Intervention de Éric Woerth

Réunion du 19 novembre 2009 à 15h00
Loi de finances pour 2010 — Suite de la discussion d'un projet de loi

Éric Woerth, ministre :

Le respect de cette règle aura une incidence réduite sur le déficit, puisque le montant de l’emprunt n’est pas aussi énorme que l’on a bien voulu le dire.

J’y insiste donc, le grand emprunt nous oblige à nous interroger sur la place des investissements dans les dépenses publiques, ainsi que sur la nature et la recomposition de la dépense publique. Nous devrons également respecter une vraie logique patrimoniale, et nous le ferons : en effet, la commission Juppé-Rocard a montré que 60 % de ses propositions d’investissement donnent lieu à la constitution d’actifs.

Nombre d’intervenants se sont exprimés sur la fiscalité et les dépenses fiscales. Je tiens simplement à rappeler que notre gouvernement a bien fait baisser la fiscalité : depuis 2007, les impôts ont baissé de 16 milliards d’euros, dont 10 milliards au profit des ménages – pas seulement des plus riches, madame Bricq ! – et 6 milliards en faveur des entreprises. En soutenant les entreprises, nous soutenons aussi les ménages, car leurs intérêts sont les mêmes : les ménages travaillent dans des entreprises, lesquelles leur permettent de vivre, et réciproquement ! Ce cycle économique est tout à fait classique, et nous devons garantir son bon fonctionnement.

Certains d’entre vous accusent notre fiscalité d’être injuste et nous reprochent de ne pas combattre suffisamment les niches fiscales : je ne répéterai pas l’intégralité des critiques formulées par M. Vera, Mme Bricq et M. Angels. Pour ma part, je me rallierai plutôt à la position de Christian Gaudin ou du rapporteur général, Philippe Marini : nous devons mieux maîtriser les avantages fiscaux, en procédant à une évaluation de chacune de ces niches. Ce projet de loi de finances comporte de nombreuses mesures relatives aux niches fiscales : nous aurons de nombreuses discussions sur ce sujet, vous le verrez. Christine Lagarde vous l’a dit tout à l’heure, nous avons diligenté une très importante enquête afin d’évaluer les niches fiscales. Cette étude prend du temps, comme tout travail sérieux, mais nous pourrons mener des débats toujours mieux informés sur les 467 ou 469 niches que compte aujourd’hui notre législation fiscale.

Je tiens d’ailleurs à rappeler que les règles que vous avez votées dans le cadre du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012, notamment celle du gage, sont respectées, contrairement à ce que croient certains parlementaires. Cette règle n’est certes pas respectée « en photographie », mais elle l’est « en vidéo », sur au moins deux ans.

Prenons le cas de la TVA sur la restauration, qui emporte, je crois, l’unanimité sur ces travées. Nous la « payons » en une fois, alors qu’une suppression de niche fiscale sur d’autres impôts, par exemple sur l’impôt sur le revenu, demandera une montée en puissance d’un, deux ou trois ans.

Par conséquent, nous vous présenterons également un bilan équilibré, à l’horizon de 2013, des décisions prises par le Parlement dans le cadre de la loi de finances pour 2009 en termes de niches fiscales.

Pour continuer sur notre politique de redistribution, j’évoquerai la fiscalité. Nous pouvons longuement débattre pour savoir si notre fiscalité est juste ou injuste… Tout ce que je sais, c’est que nous la faisons considérablement évoluer dans ce projet de budget, probablement comme jamais auparavant. Après les niches fiscales qui ont été plafonnées l’année dernière, je citerai, cette année, la réforme de la taxe professionnelle, l’imposition forfaitaire annuelle, la taxe carbone. Ces évolutions ne sont pas négligeables !

Toutefois, madame Bricq, je pense que nous ne devons pas apprécier la justice d’un système au travers de la seule fiscalité. Dans le cas de la France, il faut aussi prendre en compte l’ensemble de notre protection sociale, c'est-à-dire bien voir comment se forgent les transferts sociaux. Ainsi, le revenu de solidarité active, le RSA, correspond à une nouvelle politique de transfert, certes plus onéreuse, mais permettant d’inciter le bénéficiaire à reprendre un travail.

Sur les 20 % de personnes les plus modestes, l’accroissement de revenu après redistribution a atteint 47 % en 2008, contre 42 % en 2006. Par conséquent, il y a bien, en France, de plus en plus de justice sociale au travers de ces mécanismes de redistribution.

Le niveau de vie moyen des 20 % de personnes les plus aisées en France est estimé à environ 54 000 euros et passe à 43 000 euros après redistribution, ce qui signifie que 10 000 euros, soit pratiquement le quart des sommes gagnées, vont aller d’une manière ou d’une autre dans le système de redistribution.

Il ne faut jamais oublier cela et je pense, madame Bricq, que vous avez bien tort de regarder uniquement la fiscalité. Il faut prendre en compte l’ensemble : la fiscalité, les prélèvements et les redistributions.

S’agissant des collectivités locales, je partage l’analyse de M. de Legge sur l’autonomie fiscale, qui doit tout simplement être conciliée avec la péréquation. Bien sûr, l’autonomie fiscale est absolument nécessaire : ce point est même inscrit dans la Constitution et ne fait donc pas débat. Toutefois, l’autonomie fiscale peut prendre beaucoup de formes différentes. Dans certains pays, d’ailleurs, elle se traduit surtout par des dotations d’État, et ce malgré une autonomie politique très forte. Les deux aspects ne doivent donc pas être liés et les réformes fiscales qui ont été menées ménagent, bien évidemment, l’autonomie fiscale de nos collectivités.

Pour ce qui est du niveau des dotations, je conteste formellement les propos de certains sénateurs : non, les dotations ne baissent pas ; elles augmentent simplement moins vite qu’avant. Ce n’est pas tout à fait la même chose ! La diminution d’une augmentation n’est pas une régression !

Il est vrai que, l’année dernière, nous avions eu un débat un peu confus sur cette question des dotations et j’en étais responsable, ayant mélangé le Fonds de compensation pour la TVA et les dotations. J’ai entendu ce que les sénateurs, notamment, m’ont dit à voix assez forte et nous avons pris l’initiative d’isoler le FCTVA ; nous évitons ainsi tout procès d’intention quant à notre volonté supposée d’en faire une dotation interne. Ce FCTVA, nous l’assumons et le ferons progresser, cette année, de 6 %.

Par ailleurs, l’ensemble des autres dotations progresseront à un taux avoisinant la moitié de l’inflation. L’Assemblée nationale ayant modifié un peu le projet pour faire en sorte que la DGF augmente à hauteur de 0, 9 %, la progression sera un peu moins forte pour le reste des dotations. Quoi qu’il en soit, l’enveloppe globale sera en croissance de 0, 6 %.

Je vous rappelle tout de même, mesdames, messieurs les sénateurs, que les concours de l’État se sont accrus de 18 % depuis 2003, soit bien plus que les dépenses de l’État lui-même. Par ailleurs, celui-ci a vu ses recettes fiscales diminuer de 20 %, alors que ses dotations aux collectivités locales ont augmenté de 2 %. L’État joue donc bien un rôle d’« absorbeur de crise » au bénéfice des collectivités locales ; c’est normal, mais il faut aussi, de temps en temps, savoir le reconnaître !

Monsieur Baylet, vous avez évoqué l’APA. Je crois que, à un moment donné, les choses doivent être dites : le gouvernement Jospin n’a compensé qu’à hauteur d’un tiers cette prestation sociale, qui représente une dépense énorme pour les départements.

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