Intervention de Philippe Marini

Réunion du 19 novembre 2009 à 15h00
Loi de finances pour 2010 — Débat général sur les recettes des collectivités territoriales et la suppression de la taxe professionnelle

Photo de Philippe MariniPhilippe Marini, rapporteur général de la commission des finances :

La commission propose également d’appliquer au vote de la cotisation foncière par les communes et intercommunalités en 2010 les règles existantes d’assouplissement, d’ailleurs très encadrées, de la liaison entre les taux des différents impôts locaux. Autrement dit, les règles de « déliaison » que le Sénat a adoptées ces dernières années ou qui ont été créées sur son initiative doivent, à l’évidence, être maintenues en 2010 dans le régime transitoire parce que ce régime est, selon nous, à droit constant. L’année 2010 est une année de transition, et aucune raison ne justifie que le vote des taux pour la cotisation foncière des entreprises n’obéisse pas exactement au même régime que le vote des taux pour l’ancienne taxe professionnelle.

Dans l’attente d’un nouveau dispositif fondé sur les nouvelles impositions locales créées par la réforme, nous allons également vous proposer de geler, pour l’année 2010 et à droit constant, le fonctionnement des fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle.

Voilà l’essentiel du contenu de cet amendement de 35 pages.

En ce qui concerne les dispositions de seconde partie de la loi de finances, nous avons d’ores et déjà pris une orientation en ce qui concerne le calcul de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises.

Vous vous souvenez que, dans son projet initial, le Gouvernement a proposé de répartir le produit de cette cotisation selon une clef dite « macroéconomique », dans une logique de mutualisation des ressources et, pour tout dire, de dotation. La valeur ajoutée n’était pas calculée pour chaque établissement mais constituait un solde comptable au niveau de l’entreprise. Le produit obtenu était ensuite réparti entre les collectivités concernées sous forme de dotation, avec la mise en jeu de différents critères et une pondération entre eux.

L’Assemblée nationale, à mon avis à juste titre, a mis en cause cette construction. Elle a renversé la perspective en optant, contre l’avis du Gouvernement, pour que l’assiette soit territorialisée pour les différentes collectivités bénéficiaires de la cotisation sur la valeur ajoutée. Il faut saluer au passage la liberté d’esprit du Gouvernement, qui a respecté ce vote.

Les taux progressifs demeurent fixés par le barème national, mais l’assiette est déterminée localement, en fonction des effectifs et des locaux industriels.

Cette solution a le mérite de s’appuyer sur un raisonnement clair. Cependant, à mon sens, elle conduit à mettre en évidence la concentration des bases sur certaines parties du territoire : c’est le corollaire de la territorialisation. Elle présente l’avantage d’être la plus propice à l’autonomie financière – et peut-être à nouveau, demain, sait-on jamais, à l’autonomie fiscale – des collectivités locales dont il s’agit. Mais elle a l’inconvénient de devoir être contrebalancée par un système nécessairement complexe de péréquation. On commence en effet par extérioriser des différences de richesse fiscale, en particulier entre les départements et entre les régions, ce qui ne peut manquer de susciter des débats délicats.

Nous avons estimé qu’il fallait concilier la position initiale du Gouvernement et celle qu’a adoptée l’Assemblée nationale. C’est pourquoi la commission des finances vous propose, en premier lieu, un impôt territorialisé pour les communes et leurs groupements, en second lieu, une mutualisation pour les départements et pour les régions.

En ce qui concerne le bloc communal, nous estimons qu’il s’agit là des collectivités les plus proches des bases imposables et les plus proches des entreprises en termes de bassin d’emploi, de bénéfice local des richesses créées, de charges financières induites pour les collectivités, de nuisances éventuelles. Bref, c’est au niveau de l’intercommunalité, ou de la commune si elle n’a pas délégué sa compétence économique, que l’on est le mieux en prise directe avec ces sujets. Sincèrement, nous pensons que la territorialisation est la formule la plus motivante pour que les élus de terrain continuent à se battre et à être compétitifs pour l’accueil concret des entreprises.

Au niveau des départements et des régions, après avoir écouté bon nombre de collègues qui en ont la responsabilité, nous avons pensé qu’il fallait retenir au contraire une formule de mutualisation. Les départements supportent en effet des charges récurrentes et prévisibles, et la stabilité de la ressource leur est, de ce fait, encore plus nécessaire.

La commission des finances estime qu’il convient de faire en sorte, pour les collectivités qui percevront la cotisation sur la valeur ajoutée territorialisée, que leurs recettes dépendent non seulement de la valeur ajoutée des entreprises qui vont être redevables de cette cotisation, c’est-à-dire celles qui réalisent plus de 500 000 euros de chiffre d’affaires, mais également de la valeur ajoutée synthétique de l’ensemble du territoire.

Par conséquent, dans la mesure de nos capacités administratives, cette valeur ajoutée territorialisée nous semble devoir se fonder sur la réalité de l’activité de l’ensemble des entreprises du territoire considéré.

Nous avons en effet constaté, grâce aux travaux de l’excellent professeur Fréville – soyez donc remerciée, madame le ministre, de l’avoir incité à approfondir ses recherches ! –, que les ressources globales qui peuvent être escomptées de la cotisation sur la valeur ajoutée varient selon que l’on se trouve dans un territoire abritant un grand nombre de petites et moyennes entreprises très éparpillées ou, au contraire, dans un territoire dominé par quelques grandes entreprises. Le premier territoire serait largement désavantagé par rapport au second.

C’est pour cela que nous allons vous proposer de retenir un dispositif consistant, pour déterminer les recettes de chaque collectivité, à appliquer à l’ensemble de la valeur ajoutée produite sur son territoire un taux moyen national, calculé en reportant le produit de l’impôt à l’ensemble des bases « valeur ajoutée ». Il nous faut encore quelques jours pour finaliser la mise au point complète de ce dispositif, mais je souhaitais vous en livrer l’esprit.

Vous voyez que, s’agissant de la seconde partie, les quelques jours dont nous disposons seront extrêmement précieux !

Il y a d’autres aspects sur lesquels nous n’avons pas encore tranché. Je me bornerai, à ce stade, à en citer un : il s’agit de la répartition des nouvelles cotisations entre niveaux de collectivités territoriales.

À cet égard, je rappelle que le bloc communal a bénéficié en 2008 de 59 % des recettes de taxe professionnelle, qui ont représenté un montant total de 29 milliards d’euros. Aux termes du dispositif voté par l’Assemblée nationale, le cumul des produits attendus pour l’année 2010 au titre des trois catégories d’impôt économique – cotisation foncière, cotisation sur la valeur ajoutée, imposition forfaitaire sur les entreprises de réseau – représenterait 18, 6 milliards d’euros, dont 47, 2 % bénéficieraient au bloc communal.

S’agissant des départements, la part de produit de taxe professionnelle était de 30, 5 % en 2008. Ils obtiendraient en 2010, selon le texte de l’Assemblée nationale, 33, 7 % de la recette globale des trois nouveaux impôts. S’agissant des régions, les parts sont respectivement de 10, 6 % et de 19, 1 %.

Faut-il poursuivre le mouvement de rééquilibrage qui a été entamé à l’Assemblée nationale ? Faut-il en rester au texte de l’Assemblée nationale ? À ce stade, la commission n’a pas encore tranché cette question.

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