La séance, suspendue à vingt heures vingt-cinq, est reprise à vingt-deux heures quinze.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, la réforme de l’impôt local prélevé sur le secteur économique n’est pas un sujet anodin. Il s’agit d’un acte majeur, destiné à redonner de la compétitivité à nos entreprises. Pour autant, il ne faut pas sous-estimer les complications de répartition des recettes entre les différents échelons d’administration territoriale qu’elle entraîne.
La commission des finances a joué pleinement son rôle de « défricheur » sur un sujet dense et complexe. Elle a ainsi organisé une série de réunions, en associant à ses travaux les membres de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation ainsi que ceux de la mission temporaire sur l’organisation et l’évolution des collectivités territoriales, présidée par Claude Belot.
Je le répète : le sujet est dense et complexe. Je souhaite que cette discussion nous permette de mieux comprendre les enjeux de cette réforme et de nous prononcer en toute connaissance de cause sur les différentes dispositions.
Je ne reviens pas sur l’opportunité de cette réforme. Il s’agit de prévenir les risques de délocalisations d’activités industrielles mais aussi de services à haute valeur ajoutée.
Je formulerai trois observations de méthode et reviendrai brièvement sur l’orientation prise par la commission des finances.
Premièrement, loin de moi l’idée de vouloir interférer dans l’organisation du travail gouvernemental, mais je pense ne pas être le seul ce soir à être frappé par l’absence du ministère de l’intérieur. Nous avons le sentiment que cette réforme a été conduite par Bercy. C’est votre honneur, madame la ministre, monsieur le ministre, mais nous souhaiterions que le ministère de l’intérieur puisse accompagner de manière plus visible cette mutation profonde. Tout laisse à penser que cette réforme a été conçue d’abord et avant tout sous l’angle économique, du point de vue des entreprises.
Peut-être l’inquiétude que manifestent les élus territoriaux provient-elle de cette impression d’absence du ministère de l’intérieur. Bien plus, la conception du dispositif aurait sans doute gagné à être enrichie de l’expérience de la direction générale des collectivités locales.
Deuxièmement, il aurait été plus confortable de pouvoir discuter de la réforme des recettes des collectivités territoriales en prenant appui sur la répartition nouvelle des compétences entre les différents niveaux de collectivités territoriales. Je suis tout prêt à admettre qu’une grande partie de l’objection tombe d’elle-même, dès lors qu’il est maintenant acquis que nous aurons des discussions concomitantes sur les compétences et sur les ressources au cours des prochains mois.
Une réforme d’une telle ampleur aurait pu faire l’objet d’un texte spécifique, comme ce fut le cas pour la création de la taxe professionnelle. Son inscription en loi de finances a pour effet d’empêcher une véritable navette entre l'Assemblée nationale et le Sénat et, compte tenu des délais contraints d’examen, de dramatiser les enjeux.
En outre, ce texte vampirise quelque peu le contenu de ce projet de loi de finances pour 2010.
Troisièmement, je formulerai une remarque de forme, qui porte sur la rédaction de ce texte. Il compte 135 pages et plus de 1 200 alinéas, alors que celui qui créait la taxe professionnelle tenait en 3 ou 4 pages, selon les polices de caractères !
Sourires.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je ne résiste pas à la tentation de vous en lire quelques lignes pour les soumettre à votre attention. Il s’agit d’une partie – une partie seulement ! – des modalités de calcul de la dotation de compensation qui doit être versée au bloc communal à partir de 2011, car la citation complète serait trop longue. Le premier terme de la comparaison permettant d’établir si une collectivité a droit à une compensation comprend la somme « des compensations versées au titre de l’année 2010 en application des dispositions mentionnées aux I, II, III, IV et V du 9.2.5. de l’article 2 de la loi n° °°° du°°°°° précitée, ainsi que du montant versé pour l’année 2010 au titre de la compensation des exonérations prévues par les dispositions, dans leur version en vigueur au 31 décembre 2009, de l’article 1465 A, des 1 quinquies et 1 sexies de l’article 1466 A et de l’article 1466 C du présent code dans sa rédaction en vigueur jusqu’au 31 décembre 2010 ; diminuée de la diminution – vous conviendrez que cette formule mérite être soulignée !
Rires sur l’ensemble des travées. – Mme la ministre sourit
Sourires.
Certes, il s’agit d’un court extrait, mais qui me semble révélateur du contenu de ces 135 pages. Madame la ministre, monsieur le ministre, voilà trois ans, le Conseil constitutionnel a censuré un travail d’orfèvre que le Sénat avait mis une journée entière – c’était un dimanche ! – à mettre en forme, parce qu’il estimait qu’il n’était pas lisible ou intelligible par un citoyen doté d’une capacité d’entendement ordinaire.
J’en viens à la position de la commission des finances, qui est, me semble-t-il, un compromis de sagesse. Elle permet la mise en œuvre immédiate du volet « entreprises » de la réforme, en maintenant la suppression de la taxe professionnelle dès le 1er janvier 2010. Elle ne laissera pas les collectivités locales dans l’incertitude sur 2011 et les années suivantes, en fixant d’ores et déjà des lignes claires de compensation et de réorganisation de leurs mécanismes de ressources.
Ce débat devra être repris en seconde partie du projet de loi de finances, au vu des éléments complémentaires de simulation que nous aura fournis le Gouvernement. La commission des finances se réunira au moins une demi-journée ou deux demi-journées d’ici à l’examen des articles non rattachés de la seconde partie, prévu les 7 et 8 décembre. Madame la ministre, je me réjouis que vous ayez accepté que nous examinions en deux temps le contenu de ce texte.
Enfin, nous fixerons une clause de retour devant le Parlement dans le courant de l’année 2010, sans doute avant le 30 juin, afin de préciser les détails de la réforme et de l’ajuster, le cas échéant, au vu de simulations complémentaires et en tenant compte des débats sur la préparation des compétences.
On a évoqué tout à l’heure la territorialisation au profit des collectivités territoriales. Le rapporteur général a exposé son point de vue sur cette question. Naturellement, si nous devions aller au-delà de 20 % pour tendre vers les pourcentages en vigueur avant la réforme entre les différents niveaux de collectivités territoriales, il faudrait imaginer que la taxe d’habitation prélevée aux départements revienne aux départements, que la taxe foncière sur les propriétés bâties prélevée aux régions revienne aux régions.
Cependant, mes chers collègues, je vous rends attentifs au fait qu’il sera nécessaire de réviser les bases foncières pour le calcul de la taxe d’habitation et de la taxe foncière sur les propriétés bâties. Il sera en effet bien difficile d’avoir des bases homogènes si l’impôt est prélevé à l’échelon de la région. Comment veiller à ce que les bases soient comparables d’un département à l’autre au sein d’une même région ? Comment conduire une telle procédure sans prendre le risque de créer une injustice puisque le taux, lui, sera le même sur l’ensemble du territoire régional ?
Par conséquent, s’il faut prévoir une révision des bases, peut-être est-il plus aisé d’envisager des bases homogènes à l’échelon d’une commune ou d’une intercommunalité. C’est un peu plus compliqué à l’échelon du département et c’est encore plus risqué à l’échelon de la région.
À cet égard, il semblait acquis que la loi de finances rectificative pour 2009 contiendrait des dispositions relatives à la révision des bases. Madame la ministre, monsieur le ministre, je souhaite connaître la procédure que vous avez prévue pour engager ce travail.
Voilà comment se profile notre débat. La voie que nous proposons est celle d’une réforme applicable, acceptable, acceptée car lisible et visant des objectifs clairs et compréhensibles. Il y va, je le crois sincèrement, du succès de cette réforme.
Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste et de l ’ UMP. – M. Jacques Mézard applaudit également.
La parole est à Mme Jacqueline Gourault, en remplacement de M. Bernard Saugey, rapporteur pour avis.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’ai l’honneur de remplacer M. Bernard Saugey et de m’exprimer au nom de la commission des lois sur cet important sujet des ressources des collectivités territoriales.
L’organisation d’un tel débat est plus que jamais indispensable. D’une part, la crise économique qui frappe actuellement notre pays fragilise les finances locales et révèle les faiblesses des modes de compensation actuels. D’autre part, l’article 2 du projet de loi de finances pour 2010 prévoit la suppression de la taxe professionnelle, alors même que celle-ci représente près du tiers des ressources fiscales des collectivités – il s’agit d’une moyenne ; parfois, c’est parfois beaucoup plus –, et son remplacement par une contribution économique territoriale qui ne compensera que partiellement cette suppression.
Je serai brève sur les conséquences de la crise sur les finances locales. Je me contenterai de rappeler que la conjoncture économique a provoqué une importante diminution des recettes fiscales locales. À titre d’exemple, sous l’effet d’un retournement du marché immobilier, le rendement des droits de mutation à titre onéreux devrait reculer de près de 10 % en 2010, alors qu’il avait plus que doublé entre 2000 et 2006.
En conséquence, et malgré les efforts considérables déployés par les élus locaux, les collectivités ont dû s’endetter pour financer leurs opérations d’investissement : le montant de leurs emprunts a ainsi augmenté de 8 % entre 2007 et 2008.
Les collectivités territoriales, même si elles sont bien gérées – certainement mieux, parfois, que l’État lui-même ! – sont ainsi fragilisées par la crise.
Ce constat est tout particulièrement vrai pour les départements. Sous l’effet de la crise, ils sont confrontés à la fois à une diminution de leurs ressources et à une augmentation de leurs dépenses : cet effet de ciseaux peut avoir, à long terme, des conséquences dévastatrices.
Dans ces conditions, et bien qu’il soit nécessaire d’associer les acteurs locaux à l’effort de maîtrise des finances publiques – c’est important de le dire et de le répéter –, je m’interroge sur la légitimité de l’enveloppe normée.
Comment justifier que les concours financiers de l’État évoluent comme l’inflation, tandis que les charges découlant des compétences transférées croissent, en moyenne, de 3 % chaque année ? En outre, dans une période de crise qui fragilise et déstabilise les finances locales, comment justifier que la dotation globale de fonctionnement n’augmente que de 0, 6 %, c’est-à-dire moins vite que l’inflation ?
Mais j’aimerais en revenir plus précisément au projet de loi de finances dont le Sénat est saisi et, évidemment, à l’article 2.
Tout d’abord, il est nécessaire de souligner que le Gouvernement a accepté de modifier le calendrier de la réforme de la taxe professionnelle. Il a, en effet, décidé de maintenir la suppression de cette taxe au 1er janvier 2010 pour les entreprises, mais de prévoir une « clause de revoyure », que le président de la commission des finances vient d’appeler la « clause de retour », pour mieux tenir compte des intérêts des collectivités. Deux rendez-vous sont ainsi prévus : le premier aura lieu avant le 31 juillet 2010, afin de « corriger » la réforme à la lumière de simulations précises et chiffrées ; le second rendez-vous sera organisé dans les six mois qui suivront la réforme territoriale, ce qui permettra de garantir la cohérence entre les compétences exercées par les collectivités et les ressources fiscales qui leur seront attribuées.
En outre, en tant que représentante de la commission des lois, je me dois de préciser que votre commission s’attache, de longue date, à préserver l’autonomie fiscale des collectivités territoriales.
Elle avait clairement pris position sur ce sujet à l’occasion des discussions sur le texte qui est devenu la loi organique du 29 juillet 2004 en proposant que l’appellation de « ressources propres » soit réservée, selon l’expression du rapporteur du texte, Daniel Hoeffel, aux « recettes dont les collectivités territoriales ont la maîtrise ».
Toutefois, la commission des lois est également consciente des limites et des effets pervers de l’autonomie fiscale : celle-ci doit être un levier de libre administration, mais ne saurait constituer une fin en soi.
À l’occasion de nos débats récents, certains membres de la commission des lois – je pense notamment à M. Patrice Gélard – ont ainsi souligné que la France était l’un des rares pays d’Europe à promouvoir le concept d’autonomie fiscale et à le percevoir comme un élément indissociable de la libre administration.
M. Jean-Claude Frécon s’exclame.
Parallèlement, notre collègue Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois, a rappelé, à juste titre, que l’autonomie fiscale pouvait entrer en contradiction avec l’objectif constitutionnel de péréquation, car une telle autonomie peut avoir pour effet d’enrichir les collectivités territoriales qui sont déjà les plus favorisées, tout en privant les collectivités les plus pauvres des moyens nécessaires à leur développement. De ce fait, l’autonomie fiscale peut être un facteur de pérennisation, voire d’accentuation des inégalités.
