès 2012, cette garantie de ressources fonde comme neige au soleil, dans la mesure où l’État, surendetté et désargenté, voudra lui aussi faire des économies. Dans ces conditions, le versement de la dotation envisagée risque d’être peu pérenne, et c’est bien là que réside le grand danger de la réforme.
En ce qui concerne, plus précisément, la cotisation sur la valeur ajoutée, je m’interroge sur la clarté du texte en la matière. Il nous est indiqué que cette recette serait affectée pour 20 % au bloc communal, c'est-à-dire les communes et les intercommunalités. Or, dans une note diffusée par les services de Bercy comme dans les simulations dont je dispose, il n’y a aucune recette prévue à ce titre pour les communes de mon propre département, ce qui, bien sûr, ne fait qu’accroître un peu plus mes inquiétudes.
Par ailleurs, si les députés ont obtenu du Gouvernement la « territorialisation » de la cotisation sur la valeur ajoutée, ils se sont arrêtés au milieu du gué : en effet, la contrepartie à cette territorialisation consisterait, fort logiquement, à abaisser, peut-être à 150 000 euros, le seuil au-delà duquel les entreprises concernées devraient acquitter une cotisation assise sur la valeur ajoutée. J’ose espérer, madame, messieurs les ministres, que vous pourrez nous rassurer sur ce point avant l'examen des amendements. J’en ai moi-même déposé quelques-uns sur ce thème.
En effet, qu’adviendra-t-il pour les communautés qui ont opté pour la TPU et qui n’ont sur leur territoire que des entreprises dont le chiffre d’affaires ne dépasse pas les 500 000 euros ? Cette question m’inquiète au plus haut point.
Pensons aux communes et aux EPCI qui ont fait des efforts en vue de développer des zones industrielles ou artisanales. Pour poursuivre dans cette voie, les élus n’auront d’autre choix que d’augmenter les impôts locaux, ce qui n’apportera guère d’amélioration et ne permettra certainement pas de créer des conditions propres à attirer les entreprises.
Quant au département, traditionnel levier pour la relance de certaines activités, une éventuelle diminution de ses recettes en 2011 serait à l’origine de difficultés qui ne manqueraient pas de se répercuter sur l’ensemble des collectivités territoriales, les communes, en particulier.
J’ajoute que la perspective de pouvoir encaisser la TP était un élément fort apprécié par l’ensemble des collectivités.
Adopter les principes généraux de la réforme de la présente loi de finances, pourquoi pas ? Encore faudra-t-il mettre ensuite à profit le temps qui nous reste jusqu’à juin 2010 pour élaborer un nouveau texte : il devra mettre en œuvre ces principes sans pénaliser aucune collectivité territoriale.
À l’issue du débat dont j’attends beaucoup, j’espère appartenir à la majorité « lucide et courageuse », pour reprendre l’expression de Jean-Pierre Fourcade, qui votera ce texte, que vous aurez accepté d’amender.
Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste et sur certaines travées de l ’ UMP.
Monsieur le président, madame et messieurs les ministres, mes chers collègues, ces dernières années, nous avons été contraints, bon gré mal gré, d’examiner des projets de loi de finances fondés sur des taux de croissance erronés qui, de surcroît, risquaient d’être détricotés par des collectifs parfois intempestifs.
Mais aujourd’hui, comment ne pas être stupéfait – et le mot n’est pas trop fort !– par le texte que vous nous présentez. Nicole Bricq l’a qualifié, à juste titre, de projet de budget « virtuel ».
En effet, après une année entière de récession économique, que penser de ce projet de budget pour 2010, agglomérat d’improvisations successives ? Comment ne pas s’inquiéter de tous ces chantiers ouverts un peu partout, sans cohérence d’ensemble ni certitude d’achèvement par un « hyperprésident » ?
De fait, dans l’impréparation la plus totale et sans concertation, le Président de la République annonce tour à tour la suppression de la taxe professionnelle au début de l’année, l’instauration de la taxe carbone et le choix d’un grand emprunt. Puis, il précise le montant de la taxe carbone en ignorant les rapports et avis d’experts sur le sujet pour, enfin, s’apprêter à arbitrer le montant du grand emprunt national !
Ce dernier doit d’ailleurs interroger les parlementaires que nous sommes sur le sens de notre débat budgétaire. Nous examinerons, dans quelques mois, voire dans quelques semaines, un collectif destiné à financer des dépenses d’investissement qui devraient tout naturellement figurer dans un projet de loi de finances digne de ce nom. Ce sera, autrement dit, un budget bis.
Le semblant de cacophonie qui règne actuellement dans la majorité parlementaire est chargé de donner corps, d’orchestrer – pour ne pas dire bricoler – ces annonces présidentielles dans la plus grande précipitation et la plus décevante docilité.
Plusieurs de mes amis reviendront dans leur intervention sur l’article 2 et l’article 5 du projet de budget qui font tant polémique, et à raison.
Pour ma part, je voudrais aborder deux points en particulier : la dérive des comptes publics et le maintien, que je qualifierai d’insensé, du bouclier fiscal.
Mois après mois, le déficit du budget de l’État ne cesse de se creuser. Au 30 septembre 2009, les recettes du budget général de l’État ont atteint 169, 7 milliards d’euros, contre 221, 6 milliards d’euros un an plus tôt. Les recettes fiscales nettes ont connu une « baisse marquée » de 47, 9 milliards d’euros sur un an pour atteindre 156, 8 milliards d’euros. Les dépenses totales de l’État ont, en revanche, augmenté, passant de 255, 9 milliards d’euros au 30 septembre 2008 à 263, 9 milliards d’euros au 30 septembre 2009.
En septembre 2009, la dette de l’État a ainsi atteint 125, 8 milliards d’euros, contre 56, 6 milliards d’euros à la même date en 2008 : elle a donc doublé en un an.
Les comptes publics sont à la dérive ! Ailleurs, et dans d’autres circonstances, on appelle cela « le vertige des profondeurs ».
Mes chers collègues, je vais vous demander de faire, pour un instant, un effort d’imagination. Imaginons qu’un gouvernement de gauche vienne devant vous avec un tel projet de budget, avec un tel projet de déficit.
Monsieur le président de la commission des finances et monsieur le rapporteur général, vous seriez certainement des censeurs impitoyables, prompts à nous donner des leçons au nom même de cette rigueur que vous évoquiez ce matin !
La différence, c’est qu’avec un gouvernement de gauche vous resteriez opposants jusqu’à la fin du débat, alors que vous allez finalement voter ce projet de budget malgré toutes les réserves que vous avez évoquées ce matin.
La parole est à M. le rapporteur général, avec l’autorisation de l’orateur.
Je voulais simplement vous rappeler qu’il est certainement beaucoup plus facile, vis-à-vis de problèmes aussi complexes, d’être dans l’opposition que dans la majorité !
Monsieur le rapporteur général, je vous ai connu dans l’opposition entre 1997 et 2002 : vous n’étiez pas tendre à l’endroit de budgets qui avaient pourtant une autre allure que celui-là !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. J’en ai bien profité !
Sourires
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Nous avons un peu de nostalgie !
Nouveaux sourires.
C’est la première fois qu’en temps de paix le déficit de l’État atteint la moitié des dépenses du budget général. En juin dernier, le Premier président de la Cour des comptes nous avait avertis qu’à ce niveau de déficit la dette publique deviendrait « incontrôlable ».
Et que dire des remontrances répétées de la Commission européenne, gendarme budgétaire de l’Union européenne ? Elle nous a demandé, la semaine dernière, de ramener, d’ici à 2013, notre déficit public dans la limite de 3 % du PIB, faisant fi des réserves du Gouvernement qui demandait à bénéficier d’une année supplémentaire.
Les ministères des finances et du budget, embarrassés, expliquent ce dérapage incontrôlé par « le poids de la conjoncture économique sur l’évolution des recettes et, à hauteur de 29, 9 milliards d’euros, par l’effet des mesures du plan de relance ».
Mais les orientations dangereuses de la politique fiscale du Gouvernement ont toute leur responsabilité dans l’aggravation du déficit public.
Madame la ministre, monsieur le ministre, vous aimez comparer la France aux pays étrangers, notamment européens. Je ne suis pas certain que cette chamaillerie officielle entre nos pays de l’Union européenne donne une bonne image de l’Europe à l’extérieur, en particulier vis-à-vis des deux grands, que l’insuffisance du vieux continent va bientôt laisser face à face, je veux parler des États-Unis et de la Chine.
Mais, puisque vous voulez comparer, soit ! En 2009, malgré une récession deux fois plus forte que chez nous, due à son ouverture internationale, l’Allemagne affiche un déficit de 3, 7 %, quand le nôtre dépasse les 8 %.
La France est, d’ailleurs, avec la Grèce, la seule nation européenne à ne pas avoir réduit son déficit public pendant le cycle de croissance qui a précédé la récession.
Dans ce contexte de dégradation des comptes publics, comment ne pas dénoncer le maintien irresponsable de cadeaux fiscaux en direction des plus riches ?
Ils représentent non seulement une confiscation de recettes, mais aussi une injustice flagrante condamnable.
Depuis 2002, la majorité n’a eu de cesse d’imaginer des cadeaux fiscaux, pour l’essentiel en faveur des plus fortunés de nos concitoyens : chaque année, 20 milliards d’euros sur 30 milliards sont fléchés pour les plus favorisés.
La combinaison du bouclier fiscal et des niches fiscales conduit à des injustices choquantes.
Ainsi, il a été calculé qu’un contribuable possédant 15 millions d’euros de patrimoine peut déclarer 1 000 euros de revenus, ce qui l’exonère totalement d’impôt sur le revenu.
Rappelons également que les sommes remboursées en 2008 par l’État au titre du bouclier fiscal s’élèvent à 458 millions d’euros.
Dans un contexte de crise économique, pourquoi continuer de dispenser les plus riches d’un effort de solidarité?
Certains annoncent que la crise est derrière nous. La crise financière peut-être, mais certainement pas la crise économique, sans parler de la crise sociale !
L’INSEE, la semaine derrière, énumérait les conséquences sociales de la crise : près de 400 000 emplois détruits depuis 2008, forte hausse du chômage de masse et ralentissement des salaires.
La France compte plus de 8 millions de personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté. Vous le savez, les associations caritatives n’arrivent plus à soulager toute la misère qui gagne du terrain mois après mois.
La justice fiscale consisterait à répartir la charge selon la capacité contributive de chacun et, donc, à supprimer le bouclier fiscal, qui limite l’impôt à 50 % des revenus d’un contribuable.
Dans la presse, on lit que le bouclier fiscal est « le marqueur idéologique du sarkozysme », mais le marqueur de quoi, au fond ? D’une politique rétrograde de classe qui ne dit pas son nom, qui surtaxe les plus défavorisés et met à l’abri les plus fortunés.
C’est l’emblème de l’aveuglement de la droite qui ne voit pas la colère des plus modestes monter et qui demande aux plus faibles de contribuer, proportionnellement, le plus : hausse du forfait hospitalier, déremboursement des médicaments, hausse des cotisations mutuelles, augmentation de la redevance audiovisuelle, fiscalisation au premier euro des indemnités de départ à la retraite volontaire, fiscalisation des indemnités d’accident du travail, diminution du crédit d’impôt sur les intérêts d’emprunt, de la portée du prêt à taux zéro, stagnation du smic et des salaires !
Les bons d’un côté, les méchants de l’autre ! Et, bien entendu, nous sommes les méchants et vous, les bons !
On voit bien que vous cherchez à gratter les euros un peu partout ! Vous avez encore des marges de manœuvre.
L’autre jour, j’écoutais le président de la République énumérer les critères à remplir pour être français. J’ai compris que pour être français, quand on est chômeur, il faut chercher du travail. Mais il y aurait un autre critère à retenir : pour être français, il faut payer ses impôts en France ! Évidemment, cela touche les amis de M. Sarkozy !
On peut être français et ne pas payer ses impôts en France !
Il y a certainement des délocalisés fiscaux de gauche ! On doit pouvoir en trouver !
De son côté, Mme la ministre de l’économie, plaidant le maintien du dispositif, parle d’un « contrat de confiance passé entre la majorité et les Français » !
Mais, pour passer un contrat, madame la ministre, il faut être deux parties consentantes et le plus grand nombre des Français ne percevront aucun chèque de remboursement de trop-perçu de leurs impôts !
Le Gouvernement encourage une économie de rente, de spéculation, persiste et signe. Lors de l’examen de la partie recettes du projet de loi de finances à l’Assemblée nationale, il a rejeté l’amendement préconisant la sortie de la CSG et de la CRDS de l’assiette du bouclier.
Enfin, l’argument selon lequel le bouclier permettrait de lutter contre l’évasion fiscale est péremptoire. En effet, le rapport du Conseil des prélèvements obligatoires, présenté début mars, révèle que l’évasion fiscale a des conséquences marginales, comparées au coût du bouclier fiscal. Ce dernier n’a-t-il pas coûté 250 millions d’euros en 2007 pour éviter une évasion fiscale qui s’élève à 17 millions d’euros ?
Le rapport précité établit donc très clairement que le coût du bouclier fiscal est complètement disproportionné par rapport aux pertes engendrées par l’évasion fiscale et la Cour des comptes le confirme !
Aussi, madame le ministre, monsieur le ministre, mes collègues du groupe socialiste et moi-même, pour toutes les raisons que je viens d’exposer devant vous, vous demandons solennellement d’abroger un dispositif inique et indéfendable au profit d’un budget qui réponde mieux aux exigences de nos compatriotes
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Monsieur le président, madame, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme l’ont rappelé plusieurs de mes collègues, l’examen du budget est un acte politique, car son vote confirme l’adhésion à l’action du Gouvernement lors de l’année écoulée et aux orientations qu’il a définies pour le futur.
Si je tiens à exprimer à cette tribune notre adhésion à l’action du Gouvernement lors de cette année de crise, je souhaite également faire part d’un certain nombre de divergences qui, loin de participer à la cacophonie, concernent les moyens mis en place pour sortir de la crise et préparer l’avenir, tout en garantissant l’unité d’action du Gouvernement et de la majorité dont je fais partie.
Quel est l’état de la France à l’aube de cette année budgétaire ?
Notre pays, au cours de cette année, a tout d’abord retrouvé une dimension sur la scène internationale et participé à l’éclosion du nouvel organisme que constitue le G20. L’action menée par le Gouvernement à ce titre – et vous y avez pris votre part, madame, monsieur le ministre ! – a été bénéfique.
Quelle est la situation particulière de la France au sein du G20 ?
Première constatation : parmi ces vingt économies les plus importantes de la planète, la France est la nation dont les prélèvements obligatoires sont les plus élevés, en dépit de la baisse conjoncturelle liée au manque de recettes, une baisse qui s’est d’ailleurs produite dans tous les pays, de façon parfois plus marquée. Cette situation empêche le gouvernement en place, quel qu’il soit, de résoudre les problèmes budgétaires.
Deuxième constatation : La France est la nation où la dépense publique est la plus élevée, soit près de 50 % du PIB. Je rappelle, à titre de comparaison, que la dépense publique ne représente, en République populaire de Chine, que 30 % du PIB. C’est une réalité !
Troisième constatation : parmi toutes les nations du G20, notre pays connaît le taux d’emploi public le plus élevé, soit 22 % de la population active.
Quatrième constatation : c’est en France que la redistribution de la richesse est la plus forte.
L’économie française est la moins libérale de la planète. C’est, là encore, une réalité. J’entends parler, ici ou là, de libéralisme, voire d’ultralibéralisme ; c’est un leurre ! Notre économie est, au contraire, extrêmement dirigiste. Cela explique en partie l’amortissement de la crise. Vous parliez d’une baisse de moins de 2 % du PIB ; or notre PIB fait partie, pour moitié, de ce que les économistes appellent « l’économie protégée ».
M. le rapporteur général de la commission des finances a évoqué la séparation entre la sphère réelle de l’économie et la sphère financière. J’aurais tendance à dire que notre économie est séparée, en fait, entre la sphère protégée et la sphère réelle. Structurellement, le projet de budget qui nous est proposé ne répond pas tout à fait aux interrogations que pose cette définition de l’économie française.
Vous avez tenu bon sur un certain nombre de principes et vous êtes, pour cela, assurés du vif soutien d’une partie des Français qui, comme moi, pensent qu’il est essentiel de maintenir le cap sur les prélèvements obligatoires. Ce cap doit être orienté vers la baisse, c’est-à-dire le maintien du bouclier fiscal et de vos engagements concernant les baisses d’impôts. J’aurais préféré une baisse plus importante, mais je dois reconnaître que vous maintenez le cap dans des circonstances difficiles, en diminuant les effectifs de la fonction publique, en réformant la taxe professionnelle, en maintenant le bouclier fiscal et en assurant un pilotage maîtrisé de la consommation. Vous vous êtes en effet efforcée tout au long de l’année, madame la ministre, de piloter avec une grande finesse entre le maintien et la suppression de l’impôt forfaitaire sur les sociétés.
Nous avons eu deux succès, deux bonnes surprises.
Le premier succès est la réussite des mesures en faveur de la micro-entreprise et des auto-entrepreneurs : 500 000 demandes de création d’entreprises ont été déposées, ce qui prouve que les mesures libérales fonctionnent.
Le deuxième succès concerne le crédit d’impôt, ce qui prouve que les réflexes de libéralisme fonctionnent !
J’ai assisté à l’inauguration du centre technologique européen de Microsoft, à Paris. Or je me souviens qu’il y a deux ans nous étions en compétition pour la création de ce centre de recherche avec l’Angleterre et l’Allemagne. C’est grâce à la fiscalité avantageuse que vous avez proposée que nous avons été choisis par Microsoft et que 1 700 emplois ont été créés.
Le prix à payer pour la France, c’est un déficit budgétaire historique, dont on ne peut que souligner, à l’instar de nombreux orateurs, le caractère « hors norme ». La seule année 2009 représente pratiquement quatre années de déficit budgétaire, ce qui démontre que la sphère publique a bien du mal à anticiper les difficultés et qu’elle n’a pas la réactivité nécessaire à l’économie réelle.
L’an dernier, lors de l’examen du projet de budget, nous débattions du montant du déficit, que nous estimions, à 5 milliards d’euros près, entre 65 milliards et 74 milliards d’euros. Or, cette année, le déficit risque plutôt de se situer aux alentours de 130 milliards à 140 milliards d’euros. Nous ne connaissons pas exactement ce montant car, toutes les huit semaines, les chiffres annoncés étaient contredits par la sphère de l’économie réelle.
Le Président de la République a eu raison de dire, en annonçant le grand emprunt à Versailles, qu’il fallait rétablir la confiance. Vous êtes partagés entre le rétablissement de la confiance, qui est une nécessité, et l’économie réelle, qui répond aux lois du marché et du libéralisme.
Ce qui valait avant l’été ne vaut plus aujourd’hui. À cette époque, les banques empruntaient et vous leur apportiez votre caution. Elles ont toutes remboursé leur dette aujourd’hui, comme l’a rappelé M. le rapporteur général de la commission des finances. Voilà toute la différence entre la sphère protégée et la sphère de l’économie réelle !
Le dimensionnement du déficit budgétaire nous réserve peut-être une bonne surprise. Si la croissance revient plus vite que prévu, les 116 milliards d’euros ne seront pas atteints, et ce qui s’est produit cette année se produira peut-être en sens inverse...
