Intervention de Claude Biwer

Réunion du 19 novembre 2009 à 15h00
Loi de finances pour 2010 — Suite de la discussion d'un projet de loi

Photo de Claude BiwerClaude Biwer :

Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, après avoir entendu de nombreux témoignages sur des sujets variés, je limiterai mon intervention à la réforme de la taxe professionnelle, sur laquelle je voudrais vous confier à la fois mes inquiétudes et mes espoirs.

Le Président de la République a donc annoncé en février dernier la suppression des investissements productifs de l’assiette de la TP, en précisant qu’une telle mesure était nécessaire pour « garder des usines en France ».

La question de l’incidence de la taxe professionnelle sur les délocalisations est à l’évidence parfaitement légitime, mais est-elle totalement fondée ? En effet, lorsqu’on interroge les chefs d’entreprise sur les raisons qui pourraient les pousser à délocaliser totalement ou partiellement leurs productions en Europe de l’Est, en Afrique du Nord ou en Asie, ceux-ci évoquent rarement le poids de la TP et beaucoup plus le coût de la main-d’œuvre et des charges sociales.

De ce fait, je ne suis pas certain que la suppression de la taxe professionnelle sur les investissements suffira à freiner les délocalisations. Cela ne veut bien sûr pas dire que cette taxe ne doit pas être modernisée.

La réforme envisagée ne concerne qu’un article du projet de loi de finances pour 2010, mais celui-ci couvre tout de même 135 pages, ce qui le rend quelque peu inintelligible. Or, s’il est une réforme qui a trait directement au fonctionnement des collectivités territoriales, c’est bien celle-ci.

Le dispositif proposé, à savoir le remplacement d’un impôt dynamique comme la TP par une cotisation locale d’activité – « cotisation foncière des entreprises » selon l’appellation retenue par la commission des finances – et par une cotisation sur la valeur ajoutée, constitue-t-il une bonne solution ? Rien n’est moins sûr si l'examen au Sénat ne permet pas de faire bouger quelques lignes importantes. Je compte sur vous, madame, messieurs les ministres, pour nous aider en ce sens dans la mesure du possible.

Si j’en juge par les simulations qui ont été opérées, les 18 millions d'euros perçus actuellement au titre de la taxe professionnelle par les communautés de communes meusiennes passeraient à 11 millions de taxes et recettes nouvelles. Quant au département lui-même, il subirait une diminution de ses recettes dans des proportions similaires.

À l’évidence, cette perte de recettes devrait être compensée par des dotations de l’État. Mais si, à compter de 2011, les collectivités ne doivent trouver leur salut que sous cette forme, elles vont au-devant de grandes difficultés. Il serait alors nécessaire d’instaurer une péréquation encore plus importante que celle que nous pouvons imaginer.

L’expérience nous le prouve, il n’y a rien de plus aléatoire que les dotations budgétaires de l’État. Il est donc à craindre que, dès 2012, cette garantie de ressources fonde comme neige au soleil, dans la mesure où l’État, surendetté et désargenté, voudra lui aussi faire des économies. Dans ces conditions, le versement de la dotation envisagée risque d’être peu pérenne, et c’est bien là que réside le grand danger de la réforme.

En ce qui concerne, plus précisément, la cotisation sur la valeur ajoutée, je m’interroge sur la clarté du texte en la matière. Il nous est indiqué que cette recette serait affectée pour 20 % au bloc communal, c'est-à-dire les communes et les intercommunalités. Or, dans une note diffusée par les services de Bercy comme dans les simulations dont je dispose, il n’y a aucune recette prévue à ce titre pour les communes de mon propre département, ce qui, bien sûr, ne fait qu’accroître un peu plus mes inquiétudes.

Par ailleurs, si les députés ont obtenu du Gouvernement la « territorialisation » de la cotisation sur la valeur ajoutée, ils se sont arrêtés au milieu du gué : en effet, la contrepartie à cette territorialisation consisterait, fort logiquement, à abaisser, peut-être à 150 000 euros, le seuil au-delà duquel les entreprises concernées devraient acquitter une cotisation assise sur la valeur ajoutée. J’ose espérer, madame, messieurs les ministres, que vous pourrez nous rassurer sur ce point avant l'examen des amendements. J’en ai moi-même déposé quelques-uns sur ce thème.

En effet, qu’adviendra-t-il pour les communautés qui ont opté pour la TPU et qui n’ont sur leur territoire que des entreprises dont le chiffre d’affaires ne dépasse pas les 500 000 euros ? Cette question m’inquiète au plus haut point.

Pensons aux communes et aux EPCI qui ont fait des efforts en vue de développer des zones industrielles ou artisanales. Pour poursuivre dans cette voie, les élus n’auront d’autre choix que d’augmenter les impôts locaux, ce qui n’apportera guère d’amélioration et ne permettra certainement pas de créer des conditions propres à attirer les entreprises.

Quant au département, traditionnel levier pour la relance de certaines activités, une éventuelle diminution de ses recettes en 2011 serait à l’origine de difficultés qui ne manqueraient pas de se répercuter sur l’ensemble des collectivités territoriales, les communes, en particulier.

J’ajoute que la perspective de pouvoir encaisser la TP était un élément fort apprécié par l’ensemble des collectivités.

Adopter les principes généraux de la réforme de la présente loi de finances, pourquoi pas ? Encore faudra-t-il mettre ensuite à profit le temps qui nous reste jusqu’à juin 2010 pour élaborer un nouveau texte : il devra mettre en œuvre ces principes sans pénaliser aucune collectivité territoriale.

À l’issue du débat dont j’attends beaucoup, j’espère appartenir à la majorité « lucide et courageuse », pour reprendre l’expression de Jean-Pierre Fourcade, qui votera ce texte, que vous aurez accepté d’amender.

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