Ces débats doivent être menés par le Sénat en vue de la réforme de la fiscalité locale annoncée par le Gouvernement, dont la suppression de la taxe professionnelle n’est que la première étape.
La remarque du président Hyest m’amène naturellement à prononcer quelques mots sur les dispositifs de péréquation prévus par le projet de loi de finances pour 2010.
Je noterai seulement que, en 2010, les dotations de péréquation sont en forte croissance : malgré un contexte budgétaire très contraint, la dotation de solidarité urbaine, ou DSU, et la dotation de solidarité rurale, ou DSR, augmentent de 3, 4 % chacune ; la commission des lois salue cet effort du Gouvernement.
La dotation de développement urbain est, quant à elle, gelée.
Néanmoins, en dépit de ces initiatives, l’effet péréquateur des dotations de l’État baisse sensiblement depuis plusieurs années : éparpillées et trop rigides, elles ne parviennent plus à résorber les inégalités entre les collectivités territoriales.
Ce problème devra, lui aussi, être pris en compte lors de nos débats sur la réforme de la fiscalité locale.
Enfin, un débat sur les ressources des collectivités territoriales ne serait pas complet si la structure des concours financiers de l’État n’était pas évoquée.
La commission des lois souligne, depuis plusieurs années, la complexité de ces concours, qui sont éclatés entre une mission, un compte de concours financier, la fiscalité transférée, des prélèvements sur recettes, etc. Dans ces conditions, ils ne peuvent être ni lisibles ni prévisibles pour les acteurs locaux. Le volume et la technicité du « jaune » consacré à « l’effort financier de l’État en faveur des collectivités » témoignent d’ailleurs de cette opacité.
Sourires
Cette situation pose de lourds problèmes dans un contexte où le Gouvernement entend inciter les collectivités à gérer leurs budgets de manière plus stratégique : en effet, cet objectif ne saurait être atteint dès lors que les mécanismes de financement de la décentralisation sont, comme l’affirme la Cour des comptes, opaques, sédimentés et complexes.
Comme nous le savons, la réforme des collectivités ne peut pas être détachée de celle de l’État. Il importe ainsi, en parallèle de la refonte de la fiscalité et des structures locales, de nous questionner sur la structure des concours financiers de l’État, qui doit, elle aussi, être modernisée.
Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste et de l ’ UMP. – MM. Jacques Mézard et Jean-Pierre Chevènement applaudissent également.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des finances, mesdames, messieurs les sénateurs, les collectivités territoriales sont aujourd’hui au cœur de l’actualité – elles le sont souvent – et cette actualité est bien riche.
Elles sont aussi au cœur des réformes, réforme des structures et de l’organisation avec le projet de loi que défendent Brice Hortefeux et Alain Marleix, réforme de la fiscalité locale dans ce projet de loi, avec une réforme tant de fois promise, mais jamais aboutie jusqu’à aujourd’hui, de la taxe professionnelle. Je laisserai Christine Lagarde en parler plus précisément.
L’ampleur des réformes engagées est sans précédent et le calendrier est serré : il est bien naturel que tout cela fasse débat ; comment pourrait-il en être autrement ?
Tout cela, j’en suis conscient, crée évidemment de l’incertitude et de l’inquiétude chez les élus
M. François Patriat s’exclame
, malgré les nombreuses assurances qui ont pu être données, confirmées, renouvelées, voilà deux jours encore, par le Premier ministre devant le congrès des maires, avec beaucoup de conviction.
Exclamations sur les travées du groupe socialiste.
Le message que j’aimerais faire passer est simple : les réformes engagées sont faites pour les collectivités locales. Elles sont pensées pour conforter leur place au sein de notre démocratie locale. L’objectif est, bien évidemment, d’approfondir la démocratie locale et l’autonomie des collectivités.
C’est d’ailleurs faire un mauvais procès, et même caricaturer les choses, que de dire le contraire, comme je l’entends souvent. D’ailleurs, lorsque Christine Lagarde explique la taxe professionnelle, les gens se rendent compte qu’ils n’avaient pas compris ce qu’il en est réellement.
M. Éric Woerth, ministre. Sur ce sujet, il y a beaucoup de désinformation
Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi opine
, d’instrumentalisation, de mensonges, d’arrière-pensées politiques à l’égard des élus locaux.
Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Il appartient évidemment au Gouvernement de faire toute la lumière sur la question.
J’en viens au plan de relance. La mesure prévue dans ce plan nous apporte une preuve supplémentaire de cet engagement de l’État aux côtés des collectivités locales. Ce sont quelque 3, 8 milliards d’euros qui pèseront bel et bien, en 2009, sur le déficit budgétaire. C’est de l’argent sonnant et trébuchant ! Ce sont des recettes qui améliorent non seulement la trésorerie, mais aussi les comptes des collectivités locales.
Nous aurons l’occasion, dans ce projet de loi de finances, de rectifier et de préciser le remboursement du FCTVA, notamment afin d’éviter en 2010 « l’année blanche » de TVA, comme l’ont relevé certaines collectivités.
J’ai dit qu’il s’agissait d’éviter l’année blanche, en se fondant, comme l’a proposé le Premier ministre voilà deux jours, sur les engagements réalisés en 2009 et non pas uniquement sur les dépenses effectuées. D’ailleurs, un amendement en ce sens sera porté par le groupe UMP ; Pierre Jarlier l’a évoqué, je n’y reviens pas.
Ah oui ! Il ne faut pas le laisser au groupe socialiste qui en a parlé voilà un an !
Par ailleurs, le dispositif sera de nouveau ouvert en 2010 aux collectivités locales qui n’ont pas souhaité bénéficier, en 2009, de la mesure de remboursement anticipé du fonds de compensation pour la TVA, c'est-à-dire de deux années de TVA.
Sur l’année 2010, le Gouvernement prévoit, dans le présent projet de loi de finances, une progression des concours de l’État aux collectivités locales de même niveau que les dépenses de l’État, madame Gourault, c’est-à-dire au niveau de l’inflation prévisionnelle, soit 1, 2 %.
Ce chiffre s’entend hors réforme de la taxe professionnelle. La compensation de la perte de taxe professionnelle aux collectivités locales conduira, comme l’a souligné tout à l’heure M. le rapporteur général, à inscrire une dotation-relais de 31, 6 milliards d’euros sous forme de prélèvement sur recettes, qui s’ajoutera à ces concours financiers.
L’ensemble des concours financiers aux collectivités locales augmentera, par conséquent, d’environ 680 millions d’euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2009. L’État consacrera ainsi un effort budgétaire de 57 milliards d’euros en faveur des collectivités locales en 2010.
Cette évolution, moins favorable que par le passé, ne doit pas surprendre. Elle s’inscrit dans la continuité du discours que nous portons, depuis l’an dernier, sur un partage équilibré des efforts pour maîtriser la dépense publique.
Nous nous sommes fixé une règle simple, que vous connaissez, dans le cadre de la loi de programmation des finances publiques : les dotations de l’État plus le FCTVA ne progresseront pas plus vite que les dépenses de l’État, c’est-à-dire l’inflation.
Je viens d’évoquer une progression des concours financiers de 1, 2 %. Le chiffre a son importance, parce que, en réalité, si nous n’avions pas construit les choses ainsi et si nous en étions restés à l’ancienne enveloppe normée, les dotations auraient beaucoup moins progressé compte tenu de la récession à laquelle nous avons dû faire face. Je referme la parenthèse.
Nous avons décidé de ne pas imposer, contre l’avis des collectivités locales, une prise en compte durable du FCTVA dans le calcul de la norme d’évolution des concours financiers de l'État.
Mme Nicole Bricq s’exclame.
Nous l’avons assumé, je n’ai pas voulu refaire le débat de l’année dernière, je l’ai dit tout à l’heure. Pour que les choses soient claires, nous faisons bien la séparation entre, d’une part, le FCTVA, qui sera dû, monsieur le président de la commission des finances – c’est une augmentation de 6 % –, et, d’autre part, les dotations qui progresseront de 0, 6 %. À l’intérieur de cette enveloppe, la progression de la DGF est pour l’instant fixée à 0, 9 %.
L’Assemblée nationale a voté une répartition légèrement différente de celle qui était initialement proposée dans le projet de loi de finances.
S’agissant de la taxe carbone, le Premier ministre a annoncé le principe de la création d’un fonds destiné à financer les investissements en faveur des économies d’énergie des collectivités locales. Nous travaillerons à sa mise en œuvre – nous disposons d’un peu de temps pour ce faire –, afin de clarifier les choses sur ce point.
Enfin, monsieur le président de la commission des finances et cher Jean Arthuis, vous avez évoqué la problématique des bases. Le Gouvernement souhaite mener une concertation très dense et précise avec les parlementaires et les associations d’élus locaux. Nous établirons des simulations pour que les décisions se fondent sur une vision complète. Bien évidemment, un calendrier sera défini exclusivement en fonction de cette concertation.
Le Président de la République s’est engagé à évoquer ce dossier encalminé depuis de nombreuses années. C’est une question d’équité fiscale à l’égard des collectivités mais aussi entre les citoyens.
Peut-être faudra-t-il différencier, dans l’immédiat, les locaux commerciaux et les locaux d’habitation. Cela permettrait d’établir une cohérence avec la réforme des collectivités locales.
En tout état de cause, cette concertation débutera bientôt.
M. Éric Woerth, ministre. Nous verrons ensuite à quel rythme le travail avancera.
Applaudissementssur les travées de l’
Monsieur le ministre, je vous remercie de cette réponse. J’ai une petite question subsidiaire à vous poser sur la révision des bases.
Je comprends que l’on puisse réviser séparément le foncier bâti à usage professionnel et le foncier bâti à usage résidentiel. Mais il y aura, d’une part, un taux de cotisation foncière pour le bâti des entreprises et, d’autre part un taux d’impôt foncier bâti.
Le taux de cotisation foncière des entreprises s’appliquera aux entreprises. Dans ce cas, la révision des bases ne pose pas de problème.
En revanche, le taux de l’autre impôt foncier bâti sera le même pour le foncier détenu à des fins professionnelles et le foncier résidentiel.
Or, si les bases n’ont été révisées que pour le foncier professionnel et pas pour le foncier résidentiel, je ne vois pas comment vous pourrez appliquer le même taux.
Monsieur le ministre, pourriez-vous apaiser mes craintes et répondre à mon interrogation concernant cette difficulté pratique ?
Je ne sais pas, monsieur le président, si je parviendrai à apaiser totalement M. Arthuis.
Nous avons noté cette difficulté, nous l’évoquerons, mais nous ne pouvons pas entrer dans le débat aujourd’hui.
Les révisions des bases avec des taux identiques peuvent en effet conduire à des difficultés très importantes. Mais il est logique de commencer par les locaux commerciaux puis d’examiner le cas des locaux d’habitation.
Il ne s’agit pas, loin s’en faut, d’un point de détail.
Mais la révision des bases pose également beaucoup d’autres problèmes. C’est d’ailleurs pourquoi cette révision n’a jamais été réalisée. Nous commencerons par inventorier l’ensemble des problèmes puis nous tenterons d’y répondre ensemble.
Très bien ! au banc des commissions.
Monsieur le président, monsieur le rapporteur général, monsieur le président de la commission, mesdames et messieurs les sénateurs, je reviendrai d’abord sur certaines propositions évoquées par M. le rapporteur général, portant en particulier sur la première partie de nos débats. J’évoquerai ensuite des orientations générales, portant davantage sur la deuxième partie de nos débats, sachant que M. le rapporteur général n’est pas alors entré dans le détail des propositions qu’il a formulées.
L’ensemble de ces propositions sont les bienvenues. Je vous remercie, monsieur le rapporteur général, ainsi que tous les membres de la commission des finances, au premier rang desquels, son président, pour le temps considérable que vous avez déjà passé à la compréhension de ce texte, qui, je le reconnais, monsieur le président de la commission des finances, est compliqué, ardu, imbriqué, émaillé de références à de multiples autres morceaux de textes et strates successives venues s’ajouter et se surajouter à la construction de cet édifice. Tout cela n’a certainement pas facilité le travail de rédaction effectué pour assurer une grande innovation tout en garantissant les différents niveaux de financement.
Dans notre approche de ce texte, notamment dans sa première partie, nous devrons nous attacher à respecter ses grands équilibres, tout en revenant néanmoins sur certains points, comme ceux que vous avez évoqués.