M. Gérard Longuet opine.
nous a indiqué que, sur le plan technique, il fallait s’attendre à une baisse pérenne des recettes ; c’est évident !
Au moment où le déficit budgétaire est historique, le recours à l’emprunt est contestable. Le dimensionnement du grand emprunt a d’ailleurs posé des difficultés ; heureusement, vous y avez mis bon ordre ! Pour le membre de la majorité que je suis, 100 milliards d’euros pour le grand emprunt, c’est inimaginable ; ce dimensionnement était donc nécessaire.
Je ne suis pas favorable à ce grand emprunt et j’estime, compte tenu de la conjoncture, qu’il pourrait être reporté. Mais s’il faut y recourir, alors il est essentiel que l’argent public ainsi recueilli soit utilisé à bon escient.
Un dernier moyen a été évoqué par de nombreux orateurs : le dimensionnement et la maîtrise de la dépense publique. En réalité, personne ne peut y parvenir, et vous n’y parviendrez pas.
Certes, vous avez eu le mérite d’essayer d’arracher « au couteau » des économies sur les dépenses publiques. Mais il manque à ce projet de loi de finances une vision libérale, car il n’est nulle part question de revoir le périmètre de l’appareil d’État. C’est pourtant ce que font les pays dont l’économie a redémarré. Même la Chine a redimensionné le périmètre de son appareil d’État ! Or vous n’abordez pas cette question, qui est l’une des solutions du retour à l’équilibre budgétaire.
La méthode que vous proposez, c’est-à-dire la relance par l’investissement public, ne permettra pas de faire repartir la croissance dans la durée. Je suis convaincu, pour ma part, que la méthode keynésienne n’est ni moderne ni adaptée à l’économie française.
C’est en cela que ce projet de budget me gêne. En favorisant la sphère protégée par l’investissement public, vous pénalisez l’économie réelle, qui ne bénéficie nullement de cette masse financière. Quelles que soient les solutions proposées par certains de nos collègues, cette méthode est vouée à l’échec. La dépense de l’investissement ne permettra pas de retrouver une croissance forte.
Encore une fois, d’autres pays agissent différemment. En Allemagne, Angela Merkel a proposé, dans son programme, au lieu d’une dépense par l’investissement public, un allégement supplémentaire des prélèvements obligatoires. Pour prendre cette décision, il a fallu qu’elle soit débordée par le parti libéral, qui lui a imposé le dimensionnement suivant : 24 milliards d’euros de baisse supplémentaire des prélèvements obligatoires. Cette méthode permettra sans doute à l’Allemagne de retrouver la croissance. Les premiers indices sont d’ailleurs apparus cette semaine : la presse financière a indiqué que la reprise risquait d’être plus forte à l’extérieur de notre pays.
Lorsqu’on heurte un obstacle à la vitesse de 60 kilomètres à l’heure, les dégâts sont moins importants qu’à 120, mais l’on repart beaucoup moins vite. Pour l’amortissement de la crise, c’est un peu la même chose. Vous ne retrouverez la croissance qu’en changeant de cap. L’exemple allemand, le dimensionnement et le périmètre de l’appareil l’État sont autant de réalités dont il faut tenir compte.
Je souhaite, en conclusion, m’adresser à mes amis gaullistes. Le général de Gaulle, lors de l’avènement de la Vème République, a voulu, comme il le disait si bien, sortir la république du « chemin des catastrophes », qui était, à ses yeux, l’absence d’équilibre financier. Sa première priorité a donc été de rétablir celui-ci, car il n’y a pas d’État fort sans équilibre financier.
Applaudissements sur certaines travées de l ’ UMP.
Monsieur le président, madame, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget de la mission « Outre-mer » suscitant, comme vous le savez, un intérêt relatif, pour ne pas dire restreint, il est bon que je dispose de ces quelques minutes, lors de la discussion générale du projet de loi de finances pour 2010, pour vous sensibiliser sur les questions ultramarines.
L’effort financier de l’État pour les outre-mer, tel qu’il est présenté dans le document de politique transversale, le DPT, s’élèvera pour l’exercice 2010 à 17, 1 milliards d’euros. Or, sur ce montant, seuls 2, 1 milliards seront gérés par la mission « Outre-mer », ce qui signifie que plus de 80 % des crédits de l’État destinés aux outre-mer seront gérés en interne par d’autres ministères, plus précisément au travers de 88 programmes relevant de 27 missions. Cela entraîne une lisibilité moindre des politiques publiques destinées aux outre-mer, d’autant plus que ces ministères ne semblent en mesure ni d’identifier précisément les crédits ni de mettre en place une politique spécifique pour les outre-mer.
La récente mission sénatoriale en a fait l’amer constat dans son rapport de juillet 2009 intitulé « Les DOM, défi pour la République, chance pour la France, 100 propositions pour fonder l’avenir », et a proposé, à cet effet, que chaque ministère technique abrite un véritable « pôle outre-mer », qui serait le correspondant, au niveau technique, des services de l’administration centrale chargée des outre-mer.
Cette absence de définition précise des politiques publiques de l’État nuit également au travail des parlementaires, qui ne sont pas véritablement en mesure d’autoriser la mise en œuvre de la totalité des crédits des outre-mer. En effet, les crédits que l’État accorde aux outre-mer sont séparés en deux unités : la mission « Outre-mer », qui est une unité de vote, et les programmes, qui sont des unités de spécialité et de gestion. Cela met en évidence une dissociation contre-nature au regard de la logique de la loi organique relative aux lois de finances. En effet, la mission « Outre-mer » ne peut réellement devenir interministérielle qu’au prix d’une forte rationalisation des politiques de l’État. Si la récente nomination d’un ministre chargé de l’outre-mer, au lieu d’un secrétaire d’État, peut aller dans ce sens, son rattachement au ministère de l’intérieur, qui demeure, me laisse perplexe.
La mission sénatoriale a d’ailleurs été très ferme sur ce point, en considérant que seul le rattachement direct de cette administration auprès du Premier ministre lui permettrait d’assurer un rôle interministériel déterminant.
Elle a estimé que le rattachement actuel n’était pas adapté, expliquant que « culturellement, il est incontestable que la gestion des collectivités locales par la “place Beauvau” – et plus particulièrement par la direction générale des collectivités locales (DGCL), gardienne du droit commun et peu encline à envisager des adaptations locales – et celle effectuée par la “rue Oudinot”, habituée à “ciseler” des statuts épousant les particularismes locaux, sont très différentes, voire difficilement conciliables ».
Et d’ajouter que la mission « Outre-mer », rattachée directement au Premier ministre, permettrait de préparer et de suivre plus efficacement la mise en œuvre des mesures décidées au sein du Conseil interministériel de l’outre-mer.
Il est vrai que, pour mettre en place dans les outre-mer le développement endogène sur lequel insiste le chef de l’État et qu’il présente comme l’unique sortie à la crise permanente consubstantielle aux outre-mer, il faut non seulement une nouvelle gouvernance locale plus adaptée aux réalités, ce que le chef de l’État semble appeler de tous ses vœux, mais également et surtout une administration d’État en mesure d’instaurer une réelle efficacité de ses services à l’égard des outre-mer.
Actuellement, pour se donner bonne conscience, on se contente de brandir les chiffres mettant en évidence le coût des outre-mer et, corrélativement, l’apport significatif de l’État. Mais quid des objectifs ? Quid des évaluations ? Quid des résultats ? La seule certitude est que nous nous trouvons face à un constat d’échec, un constat d’enlisement, qui se définit, notamment, par un retard de développement économique important et par un taux de chômage réel très supérieur à celui de la métropole : le niveau de chômage reste, dans les DOM, près de trois fois supérieur à la moyenne nationale, mais aussi à la moyenne des régions d’Europe.
C’est un chômage qui touche en premier lieu les jeunes puisque plus de 50 % d’entre eux sont au chômage.
Ce phénomène est d’autant plus alarmant que la population ultramarine est particulièrement jeune. Dans les DOM, les jeunes représentent 34 % de la population contre 25 % dans l’hexagone !
Ce constat d’enlisement se caractérise également par une hétérogénéité importante des résultats scolaires et par des perspectives d’insertion dans le monde professionnel extrêmement réduites.
Il se caractérise, enfin, par une aggravation des risques environnementaux, notamment en termes de pollution et de développement urbain.
Si l’on n’y prend garde, cette situation s’avérera vite apocalyptique, d’autant que les perspectives démographiques laissent penser que les défis de gestion publique iront croissant à court et à moyen termes.
En effet, la population française concernée, celle des outre-mer, représente plus de 2, 7 millions d’habitants. Or, si la population française a progressé de 50 % entre la fin des années quarante et aujourd’hui, celle des outre-mer a plus que triplé.
Plus que d’annonces, nous avons besoin de mesures réelles qui trouvent leur assise dans les documents budgétaires et dont l’application ne sera pas entravée pour une raison quelconque, comme c’est le cas de la loi pour le développement économique de l’outre-mer, la LODEOM.
Ce texte, voté depuis mai dernier, avait pour mission de répondre à la crise qui secouait les outre-mer en prévoyant des moyens financiers supplémentaires. Les décrets d’application ne sont toujours pas publiés et les dispositions contenues dans la loi ne sont, par conséquent, toujours pas applicables.
Pour ces raisons, nous attendions des signes forts dans le projet de loi de finances pour 2010. Or nous n’y trouvons rien d’exceptionnel.
Les chiffres pour les outre-mer sont quasiment identiques et ne connaissent aucune variation notable, exception faite des compensations aux organismes de sécurité sociale qui consomment, tout de même, près de 60 % du budget de la mission « Outre-mer ».
Tout au contraire, certaines mesures du projet de loi de finances pour 2010 aggraveront les difficultés des collectivités d’outre-mer. Celles-ci, qui connaissent déjà une situation difficile en raison de la faiblesse de leurs ressources fiscales, vont subir de plein fouet la suppression de la taxe professionnelle.
Il avait déjà été souligné lors de la LODEOM que les importantes exonérations de fiscalité directe locale prévues par la loi réduiraient d’autant l’effet de levier fiscal que cet impôt constitue pour les collectivités locales.
En effet, les zones franches d’activités, les ZFA, mises en place par la LODEOM s’accompagnent d’exonérations substantielles de taxe professionnelle. Ces pertes de recettes seront compensées par l’État, mais sur la base des taux votés l’année précédant l’entrée en vigueur des exonérations.
Par conséquent, une hausse des taux de fiscalité locale se traduira par une moindre hausse des recettes. À terme, le risque est d’avoir à augmenter les taux des autres impôts locaux pour pallier le manque à gagner résultant de la compensation par l’État des exonérations fiscales.
Je tiens à rappeler que le montant de la taxe professionnelle recouvré dans les seuls DOM en 2007 s’est élevé à 518 millions d’euros.
L’application de la taxe générale sur les activités polluantes, la TGAP, sur les déchets, en dépit de nombreuses interventions pour que cette dernière soit différée et revue à la baisse portera, elle aussi, un grand coup aux finances des collectivités locales.
Le projet de loi de finances pour 2010 accroîtra également les difficultés quotidiennes des ultramarins en raison des conséquences négatives qu’il aura sur le maintien du pouvoir d’achat.
Je pense, notamment, à l’augmentation du prix de l’essence via, entre autres, l’institution de la taxe carbone.
Je pense également au report maintenu de l’application du revenu de solidarité active, le RSA, en 2011, et donc au maintien du revenu supplémentaire temporaire d’activité, le RSTA, dispositif moins favorable aux populations ultramarines et moins avantageux dans la grande majorité des cas que le RSA.
Je pense, enfin, cerise sur le gâteau, à l’imputation des sommes perçues au titre du RSTA sur le montant de la prime pour l’emploi, la PPE, prévue à l’article 11 du projet de loi de finances pour 2010 !
Imputer le RSTA, qui est un complément de revenu, sur la PPE pénaliserait encore d’avantage les salariés moins favorisés des outre-mer. Par ce biais, l’État récupérera 300 millions d’euros jusqu’ici versés aux employés ultramarins !
La dégradation du pouvoir d’achat est un sujet très sensible, voire brûlant, pour les populations ultramarines : avec des revenus inférieurs à ceux de la métropole de près de 10 % pour les emplois les moins qualifiés, qui sont également les plus nombreux, elles doivent faire face à des prix parfois jusqu’à 35 % plus élevés qu’en métropole pour des produits de première nécessité.
C'est pourquoi la question du pouvoir d’achat a été le détonateur et le catalyseur des revendications formulées lors des mouvements sociaux de cette année.
Les mesures annoncées récemment par le chef de l’État, à la suite du conseil interministériel de l’outre-mer, changeront-elles la donne ?
Ces mesures sont nombreuses, puisque l’on en compte 137 étalées dans le temps ; mais elles souffrent d’un manque flagrant de chiffrage et de fléchage, et sont pour une bonne part inapplicables en l’état actuel de la législation nationale et des règlements communautaires.
Elles souffrent certainement d’impréparation et de précipitation. S’agirait-il d’un grand effet d’annonce en vue des prochaines échéances électorales, à savoir les consultations statutaires de janvier en Martinique et en Guyane et les élections régionales ?
Si tel était le cas, le mécontentement des ultramarins serait immense.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Madame la ministre, monsieur le ministre, chers collègues, dans le cadre de la discussion générale portant sur l’examen du projet de loi de finances pour 2010, je me limiterai à commenter les deux innovations majeures de ce texte : la suppression de la taxe professionnelle et l’introduction de la « taxe carbone », deux réformes chères au Président de la République.
La suppression de la taxe professionnelle que le Gouvernement nous demande d’adopter pose un double problème, sur le fond comme sur la forme.
À l’instar de certains collègues de la majorité, je déplore l’absence de simulation et de procédures d’évaluation d’une réforme qui représente pourtant un véritable séisme pour les finances des collectivités territoriales.
Pour nombre d’entre elles, la taxe professionnelle constitue une ressource essentielle, bien identifiée, sur laquelle reposait le financement des services publics locaux auxquels nos administrés sont particulièrement attachés et qui confèrent, par ailleurs, un avantage comparatif reconnu pour les entreprises présentes sur les territoires de France.
Quand bien même le Gouvernement propose de mettre en place une nouvelle contribution économique territoriale, de créer une imposition forfaitaire des entreprises de réseaux, de la transférer aux collectivités, ainsi que d’autres taxes perçues aujourd’hui par l’État, et de créer un fonds national de compensation individuel des ressources, ne pas établir de simulations ni de procédures d’évaluation revient à faire un grand saut vers l’inconnu.
S’agit-il véritablement d’un saut vers l’inconnu ? Ce n’est pas si sûr !
Les élus locaux savent tous que le mouvement de transfert des compétences de l’État vers les collectivités sans le transfert de finances est engagé depuis de trop longues années. Hier, il s’agissait des routes nationales et de l’insertion sociale ; plus récemment, il s’est agi du service postal de proximité ; demain, seront concernés la suppression des classes maternelles au profit de jardins d’éveil gérés par les municipalités, les plans climats territoriaux et autres missions issues du Grenelle de l’environnement, sans parler du transfert des fonctions régaliennes de police aux maires… Et, chaque fois, sans les financements correspondants.
De fait, le contexte de désengagement de l’État et les conditions dans lesquelles le Gouvernement nous propose de voter la suppression de la taxe professionnelle continuent d’aggraver l’insécurité financière des collectivités locales, déjà prises entre le marteau et l’enclume.
Mais il y a pire. La suppression de la taxe professionnelle que le Gouvernement nous demande de voter précède la réforme des collectivités territoriales : c’est pour le moins incongru, mais cela traduit surtout la volonté présidentielle de continuer à passer en force sur tous les sujets, sous couvert de « réformer la France ».
De quelle réforme s’agit-il ? Sur le fond, personne n’est dupe !
À moins de croire à la quadrature du cercle, il n’est pas possible, comme l’affirme le Gouvernement dans une lettre adressée aux maires, de conforter le lien entre territoires et entreprises tout en réduisant simultanément de façon significative la charge pesant sur le tissu économique local, le tout sans mettre à contribution les ménages.
Lorsque le Gouvernement clame dans le même courrier que la reforme n’aura aucune incidence sur les impôts locaux supportés par les ménages, puisque l’État prendra intégralement à sa charge l’allègement de taxe sur les entreprises, il indique clairement que l’équilibre annoncé des finances locales après la suppression de la taxe professionnelle sera financé par le budget de l’État, auquel les ménages contribuent à travers les impôts et les taxes.
En clair, d’un point de vue macro-économique, la suppression de la taxe professionnelle, à supposer qu’elle soit neutre pour les collectivités locales, organise de manière occulte un transfert de richesse des ménages vers les entreprises, non pas vers les PME créatrices d’emplois non délocalisables, mais vers les grands groupes industriels, qui en seront les premiers bénéficiaires.
Madame la ministre, monsieur le ministre, vous avez dit « pouvoir d’achat » ?
Quant à la taxe « Sarko-carbone », puisque c’est bien ainsi qu’il faut l’appeler au regard des arbitrages effectués, elle s’annonce comme un désastre.
En effet, le Gouvernement prend le risque insensé – je pèse mes mots – de discréditer à jamais l’un des concepts-clés du développement soutenable : la fiscalité écologique.
Levier absolument indispensable, la fiscalité écologique doit permettre d’internaliser les coûts des dommages occasionnés au bien commun qu’est l’environnement et de financer les investissements nécessaires au passage à une société de sobriété énergétique.
La contribution « climat-énergie » issue de la concertation du Grenelle de l’environnement traduisait, au sens littéral et historique du terme, cette « ardente obligation ». Comme d’habitude, avec ce gouvernement, elle a été complètement galvaudée : manifestement les grands lobbies industriels et productivistes continuent de bénéficier d’une oreille très attentive !
Ainsi, la taxe « Sarko-carbone » est vouée à l’inefficacité sur le plan environnemental.
Tout d’abord, son niveau est beaucoup trop faible. En effet, alors que la commission de consensus présidée par l’ancien Premier ministre Michel Rocard estimait que l’effet « prix » ne pouvait jouer en dessous de 32 euros la tonne, le Président de la République impose 17 euros la tonne.
Autrement dit, le montant de cette taxe ne sera pas capable de faire évoluer le système productif ni les habitudes de consommation des ménages vers la sobriété requise en termes d’émission de gaz à effet de serre.
À titre de comparaison, je rappelle que le Danemark est aujourd’hui à 80 euros la tonne.
En dépit des rodomontades de son omni-président, la France, classée aujourd'hui vingt et unième sur les vingt-sept pays de l’Union européenne en matière de fiscalité environnementale, n’est pas prête de rattraper son retard !
Ensuite, cette taxe « sarko-carbone » n’est pas affectée prioritairement au financement des investissements nécessaires à la « décarbonation » de nos économies : relocalisation des productions, isolation des lieux de vie, réduction des transports routiers, production d’énergies renouvelables, etc. Ces objectifs prioritaires ne pourront jamais être atteints sans investir massivement !
La taxe « sarko-carbone », à cet égard hors-sujet, viserait-elle finalement d’autres objectifs non environnementaux, mais parfaitement inavouables ?
Les aberrations que révèlent les modalités d’application de cette nouvelle taxe le laissent à penser. En témoigne, en effet, la taxation préférentielle du transport routier à 64 % seulement pendant quatre ans, obtenue après l’allègement de la taxe à l’essieu et l’application a minima des directives européennes en termes de droits de péages et de droits régulateurs. Or, ce secteur économique est le premier émetteur de gaz à effet de serre !
