Madame la ministre, vous ne pouvez pas dire que le projet de loi de finances pour 2010 garantit la libre administration des collectivités territoriales en leur assurant la libre disposition de leurs ressources. Comme nous l’avons dit lors de la discussion générale, ce texte réduit le droit des élus locaux à lever l’impôt, qui est une composante essentielle de l’autonomie financière des collectivités territoriales, à la portion congrue.
La seule faculté qui sera laissée aux élus locaux sera, en effet, de déterminer les taux d’imposition à la cotisation locale d’activité, soit un élément de ressources nettement plus faible que l’actuelle taxe professionnelle.
Mes chers collègues, avant d’appuyer ma démonstration par d’autres arguments, permettez-moi de faire une citation :
« Le processus de décentralisation, initié dans les années soixante-dix avec notamment l’allégement des tutelles et la globalisation des concours financiers de l’État aux collectivités territoriales, puis relancé et consacré, de manière irréversible, par les lois Defferre de 1982 et 1983, a été, à l’évidence, bénéfique pour notre pays.
« Oxygène de la République, la décentralisation a libéré les initiatives et les énergies locales.
« Elle a, par ailleurs, accru l’efficience de l’action publique grâce aux bienfaits de la gestion de proximité. C’est ainsi, par exemple, que pour l’entretien et la construction des collèges et des lycées, les départements et les régions ont fait plus, mieux et plus vite que l’État.
« De même, c’est la saine et sage gestion financière des collectivités locales qui, en dégageant des excédents budgétaires, a permis à la France d’être dans les “clous de Maastricht” et de se qualifier pour l’euro.
« Enfin, la décentralisation a contribué, même si des progrès restent à accomplir, à donner corps et âme à la démocratie locale à un moment où les inquiétudes suscitées par l’inéluctable mondialisation exacerbent notre besoin d’enracinement.
« Pourtant, force est de constater, vingt ans après les lois Defferre, que la décentralisation, en dépit de son bilan globalement positif, apparaît comme “à bout de souffle”, “au milieu du gué” et surtout “à la croisée des chemins”. »
Ces phrases ne sont pas le fruit d’une réflexion menée par notre groupe, mais sont extraites de l’exposé des motifs – dont chacun ici, j’en suis sûr, se souvient – d’une proposition de loi constitutionnelle déposée il y a quelques années par le président Poncelet. Notons d’ailleurs que cette dernière a été retirée de la liste des textes en attente, au seul motif de l’insertion de ses principales dispositions dans la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 relative à l’organisation décentralisée de la République.
Le projet de loi constitutionnelle en question avait d’ailleurs été largement réécrit à l’occasion du débat parlementaire puisque ce sont les termes de la proposition de loi sénatoriale qui sont devenus l’essentiel du texte finalement adopté.
De fait, nous sommes aujourd’hui dans une situation originale.
En 2003, M. Raffarin, Premier ministre, et M. Poncelet, président du Sénat, ainsi que la plupart des membres de la majorité sénatoriale encore présents aujourd'hui, adhéraient aux propos que je viens de vous lire. Sept ans plus tard, ils jettent aux orties leurs convictions et s’apprêtent à voter sans trop broncher – hormis une petite « fronde » menée par voie de presse – un projet de loi de finances qui encadre tellement les finances des collectivités territoriales que le sens même de la décentralisation se perd dans les sables de la « rupture démocratique » menée par M. Sarkozy et ses partisans.
Que deviendra la coopération intercommunale quand la suppression de la taxe professionnelle aura conduit à réduire la compensation attribuée par le conseil communautaire à chacune des communes membres ?