Nous avons eu de nombreux débats sur la question du barème, qui a été défini, calibré et pesé au trébuchet, pour nous assurer de l’objectif que nous poursuivons.
Il s’agit d’alléger la charge fiscale des entreprises qui localisent et fabriquent en France, en particulier dans le secteur industriel – mais pas seulement. Il n’est absolument pas question de sanctionner lourdement les petites et moyennes entreprises.
Je comprends néanmoins tout à fait l’intérêt de cette cotisation minimale de 250 euros pour faire en sorte que les entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur à 500 000 euros puissent cotiser, si j’ose dire, nonobstant le mécanisme d’exonération de 1 000 euros qui a été mis en place.
La règle de la liaison des taux est un autre principe important de cette réforme. Cette règle doit être suffisamment stricte pour éviter des abus, comme ceux qui ont parfois été constatés depuis 2003 et qui ont entraîné un écart important entre les taux applicables aux impôts « entreprises » et aux impôts « ménages », fondés pourtant sur des assiettes identiques.
Nous devons aussi veiller à fixer la compensation-relais des collectivités en 2010 à un niveau raisonnable. Nous avons débattu sur le mécanisme de garantie. La garantie sera égale à, soit, au minimum, la taxe professionnelle de 2009, soit les bases de 2010 multipliées par les taux de 2008.
Un autre mécanisme est envisagé, plafonnant l’augmentation des taux de 2009 à trois points de plus qu’en 2008, pour éviter l’application d’un taux trop élevé en 2009.
Là aussi, j’en suis persuadée, le Sénat saura trouver une règle juste et qui fasse preuve d’esprit de responsabilité à l’égard de l’ensemble des finances publiques de l’État.
Concernant la deuxième partie, je ne suis pas très étonnée du résultat auquel nous aboutirons peut-être si nous suivons vos propositions.
Nous avons proposé une clé « macro » qui utilisait un facteur de péréquation pour effectuer la réallocation de la cotisation complémentaire. Lorsque nous avons eu un débat opposant cette clé « macro » et la clé « micro » suggérée par l’Assemblée nationale, j’ai imaginé un instant que nous arriverions à une clé « méso ».
C’est un peu ce que vous proposez, avec un principe de mutualisation pour les départements et pour les régions, et un principe beaucoup plus innovant pour les intercommunalités. Pour ce dernier, la valeur ajoutée serait taxée à un taux progressif et répartie ensuite selon un taux moyen afin d’éviter la pénalisation des secteurs ruraux et des tissus de petites entreprises, notamment celles qui ont un chiffre d’affaires inférieur à 500 000 euros.
Ce travail a abouti à une formule « méso », plutôt qu’à une formule tout « micro » ou tout « macro » ; nous y reviendrons sans doute plus en détail. Cette formule n’est pas simple mais elle est particulièrement créative et intéressante.
J’y vois en particulier la perspective d’un équilibre entre les objectifs rappelés ce matin : le lien fiscal entre le territoire et l’entreprise – tout à fait indispensable à mes yeux – et l’adéquation entre les recettes et les dépenses, qui est évidemment un impératif pour garantir une bonne dose de péréquation.
Reste la dernière question que vous avez évoquée, monsieur le rapporteur général, dans votre intervention liminaire : la répartition des différentes ressources fiscales entre les niveaux de collectivités territoriales.
De ce point de vue, comme vous le savez, le texte initial du Gouvernement concentrait les assiettes foncières sur le bloc « communes » et répartissait entre les départements et les régions l’ensemble de la valeur ajoutée.
L’Assemblée nationale a décidé de réexaminer ce principe de spécialisation et d’affecter 20 % de la cotisation sur la valeur ajoutée aux établissements publics de coopération intercommunale, les EPCI, en contrepartie – puisqu’il s’agit d’une enveloppe fermée – d’une augmentation de la taxe foncière rapatriée vers les départements, auxquels ces 20 % sont retirés.
Vous avez indiqué, monsieur le rapporteur général, que des débats avaient lieu sur ce sujet au sein de la commission des finances, certains souhaitant le maintien de la clé de répartition selon les modèles actuellement en vigueur, d’autres étant plus prompts à innover, à modifier voire à anticiper sur des répartitions de compétences.
Il faudra, en toutes choses, préserver un bon équilibre, s’assurer que les régions, les départements et les communes disposent de ressources suffisantes et équilibrées. Lors de l’examen définitif, c’est-à-dire après la deuxième partie, nous parviendrons, je n’en doute pas, à cet équilibre. Le réexamen du texte au mois de juin, lors de l’application de la clause de revoyure, permettra d’apporter quelques corrections si, compte tenu de la répartition des compétences adoptée à l’occasion du vote de la loi sur les collectivités territoriales, quelques ajustements s’avéraient nécessaires.
Monsieur le président de la commission des finances, vous avez regretté l’absence de représentants du ministère de l’intérieur ; je ne doute pas qu’ils participent à nos débats, d’une manière ou d’une autre.
Les représentants les plus éminents de la Direction générale des collectivités locales ont participé à nos travaux et ont été tenus informés de manière très régulière de leur élaboration, ils nous ont guidés dans certains cas et nous continuons à travailler en étroite collaboration avec ceux d’entre eux qui ont participé à ces travaux initiaux.
Mme Christine Lagarde, ministre. J’ai commenté le caractère très complexe du texte, que vous avez illustré par une citation tout à fait appropriée de l’article 2. C’est effectivement un texte touffu. Cependant, dans la mesure où les ordinateurs de la DGCL devront pouvoir en faire l’application, l’ensemble de ces dispositifs suit une logique, qui peut néanmoins sembler obscure au commun des mortels, surtout s’il n’est pas un familier du code général des impôts.
Applaudissementssur plusieurs travées de l’
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis qu’avait été supprimée la part salariale de la taxe professionnelle, ou TP, et, plus encore, depuis que le Président de la République avait annoncé la non-imposition à cette taxe des investissements nouveaux, nous savions qu’elle était en sursis et condamnée à disparaître.
Le problème, c’est que l’on a reçu le faire-part de décès sans qu’ait été étudiée préalablement la succession de feu la taxe professionnelle ! En réalité, nous ne sommes pas surpris par cette manière de faire puisqu’il semble que ce soit devenu un mode de gouvernance de plus en plus utilisé.
Je pense, par exemple, à la suppression de la publicité sur la télévision publique ou à l’annonce du grand emprunt qui, comme aujourd’hui, la suppression de la TP, ont été décidés sans concertation et sans que l’on se soit posé auparavant la question de leur mise en œuvre la plus appropriée ou de leur remplacement.
De plus, on nous annonce la suppression de la TP et, par voie de conséquence, la réforme de l’impôt local qui pèse sur les entreprises sans inclure cette réforme dans une refonte globale de la fiscalité locale, réclamée depuis des années par la totalité des associations représentatives des élus locaux.
Si l’on ajoute que cette réforme, du moins telle qu’elle nous est parvenue au Sénat – car la commission des finances fait, me semble-t-il, du bon travail –, doit fixer pour la fin de cette année les ressources fiscales et les compensations dont disposeront les diverses strates de collectivités territoriales pour exercer leurs responsabilités futures alors que ce n’est que l’an prochain voire en 2011 que sera fixée la répartition de ces responsabilités entre les diverses collectivités, on a un peu l’impression de marcher sur la tête !
En conséquence, si l’on n’y prend garde et si l’on ne se donne pas le temps de peser toutes les conséquences du nouveau système qui nous est proposé, de l’adapter autant que nécessaire pour éviter que les collectivités ne fassent un marché de dupes, on risque de remplacer une usine à gaz, maintes fois modifiée, par, hélas ! une autre usine à gaz, …
…que l’on devra à nouveau modifier, année après année.
Il est donc indispensable que, dans l’examen de cette réforme, nous n’éludions pas les questions importantes que se posent la plupart des élus locaux. Je n’en citerai que quelques-unes, je ne doute pas qu’un certain nombre d’intervenants après moi compléteront la liste.
Tout d’abord, comment maintenir un lien fiscal entre les collectivités et toutes les entreprises qu’elles accueillent ?
Madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, n’avez-vous pas été frappés par la réaction spontanée de l'ensemble des élus locaux à l’annonce de la suppression de la taxe professionnelle ? Qu’ils soient ou non spécialistes de la fiscalité locale, tous ont réclamé le maintien de ce lien, non seulement avec les entreprises aujourd’hui imposées à la taxe professionnelle, mais aussi avec celles qui viendront à l’avenir s’installer chez eux.
Si ce lien n’est pas maintenu, la crainte d’avoir à supporter des nuisances supplémentaires dues à l’installation de nouvelles entreprises, comme l’augmentation du nombre de poids lourds en circulation, risque de l’emporter sur l’intérêt de les accueillir et de contribuer ainsi à la relance de notre industrie, qui est pourtant l’objectif affiché par le Gouvernement pour justifier la suppression de la taxe professionnelle.
Ensuite, qu’en sera-t-il des ressources des très nombreuses collectivités sur le territoire desquelles ne sont implantées que des entreprises ayant un chiffre d’affaires inférieur à 500 000 euros, dans l’hypothèse où elles ne bénéficieront plus d’une ressource économique évolutive ?
En outre, comment assurer la répartition de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises entre les différentes collectivités qui accueillent, chacune, un établissement d’une même société, sachant que la valeur ajoutée se détermine au niveau de la société et non des différents établissements ?
De même, comment assurer la péréquation des ressources entre des collectivités locales qui doivent faire face à des charges comparables, sans disposer pour autant des mêmes moyens ?
Enfin, comment peut-on voter un système nécessairement complexe – la longueur de l’article 2, commenté avec brio tout à l’heure par M. le président de la commission des finances, en est la parfaite illustration – sans avoir pu examiner au préalable et de façon suffisamment claire, d'une part, les simulations correspondant aux diverses hypothèses possibles d’imposition, de répartition et de péréquation, et, d'autre part, la manière dont elles évolueront dans le temps ?
Je voudrais donc féliciter la commission des finances pour la manière cartésienne – pragmatique, serais-je même tenté de dire – dont elle a abordé l’examen de l’article 2. Il nous paraît indispensable de ne pas boucler dans la précipitation une réforme si importante et lourde de conséquences pour l’autonomie des collectivités territoriales.
Cependant, dès lors que nous avons l’assurance, comme cela me semble être le cas, que les ressources des collectivités seront garanties en 2010, il n’y a pas, selon nous, d’urgence à figer dès la fin de cette année la répartition et la péréquation des ressources prévues pour 2011.
Mieux vaudrait reporter cette décision à une prochaine loi de finances rectificative, qui serait débattue au milieu de l’année prochaine en s’inscrivant, bien entendu, dans le cadre des principes arrêtés dans le présent texte, principes dont nous aurions eu alors le temps de débattre et de mesurer toutes les conséquences.
En outre, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette formule aurait l’avantage de permettre un vrai dialogue avec les associations représentatives des élus locaux et de laisser le temps non seulement aux parlementaires, mais aussi aux associations d’élus et, surtout, aux élus eux-mêmes – qui n’y comprennent pas grand-chose – de s’approprier cette réforme. Telle est, je le pense sincèrement, la condition de son succès !
Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste et de l ’ UMP.
« Il n’y a pas de fronde ! » Voilà en substance, madame la ministre, la déclaration que vous avez faite à la presse, le samedi 14 novembre, à propos de l’attitude des élus locaux face à votre réforme des finances locales. Vous avez pourtant été largement démentie ces derniers jours, tant lors de la réunion nationale des conseillers généraux, lundi dernier, qu’à l’occasion du congrès des maires !
Il est vrai que l’enjeu est considérable, non seulement sur le plan financier, puisqu’il est question de déplacer quelque 29 milliards d’euros de recettes des collectivités, mais aussi en termes de décentralisation, d’autonomie et de services publics de proximité.
Je ne peux manquer de le souligner ici, en réclamant la préservation d’une autonomie financière garantie par la Constitution depuis 2004, il ne vient à l’idée d’aucun élu de chercher à « organiser la féodalité », comme vous l’avez laissé entendre dans cette même déclaration à la presse.
Tous les élus locaux et territoriaux sont aujourd’hui profondément inquiets. À mes yeux, ils ont légitimement raison de l’être.
Je voudrais ici vous livrer quatre témoignages que j’ai recueillis lundi et mardi derniers auprès de maires de mon département.
