Intervention de Jean-Michel Baylet

Réunion du 19 novembre 2009 à 15h00
Loi de finances pour 2010 — Suite de la discussion d'un projet de loi

Photo de Jean-Michel BayletJean-Michel Baylet :

S’agissant de la taxe professionnelle, depuis les réformes portées par Alain Juppé et Dominique Strauss-Kahn, les entreprises comprennent bien que ce prélèvement a aussi une fonction économique et qu’il leur est restitué, certes indirectement, par le biais des investissements que les collectivités locales réalisent en matière d’infrastructures routières, de formation ou de haut débit, par exemple.

Aussi, mes chers collègues, est-il opportun de programmer une telle réforme dans le contexte économique que je viens de rappeler ?

Il faut le reconnaître : la crise a fortement mobilisé les collectivités locales, qui ont pris part aux politiques de relance. Nous qui travaillons sur le terrain, nous avons besoin, aujourd’hui plus que jamais, de sérénité et de clarté pour exercer nos responsabilités.

Or, même si les débats parlementaires lèvent progressivement le voile sur la réforme de la TP, bien des incertitudes demeurent.

La commission des finances tente un compromis pour calmer la grogne qui s’exprime ici sur toutes les travées, à droite comme à gauche, mais le Gouvernement s’entête à vouloir faire passer coûte que coûte, au forcing, une réforme rejetée de toutes parts. Il reste sourd aux messages des parlementaires de tous horizons, qui relaient pourtant le désarroi de milliers d’élus locaux.

Les maires, les conseillers généraux, les conseillers régionaux l’ont encore rappelé cette semaine à Paris à l’occasion du congrès des maires de France : ils s’opposent aux dispositions prévues dans le cadre du projet de loi de finances parce qu’elles ne sécurisent pas les ressources de toutes les collectivités – j’y insiste –, parce qu’elles ne règlent pas la question des dépenses de solidarité, ni pour le passé ni pour l’avenir, parce qu’elles portent atteinte à l’autonomie fiscale des départements et parce qu’elles transfèrent sur les ménages le poids de l’impôt.

La suppression de la TP heurte, vous le savez, le principe d’autonomie financière inscrit dans la Constitution. Ce projet de loi fait peu de cas de l’article 72-2 introduit par la réforme constitutionnelle de mars 2003, et le dispositif de remplacement de la TP déplacera le niveau de la fameuse part prépondérante.

Certes, la TP sera partiellement compensée par le produit d’une nouvelle taxe, la CET, la contribution économique territoriale. Toutefois, sur les quelque 22 milliards d’euros que rapportait la taxe professionnelle, il manque toujours près de 10 milliards d’euros. Pour nous les rendre, le Gouvernement a donc choisi l’option des ressources transférées par l’État : frais d’assiette et de recouvrement, frais d’admission en non-valeur, droits de mutation à titre onéreux, DMTO, taxe spéciale sur les conventions d’assurance, TSCA, taxe sur les surfaces commerciales, Tascom, dotations budgétaires…

Autant dire que le Gouvernement a fait le choix d’une recentralisation, en nous ramenant sous le régime des dotations budgétaires, celui d’une époque révolue depuis les lois de décentralisation, c'est-à-dire depuis 1982.

De surcroît, cette réforme contredit pleinement le principe de la libre administration des collectivités locales, car la multiplication des dotations porte atteinte au droit fondamental des collectivités de fixer et de prélever librement l’impôt.

J’ajoute que ce dispositif entraîne une rupture du lien contractuel entre les citoyens et leurs collectivités. Cette recentralisation nuit donc au pacte qui soude les individus et leurs territoires ; en l’occurrence, la suppression de la TP brise aussi le lien fiscal entre les entreprises et la collectivité.

En outre, s’agissant des dotations, n’oublions pas que celles-ci ne sont pas des recettes actives, et la suppression d’une ressource dynamique privera les collectivités d’un levier fiscal indispensable pour lancer des actions économiques et sociales.

Enfin, les dotations constituent une source d’incertitudes pour les collectivités. Madame, monsieur les ministres, comment bouclerons-nous nos prochains budgets ? Au-delà de 2010, comment croire que la compensation sera intégrale quand on a en mémoire les promesses de dédommagement à l’euro près, formulées au moment de chaque nouveau transfert de compétences, mais jamais tenues dans les faits ?

Je me souviens encore de Jean-François Copé, alors ministre délégué au budget, en visite à Moissac, dans le Tarn-et-Garonne, le département dont je suis l’élu, évoquant le RMI-RMA et s’engageant à compenser à l’euro près le transfert de cette prestation !

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