Je souhaite d’ailleurs attirer votre attention, mes chers collègues, sur le sens du débat budgétaire que nous avons aujourd’hui : que valent les prévisions du Gouvernement, alors que nous examinerons dans quelques mois, voire quelques semaines, un collectif destiné à financer des dépenses d’investissement liées au grand emprunt, dépenses qui devraient naturellement figurer dans le présent budget ? Nous risquons de finir l’année 2010 avec une situation budgétaire aussi dégradée que cette année.
Nous en sommes au point où le retour sous les limites fixées par le pacte de stabilité européen n’est désormais plus envisagé par le Gouvernement avant 2014, alors que la Commission européenne l’exige dès 2013, et ce malgré des hypothèses de croissance économique retenues particulièrement optimistes, pour ne pas dire irréalistes !
Il est difficile de croire, en effet, que nous connaîtrons une croissance de 2, 5 % par an jusqu’en 2014, une augmentation de la masse salariale de 5 % par an en valeur, ainsi qu’une baisse de la dépense publique de 1 % par an. Personnellement, au vu de la conjoncture économique mondiale et de la politique menée depuis 2007, j’ai un peu de mal à souscrire à cette vision.
Le Gouvernement nous explique ces déficits – Mme Lagarde et M. Woerth en ont fait brillamment la démonstration ce matin – par la situation exceptionnelle due à la crise. En 2009, nous avions un budget de gestion de la crise, comprenant les différentes mesures du plan de relance ; en 2010, nous aurons un budget de gestion de la sortie de crise, ce qui justifie l’énorme niveau de déficit budgétaire prévu pour l’année prochaine.
Cette distinction habile permet de justifier la politique attentiste défendue par le Gouvernement en matière de déficits : selon cette analyse, ce n’est pas le moment de réduire les dépenses, de réexaminer les dépenses fiscales, ni de revenir sur les avantages fiscaux inefficaces. Par conséquent, 2010 sera une année charnière, la dernière avant le retour à une certaine rigueur budgétaire, nous assure-t-on. En attendant, les déficits se creusent toujours plus et la dette explose.
Je n’évoquerai pas en cet instant les conséquences de ce niveau de déficits sur notre dette, puisque je m’exprimerai mercredi prochain, dans le cadre du débat consacré à l’évolution de la dette.
Certes, j’entends bien l’argument du Gouvernement : la situation extrêmement dégradée de nos comptes publics s’explique, pour une grande part, par la crise économique qui a réduit fortement les rentrées fiscales. Je ne reprendrai pas les chiffres cités par M. le ministre ce matin. Bien entendu, je ne suis pas favorable à une politique de rigueur excessive qui « asphyxierait » le moteur de la croissance et de la reprise. C’est la raison pour laquelle j’ai approuvé globalement le plan de relance.
Cependant, la France est l’un des rares pays européens à ne pas avoir réduit son déficit public pendant le cycle de croissance qui a précédé la récession. Je ne prendrai qu’un exemple pour montrer que nous payons aujourd’hui le prix de notre attitude irresponsable de ces dernières années. En 2005, la France et l’Allemagne avaient un déficit comparable : 3 % en France, contre 3, 4 % en Allemagne. Trois ans plus tard, en 2008, à la veille de la récession, l’Allemagne avait ramené son déficit à 0 %, alors que le nôtre s’élevait encore à 3, 4 % ! Conséquence : aujourd’hui, l’Allemagne a un déficit de 3, 7 %, alors que le nôtre dépasse les 8 % !
Cela veut dire également que, à l’issue de la crise, la France se trouvera en plus mauvaise posture que ses partenaires qui, eux, grâce à une situation de départ plus saine, s’en sortiront plus rapidement. Contrairement à ce que nous dit le Gouvernement, laisser perdurer les déficits, loin de maintenir l’activité et de relancer l’économie, ralentit le rythme de la croissance et de la sortie de crise.
À ce niveau, le déficit des finances publiques est devenu clairement insoutenable. Il est aujourd’hui évident, et j’espère que chacun dans cette enceinte en a conscience, que la seule reprise économique – qui sera lente et molle, de l’ordre de 1, 7 % à 1, 8 %, de l’aveu même du Gouvernement – ne permettra pas de résorber ce déficit. Il faut donc aller plus loin dans la réduction des dépenses et, surtout, dans la pérennisation des recettes, voire leur augmentation.
Je ne citerai que quelques chiffres pour illustrer mon propos. Le poids de nos dépenses publiques, dont une grande part est due à l’augmentation des dépenses sociales et des dépenses des collectivités territoriales et qui n’ont cessé de croître, représentera presque 56 % de notre richesse nationale en 2010 ; c’est un record ! L’ensemble des dépenses publiques montera à 1100 milliards d’euros pour un PIB de 1970 milliards d’euros.
De l’autre côté, nous assistons à la chute des prélèvements obligatoires, qui est la conséquence, pour partie, de mesures fiscales contestables. Les taux de prélèvements obligatoires sont ainsi passés, dans notre pays, de 43, 9 % du PIB en 2006 à 42, 8 % en 2008, donc avant la crise. Ils sont tombés à 40, 7 % du PIB en 2009. Sur dix ans, les prélèvements obligatoires ont été réduits de 66 milliards d’euros à la suite de mesures pour partie inappropriées et injustifiées.
Ainsi, pour ne prendre qu’un exemple qui me tient particulièrement à cœur, était-il responsable de créer une nouvelle dépense fiscale, la baisse de la TVA dans la restauration, dont la pertinence est particulièrement discutable ?