En témoigne également la non-taxation de l’électricité, quels que soient ses modes de production : il s’agit d’une prime au nucléaire – une de plus ! – face aux énergies effectivement renouvelables. Pourtant l’énergie électrique doit être économisée, comme les autres formes d’énergie !
En témoigne encore la non-taxation des activités agricoles, alors que les systèmes de production intensifs sont fortement émetteurs de gaz à effets de serre.
En témoigne toujours la non-taxation des compagnies aériennes : le mode de transport le plus polluant au monde se voit ainsi scandaleusement privilégié !
En témoigne enfin la non-taxation des entreprises soumises aux marchés européens de quotas de carbone. Ajoutée à la suppression de la taxe professionnelle, cette mesure constitue un cadeau de plus – de 2 milliards d’euros par an pendant quatre ans – offert à des groupes industriels qui n’achèteront leurs quotas qu’en 2013 ! Quels seront les heureux bénéficiaires de cette ristourne ? Total, Arcelor-Mittal, EDF, Veolia, GDF-Suez, etc., c’est-à-dire des multinationales implantées dans des secteurs figurant parmi les plus forts émetteurs de gaz à effet de serre !
La colère gronde chez nos concitoyens. Elle est d’autant plus compréhensible que la prétendue « compensation » en faveur des ménages est aussi injuste qu’aberrante. Contrairement à nombre de nos voisins européens qui utilisent le critère des revenus – en France, le quotient familial serait le meilleur critère –, ce gouvernement, fidèle à lui-même, propose d’appliquer un critère territorial dont l’application est déjà sujette à controverses : en fin de compte, les ménages riches des villes seront favorisés, au détriment des ménages modestes des campagnes qui, le plus souvent, ne bénéficient pas de chauffage central collectif et, surtout, sont contraints d’utiliser leur voiture pour se déplacer... y compris pour trouver du travail ! En pleine crise économique, alors que le chômage continue de grimper et que nous allons au-devant de graves difficultés sociales, l’enjeu climatique devient un prétexte pour continuer d’aggraver les inégalités !
Madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’heure est grave : la taxe « Sarko-carbone » fracasse littéralement la notion de « contribution climat-énergie », pourtant si nécessaire, sur l’autel des intérêts des privilégiés de notre pays. Très concrètement, elle fera « rouler » les petits pour les gros, les patrons de PME pour ceux du CAC 40, les familles modestes pour les plus riches. Au final, l’effet environnemental est garanti : il est nul ! Le président Sarkozy lui-même a déclaré : « Cette taxe carbone, c’est le minimum que l’on puisse faire ! » De fait, on ne pouvait pas imaginer pire !
Ce projet de loi de finances s’inscrit donc dans la droite ligne des précédents. La suppression de la taxe professionnelle, c’est précipiter les collectivités locales dans l’insécurité financière et ponctionner, une nouvelle fois, les ménages au profit des grands groupes industriels. La taxe « Sarko-carbone », c’est l’exacte traduction d’une démarche récurrente consistant à taxer les pauvres pour sauver les riches, mais sans sauver le climat !
L’addition de ces deux dispositifs contribuera à servir à tout prix les puissants, et plus particulièrement les courtisans du monarque du palais de l’Élysée, et ce à tout prix, même au prix de la lutte contre le changement climatique : le « Grenelle de l’environnement » est décidément jeté aux oubliettes !
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.
Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, comme il est d’usage dans cet exercice réalisé « à chaud », je vais revenir sur un certain nombre de sujets qui ont été évoqués – ils furent très nombreux – lors de cette discussion générale. Je pense que mon intervention et celle de Christine Lagarde se compléteront de façon à vous répondre de la manière la plus exhaustive possible.
La plupart de ceux d’entre vous qui se sont exprimés ont évidemment abordé, en premier lieu, la question des déficits et de la dette. Je n’ai pu écouter M. le rapporteur général ni M. le président de la commission, puisque j’ai dû quitter cet hémicycle pour assister à la remise du rapport de la commission chargée de réfléchir sur le grand emprunt. Mais nous nous étions réparti les rôles Christine Lagarde et moi, et elle a pu assister à la totalité de la discussion générale. Pour ma part, j’ai pris connaissance des interventions de M. le rapporteur général et de M. le président de la commission.
Comme l’ont dit plusieurs d’entre vous, la question de l’endettement n’est pas uniquement française. C’est une question mondiale : la dette augmente partout – elle partait de plus haut dans un certain nombre de cas –, mais elle augmente moins vite en France. L’endettement public et privé, nous l’avons dit à plusieurs reprises, est plus modéré dans notre pays que chez beaucoup de nos partenaires. Toutefois, il ne faut pas remplacer la bulle de l’endettement privé par celle de l’endettement public, mais tous les gouvernements le savent, Christine Lagarde peut en témoigner, car elle se rend souvent à l’étranger. Je tiens donc à rassurer Jean-Jacques Jégou, qui s’est exprimé sur cette question – mais je ne sais pas si j’y parviendrai !
La hausse des dépenses publiques, exprimée en pourcentages du PIB, est avant tout liée à un « effet dénominateur », c’est-à-dire à la chute du PIB et non à l’augmentation des dépenses. Lorsque nous disons que les dépenses publiques représentent 56 % du PIB en France – même si, historiquement, la dépense publique est chroniquement élevée dans notre pays –, l’augmentation de ce pourcentage s’explique bien par la chute du PIB, car les dépenses publiques, je le rappelle, se sont parfaitement bien tenues, qu’il s’agisse des dépenses de l’assurance maladie ou de celles de l’État.
M. le rapporteur général, comme d’ailleurs M. Jean-Pierre Fourcade ont parlé eux-aussi du poids de la dette. M. le rapporteur général a même évoqué « l’insoutenable légèreté de la dette », voulant ainsi dénoncer son insupportable alourdissement : telle est bien notre situation.
Cela étant, la composition de la dette – Jean-Pierre Fourcade s’y intéresse particulièrement – est restée à peu près conforme à ce qu’elle était : la part de la dette à court terme a un peu augmenté, comme c’est toujours le cas en période de crise, même si la tendance a été moins forte que précédemment, car nous utilisons évidemment notre potentiel ; parallèlement, la part des titres de très long terme a augmenté. La situation est restée parfaitement sous contrôle, comme le prouve le fait que, si le volume de la dette augmente évidemment, le volume des charges d’intérêts a plutôt tendance à diminuer. Cette situation nous permettra d’afficher, lors de la discussion de la loi de finances rectificative pour 2009, des résultats d’une bonne tenue : même si les dépenses augmentent, compte tenu de la crise, leur montant s’avère malgré tout inférieur de 2 milliards d’euros aux prévisions.
J’ai enregistré de nombreux soutiens – pas sur toutes les travées, évidemment – à notre stratégie de renforcement de la croissance et d’accentuation de la maîtrise de la dépense publique, illustrée, comme je l’ai dit, par la bonne tenue des dépenses en 2009. Je vous remercie donc Philippe Marini, Jean-Pierre Fourcade et Aymeri de Montesquiou pour ces encouragements, parce que j’imagine qu’il n’est pas si facile de les exprimer publiquement.
D’autres orateurs, comme Mme Bricq ou M. Angels, ont affiché une opinion différente, je le comprends. Mais si j’entends bien les critiques adressées à notre stratégie, je perçois assez peu de propositions vraiment constructives §…
M. Éric Woerth, ministre. … sinon les inévitables et habituelles antiennes reprochant au Gouvernement de ne pas faire payer les riches
Protestations sur les travées du groupe socialiste.
M. Éric Woerth, ministre. … ou le taxant d’injustice. Comme si la France était uniquement composée de deux catégories : d’un côté, des riches qui étrangleraient le pays et, de l’autre, des pauvres qui souffriraient ! La société française est heureusement un peu plus complexe, si je m’en réfère, par exemple, au niveau de redistribution sociale.
Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
J’ai entendu M. Aymeri de Montesquiou nous dire que notre stratégie était résolument tournée vers l’avenir. Je l’espère ! En tout cas, nous lutterons contre les déficits en relançant la croissance – je le répète, mais, en politique, il faut beaucoup se répéter !
Au fond, la nécessité première consiste à sortir de la crise, car le poids du déficit est principalement dû à la crise ! Je ne conteste pas l’existence d’un déficit structurel, mais le poids du déficit supplémentaire, très important, est évidemment dû à la crise. La seule solution qui s’impose consiste donc à sortir en priorité de la crise : toute autre solution serait évidemment dangereuse.
Certains d’entre vous ont cité l’exemple de la Suède, qui a réussi à diminuer progressivement la part des dépenses publiques dans son PIB : les Suédois ont eu raison et nous nous inspirons de cet exemple. La révision générale des politiques publiques, si souvent décriée ou montrée en exemple, exercice qui ne laisse personne indifférent – j’en déduis qu’il s’agit donc d’une réforme de fond –, s’inspire directement des politiques engagées par un certain nombre de démocraties nordiques.
En ce qui concerne l’emprunt national, j’ai bien entendu et lu les propos du président de la commission des finances, Jean Arthuis. Ce matin, Alain Juppé et Michel Rocard ont présenté au Président de la République les conclusions de la commission chargée de réfléchir au grand emprunt national : celles-ci sont à la fois responsables et ambitieuses. Il est donc inutile de caricaturer aujourd’hui l’exercice du grand emprunt, que j’aurais plutôt tendance à appeler le « grand investissement ». Il s’agit en effet d’un plan d’investissement pour la France, alors que dans nos dépenses courantes nous investissons moins. Sur les dix ou quinze dernières années, la part de l’investissement ou la part de formation brute de capital fixe dans les dépenses de l’État s’est réduite. Nous avons donc besoin de cet accélérateur de compétitivité.
Du point de vue des finances publiques, nous ferons en sorte de limiter le coût de l’emprunt et de développer le retour sur investissement de cet emprunt. Nous vous présenterons un collectif budgétaire qui vous prouvera que nous agissons de manière tout à fait responsable.
Monsieur le président Arthuis, cette question préoccupe effectivement nos compatriotes et cet emprunt nous permet d’en poser publiquement les termes : comment la « bonne dette » peut-elle chasser la « mauvaise dette » ?
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Cela veut dire que vous considérez les dépenses du budget comme mauvaises !
Sourires
Pardonnez-moi cette présentation un peu caricaturale : il faudrait un peu de temps pour analyser la situation, je vous le concède. Mais, en l’occurrence, nous commençons un exercice qui peut s’avérer tout à fait vertueux. En guise de zakouski, si je puis dire, j’ai proposé de faire en sorte que les charges d’intérêt liées à ce grand emprunt soient gagées par une diminution de même ampleur des dépenses de fonctionnement.
Le respect de cette règle aura une incidence réduite sur le déficit, puisque le montant de l’emprunt n’est pas aussi énorme que l’on a bien voulu le dire.
J’y insiste donc, le grand emprunt nous oblige à nous interroger sur la place des investissements dans les dépenses publiques, ainsi que sur la nature et la recomposition de la dépense publique. Nous devrons également respecter une vraie logique patrimoniale, et nous le ferons : en effet, la commission Juppé-Rocard a montré que 60 % de ses propositions d’investissement donnent lieu à la constitution d’actifs.
Nombre d’intervenants se sont exprimés sur la fiscalité et les dépenses fiscales. Je tiens simplement à rappeler que notre gouvernement a bien fait baisser la fiscalité : depuis 2007, les impôts ont baissé de 16 milliards d’euros, dont 10 milliards au profit des ménages – pas seulement des plus riches, madame Bricq ! – et 6 milliards en faveur des entreprises. En soutenant les entreprises, nous soutenons aussi les ménages, car leurs intérêts sont les mêmes : les ménages travaillent dans des entreprises, lesquelles leur permettent de vivre, et réciproquement ! Ce cycle économique est tout à fait classique, et nous devons garantir son bon fonctionnement.
Certains d’entre vous accusent notre fiscalité d’être injuste et nous reprochent de ne pas combattre suffisamment les niches fiscales : je ne répéterai pas l’intégralité des critiques formulées par M. Vera, Mme Bricq et M. Angels. Pour ma part, je me rallierai plutôt à la position de Christian Gaudin ou du rapporteur général, Philippe Marini : nous devons mieux maîtriser les avantages fiscaux, en procédant à une évaluation de chacune de ces niches. Ce projet de loi de finances comporte de nombreuses mesures relatives aux niches fiscales : nous aurons de nombreuses discussions sur ce sujet, vous le verrez. Christine Lagarde vous l’a dit tout à l’heure, nous avons diligenté une très importante enquête afin d’évaluer les niches fiscales. Cette étude prend du temps, comme tout travail sérieux, mais nous pourrons mener des débats toujours mieux informés sur les 467 ou 469 niches que compte aujourd’hui notre législation fiscale.
Je tiens d’ailleurs à rappeler que les règles que vous avez votées dans le cadre du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012, notamment celle du gage, sont respectées, contrairement à ce que croient certains parlementaires. Cette règle n’est certes pas respectée « en photographie », mais elle l’est « en vidéo », sur au moins deux ans.
Prenons le cas de la TVA sur la restauration, qui emporte, je crois, l’unanimité sur ces travées. Nous la « payons » en une fois, alors qu’une suppression de niche fiscale sur d’autres impôts, par exemple sur l’impôt sur le revenu, demandera une montée en puissance d’un, deux ou trois ans.
Par conséquent, nous vous présenterons également un bilan équilibré, à l’horizon de 2013, des décisions prises par le Parlement dans le cadre de la loi de finances pour 2009 en termes de niches fiscales.
Pour continuer sur notre politique de redistribution, j’évoquerai la fiscalité. Nous pouvons longuement débattre pour savoir si notre fiscalité est juste ou injuste… Tout ce que je sais, c’est que nous la faisons considérablement évoluer dans ce projet de budget, probablement comme jamais auparavant. Après les niches fiscales qui ont été plafonnées l’année dernière, je citerai, cette année, la réforme de la taxe professionnelle, l’imposition forfaitaire annuelle, la taxe carbone. Ces évolutions ne sont pas négligeables !
Toutefois, madame Bricq, je pense que nous ne devons pas apprécier la justice d’un système au travers de la seule fiscalité. Dans le cas de la France, il faut aussi prendre en compte l’ensemble de notre protection sociale, c'est-à-dire bien voir comment se forgent les transferts sociaux. Ainsi, le revenu de solidarité active, le RSA, correspond à une nouvelle politique de transfert, certes plus onéreuse, mais permettant d’inciter le bénéficiaire à reprendre un travail.
Sur les 20 % de personnes les plus modestes, l’accroissement de revenu après redistribution a atteint 47 % en 2008, contre 42 % en 2006. Par conséquent, il y a bien, en France, de plus en plus de justice sociale au travers de ces mécanismes de redistribution.
Le niveau de vie moyen des 20 % de personnes les plus aisées en France est estimé à environ 54 000 euros et passe à 43 000 euros après redistribution, ce qui signifie que 10 000 euros, soit pratiquement le quart des sommes gagnées, vont aller d’une manière ou d’une autre dans le système de redistribution.
Il ne faut jamais oublier cela et je pense, madame Bricq, que vous avez bien tort de regarder uniquement la fiscalité. Il faut prendre en compte l’ensemble : la fiscalité, les prélèvements et les redistributions.
S’agissant des collectivités locales, je partage l’analyse de M. de Legge sur l’autonomie fiscale, qui doit tout simplement être conciliée avec la péréquation. Bien sûr, l’autonomie fiscale est absolument nécessaire : ce point est même inscrit dans la Constitution et ne fait donc pas débat. Toutefois, l’autonomie fiscale peut prendre beaucoup de formes différentes. Dans certains pays, d’ailleurs, elle se traduit surtout par des dotations d’État, et ce malgré une autonomie politique très forte. Les deux aspects ne doivent donc pas être liés et les réformes fiscales qui ont été menées ménagent, bien évidemment, l’autonomie fiscale de nos collectivités.
Pour ce qui est du niveau des dotations, je conteste formellement les propos de certains sénateurs : non, les dotations ne baissent pas ; elles augmentent simplement moins vite qu’avant. Ce n’est pas tout à fait la même chose ! La diminution d’une augmentation n’est pas une régression !
Il est vrai que, l’année dernière, nous avions eu un débat un peu confus sur cette question des dotations et j’en étais responsable, ayant mélangé le Fonds de compensation pour la TVA et les dotations. J’ai entendu ce que les sénateurs, notamment, m’ont dit à voix assez forte et nous avons pris l’initiative d’isoler le FCTVA ; nous évitons ainsi tout procès d’intention quant à notre volonté supposée d’en faire une dotation interne. Ce FCTVA, nous l’assumons et le ferons progresser, cette année, de 6 %.
Par ailleurs, l’ensemble des autres dotations progresseront à un taux avoisinant la moitié de l’inflation. L’Assemblée nationale ayant modifié un peu le projet pour faire en sorte que la DGF augmente à hauteur de 0, 9 %, la progression sera un peu moins forte pour le reste des dotations. Quoi qu’il en soit, l’enveloppe globale sera en croissance de 0, 6 %.
Je vous rappelle tout de même, mesdames, messieurs les sénateurs, que les concours de l’État se sont accrus de 18 % depuis 2003, soit bien plus que les dépenses de l’État lui-même. Par ailleurs, celui-ci a vu ses recettes fiscales diminuer de 20 %, alors que ses dotations aux collectivités locales ont augmenté de 2 %. L’État joue donc bien un rôle d’« absorbeur de crise » au bénéfice des collectivités locales ; c’est normal, mais il faut aussi, de temps en temps, savoir le reconnaître !
Monsieur Baylet, vous avez évoqué l’APA. Je crois que, à un moment donné, les choses doivent être dites : le gouvernement Jospin n’a compensé qu’à hauteur d’un tiers cette prestation sociale, qui représente une dépense énorme pour les départements.
Ainsi, les deux tiers du coût de la prestation ont été laissés à la charge de ces collectivités. Et je ne fais pas là d’archéologie politique : cela ne remonte pas à si longtemps !
M. Éric Woerth, ministre. Je tiens à apporter cette précision, car c’est très bien de nous donner des leçons en matière de compensation et de monter systématiquement sur ses grands chevaux dès qu’il est question de ces sujets, mais la réalité est là. Quand le gouvernement socialiste a lui-même transféré des compétences lourdes aux départements, il n’en a, en aucun cas, assumé la compensation !
Applaudissementssur les travées de l’UMP.
Enfin, monsieur Massion, vos propos sur notre politique ont réellement été sans nuance. Vous me faites penser à Hibernatus !
Rires sur les travées de l ’ UMP.
Quand vous dites que les budgets étaient meilleurs de votre temps, j’imagine que vous faites référence aux budgets du gouvernement de M. Jospin. Ils étaient sûrement meilleurs, mais il y avait tout de même, en l’absence de crise, une différence de 6 points en termes de niveau de croissance… Ça aide tout de même pour bâtir un budget !
Sourires sur les mêmes travées.
Enfin, monsieur Muller, vous dénoncez la taxe carbone. Vous êtes certainement favorable à l’imposition sur la pollution, à la taxe verte, à l’imposition écologique, mais, pour vous, ce ne sont que des taxes d’apparat, des taxes de tribune ! On en parle, on dénonce, on condamne, mais on ne fait rien, parce que, dès qu’on entre dans le concret, c’est évidemment beaucoup plus difficile !