Premier témoignage : « Nous comptons sur un même niveau de ressources pour 2010. Néanmoins, nous faisons déjà des coupes sur le budget consacré aux études de lancement d’investissements [prévues dans la programmation pluriannuelle des investissements] : celle qui est consacrée au périmètre du captage d’eau, à la rénovation de la salle municipale, [etc.] ».
Deuxième témoignage : « Nous disposons d’une friche industrielle de 1 hectare que nous voulons raser pour construire des logements sociaux. Compte tenu des perspectives de diminution des financements croisés [et donc d’une perte de subvention programmée en provenance du conseil général], nous sommes devenus plus frileux sur ce projet ».
Troisième témoignage : « La prudence nous conduit à anticiper une baisse des recettes de fonctionnement. Le projet de développer l'enseignement musical à l’école va donc être suspendu. […] Nous avons également annulé les actions d’animation type séjours de 4 jours en camping. Le manque de garanties sur la pérennité de nos recettes fiscales nous conduit [de fait à réduire les dépenses d’animation jeunesse.] ».
Enfin, quatrième et dernier témoignage, celui d’un maire qui est également président d’une communauté de communes : « Nous avons suspendu les discussions budgétaires et toute nouvelle décision d’investissement. Mais quelle que soit l’issue de la réforme, même si la TP est compensée, nous savons que la dynamique propre des ressources fiscales n’est plus assurée dans le long terme. » Dans la mesure où il est hors de question pour lui d’augmenter la fiscalité des ménages, déjà très sollicités en période de crise, il précise : « Nous sommes une des collectivités qui consacrent le plus de moyens à l’action économique. Nous investirons tout simplement moins dans l’accueil des entreprises. Ces dernières en sont conscientes d’ailleurs : certaines d’entre elles nous manifestent leurs inquiétudes ».
Ces quatre témoignages illustrent, de façon très concrète, l’inquiétude palpable des élus locaux face à une réforme, qui, en faisant peser incontestablement de graves incertitudes sur les recettes, confond véritablement la fin et les moyens.
Cette réforme n’est, en définitive, qu’un sous-produit de la promesse du Président de la République de supprimer la taxe professionnelle pour les entreprises. Pour la tenir, il a fallu imaginer en catastrophe un processus de redistribution des recettes aux collectivités. Tout le problème, bien sûr, réside dans le fait que le dispositif manque de visibilité.
Face aux angoisses et aux inquiétudes couramment exprimées, il convient de placer cette suppression de la taxe professionnelle dans la perspective d’une réforme globale des finances locales, que nous considérons nous aussi comme une nécessité.
Cela fait d’ailleurs maintenant quelques années que nous présentons, ici même, un certain nombre de lignes d’action envisageables. Je rappellerai brièvement les principes que nous avons ainsi mis en avant.
Premier principe : respecter l’esprit de la décentralisation et de la nécessaire autonomie fiscale des collectivités, qui doivent rester en capacité de fixer les taux d’imposition.
Deuxième principe : respecter l’équilibre actuel, proche de la parité, entre les ressources fiscales provenant des entreprises et des ménages, équilibre que la réforme proposée par le Gouvernement conduit incontestablement à rompre.
Troisième principe : réévaluation générale des valeurs locatives qui servent au calcul des bases d’imposition, eu égard aux injustices criantes observées sur tout le territoire.
Quatrième principe : mieux prendre en compte le revenu des contribuables. À cet égard, nous avons proposé l’instauration au profit des départements d’une part de CSG supplémentaire, pour leur permettre de financer leurs compétences sociales.
Cinquième principe : accentuer l’effort de péréquation verticale en consacrant à la composante « péréquation » une part accrue de la DGF, qui passerait de 10 % à 20 %.
Enfin, sixième principe d’action : lutter contre la cristallisation des inégalités de ressources, en mettant en œuvre des mécanismes de péréquation horizontale.
Madame la ministre, monsieur le ministre, depuis trois ans, toutes les propositions issues de nos rangs et qui ont été débattues au Sénat ont été rejetées par votre gouvernement. Voici un florilège de ce que nous avons entendu : « Vos propositions ne sont pas inintéressantes, mais elles ne sont pas mûres » ; « on ne sait pas où l’on va réellement car vous n’avez pas fait de simulations ni de projections fiables » ; « ces propositions viennent trop tôt. » Il nous a même été rétorqué, de façon plus catégorique encore : « Vos propositions sont inabouties, voire improvisées ».
Mes chers collègues, il est pour le moins savoureux de constater aujourd’hui que l’improvisation qui nous était hier reprochée imprègne la démarche du Gouvernement jusqu’à la caricature.
L’improvisation est en effet telle que le Sénat se voit contraint, pour l’une des premières fois de son histoire, de préconiser le report à l’année à venir de l’examen approfondi d’un article fondamental du projet de loi de finances pour 2010, du moins de certains de ses alinéas.
On ne peut que constater, au surplus, que cette proposition de réforme des finances locales ne s’inscrit dans aucune logique d’ensemble, en ce qui concerne tant la redéfinition des compétences territoriales que l’acceptation d’une décentralisation clairement assumée.
À cet égard, les marchandages auxquels il nous est donné d’assister depuis quelques semaines au sujet de l’affectation entre strates des différentes catégories d’impôt illustrent, plus qu’il n’en est besoin, l’esprit purement boutiquier d’un projet de réforme bricolé à la hâte. Ce dernier manque incontestablement de souffle et d’ambition : il laisse les 500 000 élus locaux de France totalement désarçonnés, pour ne pas dire démotivés.
En faisant lourdement déchoir l’autonomie financière des collectivités, le projet de réforme ne risque-t-il pas de mettre à mal les équilibres de notre République décentralisée ?
Cette crainte est aujourd’hui de plus en plus largement partagée, à droite comme à gauche.
Madame la ministre, il reste, bien sûr, une question essentielle : cette énorme prise de risque en vaut-elle la peine ? Au fond, cette réforme de la taxe professionnelle a-t-elle du sens sur le plan économique ? Vous nous avez assuré que tel était le cas. M. le Premier ministre indiquait devant le Sénat, voilà quelques jours, que son objectif était d’accroître la compétitivité de notre pays. À mon sens, ce discours relève vraiment de l’incantation, car rien n’a été démontré qui aille en ce sens.
Nous aurons l’occasion de revenir dans la suite des débats sur l’argumentation gouvernementale : elle n’a probablement pas d’autre vocation que celle d’habiller aussi habilement que possible la réalité d’une perte considérable de recettes fiscales, ce qui ne manquera pas de creuser encore un peu plus le déficit public et la dette abyssale de la France !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
M. Jacques Mézard applaudit.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, mes chers collègues, depuis bientôt un an, la suppression annoncée de la taxe professionnelle occupe les esprits et, à l’évidence, fait couler beaucoup d’encre.
Parce qu’il s’agit de supprimer une contribution représentant pas moins de 44 % de l’ensemble de la fiscalité locale, chacun conviendra que le mécontentement des élus locaux, particulièrement des maires, est plus que légitime.
Aujourd’hui, nous sommes nombreux à nous succéder à cette tribune pour nous interroger sur l’opportunité d’une telle réforme. Et si j’ai bien compris Mme la ministre ce matin, elle se serait bien passée de ce débat. Quant à M. le rapporteur général de la commission des finances, il nous a indiqué n’être pas demandeur de la suppression de la taxe professionnelle.
En effet, est-il vraiment souhaitable de perturber à ce point la fiscalité locale, notamment dans un contexte de récession, qui plus est lorsqu’on sait que les collectivités locales jouent le rôle d’amortisseur social en temps de crise et qu’elles ont besoin de visibilité et d’autonomie budgétaires ?
J’ajoute qu’elles ont besoin d’une fiscalité intelligible, ce qui, de l’avis même des meilleurs experts, est loin d’être le cas, bien au contraire ! Les passages de l'article 2 cités tout à l’heure par le président Arthuis en ont donné une illustration flagrante. Au demeurant, le Conseil constitutionnel devra, le cas échéant, se prononcer sur ce point.
Je m’interroge également sur la pertinence de l’objectif visé. La suppression de la taxe professionnelle serait, nous dit-on, le remède miracle aux délocalisations. Rien n’est moins sûr.
Les politiques d’allégement de la fiscalité des entreprises qui se succèdent depuis 2001 ont toutes entraîné une décrue des prélèvements obligatoires acquittés par les entreprises dans la part du PIB. Cette tendance n’a pas, hélas ! suffi à préserver les sites de production sur notre territoire.
M. le rapporteur général de la commission des finances rappelait fort opportunément ce matin, à cette même tribune, que la suppression de la part « salaires » de la TP, mise en œuvre en 1999 et en 2003, n’a pas davantage freiné les délocalisations.
Mais tout cela n’est déjà plus d’actualité. Après l’annonce brutale par le chef de l’État, nous voici aujourd’hui face à la réforme improvisée par son Gouvernement et nous en sommes là.
Madame la ministre, monsieur le ministre, nous avons le sentiment que vous n’entendez pas la colère des élus. Vous ne tenez pas davantage compte de leurs suggestions. Vous semblez rester sourd à la grogne manifestée par des milliers d’élus à l’occasion du congrès des maires dont je relaie l’exaspération et l’incompréhension.
Tous ces maires, hommes et femmes, qui donnent de leur temps à la République, tous ces maires qui sont au cœur de l’action publique, tous ces maires qui sont au service de nos concitoyens ont besoin d’être écoutés, d’être rassurés et, surtout, d’être certains de pouvoir exercer au quotidien leur mission de proximité. Mais j’ai compris, madame la ministre, monsieur le ministre, que vous étiez prêts à venir expliquer sur place à nos maires le sens de votre projet.
Parce que nous sommes ici dans la « maison des collectivités locales » – et il suffisait d’arpenter le Sénat ces derniers jours pour constater que tous les élus locaux sont ici chez eux –, nous partageons tous dans cet hémicycle cette gravité.
Il est de notre devoir et de notre responsabilité d’y répondre mieux : d’une part, en tentant de supprimer l’article 2 du projet de loi de finances pour 2010 – ce sera l’objet de plusieurs amendements – et, d’autre part, si besoin est, en cherchant la meilleure alternative possible à la suppression de la taxe professionnelle. De ce point de vue, selon moi, tout ou presque reste à faire ! La tâche dépasse les clivages partisans. C’est au Sénat, dit-on, qu’il revient de trouver la solution.
Si le Président la République supprime, c’est à nous, sénateurs de la majorité comme de l’opposition, qu’il revient de reconstruire et d’inventer un système de substitution qui soit à la hauteur de l’enjeu pour nos collectivités et pour la décentralisation à laquelle les Français sont très attachés.
C’est pourquoi les prochains jours ici même vont être décisifs. Les maires comptent sur nous : nous ne devons pas les décevoir !
La commission des finances du Sénat a proposé un dispositif permettant de donner du temps à la réforme. Ce compromis est acceptable si, toutefois, nous parvenons à satisfaire plusieurs revendications exprimées par les élus de tous bords. Elles ont pour objectif de sécuriser, dynamiser et mieux partager les ressources des collectivités.
Mes chers collègues, il n’y aura pas de recettes garanties si les rapports entre l’État et les collectivités locales ne sont pas clarifiés au regard du principe constitutionnel d’autonomie financière. Le dispositif actuel de compensation de la taxe professionnelle, qui prévoit 9, 8 milliards de dotations, est contraire à l’article 72-2 de la Constitution. En outre, les dotations distendent le lien entre la collectivité et les administrés, ce qui ne favorise ni l’initiative, ni la responsabilité locale.
Le profond malaise tient aussi à l’introduction de plusieurs mécanismes réduisant le dynamisme de la fiscalité locale. Ainsi, le nouvel impôt économique prévoit des règles de liaison plus strictes entre les taux des taxes « ménages » et le taux de la cotisation locale d’activité. Les communes et les EPCI pourraient donc toujours voter des hausses de taux uniformes ou différenciés, mais dans ce dernier cas, un retour à un lien strict est prévu à travers la suppression de tous les mécanismes de dérogation ou de déliaison.
S’agissant des nouvelles règles d’affectation des ressources, l’Assemblée nationale a permis que les communes et les communautés de communes profitent directement de la cotisation complémentaire, la recette, à l’évidence, la plus dynamique du nouveau dispositif.
Les députés ont transféré au bloc communal 20 % de la cotisation complémentaire, soit 2, 3 milliards d’euros. Pourquoi ne pas aller plus loin en déplaçant encore un peu plus le curseur afin que les communes disposent véritablement des instruments leur permettant de gérer au mieux l’équilibre entre les impôts « ménages » et les impôts « entreprises » ? Cela permettrait de renforcer encore davantage le lien entre l’impôt et le territoire, lien auquel nous tenons tout particulièrement.
