Les politiques d’allégement de la fiscalité des entreprises qui se succèdent depuis 2001 ont toutes entraîné une décrue des prélèvements obligatoires acquittés par les entreprises dans la part du PIB. Cette tendance n’a pas, hélas ! suffi à préserver les sites de production sur notre territoire.
M. le rapporteur général de la commission des finances rappelait fort opportunément ce matin, à cette même tribune, que la suppression de la part « salaires » de la TP, mise en œuvre en 1999 et en 2003, n’a pas davantage freiné les délocalisations.
Mais tout cela n’est déjà plus d’actualité. Après l’annonce brutale par le chef de l’État, nous voici aujourd’hui face à la réforme improvisée par son Gouvernement et nous en sommes là.
Madame la ministre, monsieur le ministre, nous avons le sentiment que vous n’entendez pas la colère des élus. Vous ne tenez pas davantage compte de leurs suggestions. Vous semblez rester sourd à la grogne manifestée par des milliers d’élus à l’occasion du congrès des maires dont je relaie l’exaspération et l’incompréhension.
Tous ces maires, hommes et femmes, qui donnent de leur temps à la République, tous ces maires qui sont au cœur de l’action publique, tous ces maires qui sont au service de nos concitoyens ont besoin d’être écoutés, d’être rassurés et, surtout, d’être certains de pouvoir exercer au quotidien leur mission de proximité. Mais j’ai compris, madame la ministre, monsieur le ministre, que vous étiez prêts à venir expliquer sur place à nos maires le sens de votre projet.
Parce que nous sommes ici dans la « maison des collectivités locales » – et il suffisait d’arpenter le Sénat ces derniers jours pour constater que tous les élus locaux sont ici chez eux –, nous partageons tous dans cet hémicycle cette gravité.
Il est de notre devoir et de notre responsabilité d’y répondre mieux : d’une part, en tentant de supprimer l’article 2 du projet de loi de finances pour 2010 – ce sera l’objet de plusieurs amendements – et, d’autre part, si besoin est, en cherchant la meilleure alternative possible à la suppression de la taxe professionnelle. De ce point de vue, selon moi, tout ou presque reste à faire ! La tâche dépasse les clivages partisans. C’est au Sénat, dit-on, qu’il revient de trouver la solution.
Si le Président la République supprime, c’est à nous, sénateurs de la majorité comme de l’opposition, qu’il revient de reconstruire et d’inventer un système de substitution qui soit à la hauteur de l’enjeu pour nos collectivités et pour la décentralisation à laquelle les Français sont très attachés.
C’est pourquoi les prochains jours ici même vont être décisifs. Les maires comptent sur nous : nous ne devons pas les décevoir !
La commission des finances du Sénat a proposé un dispositif permettant de donner du temps à la réforme. Ce compromis est acceptable si, toutefois, nous parvenons à satisfaire plusieurs revendications exprimées par les élus de tous bords. Elles ont pour objectif de sécuriser, dynamiser et mieux partager les ressources des collectivités.
Mes chers collègues, il n’y aura pas de recettes garanties si les rapports entre l’État et les collectivités locales ne sont pas clarifiés au regard du principe constitutionnel d’autonomie financière. Le dispositif actuel de compensation de la taxe professionnelle, qui prévoit 9, 8 milliards de dotations, est contraire à l’article 72-2 de la Constitution. En outre, les dotations distendent le lien entre la collectivité et les administrés, ce qui ne favorise ni l’initiative, ni la responsabilité locale.
Le profond malaise tient aussi à l’introduction de plusieurs mécanismes réduisant le dynamisme de la fiscalité locale. Ainsi, le nouvel impôt économique prévoit des règles de liaison plus strictes entre les taux des taxes « ménages » et le taux de la cotisation locale d’activité. Les communes et les EPCI pourraient donc toujours voter des hausses de taux uniformes ou différenciés, mais dans ce dernier cas, un retour à un lien strict est prévu à travers la suppression de tous les mécanismes de dérogation ou de déliaison.
S’agissant des nouvelles règles d’affectation des ressources, l’Assemblée nationale a permis que les communes et les communautés de communes profitent directement de la cotisation complémentaire, la recette, à l’évidence, la plus dynamique du nouveau dispositif.
Les députés ont transféré au bloc communal 20 % de la cotisation complémentaire, soit 2, 3 milliards d’euros. Pourquoi ne pas aller plus loin en déplaçant encore un peu plus le curseur afin que les communes disposent véritablement des instruments leur permettant de gérer au mieux l’équilibre entre les impôts « ménages » et les impôts « entreprises » ? Cela permettrait de renforcer encore davantage le lien entre l’impôt et le territoire, lien auquel nous tenons tout particulièrement.
Enfin, il n’y aura pas de réforme équitable, mes chers collègues, si nous ne revenons pas sur la progressivité du barème de la cotisation complémentaire à la valeur ajoutée.