Pour notre part, nous assumons la taxe carbone que nous avons créée, tout comme le fait que cette taxe n’est pas définitive dans sa forme. La meilleure des taxes carbone, ce serait une taxe qui s’appliquerait aussi aux frontières, négociée sur le plan international.
M. Éric Woerth, ministre. Nous pouvons donc faire mieux. Toutefois, nous commençons à donner un signal à la société française et, à titre personnel, j’en suis fier : je suis fier d’appartenir à un gouvernement qui a mis une telle taxe en place !
Applaudissementssur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.
Monsieur le président, monsieur le rapporteur général de la commission des finances, monsieur le président de la commission des finances, mesdames, messieurs les sénateurs, je concentrerai mon propos sur les questions touchant particulièrement à la taxe professionnelle et à la taxe carbone et je conclurai avec un bref comparatif sur un certain nombre de données macroéconomiques.
S’agissant de la taxe professionnelle, j’ai entendu Mme Bricq nous reprocher de n’avoir pas bougé d’un iota. Je vous ferai observer, madame la sénatrice, qu’entre le projet que nous avons soumis à l’Assemblée nationale et le projet tel qu’il vous est transmis, le Gouvernement a « bougé ». Je voudrais vous en donner quelques exemples, que j’ai d’ailleurs évoqués dans ma première intervention.
Nous avons d’abord accepté le principe du découplage, qui correspondait à une demande très forte des élus. Ensuite, nous avons modifié de manière importante le schéma de répartition des ressources fiscales.
Par ailleurs, je vous rappelle que notre projet initial prévoyait dans le cadre, non pas des dotations et des subventions, mais des transferts fiscaux, un transfert de TIPP. Au cours de la concertation qui a présidé à l’élaboration de ce projet, nous avons bien compris que cette solution n’était pas véritablement souhaitable.
De la même manière, nous avions prévu que le Fonds national de garantie individuelle des ressources, mis en place pour chacune des catégories de collectivités territoriales, subirait une diminution de 5 % sur une période de vingt ans, pour arriver à extinction au terme de cette période. Or nous l’avons rendu pérenne.
Par conséquent, nous avons procédé à quatre modifications fondamentales.
Madame Bricq, je vous ai également entendu dire, ainsi que M. Jean-Michel Baylet, que la réforme de la taxe professionnelle était une sorte de recentralisation. Ce n’est pas le cas et quelques chiffres me permettront de le démontrer.
Aujourd’hui, comme on le fait souvent remarquer dans les réunions du Comité des finances locales, l’État est le plus gros contributeur à la taxe professionnelle. Sur les 30 milliards d’euros perçus dans ce cadre, il paie un peu plus de 11 milliards d’euros au titre du plafonnement sur la valeur ajoutée et d’un certain nombre de dégrèvements intervenus au fil de l’eau. De ce point de vue, on peut parler, peut-être pas de centralisation, mais en tous cas de concentration entre les mains de l’État du pouvoir de redistribution d’une partie de la taxe professionnelle.
La réforme visant à mettre en place la contribution économique territoriale, que nous proposons, permettra de renforcer le lien direct entre l’entreprise et le territoire puisque, dans le cadre du paiement d’une taxe par l’entreprise au territoire, il n’y aura pas d’intervention supplémentaire de ce filtre « ré-allocateur » de l’État.
Par ailleurs – et je réponds à plusieurs d’entre vous, notamment à M. Baylet –, il me semble que le principe d’autonomie prévu par l’article 72-2 de la Constitution est parfaitement respecté. Je dirai même que cela ne fait pas l’ombre d’un doute !
D’ailleurs, je vais vous donner, pour chacun des niveaux de collectivités territoriales, les taux d’autonomie financière calculés avant et après la réforme de la taxe professionnelle. Pour les communes, on obtient 62 % avant et 61, 7 % après ; pour les départements, 66 % avant et 62, 9 % après ; pour les régions, 51, 6 % avant et 49, 7 % après. Effectivement, il existe un petit écart au niveau des régions, mais, franchement, pour les deux autres niveaux de collectivités territoriales, nous sommes dans l’épaisseur du trait.
Toujours selon M. Baylet, la considérable dotation de l’État devrait susciter les doutes les plus extrêmes parce qu’on ne peut accorder de crédit à la parole de l’État. Je vous rappelle que cette dotation, fixée à 3, 9 milliards d’euros dans le texte d’origine, a été ramenée à 3, 7 milliards d’euros à l’issue du débat à l’Assemblée nationale. En outre, si nous avions été « au taquet » de l’article 72-2 de la Constitution, nous aurions pu monter jusqu’à 9, 3. Nous nous situons donc dans un ratio extrêmement raisonnable et j’attire votre attention, mesdames, messieurs les sénateurs, sur le fait que le Conseil d’État, quand il a examiné le texte, a été particulièrement sensible à ce point précis.
Certains d’entre vous, en particulier M. Angels, ont indiqué que, pour favoriser l’investissement, il aurait fallu concentrer les allégements de taxe professionnelle sur le secteur industriel. Je voudrais vous rappeler que c’est précisément ce secteur que nous avons ciblé, à telle enseigne que nous excluons de l’assiette les équipements et les biens mobiliers, qui pèsent évidemment beaucoup plus lourd dans l’industrie que dans les services.
Le secteur industriel est même tellement gagnant à l’issue de l’exercice qu’il engrange 40 % des gains résultant de la réforme de la taxe professionnelle. Si l’on rapporte ces 40 % de gains à la part de l’industrie dans le PIB, qui avoisine 14 %, la discrimination positive en faveur de ce secteur devient évidente.
Cette discrimination positive a été renforcée par le comité qui a travaillé avec nous sur la taxe professionnelle, au travers d’un abaissement de 15 % des valeurs locatives foncières des établissements industriels, ce qui aboutit à une nouvelle diminution de l’assiette.
Nous avons donc réellement pris en compte l’objectif consistant à favoriser l’industrie.
M. Biwer a, lui aussi, évoqué la question des dotations budgétaires de l’État. Je confirme qu’elles sont bien limitées, représentant 3, 7 milliards d’euros. Par ailleurs, je rappelle que le Premier ministre a fait, lors de son intervention devant le congrès des maires de France, un certain nombre d’ouvertures sur la question, envisageant éventuellement des transferts fiscaux plus importants afin de réduire encore cette dotation budgétaire.
M. Massion, qui était effectivement très en forme
Sourires
Au sujet de la taxe carbone, permettez-moi de remarquer que certains candidats avaient signé le pacte écologique de Nicolas Hulot et s’étaient engagés à mettre en place cette taxe. Le Président de la République, lui, le fait !
C’est une promesse qu’il tient. Il nous revient maintenant d’en apprécier les mérites et d’en discuter les termes !
S’agissant de la taxe professionnelle, je ne vais pas revenir sur les propos que j’ai tenus au début de la discussion générale. Toutefois, je veux rappeler que nous avons mené une concertation très longue et extensive. J’ai été auditionnée huit fois ; j’ai reçu l’ensemble des représentants des collectivités territoriales à trois reprises en séance plénière ; nous avons travaillé les textes, sur un plan technique, pendant des centaines et des centaines d’heures ; nous avions bien pris, comme M. le Premier ministre l’avait demandé, la décision d’élaborer le projet en concertation.
C’est pour cette raison, du reste, qu’il a été considérablement retravaillé à l’Assemblée nationale et qu’il sera à nouveau retravaillé au Sénat, ce que votre commission des finances a d’ailleurs commencé à faire. C’est bien dans cet esprit-là, parce qu’il s’agit d’une réforme en profondeur, que nous avons décidé de traiter cette question, et non en apportant un produit tout cuit, tout préparé.
S’agissant du montant de la taxe carbone, il est vrai que le rapport des experts parlait d’un montant de 32 euros par tonne et que certains pays fixent la taxe carbone à un niveau beaucoup plus élevé.
Pourquoi avons-nous retenu un montant de 17 euros ? Il ne s’agit évidemment pas de se faire plaisir ! Ce taux, qui correspond à peu près à la moyenne entre le point le plus haut et le point le plus bas des cotations sur le marché, est tout à fait acceptable pour un impôt qui est particulièrement moderne parce que, comme l’indiquait justement M. le rapporteur général, il ne pèse pas sur les ménages.
Je voudrais répondre à M. Patient sur les exonérations de taxe professionnelle en zone franche d’activité. Dans un premier temps, l’ensemble des entreprises implantées dans les zones franches – zones franches urbaines, zones de revitalisation rurale et zones franches d’activité – bénéficiaient de l’exonération de la part foncière. En revanche, elles étaient soumises à la cotisation sur la valeur ajoutée. Après passage du texte à l'Assemblée nationale, les entreprises sont désormais exonérées des deux.
Nous proposerons, en outre, au cours du débat, un mécanisme de crédit d’impôt afin de garantir que l’aide relative à la taxe professionnelle existante sera intégralement maintenue au titre des zones franches d’activité et des zones franches urbaines.
Monsieur Muller, puisque vous estimez que les grands groupes seront les uniques bénéficiaires de la réforme, permettez-moi de vous donner quelques chiffres. Pour les entreprises dont le chiffre d’affaires est inférieur à 1 million d’euros, la réduction de la taxation par rapport à la taxe professionnelle est de 49 % ; entre 1 et 3 millions d’euros, le gain est de 61 % ; de 3 millions à 7, 6 millions d’euros, il est de 26 % et de 14 % au-delà de 7, 6 millions d’euros. En moyenne, la réduction est de 23 %.
Autrement dit, affirmer que les grands groupes – par hypothèse, ceux qui réalisent plus de 7, 6 millions de chiffres d’affaire par an – sont les principaux bénéficiaires revient à distordre quelque peu la réalité.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais conclure mon propos par quelques indications d’ordre macroéconomiques.
Selon certains intervenants, la comparaison avec d’autres pays n’a pas de quoi nous inciter à pavoiser. Pour en juger, je vous invite tout simplement à regarder quelques chiffres.
En 2009, la France connaîtra une croissance négative de 2, 2 %, contre 4, 1 % – soit un recul presque deux fois plus important – pour l’ensemble de la zone euro et 5 % pour la seule Allemagne.
En termes d’emploi, nous avons également les meilleurs résultats. D’après les chiffres de la Commission européenne, le nombre de chômeurs a augmenté de 21 %. Après les bons chiffres du début des années quatre-vingt, le taux de chômage avait été au plus bas en mai 2007. Dans la zone euro, la hausse moyenne est de 32 % et de 123 % aux États-Unis. Je vous fais grâce du taux espagnol, encore bien pire !
En ce qui concerne la dette publique, chère à M. Fourcade, …
M. Jean-Pierre Fourcade. Chère, non ! Je trouve surtout qu’elle coûte cher !
Sourires
Mme Christine Lagarde, ministre. Effectivement et, dans ce sens-là, elle nous est chère à tous !
Nouveaux sourires.
Quoi qu'il en soit, l’augmentation du rapport dette publique/PIB depuis 2007, date à laquelle nous avons pris nos fonctions, a été, selon les chiffres du FMI, de 19 % en France, contre 30 % en Allemagne, 32 % aux États-Unis, 38 % au Royaume-Uni. Même si ce rapport est en soi assez élevé, du même ordre que celui de l’Allemagne, il reste que son accroissement est sensiblement moins brutal que dans les pays susmentionnés.
Ces résultats ne nous empêcheront pas, cher Alain Lambert, de nous concentrer sur des objectifs précis, en particulier sur la diminution du déficit, notamment du déficit structurel. Nous allons d’ailleurs commencer dès 2010, avec un objectif de diminution du déficit structurel de 0, 34 %, étant entendu que le plan de relance sera encore à l’œuvre, puis de 1 % les années suivantes, afin d’atteindre la barre des 3 % en 2014. La Commission européenne estimait au printemps dernier que nous pourrions atteindre ce résultat en 2012, avant de s’apercevoir qu’avec la crise aucun pays n’y arriverait. Nous négocions donc actuellement avec la Commission pour repousser l’échéance d’une année. Éric Woerth et moi-même estimons en effet que ce sera très difficile d’y parvenir dans les délais fixés.
Nous souhaitons évidemment travailler en bonne intelligence avec la Commission et nos partenaires économiques, tant il est vrai que c’est l’Union qui a fait notre force pendant la crise. En tout état de cause, l’évolution de la croissance déterminera la manière et le calendrier selon lesquels nous rétablirons ces équilibres indispensables.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
Je suis saisi, par Mme Borvo Cohen-Seat, M. Foucaud, Mme Beaufils et M. Vera, d'une motion n°I-135.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 2, du règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi de finances pour 2010, adopté par l'Assemblée nationale (n° 100, 2009-2010).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8 du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. Thierry Foucaud, auteur de la motion.
Madame la ministre, vous ne pouvez pas dire que le projet de loi de finances pour 2010 garantit la libre administration des collectivités territoriales en leur assurant la libre disposition de leurs ressources. Comme nous l’avons dit lors de la discussion générale, ce texte réduit le droit des élus locaux à lever l’impôt, qui est une composante essentielle de l’autonomie financière des collectivités territoriales, à la portion congrue.
La seule faculté qui sera laissée aux élus locaux sera, en effet, de déterminer les taux d’imposition à la cotisation locale d’activité, soit un élément de ressources nettement plus faible que l’actuelle taxe professionnelle.
Mes chers collègues, avant d’appuyer ma démonstration par d’autres arguments, permettez-moi de faire une citation :
« Le processus de décentralisation, initié dans les années soixante-dix avec notamment l’allégement des tutelles et la globalisation des concours financiers de l’État aux collectivités territoriales, puis relancé et consacré, de manière irréversible, par les lois Defferre de 1982 et 1983, a été, à l’évidence, bénéfique pour notre pays.
« Oxygène de la République, la décentralisation a libéré les initiatives et les énergies locales.
« Elle a, par ailleurs, accru l’efficience de l’action publique grâce aux bienfaits de la gestion de proximité. C’est ainsi, par exemple, que pour l’entretien et la construction des collèges et des lycées, les départements et les régions ont fait plus, mieux et plus vite que l’État.
« De même, c’est la saine et sage gestion financière des collectivités locales qui, en dégageant des excédents budgétaires, a permis à la France d’être dans les “clous de Maastricht” et de se qualifier pour l’euro.
« Enfin, la décentralisation a contribué, même si des progrès restent à accomplir, à donner corps et âme à la démocratie locale à un moment où les inquiétudes suscitées par l’inéluctable mondialisation exacerbent notre besoin d’enracinement.
« Pourtant, force est de constater, vingt ans après les lois Defferre, que la décentralisation, en dépit de son bilan globalement positif, apparaît comme “à bout de souffle”, “au milieu du gué” et surtout “à la croisée des chemins”. »
Ces phrases ne sont pas le fruit d’une réflexion menée par notre groupe, mais sont extraites de l’exposé des motifs – dont chacun ici, j’en suis sûr, se souvient – d’une proposition de loi constitutionnelle déposée il y a quelques années par le président Poncelet. Notons d’ailleurs que cette dernière a été retirée de la liste des textes en attente, au seul motif de l’insertion de ses principales dispositions dans la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 relative à l’organisation décentralisée de la République.
Le projet de loi constitutionnelle en question avait d’ailleurs été largement réécrit à l’occasion du débat parlementaire puisque ce sont les termes de la proposition de loi sénatoriale qui sont devenus l’essentiel du texte finalement adopté.
De fait, nous sommes aujourd’hui dans une situation originale.
En 2003, M. Raffarin, Premier ministre, et M. Poncelet, président du Sénat, ainsi que la plupart des membres de la majorité sénatoriale encore présents aujourd'hui, adhéraient aux propos que je viens de vous lire. Sept ans plus tard, ils jettent aux orties leurs convictions et s’apprêtent à voter sans trop broncher – hormis une petite « fronde » menée par voie de presse – un projet de loi de finances qui encadre tellement les finances des collectivités territoriales que le sens même de la décentralisation se perd dans les sables de la « rupture démocratique » menée par M. Sarkozy et ses partisans.
Que deviendra la coopération intercommunale quand la suppression de la taxe professionnelle aura conduit à réduire la compensation attribuée par le conseil communautaire à chacune des communes membres ?
Sans parler des effets désastreux que cette réforme aura sur les dotations de solidarité communautaires, …
… qui constituaient jusqu’ici la meilleure traduction du partage des fruits du développement économique de chaque territoire communautaire !
Que devient la décentralisation quand les régions perdent quasiment tout pouvoir de fixation de l’impôt et ne disposent plus – car c’est bien ce qui va se passer – que des ressources dédiées par le partage d’une cotisation complémentaire, assise sur la valeur ajoutée, dont l’affectation ne sera décidée qu’au plus haut niveau, par le pouvoir législatif ?
Que devient la décentralisation quand les départements sont placés dans la même situation, alors même qu’ils font déjà, depuis plusieurs années, l’expérience pour le moins douloureuse des transferts de charges non compensés, comme nous le constatons avec le revenu de solidarité active ou encore l’allocation personnalisée d’autonomie ?
Relevons quelques-unes des prises de position affichées à l’époque de la discussion de la loi constitutionnelle.
Voici, par exemple, ce qu’on peut lire dans le compte rendu de l’audition par la commission des trois ministres de l’époque en charge du dossier, MM. Perben et Devedjian et Mme Girardin :
« M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, s’est pour sa part interrogé sur la signification du premier alinéa du texte proposé pour insérer un article 72-2 dans la Constitution, observant qu’il semblait affirmer l’autonomie de dépenses des collectivités territoriales, et faire de la libre disposition de ressources la seule garantie de leur libre administration. Il a donc appelé à une clarification.
« En outre, il s’est associé à l’interrogation de M. Bernard Frimat concernant l’interprétation des notions d’autonomie financière et de part déterminante des ressources propres. Il a en effet refusé que des ressources provenant d’une autre collectivité territoriale puissent être considérées comme des ressources propres.
« S’agissant de la péréquation, il a estimé nécessaire de ne pas seulement mentionner les inégalités de ressources, mais également les inégalités de charges. »
De même, lors du débat sur le texte en séance publique, notre collègue Jean-Pierre Fourcade déclarait :
« L’histoire des cinq dernières années est démonstrative : la majorité d’alors a fortement réduit le domaine de responsabilité des élus locaux […] et la jurisprudence du Conseil constitutionnel a laissé faire, qu’il s’agisse du remplacement d’impôts locaux par des dotations budgétaires ou bien des prélèvements multiples sur les recettes fiscales de certaines collectivités.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Eh oui, il y a beaucoup de pailles et de poutres !
Sourires
« Il faut donc élever une barrière : tel est l’objet de l’article 6, dont, pour l’essentiel, j’approuve les dispositions.
« Cette barrière, mes chers collègues, doit être solide, car la pente naturelle des administrations centrales de l’État est de refuser le maintien du lien entre l’élu local et les citoyens qui paient l’impôt, comme elle les conduit à refuser de réformer la fiscalité locale et à remplacer les impôts locaux par des dotations budgétaires. »
Il n’est que de voir comment le RSA ou l’APA sont compensés aux collectivités territoriales pour mesurer combien tout cela a été suivi d’effet ! Mais je vous fais grâce d’une autre citation de M. Fourcade à ce propos.