Enfin, il n’y aura pas de réforme équitable, mes chers collègues, si nous ne revenons pas sur la progressivité du barème de la cotisation complémentaire à la valeur ajoutée.
Ce système, qui engendre un effet de surconcentration de l’impôt économique en fonction de la taille ou de la nature des activités des entreprises, risque d’affecter la répartition spatiale des ressources des collectivités locales, à moins que l’on ne prévoie une véritable péréquation qui corrige cet effet pervers et qui, par la même occasion, règle la question de l’équilibre entre les commune les plus riches et les communes les plus pauvres.
Mais je crains que la péréquation ne soit, une fois de plus, la grande oubliée de la réforme. Notre commission Belot, dont je salue au passage l’excellent travail, s’est penchée sur ce thème essentiel de la péréquation.
De ce point de vue, le projet de loi de finances ne propose rien, laissant ainsi le soin et, donc, la responsabilité politique au Parlement de décider, comme il l’a fait pour la nouvelle répartition de la cotisation complémentaire. S’il s’agissait de dresser les collectivités locales les unes contre les autres, on ne s’y prendrait pas autrement !
Le Gouvernement lance des offensives. Puis, il se retire du champ de bataille. À nous, parlementaires, de ne pas tomber dans ce piège de l’affrontement entre niveaux de collectivités.
En conclusion, mes chers collègues, la taxe professionnelle n’est, certes, pas l’impôt économique idéal. Mais au gré des réformes successives, les collectivités locales s’en étaient accommodées. Je pense, en particulier, à la loi de notre excellent collègue Jean-Pierre Chevènement, qui avait permis d’instaurer un équilibre fiscal profitable à la fois aux communes et aux communautés de communes.
M. Jacques Mézard opine
Aujourd’hui, bouleverser ce fragile équilibre panique, à juste titre, les élus. Il faut les comprendre ! Le quotidien des élus locaux n’est pas facile, ce sont des hommes et des femmes passionnés dont l’enthousiasme ne doit pas être altéré par le doute, l’imprécision et l’approximation.
C’est pourquoi, soucieux de répondre aux attentes de tous ces artisans de la République, avec mes collègues et amis du groupe RDSE, nous prendrons toute notre part dans le débat et la réécriture des articles concernés.
Mes chers collègues, ayons confiance dans les élus locaux ! Ne les décevons pas ! Il y va de l’avenir de la décentralisation, mais, plus encore, de notre « République décentralisée », si chère aux radicaux !
Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur plusieurs travées de l ’ Union centriste et de l ’ UMP. – MM. Jean-Claude Frécon et François Patriat applaudissent également.
M. Philippe Adnot. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vais voter… le budget de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Sourires. – M. le rapporteur général de la commission des finances s’exclame.
M. le rapporteur général nous a proposé de procéder en deux parties. Aussi, je vais suivre son schéma. La première partie concerne la réforme pour les entreprises. Tout le monde ici sait très bien que la taxe professionnelle frappait trop lourdement l’outil industriel tout en épargnant les entreprises de services. Je considère donc qu’il était bon de modifier cet état de choses.
Fallait-il pour autant en profiter pour alléger la charge globale d’environ 4 milliards d’euros en année courante ?
Je rappelle que cet allégement est financé par l’emprunt puisque cette disposition aggrave le déficit budgétaire. Était-ce la chose la plus urgente à faire ?
Fallait-il donner à quelques centaines de milliers d’entreprises, en les dispensant de participer au financement des collectivités, le sentiment qu’elles n’ont pas besoin de contribuer au fonctionnement général de la société ? Je pense que non !
Je crois qu’il était mauvais de laisser à penser que la taxe professionnelle serait purement et simplement supprimée.
Il y a déjà longtemps que la part « salaires » n’existe plus. On supprime aujourd’hui la part « investissement », mais elle sera remplacée par deux autres taxes, tandis que la taxe foncière sera maintenue.
Donner aujourd’hui à l’opinion en général le sentiment qu’il n’y a plus d’impôt, c’est une erreur. Et elle sera ressentie d’autant plus douloureusement, madame le ministre, monsieur le ministre, que compte tenu de deux autres impôts – que je vais évoquer –, globalement, les entreprises vont, selon moi, payer plus qu’avant.
La taxe carbone sera remboursée aux citoyens, avez-vous dit, et pour les entreprises, la compensation consistera en un allégement de la taxe professionnelle. Or cet allégement sera moins complet qu’il n’y paraissait puisqu’il restera la valeur ajoutée, plus la taxe carbone.
Voilà une dizaine de jours, vous nous avez envoyé, madame la ministre, monsieur le ministre, des documents pour solliciter notre accord avant le 15 novembre sur le classement en routes à péage de certaines routes départementales. En effet, comme vous avez l’intention de rendre payante la circulation de tous les véhicules de plus de 3, 5 tonnes sur les routes nationales, vous craignez un transfert du trafic sur les routes départementales.
Mais l’argent perçu au titre des routes départementales irait, non aux départements dont les routes seront abîmées, mais à un fonds national. Dans mon département, pour quarante kilomètres, cela pourrait représenter 1, 5 million d’euros par an. Tels sont les éléments que vous m’avez donnés pour que je puisse réfléchir et me prononcer en connaissance de cause.
Je pense aux entreprises industrielles dont vous dites vouloir alléger les charges. Essayez d’imaginer les conséquences financières de l’instauration d’une telle taxe sur les transports pour les entreprises agro-alimentaires, par exemple ! Quand les comptes seront faits, on verra ce qu’il en est ! Car celles qui se servent le plus de la logistique sont les entreprises industrielles !
Vous avez très souvent attribué le manque de compétitivité de nos entreprises à la taxe professionnelle. Je ne vous suis pas, car je n’ai jamais vu une entreprise perdre des parts de marché à cause de la taxe professionnelle. Pas plus que j’aie jamais vu une entreprise délocaliser à cause de la taxe professionnelle ! Tout le monde le sait très bien ici, ce sont les taxes sur les salaires qui sont à l’origine du manque de compétitivité des entreprises.
Et M. le président de la commission des finances le sait mieux que quiconque, lui qui propose depuis longtemps de remplacer l’ensemble de ce dispositif par une TVA sociale.
Une fois cette réforme faite – parce que je pense que vous allez la faire, même si nous sommes quelques-uns à nous y opposer –, vous aurez un problème : six mois après, il vous faudra vous rendre à l’évidence et admettre que les délocalisations n’auront pas diminué et que la compétitivité des entreprises n’aura pas progressé. En effet, ce n’est pas la taxe professionnelle qui joue, dans ce domaine, un rôle décisif !
M. Jacques Mézard opine.
Vous avez décidé de mettre en œuvre cette réforme. Dont acte !
La deuxième partie évoquée par M. le rapporteur général concerne les finances locales.
Était-il nécessaire de profiter de la réforme de la taxe professionnelle pour supprimer l’autonomie fiscale des collectivités locales et, plus particulièrement, celle des départements et des régions ? Je vous accorde que les communes seront moins touchées car vous avez amélioré votre rédaction initiale.
Mais l’autonomie fiscale des départements s’établissait jusqu’à présent à 20 milliards d’euros – j’arrondis les chiffres – dont 5 milliards d’euros pour le foncier bâti, 5 milliards d’euros pour la taxe d’habitation et 10 milliards d’euros pour la taxe professionnelle. Je vous le concède, madame la ministre, monsieur le ministre, 50 % de la taxe professionnelle étaient plafonnés par la valeur ajoutée, ce qui laissait aux départements, au titre de la TP, 5 milliards d’euros, soit, au total, 15 milliards d’euros d’autonomie fiscale. Or dans la proposition telle qu’elle nous vient de l’Assemblée nationale, vous la ramenez à 7, 5 milliards d’euros.
Vous avez donc décidé carrément, pour l’ensemble des départements, de diviser par deux l’autonomie fiscale. Cela n’est pas sans risque. Je vais vous donner un exemple : aujourd’hui, les collectivités locales bénéficient de taux d’intérêt relativement faibles parce qu’elles empruntent auprès des banques sans que celles-ci soient assujetties aux normes Bâle 2. En effet, si une collectivité est en difficulté, jusqu’à présent, on augmente les impôts, puis l’État prend la main et il n’y a pas de difficulté pour couvrir l’endettement.
Mais avec la disparition de l’autonomie fiscale, il ne sera plus possible de bénéficier de ce dispositif. Je m’en suis ouvert aux banques et aux institutions financières, qui m’ont confirmé que si une collectivité rencontrait ce genre de problème et n’était plus capable de couvrir ses remboursements par l’augmentation de la fiscalité, cela pouvait lui valoir une pénalité de 100 points de base. Or 100 points de base équivalent à 1 % de taux d’intérêt !
S’agissant d’emprunts à 4 %, cela représente une hausse de 25 % des frais financiers, ce qui est extrêmement important.
Si l’autonomie fiscale des départements disparaît, ils ne seront plus en mesure, comme aujourd’hui, de garantir les emprunts des offices d’HLM ; certes, ceux-ci continueront à construire, mais ils devront assumer des frais financiers supplémentaires.
Monsieur le président, je n’ai pas pris la parole lors de la discussion générale, j’ai accepté de céder à la collectivité les cinq minutes qui m’étaient imparties. Quoi qu’il en soit, je m’achemine vers la conclusion.
On nous a dit que cette réforme était nécessaire, car elle allait améliorer la lisibilité des feuilles d’impôts. Qu’en sera-t-il en réalité ? Jusqu’à présent, lorsque le citoyen lisait sa feuille d’impôt, il savait ce qui allait revenir à la commune, à la région et au département. Si ce texte est adopté, il saura que la part foncière revient au département, mais il ne saura rien de la destination de la taxe spéciale sur les conventions d’assurance, la TSCA, ni de la taxe intérieure sur les produits pétroliers, la TIPP, ni de la cotisation sur la valeur ajoutée, qui sera désormais perçue au niveau national.
Vous avez souvent parlé, madame la ministre, du panier de recettes fiscales. Or, si vous l’avez maintenu pour les communes, vous l’avez supprimé pour les départements. C’est bien dommage, car on ne pourra plus impliquer tous les citoyens. Lorsque les entreprises n’acquitteront plus aucune taxe spécifique pour les départements, elles pourront toujours demander des déviations et des routes hors gel ; cela n’aura pas de conséquences...
Le risque est grand, et j’attire votre attention sur ce point, que les gens ne se sentent plus concernés par des impôts qui ne relèvent plus directement des départements, y compris par le retour sur investissement, c’est-à-dire ce qu’ils servent à financer.
Je ne voterai pas l’article 2 de ce texte si la participation du monde économique n’est pas renforcée. Je vais d’ailleurs déposer un amendement visant à abaisser le seuil de 500 000 euros de chiffre d’affaires.
Il n’est pas sain, en effet, que tout le monde ne se sente pas concerné par le financement et la bonne marche de notre société, en particulier de nos collectivités locales.
Je ne voterai pas cet article si on ne restaure pas l’autonomie fiscale des collectivités locales et si on ne rétablit pas le panier de recettes fiscales et le droit au retour sur investissement. Je proposerai, s’agissant des départements, que la moitié de la cotisation sur la valeur ajoutée soit territorialisée, ce qui n’est pas prévu dans les propositions qui nous sont faites.
Mes chers collègues, je vous invite à faire en sorte que les départements ne deviennent pas, demain, de simples entités auxquelles on imposera des responsabilités obligatoires et auxquelles un robinet extérieur donnera ou ne donnera pas les moyens de les financer. Ce ne serait pas une belle évolution pour la décentralisation.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, sur les travées de l ’ Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et sur quelques travées de l’UMP.
Je sais bien que certains n’ont pas pris la parole au cours de la discussion générale, mais je ne saurais accepter de tels dépassements de temps de parole !
La parole est à M. Charles Guené.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce débat nous donne l’occasion, au lendemain du congrès des maires, de rétablir certaines vérités et de tracer des perspectives avant de commencer l’examen de la réforme de la taxe professionnelle, puis de celle des collectivités territoriales. Il est aussi l’occasion, pour le groupe UMP, de réaffirmer ses convictions au service de nos territoires et de nos concitoyens.
