Intervention de Isabelle Pasquet

Réunion du 11 février 2010 à 9h00
Indemnités journalières versées aux victimes d'accident du travail — Article 2

Photo de Isabelle PasquetIsabelle Pasquet :

L’article 2 de notre proposition de loi pose le principe de la réparation intégrale de l’ensemble des préjudices subis par les victimes d’accidents du travail ou de maladies professionnelles. Actuellement, ces dernières sont les seules victimes de dommages corporels ne bénéficiant pas d’une réparation intégrale.

Les raisons historiques de cette situation ont déjà été exposées ; je n’y reviendrai pas, mais il faut insister sur le fait que ce régime particulier n’a plus aucune justification aujourd'hui, à part peut-être le souci de ne pas écorner le chiffre d’affaires des entreprises…

La réparation forfaitaire pouvait se comprendre en 1898 ; elle constituait même alors une avancée sociale. Elle est maintenant très défavorable aux victimes et apparaît comme un régime d’exception indigne de notre modèle social.

En effet, le droit à réparation des victimes a évolué vers la réparation intégrale des dommages corporels, même en l’absence de faute prouvée. De plus, notre société n’accepte plus qu’une victime puisse être aussi mal indemnisée.

Le droit, au cours des trente dernières années, a évolué vers l’indemnisation de tous les dommages : préjudice corporel, préjudice moral, perte de revenus, préjudice esthétique, préjudice d’établissement, etc. Tous les régimes ont évolué, à l’exception de celui des AT-MP, qui date de 1898 et qu’il est vraiment urgent de réformer.

Alors que la plupart des victimes sont indemnisées à 100 %, ce dont nous nous réjouissons, pourquoi les victimes d’un préjudice corporel lié au travail restent-elles les seules à ne pas obtenir une réparation intégrale ? Tous les principes juridiques commandent une telle réparation, et nombreux sont les rapports ayant souligné la nécessité d’abandonner la réparation forfaire.

En particulier, le rapport de M. Roland Masse, en 2001, indiquait que « le caractère forfaitaire de la réparation semble en décalage complet avec les évolutions sociales et juridiques à l’œuvre depuis la loi de 1898 et qui se sont accélérées ces dernières années ».

De même, aux termes du rapport de M. Michel Yahiel, remis en 2002, « la législation des accidents du travail souffre d’obsolescence ; dans ces conditions, l’évolution vers la réparation intégrale constitue, au minimum, l’hypothèse la plus vraisemblable, voire, pour une majorité d’acteurs, inéluctable ».

Enfin, selon le rapport de la Cour des comptes de 2001, « le dispositif actuel de couverture des victimes du travail est obsolète, complexe, discriminatoire, inéquitable et juridiquement fragile ».

En évoquant certains régimes d’indemnisation particuliers plus favorables – qu’ils concernent les victimes d’accidents de la circulation, d’aléas thérapeutiques, d’accidents d’aéronefs, de l’amiante ou des essais nucléaires –, nous n’entendons bien évidemment pas opposer certaines victimes à d’autres. Telle n’est pas du tout notre démarche, puisque notre souhait est que toutes les victimes de dommages corporels bénéficient d’une réparation intégrale.

Cette réforme est encore plus urgente depuis que les indemnités journalières des victimes d’AT-MP ont été fiscalisées au nom d’une prétendue « équité fiscale ». Alors, chiche : instaurons l’ « équité » ; c’est précisément ce que nous proposons avec cette proposition de loi ! Si vous entendez traiter ces indemnités journalières comme un salaire de remplacement, il faut alors accorder aux victimes d’AT-MP la réparation intégrale : l’un ne peut aller sans l’autre. D’ailleurs, le MEDEF a fait savoir, en décembre 2009, qu’il n’était pas favorable à la fiscalisation des indemnités journalières, car il savait que cette mesure allait rouvrir le débat sur la réparation intégrale… Voilà qui est fait !

Nous vous demandons, mes chers collègues, de voter cet article, dont l’adoption mettrait fin à une injustice criante.

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