Tous ces débats furent, en quelque sorte, conclus à Versailles lors de la réunion du Congrès où le Premier ministre d’alors, Jean-Pierre Raffarin, aujourd’hui revenu parmi nous pour nous faire bénéficier de son expérience et de son expertise, indiquait notamment : « Le premier principe est celui d’autonomie financière : les collectivités “disposent librement de leurs ressources, dans les conditions fixées par la loi”.
« Le deuxième, très important, est celui de juste compensation : les transferts seront financés loyalement. Chaque transfert de compétence s’accompagnera du transfert des moyens humains et financiers correspondants. Nous voulons sincèrement rétablir la confiance entre l’État et les collectivités. Le juge constitutionnel empêchera les décentralisations de charges qui n’auront pas été préalablement financées.
« Troisième principe : l’autonomie fiscale. La part des ressources propres des collectivités dans le total de leurs ressources devra être “déterminante”.
« En privilégiant le transfert des recettes fiscales sur celui des dotations, nous responsabiliserons les élus, qui pourront rendre des comptes aux contribuables sur les dépenses financées par l’argent public. Des élus dotés d’une liberté d’initiative, mais qui rendent des comptes aux électeurs, voilà notre conception de la décentralisation. »
Nous sommes aujourd’hui dans un autre cas de figure. Nous sommes face à un projet de loi qui, pour être un projet de loi de finances, n’a évidemment pas la même portée qu’un texte de nature constitutionnelle et comporte des dispositions beaucoup plus précises. Or celles-ci mettent à mal à la fois l’organisation décentralisée de la République et le principe d’autonomie des collectivités locales, deux concepts pleinement constitutionnels.
La répartition de la cotisation complémentaire assise sur la valeur ajoutée prioritairement en faveur des départements et des régions ne marque-t-elle pas le remplacement d’une recette fiscale antérieure par une simple dotation budgétaire qui se révélera très vite insuffisante et ne tardera pas à être aussi « normée » que les autres ?
Que signifie l’encadrement des dotations de compensation de la fiscalité directe locale, tel qu’il est par l’article 16, par rapport à la libre fixation des ressources et au droit de lever l’impôt ?
Le montage juridique douteux de l’article 27 ne montre-t-il pas, que, encore une fois, la charge indûment transférée aux collectivités locales ne sera pas compensée intégralement ?
La création de la taxe carbone ne se traduit-elle pas par une nouvelle ponction obligatoire sur les ressources des collectivités locales ?
Au demeurant, l’encadrement des concours financiers de l’État aux collectivités locales, frappant à la fois dotations budgétaires et compensations fiscales, conduit à mettre en cause le principe de libre autonomie.
Nous avons indiqué que, dans le champ de la fiscalité, où les choses sont déjà fortement encadrées, la cotisation complémentaire échappait totalement au pouvoir des élus locaux de lever l’impôt.
De fait, l’article 2 du projet de loi, même dans la rédaction proposée par le rapporteur général, établit clairement que les règles de définition de la contribution complémentaire des entreprises ne seront plus fixées localement et que tout effort de développement économique local sera pratiquement sans effet sur la situation de ressources de la commune.
Ainsi, les efforts consentis par une collectivité pour attirer une entreprise ou lui offrir des possibilités d’extension de ses activités pourront fort bien se traduire par un accroissement du produit fiscal perçu par une autre collectivité, voire par toutes les autres collectivités !
Des ressources sur lesquelles les élus locaux auront moins de capacité de décision, des dépenses contraintes de plus en plus lourdes – ce qui explique que les départements les plus soumis au versement de l’APA du fait du vieillissement de leur population se retrouvent aujourd’hui en quasi-cessation de paiements –, voilà ce qui est au cœur de ce projet de loi de finances et qui fait de l’article 72-2 du texte constitutionnel une simple déclaration de principe.
À la vérité, ce rappel de quelques données de base pourrait suffire à conduire le Sénat à voter la présente motion et ainsi, à alléger quelque peu le travail parlementaire, singulièrement chargé ces temps-ci. Mais d’autres éléments nous paraissent mériter d’être avancés à l’appui de cette motion.
Ainsi, le principe d’égalité devant l’impôt, inscrit dans le bloc de constitutionnalité par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, est encore une fois battu en brèche. Où est, en effet, l’égalité devant l’impôt quand on crée une taxe carbone dont sont dispensés certains contribuables et pour laquelle certains autres peuvent obtenir une réparation plus élevée que les autres ?
Par exemple, un artisan acquittant la taxe carbone pourra imputer celle-ci sur sa nouvelle cotisation locale d’activité, alors qu’un salarié ne pourra pas bénéficier d’un tel traitement. Quant au remboursement forfaitaire, il est l’illustration parfaite de la disposition qui méconnaît la capacité contributive de chacun.
Une taxe inégalitaire et inégalement remboursée, voilà qui fait beaucoup !
De même, la persistance de dispositifs réservés, pudiquement qualifiés de « niches fiscales », qui ne concernent in fine qu’un nombre très réduit de personnes, comme nous le voyons avec les articles relatifs à l’ISF, montre clairement une nouvelle mise en cause du principe d’égalité.
Enfin, rappelons, même si c’est l’évidence, que la politique financière et fiscale du Gouvernement ne respecte pas ce fondement de la République : la loi se doit d’être l’expression de l’intérêt général.
Pour conclure, nous comptons sur vous, monsieur le président Arthuis, monsieur le rapporteur général, madame la ministre, monsieur le ministre, pour répondre sans détours à l’argument premier qui fonde cette motion : le présent projet de loi de finances met-il, oui ou non, en cause le principe constitutionnel d’autonomie financière des collectivités locales ?
Oserez-vous prétendre que non ? Je n’en doute pas, mais j’attends avec curiosité que vous m’expliquiez pourquoi, ainsi qu’aux milliers d’élus locaux de tous bords qui ont bien perçu l’exercice de recentralisation, de reconcentration devrais-je dire, autour d’une seule institution, d’un seul homme, le Président de la République.
La mise au pas financière des collectivités locales constitue bien une rupture : une rupture au profit de l’exécutif et de son chef, Nicolas Sarkozy.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
Puisque cette motion d’irrecevabilité s’appuie sur une analyse juridique et sur des notions de droit, je vais tâcher de répondre brièvement à M. Foucaud sur le même plan.
En ce qui concerne l’autonomie des collectivités, il me semble, cher collègue, que vous confondez le principe d’autonomie financière et le principe d’autonomie fiscale. Seul le principe d’autonomie financière est inscrit dans la Constitution.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. On peut le déplorer – je suis d’ailleurs de ceux qui, à l’époque, l’ont regretté –, mais tel est l’état du droit. Par conséquent, vous ne pouvez pas vous appuyer sur cet argument pour invoquer l’irrecevabilité du texte.
Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
Au demeurant, le Conseil constitutionnel sera, comme toujours, l’observateur exigeant et, bien sûr, impartial de nos débats. C’est à lui qu’appartiendra la responsabilité d’examiner cette question, vers la période des fêtes de Noël, comme chaque année.
Vous avez ensuite fait référence au principe de l’égalité devant l’impôt. Le principe d’égalité que retient notre droit public impose de traiter de manière identique des situations identiques, mais permet, voire enjoint d’appréhender de manière distincte des situations différentes.
En réalité, l’égalité, telle qu’elle est interprétée par la jurisprudence, est plus proportionnelle qu’arithmétique. En tout cas, elle ne s’apparente en rien à l’égalitarisme.
En outre, comme chacun sait, il est de jurisprudence constante que des considérations tirées de l’intérêt général justifient, dans une certaine mesure, appréciée par le juge constitutionnel, des différences de traitement entre des situations a priori équivalentes.
Je pense donc que les motifs de droit que vous invoquez sont inopérants. C’est pourquoi, sans avoir à entrer plus avant dans cette argumentation, je soutiens que la motion d’irrecevabilité doit être rejetée.
M. Éric Woerth, ministre. Vous paraissez vous enquérir, monsieur Foucaud, du devenir de la décentralisation.
Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.
La décentralisation sera, après l’adoption de ce projet de loi de finances et du texte relatif à la réorganisation des collectivités locales, plus épanouie, consolidée et clarifiée.
Elle sera d’abord consolidée parce que le principe constitutionnel d’autonomie financière, et non pas fiscale, sera évidemment respecté, comme l’a indiqué M. le rapporteur. On ne peut pas réduire l’autonomie des collectivités à un simple travail sur le taux des impôts. Du reste, en Allemagne fédérale, où le système repose largement sur le principe d’autonomie des collectivités, les recettes financières de celles-ci viennent directement de l’État. S’il existe bien une autonomie politique, il n’y a pas d’autonomie fiscale au sens qu’on lui donne en France.
La décentralisation sera ensuite renforcée par la réforme de la taxe professionnelle, dont vous souhaiteriez que nous ne discutions pas. Cette réforme renforcera l’autonomie des collectivités, mais également la justice entre collectivités. La péréquation sera plus forte, l’impôt sera fondé sur une base plus juste et plus économique.
Il est curieux de considérer que la taxe professionnelle était une sorte de ressource garantie. Il n’y avait en réalité rien de moins garanti que la taxe professionnelle ! Combien d’élus ont déploré le départ d’une entreprise ! Combien d’élus ont enregistré dans leurs comptes une chute massive des ressources fiscales parce que des entreprises ont quitté leur territoire, faisant du même coup s’évanouir les recettes de taxe professionnelle correspondantes !
Le projet de loi vise à remplacer le système actuel par un autre. Celui que nous proposons, et dont nous allons débattre pendant quelques heures, est un système qui consolide la décentralisation.
La décentralisation est également clarifiée grâce à ce que propose le Gouvernement dans le cadre d’une réforme des collectivités locales qui a déjà été largement discutée, soumise au débat et à la critique. Des pôles clairement établis – région, département, intercommunalité, commune – seront dotés de compétences bien définies, assurant une meilleure lisibilité de l’architecture d’ensemble pour le citoyen et remédiant à une opacité administrative et politique souvent dénoncée.
Par ailleurs, on ne peut se contenter de répéter inlassablement les mêmes contre-vérités, comme celle qui consiste à évoquer une sorte d’âge d’or de la compensation. Ainsi que je l’ai déjà indiqué, jadis, la compensation de l’APA, en particulier, n’était pas intégrale !
C’est la réalité !
Nous reconnaissons qu’un problème existe concernant le transfert des prestations sociales, dont le coût a augmenté plus vite que le reste des compétences transférées. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le Gouvernement a prolongé le fonds de mobilisation départementale pour l'insertion : 500 millions d’euros viennent ainsi compléter la stricte compensation du coût du RMI pour les départements.
Enfin, concernant la taxe carbone, le Premier ministre a proposé, lors du congrès des maires de France, de créer un fonds auprès de l’ADEME afin de compenser le coût de cette taxe pour les collectivités et leur permettre d’élargir et renforcer leurs investissements dans ce domaine.
Pour toutes ces raisons et pour beaucoup d’autres, notamment celles qu’a énoncées le rapporteur général, je demande au Sénat de rejeter cette motion d’irrecevabilité.
Le groupe socialiste votera la motion d’irrecevabilité présentée par nos collègues du groupe CRC-SPG.
Je rappelle, monsieur le rapporteur général, la mise en garde que vous nous adressez dans votre rapport écrit lorsque vous nous expliquez que le souci de la commission des finances est d’encadrer la mise entre parenthèses de la règle d’autonomie financière, afin de sécuriser la réforme. Mais de cela, en vertu de votre théorie du « un temps, deux mouvements », nous n’avons pas encore eu l’occasion de discuter.
Vous l’indiquez explicitement, le texte tel qu’il nous arrive de l’Assemblée nationale « est une “entorse” au principe d’autonomie financière prévu par la loi organique du 29 juillet 2004, prise en application de l’article 72-2 de la Constitution ».
Pour convaincre vos collègues de la majorité qui sont d’accord avec la disparition de la taxe professionnelle, mais qui restent réticents devant l’ensemble du dispositif, vous leur dites : dans un premier temps, supprimons la taxe, puis reportons à plus tard l’examen du deuxième volet. Voilà votre théorie du « un temps, deux mouvements » !
Par une espèce de gesticulation intellectuelle, vous dites être obligé de proposer une préfiguration de ce que pourraient être la répartition et la compensation en 2011. C’est donc bien qu’il y a un risque d’inconstitutionnalité ! Vous ne l’avez pas rappelé dans votre intervention orale, mais vous l’écrivez noir sur blanc à la page 11 de votre rapport…
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. C’est un succès d’édition !
Sourires
… notamment des éléments chiffrés. Ainsi, il montre que le produit de la taxe professionnelle était de 32, 4 milliards d’euros en 2009 et que les deux nouvelles contributions sur l’activité économique ne devraient rapporter que 15, 8 milliards d’euros.
Certes, d’autres impôts devraient ensuite venir compléter ce produit, mais nous ne savons pas encore lesquels. On nous dit que nous verrons dans un deuxième temps la façon dont on pourra apporter des contributions, en particulier aux communes et aux intercommunalités.
Nous ne savons pas non plus très bien si l’on va rester à une part de 20 % de cotisation complémentaire – j’utilise la formulation du projet de loi en l’état – réservée aux communes et aux intercommunalités, comme le propose l’Assemblée nationale, ou si ce taux va évoluer.
Bref, en l’état, le projet de loi n’apporte aucune précision sur la façon dont les collectivités territoriales pourront demain préparer leur budget.
Ce projet de loi de finances tel qu’il nous est présenté ne garantit donc pas plus l’autonomie financière que l’autonomie fiscale des collectivités territoriales. Or ce sont bien ces deux principes qui sont en cause aujourd’hui. Dès lors que M. le rapporteur général nous propose de revoir au cours du premier semestre de 2010 l’ensemble des éléments qui concerneront l’application de ces nouvelles impositions, c’est bien qu’il y a une difficulté !
Telles sont les raisons pour lesquelles on ne peut que soutenir la motion défendue par Thierry Foucaud.
Je remercie Mme Bricq et Mme Beaufils d’être des lectrices attentives de mon rapport.
J’y précise simplement que l’on ne peut pas se borner à ne traiter qu’un aspect du projet de loi de finances. On ne peut pas décider de ne voir que l’aspect agréable en faveur des entreprises sans aborder le sujet difficile de la contrepartie à trouver pour les collectivités territoriales.
Pour cela, ma chère collègue, il faut entrer dans le vif du sujet, d’abord en rejetant cette motion, puis en commençant l’examen des articles.
Mon rapport s’attache simplement à faire remarquer que, en stricte conformité avec la loi organique relative aux lois de finances, il doit y avoir un temps, le projet de loi de finances, et deux mouvements, la première et la seconde parties dudit projet de loi. Seule la première partie a des conséquences sur le solde de l’année à venir. La seconde partie, quant à elle, comporte des mesures à effets différés ; en l’occurrence, il s’agit de mesures qui ne se traduiront concrètement qu’à compter du 1er janvier 2011.
Il n’en reste pas moins que ces mesures seront bien intégrées au corpus de la loi et devront être aussi précises que possible, notamment pour servir de base à une indispensable concertation au cours de l’année 2010 et aux non moins indispensables simulations à venir, afin de pouvoir déboucher sur la validation ou la modification de tel ou tel élément du dispositif.
Il me semble que la méthode que nous avons choisie est la plus conforme à notre droit parlementaire. Dès lors, j’avoue ne pas bien comprendre les objections que vous formulez. Mais nous aurons l’occasion de reparler de ces sujets si la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité est rejetée, comme je le souhaite.
Je mets aux voix, par scrutin public, la motion n° I-135, tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité et dont l’adoption entraînerait le rejet du projet de loi de finances.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin a lieu.
Il est procédé au comptage des votes.
Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 88 :
Le Sénat n'a pas adopté.
Je suis saisi, par Mme Bricq, M. Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini, Collomb et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, d'une motion n°I-136.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi de finances pour 2010 adopté par l'Assemblée nationale (n° 100, 2009-2010).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. Gérard Collomb, auteur de la motion.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est inhabituel d’opposer une question préalable à un projet de loi de finances. Mais il est vrai que, aujourd’hui, les circonstances ne sont pas habituelles.
M. le rapporteur général vient de nous le rappeler, ce débat va se dérouler en deux parties : l’une agréable – encore que je nuancerai cette affirmation à la fin de mon propos – pour les entreprises ; l’autre particulièrement désagréable pour les collectivités locales.
Faut-il que la rupture soit profonde pour que trois anciens Premiers ministres aient jugé bon de s’exprimer !
Lorsque Jean-Pierre Raffarin affirme que « l’actuelle proposition n’est ni claire, ni juste, ni conforme à nos convictions d’élus enracinées », il émet une opinion que la grande majorité des élus locaux partagent.
Pour Édouard Balladur, « nous ne sommes pas dans le bon temps ».
« On ne peut pas, explique-t-il, faire une véritable réforme fiscale avant de savoir quelles sont les compétences de chacun des niveaux de collectivités territoriales, département, commune, région. Il faut d’abord fixer la règle du jeu entre elles avant de savoir comment on va leur affecter ce qui va remplacer la taxe professionnelle. »
Quant à Alain Juppé, qui connaît tout de même d ‘assez près la façon dont fonctionnent les collectivités locales et, en particulier, les communautés urbaines, il a déclaré : « La réforme de la taxe professionnelle, en l’état, me paraît difficilement acceptable. »
Oui, monsieur le rapporteur général, en l’état, mais je ne suis pas sûr que la communauté urbaine de Bordeaux retrouve ses capacités actuelles après l’examen de ce texte par le Sénat. Un peu plus peut-être, mais sans doute pas la totalité !
Il ajoute : « Pour ne prendre que l’exemple de la communauté urbaine de Bordeaux, elle y perdrait une grande part de ses ressources fiscales propres, et donc de l’autonomie que lui garantit la Constitution. » Ainsi, lui aussi fait la confusion que vous pointiez tout à l'heure ! « Et on ne sait pas, poursuit-il, comment évoluerait dans le temps la compensation que lui attribuerait l’État. »
Mes chers collègues, nous savons tous ici que les gouvernements, quelle que soit leur couleur politique, ont tendance, lorsqu’ils fixent des compensations, à les oublier au fur et à mesure que les années passent. Nous avons eu l’occasion d’en discuter très longuement, n’est-ce pas, cher collègue Alain Lambert, au sein de l’Association des communautés urbaines de France, et nous savons très bien ce qu’il en est.
Une profonde inquiétude s’est exprimée au sein de toutes les associations d’élus locaux, et encore à l’occasion du congrès de l’AMF qui vient de se dérouler, au sujet de la suppression de la taxe professionnelle, des deux nouvelles taxes que vous créez et de leur répartition entre les uns et les autres.
M. Philippe Laurent, président de la commission des finances de l’AMF, écrit ainsi : « La réforme de la taxe professionnelle constitue un recul considérable de l’autonomie locale, qui aura d’immenses conséquences dans les années à venir avec un recul important des capacités financières et donc d’investissement public du secteur public local. Le projet de loi de finances pour 2010 marque une profonde rupture. Clairement, le pouvoir central sacrifie l’investissement des collectivités locales après avoir réclamé leur soutien pour le plan de relance. »
Mes chers collègues, ce n’est pas par positionnement idéologique que nous nous exprimons ainsi. Nous savons que les élus, qu’ils soient de droite, du centre ou de gauche, partagent tous, aujourd’hui, la même inquiétude.