Notre première ambition est de conforter le pôle communes/intercommunalité dans son rôle de proximité, tout en ouvrant une vraie perspective de solidarité et de mutualisation au sein du pôle département/région. Les communes conserveront ainsi leur clause de compétence générale et l’intercommunalité restera leur œuvre, leur émanation, grâce à une élection des délégués communautaires en 2014 par fléchage sur les listes municipales.
L’élection en 2014 de conseillers territoriaux siégeant à la fois au conseil général et au conseil régional permettra, quant à elle, d’éviter les interventions concurrentes des départements et des régions, et d’engager une véritable clarification des compétences entre les deux échelons, source de simplification des procédures et d’économies budgétaires. Les communes, en particulier en milieu rural, pourront néanmoins continuer de bénéficier du soutien des autres collectivités territoriales pour financer leurs projets locaux de solidarité et d’aménagement du territoire, contrairement à ce que certains voudraient faire croire. La pratique des financements croisés sera simplement précisée, peut-être à l’instar des fonds de concours, pour éviter une complexité excessive.
Pour soutenir l’investissement local, le groupe UMP du Sénat a déposé un amendement pour permettre aux collectivités territoriales de continuer à bénéficier du remboursement anticipé du FCTVA, s’agissant des dépenses pour lesquelles elles se sont fermement engagées en 2009, mais qu’elles n’ont pu réaliser ou mandater avant le 31 décembre de cette année, compte tenu des délais de certaines procédures de commande publique.
Le Premier ministre nous a donné son accord sur ce point. Nous nous réjouissons, par ailleurs, de sa volonté de reconduire en 2010 le dispositif de remboursement anticipé du FCTVA. Le groupe UMP a déposé un second amendement pour concrétiser l’annonce faite le 17 novembre, lors de la session annuelle du Congrès des maires de France. Il permettra de soutenir les collectivités locales qui n’auraient pas pu s’engager en 2009. Cela sera particulièrement bénéfique pour les collectivités territoriales dont l’investissement continuera à être encouragé en 2010.
Nous approuvons également l’annonce de la création, auprès de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, l’ADEME, d’un fonds dont le montant correspondra à la taxe carbone versée par les collectivités territoriales et contribuera à financer leurs investissements d’économie d’énergie.
En ce qui concerne la suppression de la taxe professionnelle sur les investissements productifs, nous devons là aussi faire preuve de pragmatisme.
La suppression de la part des investissements de la taxe professionnelle fait l’unanimité auprès du monde économique. Personne ne conteste sérieusement, aujourd’hui, l’apport de compétitivité à nos entreprises face à la mondialisation et à la crise. Ce qui fait débat, c’est son remplacement dans la ressource locale.
À cet égard, la divergence ne réside pas dans le principe, car chacun convient que notre fiscalité était à bout de souffle, et que le moment était venu de remplacer la part prépondérante que représentait la taxe professionnelle, dont une large moitié était réglée par l’État, par un impôt moderne, une répartition fiscale plus contemporaine et en phase avec l’économie nouvelle. Ce sur quoi on voudrait nous fâcher, ce sont les affectations à retenir.
La valeur ajoutée est sans doute le moins mauvais des critères que nous avions à notre disposition, car elle reflète la richesse produite et, par le biais d’un taux fixe, elle vient corréler la ressource à l’évolution naturelle de l’assiette du PIB. Elle a aussi l’avantage, en contractant le montant de l’ancienne taxe professionnelle, de laisser place à une nouvelle répartition de la ressource entre les collectivités, et surtout, en remplaçant les actuelles contreparties versées par l’État par le transfert d’impôt qu’il se réservait, l’introduction de la nouvelle contribution économique territoriale, la CET, permet de renforcer l’autonomie financière des collectivités.
En revanche, de par sa composition, la nouvelle contribution met en évidence la cristallisation de la richesse sur certains territoires. C’est en cela que réside l’intérêt et les enjeux de la réforme de la fiscalité locale qu’elle sous-tend.
Par ailleurs, le bouleversement généré par le remplacement d’un impôt conçu il y a un demi-siècle impose d’en fixer le cadre immédiat pour répondre à l’orthodoxie budgétaire et aux règles constitutionnelles. Le respect des équilibres et l’affirmation des grands principes de la réforme doivent être débattus immédiatement. Il en va aussi de la nécessité de rassurer les élus dans le doute, mais le contexte des réformes territoriales et des compétences, et les échéances différées, comme le besoin de vérifier les mécanismes, imposent de disposer de temps.
Ce sont les problématiques qui se posent au Sénat. Pour être délicates et source de paradoxes, elles n’en sont pas pour autant hors de portée.
La difficile question de la répartition de la valeur ajoutée peut être surmontée par la mutualisation que prévoyait l’avant-projet du Gouvernement. La mutualisation permet d’effectuer directement une péréquation de la richesse sur les territoires en fonction du nombre de salariés et des surfaces occupées, et de pondérer le produit par des critères adaptés aux compétences des collectivités. Elle maintient ainsi un lien fort avec le territoire, tout en le pondérant nationalement.
Il peut être retenu d’effectuer cette mutualisation seulement pour les départements et les régions, et de recourir à une territorialisation pour les seules communes et EPCI, ainsi que le souhaiterait l’Assemblée nationale. Il conviendrait toutefois de territorialiser par l’assiette, et non par le produit, de façon à ne pas être contraint de modifier un barème qui fait consensus et à en pondérer les effets, que certains sous-estiment. Le rapporteur général nous a indiqué les pistes qu’il explorait à cet égard.
À la vérité, les communes et les établissements de coopération intercommunale ne seront pas pénalisés par la réforme. Ils bénéficieront en 2010, comme l’ensemble des collectivités territoriales, d’une compensation de ressources au moins égale au produit perçu en 2009.
Surtout, à partir de 2011, les communes et les EPCI disposeront d’un panier diversifié de recettes fiscales, avec un large pouvoir d’en fixer les taux, ce qui préservera leur autonomie financière et fiscale : taxe d’habitation, taxes foncières sur les propriétés bâties et non bâties, taxe sur les surfaces commerciales transférée par l’État, nouvelle cotisation foncière des entreprises implantées sur leur territoire, nouvelles impositions forfaitaires sur les éoliennes, les centrales photovoltaïques, les antennes-relais, etc.
Il reste à s’interroger sur l’affirmation selon laquelle le bloc communal doit nécessairement disposer d’une part importante de la cotisation sur la valeur ajoutée. Cette option le rendrait en effet beaucoup plus vulnérable aux aléas économiques liés à l’évolution de la valeur ajoutée et que la mutualisation venait adoucir.
Dans l’avant-projet gouvernemental, le bloc communal, en disposant de la seule part de la cotisation locale d’activité, basée sur le foncier de l’ancienne taxe professionnelle, avait l’avantage de proposer une autonomie financière plus grande, et moins sensible aux aléas économiques.
L’Assemblée nationale a décidé de lui affecter 20 % de la cotisation complémentaire. Nous devons nous interroger sur la nécessité et la pertinence d’une affectation supplémentaire. À quel niveau fixer le curseur ? Telle est la réponse que doit apporter le Sénat, sur la base des travaux de la commission des finances et de notre excellent rapporteur général, Philippe Marini.
À titre personnel, je considère qu’il faut, chaque fois que nécessaire, proposer le recours à la mutualisation plutôt que celui de la territorialisation, qui ne correspond pas à l’esprit du nouvel impôt, et exigerait alors de créer ensuite une péréquation distincte et aléatoire dans ses résultats comme dans sa mise en œuvre.
Je sais, à cet égard, que le Sénat ne faillira pas à son rôle de gardien de l’équité des territoires.
Dans la nouvelle organisation fiscale, nous devrons également être vigilants quant au sort des départements. En l’absence de réforme, leurs ressources n’étaient plus assurées, et il devenait urgent de leur permettre de faire face à leur compétence sociale. La mutualisation de la valeur ajoutée peut être l’occasion de leur assurer une ressource corrélée à leurs risques sociaux, même si je n’ignore pas qu’il faudra songer à compléter leurs ressources, notamment pour faire face au cinquième risque, en leur permettant de sanctuariser leur rôle d’acteurs des politiques territoriales, auquel nous sommes attachés.
Il ne faut donc pas trop réduire leur part de cotisation complémentaire sur la valeur ajoutée, et il est nécessaire de veiller à mutualiser le risque social au plan national.
La solidarité entre les territoires est pour nous, sénateurs UMP, une priorité.
La seconde question est celle du calendrier et des clauses de revoyure.
À cet égard, le groupe UMP approuve la proposition du rapporteur général d’examiner, dans un premier temps, la partie de la réforme qui concerne les entreprises et la compensation 2010, puis, dans le cadre des articles non rattachés, la partie concernant la répartition des nouvelles ressources en 2011.
Nous souhaitons néanmoins qu’un dispositif précis soit voté dans le cadre de la loi de finances pour 2010, afin de ne pas laisser sans réponse les questions légitimes que se posent les élus locaux et de définir les orientations des finances locales pour 2011 et les années suivantes, qui permettront de faire des simulations précises sans lesquelles il ne serait pas possible d’avancer.
M. Charles Guené. Mais nous souhaitons, là encore, faire preuve de pragmatisme en prévoyant d’ores et déjà de nouveaux rendez-vous législatifs en 2010 et au-delà, pour tenir compte des simulations complémentaires et de la future répartition des compétences.
M. le président de la commission des finances opine.
Le groupe UMP du Sénat a déposé un amendement en ce sens.
Sur la base du dispositif de répartition des ressources des collectivités territoriales que nous adopterons dans le cadre de la loi de finances pour 2010, cet amendement tend à instaurer deux rendez-vous législatifs.
Le premier, avant le 31 juillet 2010, pour préciser le dispositif de répartition des ressources des collectivités territoriales et des établissements de coopération intercommunale sur la base de simulations que le Gouvernement devra remettre avant le 31 mars 2010, à partir du texte adopté en loi de finances pour 2010.
Le second, dans les six mois suivant la promulgation de la future loi qui précisera la répartition des compétences des collectivités territoriales, afin d’en tirer les conséquences financières.
Nous avons souhaité déposer cet amendement sans attendre la seconde partie pour préciser clairement le cadre et le calendrier de cette réforme. Le Premier ministre nous a donné son accord et l’a confirmé lors du Congrès des maires de France. Nous prendrons ainsi le temps qu’il faudra pour aboutir à une répartition des compétences et des ressources cohérente.
C’est un chantier ambitieux qui s’étalera dans le temps jusqu’en 2014, sans précipitation, mais aussi sans faiblesse, car nous devons avoir le courage de regarder en face la réalité d’une économie et d’une société qui évoluent, et d’adapter notre fiscalité et notre organisation locales aux enjeux d’aujourd’hui, au service de nos territoires et de nos concitoyens, en évacuant tous les conservatismes.
C’est dans cet esprit pragmatique, constructif et responsable que nous abordons aujourd’hui l’examen de la réforme de la taxe professionnelle.
Applaudissements sur plusieurs travées de l ’ UMP.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, on ne peut comprendre le projet de suppression de la taxe professionnelle sans le situer dans le contexte du projet politique, du projet de société, mis en œuvre par le Président de la République en lien étroit avec les politiques libérales européennes.
Comme le disait Denis Kessler, ex-numéro deux du MEDEF, en 2007 « Le modèle social français est le pur produit du Conseil national de la Résistance. Un compromis entre gaullistes et communistes. Il est grand temps de le réformer, et le gouvernement s’y emploie ».
Ce sont bien toutes ces innovations à la base des politiques de solidarité qui gênent le pouvoir en place et le MEDEF, y compris le nouveau secteur public que l’ensemble des collectivités locales ont développé avec la décentralisation au cours des dernières années.
Communes, départements et régions deviennent aujourd’hui un obstacle à la croissance du capitalisme dans des secteurs où celui-ci voudrait trouver de nouvelles ressources.
Le transfert des services au secteur privé devient une nécessité pour que le monde des actionnaires puisse engranger des dividendes supplémentaires.
Les services publics nationaux, comme La Poste, sont dans le collimateur de ce gouvernement, mais les services publics locaux ne sont pas non plus épargnés.
La politique libérale menée frise la caricature. Le bouclier fiscal en est un symbole. Aujourd’hui, elle s’enfonce un peu plus dans cette voie avec la suppression de la taxe professionnelle, un nouveau bouclier fiscal qui touche la contribution fiscale des entreprises à la vie locale et au dynamisme de nos territoires.