D’ailleurs, le fait que M. le rapporteur général de la commission des finances ait proposé, avec l’accord du Gouvernement, de scinder ce débat en deux parties – la première sur la fiscalité des entreprises, la seconde sur les implications de ces mesures pour les collectivités locales – montre, s’il en était besoin, que le malaise est profond.
Quant à nous, nous craignons que la potion ne soit particulièrement amère, après avoir goûté dans un premier temps les délices que nous valent les félicitations de certains de nos amis entrepreneurs – mais pas de tous, madame la ministre, et j’y reviendrai.
S’agit-il simplement de la suppression de la taxe professionnelle ou de la révision de ses bases ? Non ! Rappelons que cet impôt institué en 1975, et à propos duquel chacun se plaît aujourd’hui à rappeler que François Mitterrand l’avait qualifié d’« imbécile », a subi de nombreuses réformes. Dès 1976, l’écrêtement de la base et le plafonnement de la cotisation sont décidés ; en 1983, la part salaires passe de 20 % à 18 % ; de 1999 à 2003, cette part est supprimée ; en 1991, un plafonnement à 3, 5 % de la valeur ajoutée est appliqué… Au total, depuis trente ans, la taxe professionnelle a subi près de soixante-dix modifications législatives !
Pourquoi la réforme radicale que vous nous présentez aujourd'hui suscite-t-elle une telle bronca ? C’est que, à travers elle, vous bouleversez l’architecture des rapports entre l’économie, les collectivités locales et l’État ; des collectivités locales, monsieur le rapporteur général, qui seront condamnées à s’affronter entre elles sans qu’aucune catégorie ne soit pleinement satisfaite.
Votre réforme, madame la ministre, va entraîner pour toutes les collectivités locales une perte d’autonomie fiscale, avec une cotisation complémentaire dont le taux sera fixé au niveau national et une cotisation locale d’activité étroitement plafonnée et totalement liée par l’évolution des taxes ménages.
Surtout, votre réforme va aller totalement à l’encontre du développement économique. Dans les évaluations qui ont été réalisées par l’Association des maires de grandes villes de France, conjointement avec l’Association des communautés urbaines de France, on s’aperçoit que ce sont les villes les plus industrialisées qui vont perdre le plus.
Au hit-parade figurent les villes de Fos-sur-Mer, Dunkerque et Montbéliard, qui vont perdre l’équivalent de près de 69 % de leurs recettes propres, …
… tandis que la communauté urbaine Nice Côte d’Azur bénéficiera d’une augmentation de 23 %.
Mes propres services ont procédé à des estimations pour l’agglomération lyonnaise. Vous nous avez en effet assuré, madame la ministre, qu’il y aurait une discussion entre les techniciens des communautés urbaines ou des communautés d’agglomération et vos services : je suis prêt confronter nos données.
Aujourd’hui, les recettes tirées de la taxe professionnelle dans l’agglomération lyonnaise s’élèvent à 523 millions d’euros. En l’état actuel de la réforme, c’est-à-dire avec les 20 % de la cotisation complémentaire, la recette s’établira à 229 millions d’euros. Les taxes économiques nouvelles rapporteront 29 millions d’euros, les impôts ménages passeront à 125 millions d’euros, et la compensation nouvelle de l’État représentera 139 millions d’euros.
Quel sera, de façon plus détaillée, l’évolution du tissu économique lyonnais ? L’industrie, qui représentait auparavant 38, 2 % de l’impôt économique, va passer à 26 %. Les industries de la construction resteront stables, variant de 3, 2 % à 3, 4 %. La part des services va augmenter de 55, 5 % à 59, 1 % et celle des professions libérales de 3, 1 % à 11, 4 %.
J’ai rencontré, avant de participer à ce débat, le consultant d’une importante société de conseil aux entreprises. Il estimait que les entreprises de services avaient beaucoup à perdre dans cette réforme. Pour autant, les autres vont-elles y gagner ? Je ne le crois pas, madame la ministre.
Je prendrai l’exemple de la Vallée de la chimie, dans l’agglomération lyonnaise, avec la raffinerie de Feyzin et les industries pétrochimiques alentour. Tous ces établissements industriels sont évidemment sources de nuisances pour les habitants des communes avoisinantes, mais, grâce au lien existant entre l’activité économique et la recette fiscale, ceux-ci bénéficient en contrepartie de divers équipements collectifs, sportifs, culturels, etc. Demain, ils auront les nuisances, mais sans les recettes.
À l’époque de l’explosion de l’usine AZF, j’ai été l’un des rares maires de France à soutenir qu’il ne fallait pas rayer d’un trait de plume toutes les activités chimiques de notre territoire. Avec votre réforme, que va-t-il se passer ? Les habitants vont s’opposer au maintien des industries lourdes, extrêmement polluantes, si elles ne rapportent plus rien. Et nous ne pourrons plus transformer ce secteur en le positionnant dans le domaine des « clean-tech » au sein du pôle de compétitivité Axelera.
Vous faites une erreur fondamentale, madame la ministre, monsieur le ministre, en pénalisant les villes, les agglomérations dans lesquelles se trouvent ces industries lourdes. Vous allez les inciter à changer de cap et, en fait, à désindustrialiser notre pays. Personne ne voudra plus de ces entreprises !
Parallèlement, un certain nombre d’entreprises de services, qui verront leurs impôts augmenter, se délocaliseront.
Ainsi, vous n’aurez rien fait pour préserver le tissu industriel de notre pays, vous aurez au contraire accentué la désindustrialisation, et vous aurez condamné de petites entreprises travaillant dans les services, qui constituent une part importante de notre tissu économique.
Plutôt que de revoir les effets néfastes de cette réforme dans six mois, mieux vaut ne pas examiner un texte qui ne peut pas être adopté en l’état.
S’il s’agit d’engager une réforme que vous jugez essentielle pour l’avenir du pays, mieux vaut s’assurer qu’elle est bonne avant qu’après. C’est pourquoi, mes chers collègues, je vous demande d’adopter la motion tendant à opposer la question préalable.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Je vous ai écouté avec attention, monsieur Collomb, défendre la motion tendant à opposer la question préalable et je suis très surpris que vous, sénateur, conseilliez au Sénat de ne pas délibérer sur le texte.
Il y a effectivement de quoi être surpris !
Je note cependant au passage que les chiffres que vous avez cités s’appuient sur la version initiale du Gouvernement et non sur la version révisée par l’Assemblée nationale.
Quoi qu'il en soit, si le texte vous semble critiquable, s’il ne vous satisfait pas, attendez au moins, pour vous faire une opinion définitive, de connaître le résultat de nos propres délibérations. À moins que vous ne considériez que le bicamérisme est vide de sens et qu’il appartient à la seule Assemblée nationale de régler cette question !
L’honneur d’un sénateur, c’est d’aller au bout de ses responsabilités, qu’il soit dans la majorité ou dans l’opposition. Je respecterai votre explication de vote au terme de nos débats, mais ne nous demandez pas d’emblée de ne pas entrer dans la discussion de ce texte !
Oui, il y a lieu d’opérer des ajustements, et nous nous en expliquerons. La commission des finances, pour ce qui la concerne, a déjà adopté un certain nombre d’amendements sur la première partie du projet de loi de finances. Elle va consacrer toute la matinée de demain à en examiner d’autres, notamment ceux qui émanent de votre groupe.
Il va de soi, cher collègue, que nous devons prendre le temps nécessaire. Si nous votions la question préalable, ce serait un couperet beaucoup trop brutal, qui frustrerait la plupart d’entre nous, motivés pour faire évoluer le texte, mais aussi pour expliquer notre position, pour témoigner, pour préparer l’avenir.
Comme vous l’avez dit très justement, la taxe professionnelle, créée en 1975 quand Jean-Pierre Fourcade était ministre des finances, n’a cessé, depuis, d’être réformée. Croyez-le bien, les deux cotisations que nous allons créer cette année pourront, elles aussi, être réformées. Alors, autant être à l’origine du dispositif et déposer des petites graines là où il le faut, même si elles ne germent pas tout de suite ! Voilà ce que nous vous proposons de faire, et en première partie et en seconde partie.
Le fonctionnement normal du bicamérisme appelle naturellement, mes chers collègues, le rejet de cette motion tendant à opposer la question préalable.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Mme Christine Lagarde, ministre. Monsieur le sénateur, à la suite de M. le rapporteur général, je vous invite à participer à tous les débats que nous allons avoir – aujourd’hui, demain, samedi, voire dimanche
Murmures.
Je tiens à vous rassurer sur certains des éléments chiffrés, monsieur Collomb. En ce qui concerne la communauté urbaine de Bordeaux, comme d’ailleurs l’ensemble des collectivités territoriales de la Gironde, le tableau des simulations que nous avons effectuées, après le passage du texte à l’Assemblée nationale, est « carré » : on y trouve exactement les mêmes soldes pour les mêmes montants.
On peut discuter du panier des transferts de fiscalité, du volume de la dotation budgétaire, du montant de la cotisation complémentaire, lequel descendrait éventuellement vers le niveau communal. Toutes ces questions seront précisément au cœur des débats que, je l’espère, ici, et avec vous, puisque manifestement cette question vous intéresse. Mais rassurez-vous, en l’état actuel du texte, il n’y a pas de manque à gagner de quelque sorte que ce soit.
J’ai assisté hier au congrès annuel des maires de France, en présence d’Alain Juppé, avec qui j’ai d’ailleurs pu m’entretenir. J’ai écouté les interrogations des maires et j’y ai répondu, mais je tiens à dire que le tableau présenté hier par M. Philippe Laurent était inexact. Ainsi, le montant de la taxe foncière n’y figurait pas. Curieux, non ? Or on ne peut pas retomber sur ses pieds si l’on ne prend pas en compte la taxe foncière. Le dispositif plus moderne, plus équilibré et plus dynamique que nous prévoyons en remplacement de la taxe professionnelle repose sur un panier comprenant notamment l’intégralité de la taxe d’habitation pour ce qui concerne le bloc communal, un complément de taxe foncière, ainsi qu’un certain nombre d’autres impôts, tel l’IFER, l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux.
Présenter des chiffres en faisant l’impasse sur un élément du calcul me paraît malhonnête.
J’ai entendu dire que nous ferions un hold-upsur la taxe professionnelle. En l’espèce, il me semble plutôt que certains font un hold-up sur les interrogations des élus pour les transformer en contestations de la réforme, réforme dont, à nouveau, je vous invite, mesdames, messieurs les sénateurs, à débattre au cours des jours à venir.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.
Un projet de loi de finances, madame la ministre, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, ne saurait être une loi d’orientation ou une simple loi d’expérimentation. Or ce que vous nous proposez, c’est de légiférer à l’aveugle.
Malgré les efforts méritoires que vous faites, monsieur le rapporteur général, permettez-moi de vous dire que, sans modifier l’assiette, vous n’y arriverez pas ! La preuve : vous avez proposé en commission de mettre des options dans la seconde partie du projet de loi de finances, en préfiguration de ce que pourrait être la nouvelle répartition, afin que le Gouvernement puisse faire des simulations à partir des compétences telles qu’elles sont actuellement réparties, ce qui permettra de boucler l’affaire lorsque nous aurons débattu, ici, de la réforme des collectivités territoriales.
Comme vient de l’indiquer notre collègue Gérard Collomb, on ne peut pas délibérer sur des expériences qui ne sont pas chiffrées. Vous-même en êtes convenu, monsieur le rapporteur général : dès le 9 septembre, vous avez en effet dit à Mme la ministre que vous ne feriez pas cette réforme sans simulations. Or, au moment où nous nous apprêtons à l’examiner, nous ne disposons toujours pas de simulations. Et les options que vous proposerez ne sauraient suffire pour légiférer.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous vous invitons, mes chers collègues, à voter la motion tendant à opposer la question préalable, brillamment défendue par notre collègue Gérard Collomb.
Pour ma part, madame la ministre, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, je me félicite du dépôt de cette motion tendant à opposer la question préalable sur le projet de loi de finances qui nous est soumis. En effet, cela fait plusieurs années que le groupe CRC-SPG s’oppose par principe et sur le fond aux différents projets de loi de finances qui nous sont proposés par le gouvernement actuel, notamment en défendant une motion tendant à opposer la question préalable.
Permettez-moi de résumer les raisons de notre opposition radicale au projet de loi de finances pour 2010.
Si le premier texte de la législature était prétendument destiné à soutenir le travail, l’emploi et le pouvoir d’achat – il s’agissait de la loi TEPA –, le présent projet de budget peut se résumer à une équation assez simple : tout pour alléger les impôts des entreprises et des ménages les plus aisés et tout pour accroître les impôts de la très grande majorité des salariés et de leurs familles. Aux uns, la suppression de la taxe professionnelle, pas de taxe carbone, toujours moins d’ISF et d’impôt sur le revenu ! Aux autres, la taxe carbone, la mise en cause de la prime pour l’emploi, la hausse des impôts locaux et de l’impôt sur le revenu.
Le projet de budget qui nous est soumis cette année est véritablement caricatural !
Après avoir rendu aux entreprises 24 milliards d’euros d’impôt sur les sociétés dans le cadre du plan de relance, après avoir consacré des milliards d’euros au remboursement anticipé de la TVA et au crédit d’impôt recherche, vous vous apprêtez à reverser 11, 7 milliards d’euros au titre de la taxe professionnelle ! Pour quel résultat ? Plus de chômage et plus de déficit public !
Les salariés et leurs familles, quant à eux, sont mis à rude épreuve : l’évolution du barème de l’impôt sur le revenu ne suffira pas à éviter la hausse de la cotisation moyenne, tandis que certaines dispositions correctrices verront leur portée amoindrie.
Le détournement de l’accord Bino conduira à reprendre 100 millions d’euros de la poche des salariés d’outre-mer. Quant à la mise en œuvre du RSA en métropole, elle va permettre à l’État d’économiser tant sur la prime pour l’emploi, à hauteur de 1 milliard d’euros, que sur les allégements de fiscalité locale ! Et pendant ce temps, la compensation aux départements ne cesse de diminuer…
Il ne s’agit là que de quelques exemples des choix effectués dans le projet de loi de finances pour 2010, le summum étant atteint avec la création de la taxe carbone, qui nous semble être un mauvais coup porté à la cause de la protection de l’environnement.
Mes chers collègues, pour toutes ces raisons, le groupe CRC-SPG votera cette motion tendant à opposer la question préalable.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’ai été très intéressé par la démonstration de M. Collomb. Les quelques lueurs que je possède sur le sujet me conduisent à essayer de lui porter la contradiction.
Avec la crise que nous connaissons, il serait vain de croire que les bases de la taxe professionnelle vont continuer à augmenter comme elles l’ont fait par le passé, et ce pour deux raisons. La première, c’est que la taxe professionnelle est devenue la spécialité d’innombrables cabinets fiscaux qui, chaque année, trouvent des parades pour freiner l’augmentation des bases de cette taxe. La seconde, c’est qu’il n’est pas concevable de taxer l’investissement privé dans une période où il faut précisément le faire redémarrer.
Nous voterons contre la motion tendant à opposer la question préalable. Pourquoi ?
Tout d’abord, comme l’a dit très justement M. le rapporteur général, nous devons examiner de près le texte qui nous est proposé afin de pouvoir en tirer un certain nombre de conséquences.
Ensuite, en reprenant l’assiette de la valeur ajoutée – car, on me permettra de le signaler au passage, c’était presque l’assiette initiale de la taxe professionnelle – puisqu’on prend en compte les bénéfices des entreprises et l’ensemble des salaires, on offre aux collectivités territoriales un impôt qui progressera plus vite que ne l’a fait la taxe professionnelle depuis quelques années. Cet élément me paraît de nature à répondre à beaucoup d’objections.
Le problème réel auquel nous allons être confrontés – et c’est pourquoi le groupe UMP tient absolument à ce que la discussion se poursuive –, c’est la territorialisation de la cotisation sur la valeur ajoutée. C’est ce qui va permettre aux communautés urbaines, aux grandes villes, aux départements et aux communautés de base, qu’elles soient ou non à taxe professionnelle unique, de bénéficier de bases dont l’augmentation sera plus rapide que celles de la taxe professionnelle. Personne ne l’a dit, alors que c’est un élément très important.
Si l’on examine ce qui s’est passé entre 1945 et aujourd'hui, on s’aperçoit que la base valeur ajoutée – c'est-à-dire, en fait, le PIB – a progressé plus vite que les bases de la taxe professionnelle. Il n’y a donc pas de marché de dupes. Le véritable problème se pose entre nous : comment territorialiser cette cotisation sur la valeur ajoutée ? Pour répondre à cette question, mes chers collègues, …
M. Jean-Pierre Fourcade. …il faut effectivement examiner le texte et en débattre.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Je mets aux voix, par scrutin public, la motion n° I-136, tendant à opposer la question préalable et dont l’adoption entraînerait le rejet du projet de loi de finances.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin a lieu.
Il est procédé au comptage des votes.
Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 89 :
Le Sénat n'a pas adopté.
Je suis saisi, par Mme Bricq, M. Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini, Collomb et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, d'une motion n° I-137 rectifiée.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 5, du Règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des finances le projet de loi de finances pour 2010 adopté par l'Assemblée nationale (n° 100, 2009-2010).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8 du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
Aucune explication de vote n’est admise.
La parole est à M. François Marc, auteur de la motion.
Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, la motion de procédure qu’avait défendue mon collègue Gérard Collomb et qui vient d’être repoussée avait pour objet d’arrêter là l’examen du présent projet de loi de finances. Pour ma part, je vais vous proposer de travailler plus…
Plusieurs sénateurs de l’UMP. Pour gagner plus ?
Sourires
À cet égard, nous avons particulièrement apprécié la référence que M. le rapporteur général a faite ce matin au Discours de la méthode, lorsqu’il a proposé de fractionner le problème qui nous préoccupe tant en plusieurs morceaux et d’y apporter des solutions au fur et à mesure.
Nous demandons maintenant, quant à nous, que soit consacrée à l’examen du dispositif en question une durée réellement suffisante. Car ce n’est manifestement pas le cas actuellement. De même qu’une loi doit rester une loi, une loi de finances doit rester une loi de finances, ce qui implique des travaux préparatoires accrus.
M. le rapporteur général disait aussi ce matin qu’il fallait « appeler un chat un chat ». À mon sens, le texte que nous examinons est, au mieux, une esquisse de projet de loi de finances, et il nous paraît dangereux de légiférer dans le brouillard !
Tout d’abord, nous sommes préoccupés parce que ce texte souffre d’insuffisances rédhibitoires sur la forme. Ainsi, l’absence de simulations valides a été relevée par l’ensemble des parlementaires, de gauche comme de droite. D’ailleurs, comment peut-on porter une appréciation sur un nouveau dispositif sans disposer de simulations précises quant à ses effets ?
Contrairement à ce que vous nous avez affirmé, madame la ministre, à l’évidence, il n’y a pas eu de parallélisme entre les simulations réalisées pour les entreprises – elles sont engagées depuis plusieurs mois – et celles qui ont été faites pour les collectivités locales : s’agissant de ces dernières, nous disposons tout juste de quelques indications, et encore ne nous ont-elles été communiquées que ces derniers jours. Il y a incontestablement eu des difficultés pour nous fournir ces informations.