Toutes ces politiques aggravent les conditions de vie et de travail d’une très large majorité de nos concitoyens. La suppression de la taxe professionnelle aura un effet direct, avec la baisse des investissements des collectivités locales et au travers des différents marchés publics, sur les quelque 800 000 emplois du secteur privé qui, chaque année, sont maintenus ou créés grâce à cette activité.
La pression financière aura pour finalité la mise sous tutelle des collectivités, l’État leur dictant ainsi les choix qu’elles doivent réaliser. On peut se demander alors à quoi pourront bien servir les élections, les projets ne seront même plus élaborés avec les citoyens.
La suppression des services publics entraînera des difficultés supplémentaires pour les habitants, sans parler des emplois publics qui disparaîtront eux aussi. Ce n’est pourtant pas le moment !
Dans l’édition 2009 de « France, portrait social », l’INSEE dresse un tableau très inquiétant de la situation de l’emploi. Et 2010 sera pire. Où sont passées les envolées lyriques du candidat Sarkozy sur la valeur travail, sur les revenus trop bas et qu’est devenue sa formule « travailler plus pour gagner plus » ?
Après les 100 000 pertes d’emplois enregistrées en 2008, le recul s’est amplifié au premier semestre 2009, avec plus de 270 000 pertes d’emplois. L’INSEE voit des perspectives très médiocres pour l’avenir à court terme : « Le nombre de chômeurs augmente […] de presque 30 % en un an et demi ». Le nombre de personnes touchées par le chômage partiel a été multiplié par dix en un an et atteint aujourd'hui 320 000 personnes.
De plus, les inégalités salariales s’amplifient de façon inquiétante. L’écart s’est accentué au cours de la dernière période puisque les très hauts salaires ont gagné 8, 5 fois le salaire médian en 2007, contre 6, 6 % en 1996.
Ces inégalités ne sont pas le fruit du hasard, pas plus qu’elles ne sont une fatalité. C’est votre politique qui en est responsable. La suppression de la taxe professionnelle va participer à cette politique inégalitaire.
L’accélération de ce que vous appelez « réformes » ressemble à une tornade dévastant tout sur son passage. Tout ce qui fonde les principes solidaires et tout ce qui reste d’eux dans notre pays est jeté à bas.
Les derniers chiffres confirment que les profits des banques et des assurances vont être multipliés par quatre en 2009 grâce au soutien sans contrepartie que vous avez accordé à ce secteur.
Vous avez davantage d’exigences lorsqu’il s’agit des collectivités et de leurs élus !
Aides aux banques et à la finance et destruction de nos services publics : tout cela va de pair. La suppression de la taxe professionnelle est, en fait, un des instruments que vous utilisez pour mettre fin aux services publics locaux.
Tout le monde reconnaît pourtant que les services publics sont de véritables amortisseurs sociaux, en particulier dans cette période de crise. Les services publics prônent des principes de solidarité. Votre politique est aux antipodes de ces principes.
C’est l’intérêt privé contre l’intérêt général ; c’est la rentabilité financière contre l’efficacité sociale ; c’est le choix de la loi du marché contre celui d’une organisation politique et sociale démocratique et planifiée.
Nous n’assistons pas à la mise en place d’une réforme supplémentaire, mais nous sommes bien face à un bouleversement profond de notre société, ce bouleversement qu’appellent de leurs vœux les représentants du grand patronat.
Les élus sont, dans leur très large majorité, très inquiets. Je citerai quelques propos glanés ici et là, à droite comme à gauche : « La gestion fiscale est extrêmement risquée et on ne peut pas l’improviser » ; « Nous n’avons pas de visibilité dans le temps sur les moyens d’assumer nos compétences. Et il serait bon de se doter d’un délai pour que toutes les simulations aient pu être fournies ».
Tout cela vous ne l’entendez pas ! Votre seule réponse est qu’il faut restaurer la compétitivité des entreprises.
Pourquoi ce cadeau fiscal supplémentaire serait-il efficace ? On le sait, et le rapport Cotis l’a confirmé, sur les vingt dernières années, il y a eu stabilité de la part salariale, baisse des investissements et augmentation sensible des dividendes pour les actionnaires dans l’utilisation de la valeur ajoutée.
Cela montre bien que les exonérations de taxe professionnelle sur la part « salaire », aussi bien que celles sur les cotisations sociales, n’ont pas eu l’effet escompté sur la compétitivité ou sur l’emploi.
Si certains représentants des PME pris à la gorge espèrent que cette baisse de fiscalité améliorera leur quotidien, d’autres s’interrogent davantage sur l’attitude des banques qui leur refusent des crédits.
Les entreprises, en particulier celles du bâtiment, ont bénéficié jusqu’à présent de la dynamique des collectivités locales, qui sont les premiers investisseurs publics de ce pays avec plus de 80 % des investissements.
Vouloir ignorer que les collectivités sont les premières pourvoyeuses d’emplois et tabler sur un allégement fiscal pour renforcer ces entreprises répond essentiellement à une analyse à courte vue.
Lorsqu’une entreprise s’installe dans une commune, elle ne le fait pas en fonction de la fiscalité locale. J’ai pu le constater en tant que maire, et je pourrais vous donner de nombreux exemples. Ce sont les services offerts dans la ville ou le département – les infrastructures, les écoles, l’université, la vie culturelle – qui déterminent les installations.
Le lien économique entre les collectivités et les entreprises est indispensable. Il a forgé pendant des décennies le développement de notre territoire. Les collectivités locales sont des partenaires essentiels du développement économique, des partenaires privilégiés du monde de l’entreprise.
En supprimant la taxe professionnelle, vous allez rompre ce lien au détriment de l’économie et de l’emploi. Vous allez transférer sur les ménages les impôts dus par les entreprises puisque toute marge de manœuvre sera supprimée pour que les collectivités modulent la fiscalité en direction des entreprises. Je rappelle que cette modulation est relativement faible aujourd'hui, puisqu’elle est encadrée.
On peut réellement craindre pour le maintien des services qui sont rendus à la population jusqu’à présent. Tous les élus savent pertinemment que la taxe professionnelle reste un instrument dynamique, avec des progressions notables chaque année. Qu’en sera-t-il de la nouvelle contribution économique territoriale ? On peut fort justement craindre qu’elle sera beaucoup moins dynamique, le barème progressif n’étant pas un modèle d’efficacité dans ce domaine.
Les élus locaux ne peuvent comprendre le peu de cas que vous faites de leurs remarques, de leurs attentes. Ils le comprennent d’autant moins que devant l’accroissement indécent des profits des banques vous proposez de laisser faire. Elles peuvent même tranquillement continuer à provoquer les faillites des PME.
Nous pensons, pour notre part, qu’une réforme de la taxe professionnelle est indispensable. En étendant les bases d’imposition de la taxe professionnelle aux actifs financiers des entreprises, des banques, des assurances, des groupes de la grande distribution, nous la rendrions plus efficace.
Vous avez accordé des milliards d’euros au secteur bancaire au cours de la dernière période, et leurs profits ont quadruplé. Plutôt que de financer la reprise économique, les liquidités accumulées retournent à la spéculation. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, beaucoup d’économistes craignent fort justement que la crise ne soit relancée, et non l’économie.
Il est vrai que la taxe professionnelle pèse plus sur les industries et beaucoup moins sur les secteurs financiers et bancaires, moins sur les services et la grande distribution. Le rapport est bien souvent du simple au double.
Comme je l’ai dit à maintes reprises, n’est-il pas préférable de réfléchir à l’évolution de l’assiette de la taxe, à l’importance et à la pertinence des correctifs à lui apporter, et trouver les voies d’une réforme permettant d’assurer aux collectivités locales les moyens financiers de leur action et de rétablir entre les entreprises contribuables un traitement équitable au regard de l’impôt ?
L’intégration de la richesse financière dans les bases d’imposition rétablirait l’équité face à l’impôt pour les entreprises et serait bénéfique à notre économie.
Une taxation des actifs financiers qui permettrait d’alimenter un fonds de péréquation national supprimerait tout risque de perte de recettes, situation que l’on connaît bien avec les dotations de compensation de l’État.
Les collectivités y gagneraient en visibilité sur leurs ressources. En effet, ce que vous leur proposez, avec votre projet de suppression de la taxe professionnelle, c’est une navigation dans le brouillard.
Les seuls qui y verront vraiment clair, ce sont les grandes entreprises, en particulier du secteur financier. Vous leur offrez sur un plateau 11 milliards d’euros en 2010 et 5, 8 milliards en vitesse de croisière pour les prochaines années.
L’argent dégagé retournera à la spéculation. L’investissement stagnera de nouveau. Les effectifs des entreprises se réduiront également. Vous contribuerez ainsi à relancer la crise.
La suppression de la taxe professionnelle est symbolique d’orientations aventureuses sur le plan économique et social.
Vous n’écoutez pas les élus de terrain qui savent de façon concrète ce que représente dans la gestion d’une collectivité l’intérêt de la population.
Ce projet est dangereux pour les collectivités, il est inquiétant pour l’emploi et pour les entreprises, et il est facteur d’inégalités entre nos territoires, entre nos habitants, puisque nous ne pourrons plus assurer les services publics.
Par votre proposition, vous préemptez tout le débat sur la réforme des collectivités. Quand vous aurez asséché les ressources de ces dernières, elles n’auront plus beaucoup de choix. Nous sommes loin de l’amélioration de la démocratie dont vous parliez, monsieur le ministre.
Vous avez pu le constater, nous ne rejetons pas purement et simplement votre projet puisque nous vous proposons une autre réponse dont nous pensons, avec mes collègues du groupe CRC-SPG, qu’elle apportera aux collectivités territoriales les moyens de satisfaire les besoins de nos concitoyens tout en gagnant en efficacité économique.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG – MM. Jean-Claude Frécon et François Marc applaudissent également.
Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, au risque de répéter des choses que vous avez déjà entendues, je souhaite revenir sur la méthode.
Premièrement, de nombreux élus, en particulier les maires, que je connais bien, ont été perturbés par l’ordre dans lequel sera menée la réforme territoriale.
On nous a annoncé une réforme territoriale et, dans l’esprit d’un grand nombre d’élus, elle devait traiter globalement et successivement de l’architecture, des compétences et des finances des collectivités locales. Or, tous ces éléments sont mis sens dessus dessous : nous sommes d’abord saisis d’un projet de loi de réforme territoriale qui ne porte que sur l’architecture, ensuite la suppression de la taxe professionnelle est venue télescoper la réforme territoriale et, enfin, on nous annonce que les compétences seront traitées ultérieurement.
Je déplore donc ce manque de vision globale, je le répète, madame la ministre, monsieur le ministre, et il faudrait que vous en soyez convaincus, car il angoisse les élus : on a mis la charrue avant les bœufs, cette réforme n’est pas menée dans le bon ordre !
Deuxièmement, je voudrais revenir sur la méthode proposée par la commission des finances. Je pense avoir fini par comprendre…
… une démarche que l’on nous avait annoncée en deux temps, mais qui s’apparente plus à une valse à quatre temps !
Si j’ai bien compris, nous allons aborder une première partie, qui porte sur la suppression de la taxe professionnelle. Dans quinze jours, nous allons revenir sur la répartition des ressources entre les collectivités locales. Je ne saisis pas bien ce qui se passera pendant ces quinze jours…
J’ai effectivement compris que des simulations devaient être réalisées : je veux bien que ce délai soit suffisant, mais je m’interroge.
Ensuite, si j’ai bien compris, une clause de retour devrait jouer avant le mois de juillet 2010, suivie d’une nouvelle – il s’agit peut-être de la clause de revoyure–, qui interviendrait après le deuxième volet de la réforme territoriale. Je distingue donc quatre temps, mais je ne vois toujours pas quand nous traiterons du volet relatif aux compétences.
Sourires.
Ce dernier point me gêne : la discussion du volet portant sur les compétences n’est prévue que pour la fin de l’année 2010, voire en 2011 ! Cette procédure me semble donc un peu compliquée, même si je fais confiance à la commission des finances.
Troisièmement, puisque nous parlons d’évaluations, il me semblerait intéressant de pouvoir disposer, d’ici à quinze jours, d’une présentation macroéconomique des apports et du coût de cette réforme pour les collectivités territoriales, …
En effet, je ne voudrais pas que l’on nous considère comme les défenseurs exclusifs des collectivités territoriales. En tant que parlementaires, nous devons aussi avoir une vision nationale du budget de l’État !
Avec tous ces transferts, je n’ose pas dire ces tours de passe-passe, …
… entre les dotations et les impôts qui vont dans un sens et dans un autre, j’avoue que nous aurions besoin de lisibilité. Il faudrait donc que nous disposions d’une évaluation des grandes masses pour les trois niveaux de collectivités territoriales.