À nos yeux, il est inacceptable que la suppression annoncée de la taxe professionnelle s’effectue dans un tel manque de transparence. Il semble que cette réforme contraigne de fait à procéder à de multiples ajustements au cours des mois à venir. Pour reprendre une formule qu’a employée un sénateur de la majorité, je dirai que la « clause de revoyure » ne suffit pas. De nombreuses questions demeurent en effet sans réponse.
En outre, le Sénat ne peut pas se satisfaire des modalités calendaires qui ont été imposées par le Gouvernement. Pourtant, l’inversion du calendrier était une revendication de bon sens ! Le principe de réalité devrait nous conduire à voter d’abord la réforme des collectivités territoriales et, ensuite seulement, celle de la taxe professionnelle. Comment peut-on envisager sérieusement de mener la réforme des moyens avant celle des compétences ? La seconde doit trouver ses fondations dans les choix et principes de la première !
Le travail relatif au volet territorial de la réforme n’est pas achevé ; c’est un fait. C’est même la commission des lois du Sénat qui a souligné cette totale inadaptation dans un communiqué en date du 29 octobre.
Il est clair que le calendrier parlementaire est inapproprié et il est irréaliste de vouloir régler tous les aspects d’une réforme aussi importante dans un laps de temps aussi contraint que celui qui nous est accordé pour la discussion budgétaire.
Vous le savez, au Sénat, il a été décidé de scinder l’article concerné en deux, conformément aux règles de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances. Alors que nous sommes appelés à examiner, en première partie, les règles qui s’appliqueront dès 2010, c’est-à-dire la suppression de la taxe professionnelle pour les entreprises, nous aborderons en seconde partie la réforme des finances locales à partir de 2011.
Il y aura donc obligation de repasser devant le Parlement avant le 30 juin 2010, à l’occasion soit d’un collectif budgétaire, soit d’une loi ordinaire concomitante à la réforme des collectivités territoriales.
Il n’a échappé à personne que ce vote en deux temps répondait à une logique purement politique. Il s’agit de créer une sorte de rideau de fumée pour s’extraire des admonestations de certains soutiens de la majorité. L’objet du dispositif est clair : donner des gages aux sénateurs frondeurs en renvoyant à plus tard les sujets sensibles, faute de simulations et de préparation sérieuse de la réforme.
Le Sénat ne saurait se satisfaire d’un tel petit « arrangement entre amis ».
Changer les règles en cours de route, voilà un étonnant message envoyé aux Français sur le mode de fonctionnement du Parlement ! Celui-ci ne peut pas se contenter de se prononcer sur le seul volet « entreprises » de la réforme. Il est indispensable d’indiquer précisément aux élus, dès l’examen du projet de loi de finances pour 2010, sur quelles recettes de substitution ils pourront compter pour mener à bien leurs projets locaux.
Je l’ai dit, l’impréparation de ce texte est patente ! L’improvisation du Gouvernement et la confusion de la majorité règnent depuis le début de la discussion budgétaire au Parlement.
Il est à noter que, sur la taxe professionnelle, seule la voix de Bercy a été entendue. Nous n’avons jamais entendu le point de vue du ministère de l'intérieur, curieusement absent de ce débat alors qu’il a la responsabilité des collectivités territoriales. Le manque d’investissement du ministre de l'intérieur est d’autant plus déroutant qu’il s’agit de mettre en œuvre une promesse électorale de son ami le Président de la République !
Les conditions d’examen parlementaire de la réforme illustrent également les dysfonctionnements du parlementarisme et les dérives du quinquennat. La promesse présidentielle de suppression de la taxe professionnelle aboutit à démanteler certains acquis de la décentralisation pour tenter de mieux régenter les collectivités territoriales.
Au fond, ces arguments majeurs sur l’improvisation coupable du Gouvernement sont, à eux seuls, déjà suffisants pour justifier un retour en commission, afin d’examiner le projet de loi de finances de manière beaucoup plus approfondie.
Encore une fois, monsieur le rapporteur général, je ne critique pas le travail qui a été effectué par la commission.
En revanche, je considère qu’il n’a pas pu être mené de manière suffisamment fouillée. D’autres séances seront nécessaires, …
Exclamations ironiques sur les travées de l ’ UMP.
En effet, nous ne disposons pas, selon nous, des éléments qui permettraient de rationaliser ce choix budgétaire très exigeant.
Au cours des dernières semaines, nombre de critiques ont émané d’anciens Premiers ministres et ministres de l’actuelle majorité.
Les associations d’élus, dans leur intégralité, se sont également fait l’écho de la profonde et légitime inquiétude de leurs membres, qui, à la tête des collectivités territoriales, sont les premiers investisseurs publics du pays.
Ainsi, malgré les explications qui ont été apportées, la détresse et le pessimisme des maires ont été palpables tout au long du congrès des maires, qui se termine aujourd'hui.
L’incertitude qui pèse sur les recettes de substitution fait craindre une baisse de l’investissement des collectivités locales. C’est tout de même paradoxal à l’heure où le Gouvernement compte sur ces investissements pour la bonne marche de son plan de relance ! Et les responsables d’entreprise reconnaissent eux-mêmes que l’investissement public est vital pour leur activité.
En outre, un tel projet de réforme induit une sérieuse remise en cause de l’autonomie fiscale, ce qui est tout simplement inacceptable ! Les pertes de recettes seront certes compensées en partie par la création de nouveaux impôts ou le transfert d’impôts d’État, mais les collectivités ne disposeront ni de la capacité de déterminer l’assiette ni du droit de fixer le taux. Il est reproché à ces recettes compensatoires et à ces dotations promises par l’État d’être aléatoires et de ne correspondre qu’à un instant donné. De ce point de vue, il y a un réel problème de confiance dans la parole de l’État lorsqu’il s’agit de transferts, de garanties et de contreparties.
Quelques années à peine après le vote, dans ce même hémicycle, du projet de loi relatif aux libertés et responsabilités locales, nous sommes en droit de nous demander dans quels méandres ces libertés sont en train d’être jetées !
Arrêtons-nous quelques instants sur les dotations budgétaires de substitution. Là encore, le brouillard est assez épais ! Les mécanismes de garantie restent flous et les compensations de l’État diminuent au fur et à mesure des années. Le passé proche montre d’ailleurs que l’évolution des concours de l’État est largement contrainte par la situation des finances publiques. Le Gouvernement se sert de l’indexation de ces dotations comme variable d’ajustement, et ce sont les collectivités locales qui en pâtissent. Le projet de loi de finances pour 2010 prévoyant déjà une baisse de près de 6 % des dotations de compensation d’exonération de fiscalité locale, on imagine la suite !
Nous refusons également le basculement de la charge des impôts locaux sur les ménages. Actuellement, la répartition de la charge des impôts locaux entre les ménages, pour 49 %, et les entreprises, pour 51%, est à peu près à l’équilibre. Mais, après la réforme, nous allons passer à 70 % pour la part des ménages, contre 30 % pour la part des entreprises. Les collectivités territoriales bénéficieront de la liberté de vote quasi uniquement sur les impôts ménages, entraînant de fait un risque de sollicitation supplémentaire de ce seul impôt laissé à portée d’autonomie fiscale.
Et que dire de l’absence totale de péréquation et de solidarité financière entre les territoires ? Maintien des inégalités actuelles, gel du montant des fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle, gel du fonds de solidarité des communes de la région Île-de-France : autant de dispositions contenues dans le projet de loi de finances pour 2010 qui illustrent le peu d’intérêt porté à la péréquation. Pourtant, l’objectif de renforcement de la solidarité financière entre les collectivités doit être un impératif !
Le cadeau que le Gouvernement fait aux entreprises coûtera à l’État plus de 5 milliards d’euros à compter de 2011, et même plus de 11 milliards d’euros en 2010. Le déficit sera inévitablement payé un jour par l’ensemble des Français, qui subiront une hausse de leurs impôts. Est ainsi oublié le discours du Gouvernement selon lequel il se refuse à augmenter d’une quelconque manière les impôts ! C’est du moins ce qu’il prétend… En fait, le Gouvernement laissera les collectivités locales se charger du « sale boulot ».
Ce sont les élus qui supporteront l’impopularité !
Au vu de la configuration politique des contre-pouvoirs en place dans les territoires, la manœuvre est claire : on leur transfère une part d’impopularité !
Enfin, le dispositif proposé dans ce projet de loi de finances comporte de nombreux effets pervers. Mon collègue Gérard Collomb en a mentionné quelques-uns tout à l’heure. Pour ma part, je préciserai que le barème progressif conduira à de nouvelles iniquités entre contribuables, créant ainsi un risque de rupture d’égalité devant l’impôt. En effet, la cotisation reposera finalement plus sur le chiffre d’affaires que sur la valeur ajoutée. Or la référence au chiffre d’affaires n’est en aucun cas pertinente ; elle aurait pour conséquence d’éloigner l’assiette de la capacité contributive des entreprises, au lieu de l’en rapprocher.
En outre, le lien entre les entreprises et les territoires risque de se dégrader, la nature des tissus d’activités, notamment pour les PME ou les grands groupes, affectant profondément la répartition des ressources fiscales.
Mes chers collègues, il est clair que deux visions antagonistes de la décentralisation, deux conceptions très différentes du rôle des collectivités locales, de leurs relations avec l’État et de leur capacité à incarner l’intérêt général, s’opposent dans ce débat.
Nous ne sommes pas d’accord avec la conception très libérale de l’action publique, régressive en termes de services publics locaux.
Nous pensons que la réforme des finances locales est une occasion majeure de renforcer le lien de citoyenneté local et de consolider les valeurs républicaines d’égalité. C’est ainsi, me semble-t-il, que les 500 000 élus de nos territoires se verraient légitimés et confortés dans leur mission de service public.
C’est la raison pour laquelle nous demandons un report total de la réforme. Réformer, oui, mais pas n’importe comment et à n’importe quel prix ! Nos concitoyens ne doivent pas subir les conséquences d’un blocage du Gouvernement, trop fier pour reconnaître que cette réforme est inaboutie et qu’il faut en différer l’examen.
Le Parlement ne doit donner son vote ni à des mesures relevant du règlement, ni à des lois d’expérimentation.
« L’ensemble des actions qui sont menées par les collectivités territoriales ne sont pas aujourd’hui clairement financées, il faut donc le savoir avant de voter », a déclaré un sénateur de la majorité. Cette remarque résume parfaitement le propos que je viens de tenir.
Nous le répétons : il est nécessaire de repousser la réforme de la taxe professionnelle jusqu’à l’adoption des textes portant clarification des compétences des collectivités territoriales. Si l’on se réfère à l’axiome énoncé par Nicolas Sarkozy devant l’Association des maires de France en 2007 selon lequel « on ne réforme pas la France contre les élus locaux », nous devrions pouvoir être entendus !
Pour toutes ces raisons, nous demandons que le présent projet de loi de finances soit examiné plus avant en commission. Si la décentralisation mérite certes des améliorations, le Parlement a toute légitimité à refuser, en l’état, ce texte inabouti.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Comme François Marc l’a supposé, je vais être amené à m’opposer à la motion tendant au renvoi à la commission.
Tout d’abord, la commission pense avoir fait tout son possible depuis que ce sujet est sur la table. Monsieur Marc, vous qui en êtes membre, vous le savez fort bien ! Le rapport écrit, que plusieurs d’entre vous ont bien voulu citer, mes chers collègues, est d’ailleurs là pour le montrer.
En réalité, cette année deux rapports généraux ont été élaborés et non un seul, de la même manière que deux débats vont avoir lieu. Un rapport entier de 250 pages, hors annexes, traite uniquement de la question de la taxe professionnelle. Il reprend toute la problématique et indique un certain nombre de pistes de raisonnement.
Par ailleurs, grâce au président Jean Arthuis, pour la première fois, en tout cas depuis que j’exerce les fonctions de rapporteur général de la commission des finances, trois réunions consécutives consacrées uniquement à des débats d’orientation ont eu lieu. Nous nous sommes appuyés sur un certain nombre de documents et avons pris en considération les positions des uns et des autres. À l’issue de ces réunions, la commission a bien voulu me donner certains mandats. À trois reprises, donc, nous avons disséqué des pans entiers du sujet que nous examinons aujourd'hui. Demain matin, se déroulera une nouvelle réunion de la commission des finances au cours de laquelle les amendements dits « extérieurs » vont être examinés, ainsi que des sous-amendements ou des rectifications complémentaires que je serai amené à vous soumettre, mes chers collègues, sur les matières qui vont être traitées en première partie du projet de loi de finances.
Très sincèrement, il n’est pas possible d’escompter d’un renvoi à la commission dans les jours, voire les semaines qui viennent un progrès très substantiel en ce qui concerne tant la méthode que le fond.
Qu’allons-nous faire si la motion tendant au renvoi à la commission est rejetée ? Nous allons commencer l’examen de la première partie du projet de loi de finances et, lors de la discussion de la seconde partie, la commission proposera des dispositifs sur lesquels elle a déjà largement avancé et d’autres qui vont nécessiter de nouvelles concertations pour trouver les bonnes solutions. Cette remarque porte plus particulièrement sur la répartition des nouvelles cotisations économiques entre les strates de collectivités territoriales. Nous aurons l’occasion d’en reparler lors du débat spécifiquement consacré aux recettes des collectivités territoriales.
Ce sujet doit vraiment être traité en toute transparence, en fonction des éléments dont nous disposons aujourd’hui.
Mes chers collègues, je préconise que le Sénat poursuive l’examen du projet de loi de finances. Le sujet est extrêmement difficile mais, on le sait, le diable est dans les détails ; or cette réforme en comporte beaucoup ! De nombreux diables doivent donc être pourchassés.
Sourires
Je mets aux voix la motion n° I-137 rectifié, tendant au renvoi à la commission.
La motion n'est pas adoptée.
En conséquence, nous passons à la discussion des articles.
articles de la première partie
Mes chers collègues, je vous rappelle que la conférence des présidents a décidé l’examen, par priorité, des dispositions relatives aux collectivités territoriales, notamment de l’article 2, relatif à la suppression de la taxe professionnelle.
L’ordre du jour appelle le débat général sur les recettes des collectivités territoriales et la suppression de la taxe professionnelle.
La parole est à M. le rapporteur général.
Mes chers collègues, je vous ai déjà exposé la ligne de partage entre la première partie et la seconde partie du projet de loi de finances. Je vous épargnerai donc des redites.
Toutefois, je voudrais vous présenter de façon plus approfondie le dispositif que préconise la commission dans la première partie du projet de loi de finances, avant de vous livrer les premiers éléments de réflexion et d’orientation qui permettront de préparer l’examen de la deuxième partie.
L’amendement de la commission, tel qu’il est actuellement rédigé – peut-être quelques éléments techniques seront-ils modifiés demain matin – tend à réécrire l’article 2. Dès lors, vos contributions, mes chers collègues, quels que soient les groupes auxquels vous appartenez, devront se traduire par le dépôt de sous-amendements qui auront vocation à nourrir le débat et, le cas échéant, à améliorer le dispositif.
Madame le ministre, cet amendement, qui traduit notre essai de travail méthodique et par tranches, ne fait que 35 pages, alors que l’article 2, tel qu’il résulte des travaux de l’Assemblée nationale, en comporte 135... Par conséquent, nous avançons prudemment.
Qu’est-il proposé de faire ? Nous avons déjà évoqué les changements d’appellation, la nécessité d’appeler un chat un chat.
La commission préconise, tout d’abord, de créer un montant minimal de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises fixé à 250 euros, qui serait acquitté par toutes les entreprises du barème, c’est-à-dire à partir de 500 000 euros de chiffre d’affaires.
La commission ne propose pas de modifier le barème, même s’il est imparfait, voire critiquable – des sous-amendements pourront naturellement être déposés –, car elle a estimé nécessaire de fixer cette année, au cours de ce débat budgétaire, des objectifs réalistes.
Ensuite, pour les entreprises disposant de plusieurs établissements, la commission propose de modifier les critères de ventilation entre les communes de la valeur ajoutée dite « territorialisée », pour accorder une prime aux communes qui accueillent des établissements industriels, tout en remédiant aux déséquilibres que pouvait engendrer la rédaction de l’Assemblée nationale. La préoccupation exprimée tout à l'heure par M. Collomb est ainsi prise en compte.
La commission suggère également de rétablir, pour l’ensemble des entreprises, le plafonnement de la valeur ajoutée taxable à 80 % du chiffre d’affaires, de manière à réduire le nombre d’entreprises perdantes ou l’ampleur de leurs pertes, en particulier dans le secteur des services.
Elle a aussi prévu différentes dispositions au titre de l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseau, l’IFER, qu’il s’agisse des éoliennes, des installations photovoltaïques, des centres de stockage des déchets radioactifs, des unités de production électrique. Toute une série d’amendements vous sera soumise par la commission.
Pour ce qui concerne les effets de la réforme pour les collectivités territoriales dès 2010, la commission propose tout d’abord que la compensation relais à verser en 2010 soit égale au produit des bases de taxe professionnelle de l’année 2010 multiplié par les taux votés en 2009, et non plus en 2008 – il s’agit de répondre à certaines objections –, …
Sourires
… dans la limite d’une hausse de 3 % des taux votés par les mêmes collectivités pour les mêmes impositions au titre de l’année 2008.
Un tel dispositif permet d’éviter de prendre des références qui ne seraient pas significatives ou de récompenser des comportements que nous ne considérerions pas comme suffisamment vertueux.
La commission propose également d’appliquer au vote de la cotisation foncière par les communes et intercommunalités en 2010 les règles existantes d’assouplissement, d’ailleurs très encadrées, de la liaison entre les taux des différents impôts locaux. Autrement dit, les règles de « déliaison » que le Sénat a adoptées ces dernières années ou qui ont été créées sur son initiative doivent, à l’évidence, être maintenues en 2010 dans le régime transitoire parce que ce régime est, selon nous, à droit constant. L’année 2010 est une année de transition, et aucune raison ne justifie que le vote des taux pour la cotisation foncière des entreprises n’obéisse pas exactement au même régime que le vote des taux pour l’ancienne taxe professionnelle.
Dans l’attente d’un nouveau dispositif fondé sur les nouvelles impositions locales créées par la réforme, nous allons également vous proposer de geler, pour l’année 2010 et à droit constant, le fonctionnement des fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle.
Voilà l’essentiel du contenu de cet amendement de 35 pages.
En ce qui concerne les dispositions de seconde partie de la loi de finances, nous avons d’ores et déjà pris une orientation en ce qui concerne le calcul de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises.
Vous vous souvenez que, dans son projet initial, le Gouvernement a proposé de répartir le produit de cette cotisation selon une clef dite « macroéconomique », dans une logique de mutualisation des ressources et, pour tout dire, de dotation. La valeur ajoutée n’était pas calculée pour chaque établissement mais constituait un solde comptable au niveau de l’entreprise. Le produit obtenu était ensuite réparti entre les collectivités concernées sous forme de dotation, avec la mise en jeu de différents critères et une pondération entre eux.
L’Assemblée nationale, à mon avis à juste titre, a mis en cause cette construction. Elle a renversé la perspective en optant, contre l’avis du Gouvernement, pour que l’assiette soit territorialisée pour les différentes collectivités bénéficiaires de la cotisation sur la valeur ajoutée. Il faut saluer au passage la liberté d’esprit du Gouvernement, qui a respecté ce vote.
Les taux progressifs demeurent fixés par le barème national, mais l’assiette est déterminée localement, en fonction des effectifs et des locaux industriels.
Cette solution a le mérite de s’appuyer sur un raisonnement clair. Cependant, à mon sens, elle conduit à mettre en évidence la concentration des bases sur certaines parties du territoire : c’est le corollaire de la territorialisation. Elle présente l’avantage d’être la plus propice à l’autonomie financière – et peut-être à nouveau, demain, sait-on jamais, à l’autonomie fiscale – des collectivités locales dont il s’agit. Mais elle a l’inconvénient de devoir être contrebalancée par un système nécessairement complexe de péréquation. On commence en effet par extérioriser des différences de richesse fiscale, en particulier entre les départements et entre les régions, ce qui ne peut manquer de susciter des débats délicats.
Nous avons estimé qu’il fallait concilier la position initiale du Gouvernement et celle qu’a adoptée l’Assemblée nationale. C’est pourquoi la commission des finances vous propose, en premier lieu, un impôt territorialisé pour les communes et leurs groupements, en second lieu, une mutualisation pour les départements et pour les régions.
En ce qui concerne le bloc communal, nous estimons qu’il s’agit là des collectivités les plus proches des bases imposables et les plus proches des entreprises en termes de bassin d’emploi, de bénéfice local des richesses créées, de charges financières induites pour les collectivités, de nuisances éventuelles. Bref, c’est au niveau de l’intercommunalité, ou de la commune si elle n’a pas délégué sa compétence économique, que l’on est le mieux en prise directe avec ces sujets. Sincèrement, nous pensons que la territorialisation est la formule la plus motivante pour que les élus de terrain continuent à se battre et à être compétitifs pour l’accueil concret des entreprises.
Au niveau des départements et des régions, après avoir écouté bon nombre de collègues qui en ont la responsabilité, nous avons pensé qu’il fallait retenir au contraire une formule de mutualisation. Les départements supportent en effet des charges récurrentes et prévisibles, et la stabilité de la ressource leur est, de ce fait, encore plus nécessaire.
La commission des finances estime qu’il convient de faire en sorte, pour les collectivités qui percevront la cotisation sur la valeur ajoutée territorialisée, que leurs recettes dépendent non seulement de la valeur ajoutée des entreprises qui vont être redevables de cette cotisation, c’est-à-dire celles qui réalisent plus de 500 000 euros de chiffre d’affaires, mais également de la valeur ajoutée synthétique de l’ensemble du territoire.
Par conséquent, dans la mesure de nos capacités administratives, cette valeur ajoutée territorialisée nous semble devoir se fonder sur la réalité de l’activité de l’ensemble des entreprises du territoire considéré.
Nous avons en effet constaté, grâce aux travaux de l’excellent professeur Fréville – soyez donc remerciée, madame le ministre, de l’avoir incité à approfondir ses recherches ! –, que les ressources globales qui peuvent être escomptées de la cotisation sur la valeur ajoutée varient selon que l’on se trouve dans un territoire abritant un grand nombre de petites et moyennes entreprises très éparpillées ou, au contraire, dans un territoire dominé par quelques grandes entreprises. Le premier territoire serait largement désavantagé par rapport au second.
C’est pour cela que nous allons vous proposer de retenir un dispositif consistant, pour déterminer les recettes de chaque collectivité, à appliquer à l’ensemble de la valeur ajoutée produite sur son territoire un taux moyen national, calculé en reportant le produit de l’impôt à l’ensemble des bases « valeur ajoutée ». Il nous faut encore quelques jours pour finaliser la mise au point complète de ce dispositif, mais je souhaitais vous en livrer l’esprit.
Vous voyez que, s’agissant de la seconde partie, les quelques jours dont nous disposons seront extrêmement précieux !
Il y a d’autres aspects sur lesquels nous n’avons pas encore tranché. Je me bornerai, à ce stade, à en citer un : il s’agit de la répartition des nouvelles cotisations entre niveaux de collectivités territoriales.
À cet égard, je rappelle que le bloc communal a bénéficié en 2008 de 59 % des recettes de taxe professionnelle, qui ont représenté un montant total de 29 milliards d’euros. Aux termes du dispositif voté par l’Assemblée nationale, le cumul des produits attendus pour l’année 2010 au titre des trois catégories d’impôt économique – cotisation foncière, cotisation sur la valeur ajoutée, imposition forfaitaire sur les entreprises de réseau – représenterait 18, 6 milliards d’euros, dont 47, 2 % bénéficieraient au bloc communal.
S’agissant des départements, la part de produit de taxe professionnelle était de 30, 5 % en 2008. Ils obtiendraient en 2010, selon le texte de l’Assemblée nationale, 33, 7 % de la recette globale des trois nouveaux impôts. S’agissant des régions, les parts sont respectivement de 10, 6 % et de 19, 1 %.
Faut-il poursuivre le mouvement de rééquilibrage qui a été entamé à l’Assemblée nationale ? Faut-il en rester au texte de l’Assemblée nationale ? À ce stade, la commission n’a pas encore tranché cette question.
Nous pouvons assumer ce débat, monsieur le président.
J’ai, à titre personnel, tendance à penser que, dès lors qu’on raisonne à compétences inchangées, il serait plus logique, plus « conservateur », si j’ose dire, de raisonner à structure inchangée de la recette. Cela reviendrait à maintenir les pourcentages existants. C’est peut-être un peu arbitraire, mais cela n’empêcherait pas que l’on revienne sur un choix provisoire, l’année prochaine ou en cours d’année, notamment au vu des décisions et arbitrages qui interviendraient au titre des compétences.
Je termine ici mon propos, qui a déjà été trop long, mais je suis sûr que nous aurons de nombreuses occasions de revenir sur tous ces sujets.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce débat sur les recettes des collectivités territoriales, organisé traditionnellement lors de l’examen du projet de loi de finances, prend cette année un relief tout particulier.
Suppression de la taxe professionnelle, réforme des collectivités territoriales, révision des valeurs locatives utilisées pour le calcul des impôts locaux : les enjeux de tous ces chantiers sont considérables.
Tout n’est pas contenu dans le projet de loi de finances pour 2010, fort heureusement, compte tenu du temps qui nous est imparti. Mais le débat que nous allons avoir aujourd’hui est déterminant, car nous devons connaître parfaitement, dans ce contexte de réforme, l’évolution des dotations de l’État aux collectivités locales à périmètre constant.
À cet égard, 2010 sera donc une année de transition, au cours de laquelle le Parlement, et tout particulièrement le Sénat en raison de sa mission constitutionnelle de représentation des collectivités territoriales, prendra toute sa place et devra lever les inquiétudes légitimes des élus locaux.
Pour éviter toute redondance avec les propos du rapporteur général, je vous rappellerai globalement les dispositions relatives aux finances locales contenues dans le projet de loi de finances pour 2010, pour n’évoquer que rapidement, à la fin de mon propos, la taxe carbone et la réforme de la taxe professionnelle.
L’effort financier total de l’État en direction des collectivités territoriales représente 97, 5 milliards d’euros en 2010 à périmètre constant, contre 96 milliards d’euros en 2009. Cette somme inclut les dotations et l’ensemble des prélèvements sur recettes, mais aussi la fiscalité transférée, les dégrèvements d’impôts ainsi que les subventions versées par différents ministères.
La mission « Relations avec les collectivités territoriales », que j’ai l’honneur de rapporter, ne s’élève qu’à 2, 5 milliards d’euros, soit 2, 6 % de l’ensemble de l’effort financier de l’État en faveur des collectivités. Elle sera présentée dans la deuxième partie de notre débat.
Notre débat de ce soir est indispensable, car il constitue l’unique moment où nous pouvons engager une discussion à partir d’une approche globale des relations financières entre l’État et les collectivités territoriales.
Pour le reste, chacun peut se reporter au fameux « jaune » budgétaire, « Effort financier de l’État en faveur des collectivités territoriales », qui illustre cette vision consolidée et dont je voudrais saluer la qualité.
Cette année, la suppression de la taxe professionnelle conduit à différencier, d’une part, une vision à périmètre constant et, d’autre part, l’évaluation prenant en compte l’impact de cette réforme.
Ainsi, au cours de l’exercice 2010, le budget de l’État devrait donc financer, en plus des 97, 5 milliards d’euros que j’ai évoqués, une « compensation relais », dont le montant doit s’établir légèrement en dessous de 32 milliards d’euros.
Au total, et dans la mesure où les dégrèvements d’impôts locaux seront réduits d’environ 3 milliards d’euros par la réforme de la taxe professionnelle, l’effort financier consolidé envers les collectivités territoriales s’élèvera à 126, 8 milliards d’euros.
Quelques faits marquants sont à relever dans ce projet de dotation aux collectivités.
Tout d’abord, le rythme de progression des dotations dites « sous enveloppe » sera, en 2010, de 1, 2 %, soit le taux d’inflation prévisionnelle retenu par le projet de loi de finances. Il faut souligner que ce rythme est comparable à celui des dépenses de l’État, hors plan de relance. Cette évolution des transferts financiers aux collectivités territoriales s’inscrit donc dans un même effort de redressement des finances publiques.
Parmi ces concours financiers, la dotation globale de fonctionnement, comme l’ensemble des prélèvements sur recettes, enregistrera un taux de progression égal à la moitié de celui de l’enveloppe elle-même, soit 0, 6 %.
Mais le nouvel impact du recensement et de l’évolution de l’intercommunalité doit être soustrait de cette variation. En conséquence, le complément de garantie des communes, qui représente 5, 2 milliards d’euros, soit 22 % en moyenne de la dotation globale de fonctionnement, baissera de 2 % en 2010.
Initialement prévue par le Gouvernement à 3, 5 %, cette baisse permettra néanmoins de dégager 131 millions d’euros en faveur de la péréquation.
Compte tenu de cette modification apportée par l’Assemblée nationale, les variables d’ajustement dans la dotation forfaitaire pourraient baisser de 6, 8 %, contre 3, 6 % dans le projet de loi initial.
Mes chers collègues, il faut donc s’attendre, malgré cet ajustement apporté par les députés, à une progression très faible, voire à une stagnation ou à une baisse, de la DGF, la dotation globale de fonctionnement, pour de nombreuses collectivités.
Quant au Fonds de compensation pour la TVA, il évoluera plus librement. Par rapport à 2009, il augmentera ainsi de 6, 4 %, soit 375 millions d’euros, ce qui le portera à 6, 3 milliards d’euros en 2010.
Son versement anticipé, décidé en 2009 dans le cadre du plan de relance, est un succès, tant pour les collectivités locales que pour le soutien à notre économie. Les 20 000 conventions signées ont permis de verser 3, 8 milliards d’euros de compensations supplémentaires en 2009, ce qui correspond à une commande publique de 55 milliards d’euros.
Toutefois, certaines collectivités ont engagé les investissements prévus dans leurs conventions alors qu’elles ne pourront pas régler leurs dépenses d’ici au 31 décembre 2009.
Le Gouvernement a fait part de son accord pour assouplir l’éligibilité au dispositif. Il sera donc possible de prendre en compte non pas seulement les paiements effectifs, mais aussi les engagements de dépenses.
Il s'agit d’une avancée significative, qui répond aux attentes des élus, mais qu’il faut maintenant traduire dans le projet de loi de finances. Plusieurs amendements ont d’ailleurs été déposés en ce sens.
Lors du congrès des maires qui s’est tenu avant-hier, le Premier ministre a également proposé de prolonger le versement anticipé du FCTVA en 2010 : les collectivités territoriales qui s’engageront par convention à investir l’an prochain au moins autant que la moyenne des trois dernières années recevront donc deux ans de FCTVA, correspondant aux investissements de 2008 et de 2009. Sur ce point également, un amendement a été déposé par le groupe UMP.
Dans cette période de morosité, il s'agit d’une bonne nouvelle pour les collectivités. Ce dispositif est un encouragement fort à l’investissement et il permet de nourrir la dynamique indispensable à la relance engagée par les collectivités.
Je souhaiterais maintenant aborder quelques points relatifs à la péréquation. La révision constitutionnelle de 2003 a consacré cette dernière au rang d’objectif de valeur constitutionnelle. Dans ce contexte budgétaire tendu, les sommes qui lui sont consacrées sont particulièrement importantes pour l’équilibre des budgets des collectivités les plus fragiles, en ville comme à la campagne.
S’agissant de la DSU, la dotation de solidarité urbaine, sa majoration de 70 millions d’euros en 2010, votée à l’Assemblée nationale, va dans le bon sens. Elle devrait aussi conduire à un taux de progression identique, soit 6 %, de la DSR, la dotation de solidarité rurale, si le CFL, le comité des finances locales, reste fidèle à sa doctrine de liaison entre les rythmes de progression de la DSU et de la DSR.
Mes chers collègues, je ferai à présent un point sur la péréquation départementale, qui a fait l’objet d’une réforme en 2005.
Les vingt-quatre départements historiquement éligibles voient leurs dotations stagner. Cette situation est préoccupante…
… dans cette période de crise, qui a provoqué une baisse sensible de leurs recettes. C’est pourquoi je plaide pour la garantie d’une reprise de l’évolution de cette dotation dès 2010.
Enfin, je dirai un mot de la péréquation régionale, qui a déjà suscité un débat ici, l’an dernier à la même époque.
Le rapport que j’ai présenté à la commission des finances a permis de dresser un bilan nuancé de ce dispositif, et cela pour plusieurs raisons. Ainsi, sa performance ne semble pas négligeable au regard de la faiblesse des sommes engagées – 170 millions d’euros, soit 3, 15 % de la DGF régionale –, mais certains dysfonctionnements ont été identifiés, à savoir des effets de seuil brutaux, l’utilisation d’un indicateur de ressources imparfait et, surtout, une dualité peu cohérente entre les critères de son éligibilité et ceux de sa répartition.
Au terme de ce travail, il apparaît clairement que, pour être plus juste, la péréquation régionale devrait mieux prendre en compte la réalité des territoires, en rapprochant notamment les critères d’éligibilité des règles de calcul de la répartition des dotations.
Tel est le sens d’un amendement adopté par la commission des finances. Cette disposition mérite encore d’être affinée à ce stade du débat, mais je souhaiterais savoir, madame la ministre, monsieur le ministre, si le Gouvernement envisage aussi de remédier à ces imperfections, qui sont parfois fatales aux régions les plus fragiles.
Je voudrais à présent aborder rapidement la question de la mise en place de la taxe carbone, qui s’appliquera également à nos collectivités territoriales.
Jusqu’à présent, aucune contrepartie n’était prévue pour les collectivités, ce qui a provoqué l’inquiétude des élus. Comme plusieurs de nos collègues, j’ai d’ailleurs alerté le Gouvernement sur ce sujet.
Le Premier ministre, qui est intervenu avant-hier à l’occasion du quatre-vingt-douzième congrès des maires et des présidents de communautés de France, apparaît rassurant sur ce point. Il propose la création d’un fonds, placé auprès de l’ADEME, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, dont le montant correspondra à la taxe carbone versée par les collectivités territoriales et qui contribuera à financer les investissements consentis par ces dernières pour réaliser des économies d’énergie.
Je veux saluer cette proposition, qui permettra de constituer un outil efficace pour accélérer la mise aux normes énergétiques du patrimoine immobilier des collectivités. Reste, là encore, à formaliser cette avancée, et je souhaiterais connaître, madame la ministre, monsieur le ministre, les modalités pratiques de mise en place de ce fonds à travers le projet de loi de finances.
Pour terminer, je présenterai quelques remarques rapides sur le projet de suppression de la taxe professionnelle, en précisant que je souscris, pour l’essentiel, aux propositions de M. le rapporteur général de la commission des finances.
Je ne reviendrai pas sur le calendrier qui nous a été proposé et qui a déjà fait couler beaucoup d’encre. Nous sommes en effet un certain nombre ici à penser que le débat ne peut être figé avant que nous ne connaissions la nature des compétences que les collectivités auront à exercer demain.
Sur ce point, j’ai cru comprendre que notre rapporteur général avait entendu le message. Un nouveau rendez-vous législatif, en 2010, sera de nature à apaiser fortement les tensions actuelles.
Lors des différentes assemblées générales de leurs associations nationales, les élus ont manifesté de fortes inquiétudes face aux effets possibles de cette réforme, à savoir la réduction du lien entre les entreprises et le territoire, l’affaiblissement de l’autonomie fiscale des collectivités et le risque de transfert d’une nouvelle charge fiscale vers les ménages.
En l’état initial du texte, ces inquiétudes sont légitimes, et nos élus locaux attendent beaucoup du Sénat pour être rassurés.
Comme vous l’avez souligné vous-même, monsieur le rapporteur général, nous devons tranquilliser nos élus, et le travail actuel de notre commission des finances va dans ce sens.
Le principe de la mutualisation des recettes sur le bloc « département-région », avec des critères physiques de répartition, est « péréquateur », et j’y suis favorable. La territorialisation des recettes sur le bloc communal renforce quant à elle le lien entre l’économie et le territoire, et je l’approuve également.
J’évoquerai simplement trois points qui me semblent devoir être pris en compte dans nos débats.
En premier lieu, il est nécessaire, à mon avis, d’affecter une fraction plus importante de la cotisation sur la valeur ajoutée au bénéfice du bloc communal – ce point de vue est partagé par M. le rapporteur général –, qui, je le rappelle, assure des compétences de développement économique sur le terrain. Je tiens également à rappeler que 90 % des recettes fiscales des EPCI à taxe professionnelle unique proviennent de la taxe professionnelle.
En deuxième lieu, et toujours à propos de la contribution sur la valeur ajoutée affectée au bloc communal, le dispositif actuel pénalise fortement les territoires ruraux, où l’on trouve souvent un tissu d’entreprises de petite taille et dont la base d’imposition va donc s’effondrer.
L’option d’une répartition de la cotisation sur la valeur ajoutée sur la base d’un taux unique descendant et prenant en compte la valeur ajoutée de toutes les entreprises du territoire serait par conséquent plus juste.
En troisième lieu, et enfin, cette réforme, pour être équitable, ne peut sanctuariser les inégalités territoriales actuelles en matière de richesse fiscale. Il s’agit d'ailleurs de l’effet pervers de la compensation pérennisée.
Nous avons donc une occasion historique de répartir plus justement les fruits de ce nouvel impôt local, et il ne faut pas la manquer.
Dans cette perspective, la création d’un fonds de péréquation alimenté par une fraction du produit de la future contribution sur la valeur ajoutée serait déterminante. C’est ce que souhaitait la commission présidée par Claude Belot. Le Premier ministre, avant-hier, a été sensible à cette proposition, comme il l’a fait remarquer. C’est aussi la volonté de nos collègues députés, MM. Jean-Pierre Balligand et Marc Laffineur.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, aux termes de cette intervention, je voudrais formuler un vœu.
Les élus attendent beaucoup du Sénat dans le contexte actuel, qui est caractérisé par des inquiétudes sans précédent dans la plupart des collectivités et par des tensions dans nos territoires et dans l’opinion, alors que, en cette période de crise, une grande cohésion est plus que jamais nécessaire dans notre pays.
Aussi, je forme le vœu que, au terme de notre débat, nous trouvions, ici au Sénat, dans un climat apaisé, une solution de consensus à travers laquelle l’administration décentralisée de notre territoire serait réaffirmée, au même titre que l’autonomie fiscale de nos collectivités.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP. – M. Jacques Mézard applaudit également.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures quinze.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à vingt heures vingt-cinq, est reprise à vingt-deux heures quinze.