Quatrièmement, pour reprendre les propos de Philippe Adnot, on ne peut pas nous faire croire que les collectivités territoriales, après cette réforme, disposeront du même degré d’autonomie fiscale : c’est faux !
Mme Marie-France Beaufils opine.
Cinquièmement, j’ai entendu dire à plusieurs reprises par des membres de l’exécutif que la compensation accordée en 2010 serait calculée sur la base du taux de 2008, le taux de 2009 n’étant pas retenu pour éviter les « effets d’aubaine » : certaines collectivités auraient augmenté leurs taux d’imposition…
… et risqueraient ainsi de bénéficier de ressources indûment majorées. Je me permets d’observer que la suppression de la taxe professionnelle a été annoncée en février 2009 : à cette date, beaucoup de collectivités, notamment les plus grandes, avaient déjà préparé ou voté leur budget et ne pouvaient imaginer que la suppression de la taxe professionnelle interviendrait aussi rapidement, même si elles savaient que l’idée était dans l’air du temps.
Cet argument ne me semble donc pas recevable pour écarter la prise en compte des taux de 2009.
J’ajoute, au passage, que les bases d’imposition, même si elles ont augmenté moins vite en 2009 du fait de la crise, comme l’a indiqué Jean-Pierre Fourcade, ont tout de même augmenté.
Mme Marie-France Beaufils opine.
Sixièmement, si j’ai bien compris, le Fonds national de garantie individuelle des ressources sera figé. Cela voudrait dire qu’une commune qui augmentera ses recettes grâce au passage de la taxe professionnelle au niveau système, verra ses bases écrêtées ; si elle perd ensuite des entreprises sur son territoire, elle devra continuer à verser de l’argent au fonds national de garantie. Inversement, une collectivité qui aura perdu des recettes du fait de la réforme, mais qui connaîtrait ensuite une augmentation de ses ressources grâce au développement d’entreprises sur son territoire pourra continuer à percevoir des reversements du fonds national de garantie. Cette solution me paraît injuste : elle crée la même injustice que celle à laquelle a remédié un amendement adopté par l’Assemblée nationale, concernant la taxe payée par France Télécom.
En conclusion, je souhaiterais poser deux questions.
En premier lieu, si j’ai bien compris, dans le cadre du transfert de la taxe d’habitation et de la taxe foncière sur les propriétés non bâties, une taxe complémentaire sera attribuée aux communes ou aux intercommunalités à fiscalité mixte. Le taux d’imposition ne pourra augmenter que sur la part initiale et non sur la part transférée. Je voudrais que vous me confirmiez que j’ai bien compris le mécanisme.
En second lieu, il semble que les communes qui ne sont pas membres d’un établissement public de coopération intercommunale ne toucheront pas de cotisation supplémentaire. Ai-je bien compris ?
Mme la ministre opine.
Pour conclure, comme l’a dit Charles Guené, il faut rétablir certaines vérités : madame la ministre, monsieur le ministre, hier, un membre de l’exécutif m’a affirmé que les communes et les intercommunalités pourraient fixer elles-mêmes le taux de la cotisation complémentaire. J’ai eu beau affirmer que cette information me semblait inexacte…
Sourires.
Je vous le dirai en privé, monsieur le ministre. Tout le monde peut se tromper.
Vous devez comprendre que, d’une manière générale, les élus ont pour seule préoccupation de continuer à être efficaces sur leurs territoires pour mener une politique au service de leurs concitoyens. Je ne crois pas qu’il faille leur prêter de mauvaises intentions : je vous accorde qu’il peut toujours y avoir des exceptions, mais on en trouve aussi ailleurs !
Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste. – MM. François Marc, Pierre-Yves Collombat et Alain Fouché applaudissent également.
M. Jean-Claude Frécon. Depuis dix minutes, nous sommes le 20 novembre, c’est la saint Edmond ! Bonne fête, Edmond !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
Je vous remercie infiniment et je suis persuadé que ces souhaits nous donneront le courage commun d’avancer dans la décentralisation !
Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, lorsqu’on lit l’article 1er de la Constitution, on constate que la décentralisation fait partie de notre pacte républicain, et ce sont bien évidemment nos collectivités territoriales qui donnent tout son sens à ce principe, avec leur part d’autonomie et d’impulsion, mais également leurs partenariats, leur complémentarité et, parfois, les transferts. L’État a besoin des collectivités territoriales : évitons donc leur stigmatisation et préférons-lui la confiance qui mobilise !
Aujourd’hui, une rupture s’installe dans le processus de décentralisation, processus bien évidemment perfectible, mais qui, il faut le reconnaître, a porté des fruits. Je vois la preuve de cette rupture dans la critique systématique de la dépense publique appliquée aux collectivités territoriales : il y aurait trop d’échelons, trop de collectivités, trop d’élus, trop de compétences, trop de ressources. Résultat : on supprime la taxe professionnelle !
Je vois une autre preuve de cette rupture dans les déclarations précipitées, qui mêlent une fidélité idéologique contestable et, aussi, une improvisation technique surprenante. Je ne veux pas épiloguer sur la succession des annonces, ni sur la diversité des expressions au sein de la majorité. Pour ma part, je ne suis absolument pas surpris par l’absence du ministère de l’intérieur puisque, mes chers collègues, cette réforme de la taxe professionnelle n’a pas été conçue dans l’intérêt des collectivités territoriales.
Mme Nicole Bricq opine.
Je n’insisterai pas non plus sur les relations difficiles qui peuvent exister au sein même de la majorité, ou entre l’exécutif et le Parlement.
Et si j’’évoque ce point, c’est parce que, tous les jours, on nous donne des leçons de bonne gouvernance : il y a toujours des progrès à faire ! Ces différences, ces divergences expliquent peut-être les précautions de lenteur que prennent certains de nos collègues face à l’insoutenable lourdeur de la dette et du déficit.
Cette rupture existe donc bien, et elle amène une régression. Je vois cette régression, mes chers collègues, dans l’atteinte portée à l’autonomie des collectivités territoriales. Prenons le seul exemple de la contribution économique territoriale fondée sur la valeur ajoutée : la fixation d’un taux national ne favorise pas l’autonomie des collectivités locales, pas plus que les seuils élevés qui déclenchent l’imposition, pas plus que les fortes exonérations que vous avez prévues, même si, je l’ai compris, des modifications vont être proposées.
Je relève encore une atteinte à l’autonomie dans les transferts d’impôts et les dotations, dont la fixation du montant échappe bien évidemment au pouvoir des collectivités territoriales. Une autre atteinte résulte aussi du plafonnement des cotisations à 3 % de la valeur ajoutée, contre 3, 5 % aujourd’hui. Toujours en ce qui concerne l’autonomie, la comparaison de l’application aux communes de votre contribution économique territoriale assise sur la valeur ajoutée avec le produit de la taxe professionnelle affecté à ces mêmes communes permet de constater que leur autonomie fiscale diminue de 35 % par rapport à la situation antérieure.
En matière d’autonomie, je sais faire la différence conceptuelle entre autonomie fiscale et autonomie financière. Lorsque j’observe les compétences sociales du département, je crains que l’autonomie fiscale de celui-ci ne soit limitée et que cette limitation n’entraîne une grave atteinte à l’autonomie financière de ce même département, compte tenu des compétences qui sont les siennes.
Permettez-moi donc de formuler quelques propositions, sans être exhaustif.
Au nom, précisément, de l’autonomie fiscale, j’apprécierais beaucoup que la fixation d’un taux local de la cotisation assise sur la valeur ajoutée puisse être acceptée, au bénéfice des collectivités territoriales, dans le cadre, bien évidemment, d’une limite générale.
En ce qui concerne le taux national, je trouverais tout à fait normal qu’il soit légitimé par une forte péréquation.
Par ailleurs, le département a une compétence principale : la solidarité. Je vous le dis et je vous prie de m’excuser de cette répétition, le département ne peut honorer ses compétences sociales s’il ne bénéficie pas d’une part de CSG au niveau national ou, mieux, d’une part d’un nouvel impôt cumulant CSG et impôt sur le revenu des personnes physiques, dans la mesure où l’impôt sur le revenu des personnes physiques est un impôt progressif, quand bien même auriez-vous porté atteinte à ce point.
J’ai bien noté le problème de la relation entre les moyens financiers et les compétences. Il est tout à fait justifié, dans une logique rationnelle et digne de Descartes, que l’on commence par définir les compétences avant d’arrêter les ressources. Il y a aussi une évidence à adapter la nature de la fiscalité à la nature des compétences financées. Toutefois, mes chers collègues, ne vous faites pas d’illusion : je ne suis pas certain qu’un bouleversement général de la répartition des compétences actuelles nous sera proposé dans quelques mois !
Madame la ministre, monsieur le ministre, vous nous plongez, avec cette réforme, dans l’incertitude. D’où viennent ces incertitudes ? Simplement de la conception que vous avez des prélèvements obligatoires ! Ainsi, vous estimez qu’il faut systématiquement faire baisser ces prélèvements. Ce procédé doit être étudié, critiqué et corrigé et j’attends celui ou celle qui viendra me démontrer qu’il existe une corrélation entre le niveau des prélèvements obligatoires et l’emploi. En observant notre pays au cours des trente dernières années, ou encore la Grande-Bretagne, l’Allemagne et le Japon, on constate qu’il n’en existe aucune !
Il faut aussi examiner les différentes composantes de ces prélèvements obligatoires. Or, vous le savez bien, mes chers collègues, si nous ne sommes pas au sommet du classement en termes d’impôt sur les sociétés, nous le sommes lorsqu’il s’agit des impôts indirects.
Il faut également prendre en compte le contexte : le déficit, la dette, l’emprunt doivent tout de même conduire à modérer les critiques.
Enfin, il faut considérer l’utilisation qui est faite de ces prélèvements obligatoires. À ce titre, je vous invite à vous reporter à certains extraits du dernier rapport du Conseil des prélèvements obligatoires, car il ne faut pas oublier les éléments positifs que contiennent ces pages. Ce rapport évoque une qualité de la main-d’œuvre, de l’encadrement, des loyers, des communications, des énergies, de tout un ensemble de services qui profitent très directement aux entreprises et à leur personnel. Or ces services sont bien sûr issus de l’utilisation des prélèvements obligatoires.
Madame la ministre, monsieur le ministre, pour en revenir à la question des incertitudes, je veux souligner le civisme – je sais que le Gouvernement l’a remarqué – dont ont fait preuve tous les élus qui se sont investis dans votre plan de relance. Vous avez besoin des collectivités territoriales pour avancer et vaincre les défis du chômage !
Vous ne pouvez pas plaider la cause d’une grande industrie du transport, du logement, de l’énergie, des réseaux, de l’environnement si vous ne disposez pas de collectivités locales actives. Il faut donc faire en sorte qu’elles ne restent pas dans l’incertitude et l’arme au pied.
Je terminerai mon propos en évoquant un triple étonnement.
Je suis très surpris de voir le coût, pour l’État, de la suppression de la taxe professionnelle : 11, 6 milliards d’euros en 2010, 4 milliards d’euros en vitesse de croisière.
En outre, lorsque les ministres évoquent l’impératif de compétitivité, je constate que, dans les tableaux qui nous ont été fournis, toutes les entreprises et tous les secteurs, à l’exception d’un seul, sont gagnants, même si je m’interroge sur certaines professions libérales.
L’allégement des charges des entreprises atteindra, en 2010, 11, 7 milliards d’euros et, en vitesse de croisière, 5, 8 milliards d’euros. Les perdants, ce sont les collectivités territoriales et les ménages, car chacun ici sait bien que si, jusqu’à présent, les impôts locaux étaient supportés à 48 % par les ménages et à 52 % par les entreprises, ce rapport va être modifié et la participation des ménages s’élèvera à 70 %.
Ce n’est pas la première fois que vous entendez ces chiffres, monsieur le ministre ! Ils ont été démontrés ; d’autres que moi, appartenant à d’autres sensibilités, les ont également avancés et ils seront répétés.
M. Edmond Hervé. Si vous avez des inquiétudes à ce sujet, voyez ce que vous avez fait de l’APA, au détriment des départements !
M. Alain Fouché s’exclame.
Ma conclusion est simple : je suis très surpris que, dans la plupart des documents officiels intéressant la décentralisation et les collectivités territoriales, on ne parle pas de nos principes constitutionnels. La venue de M. Balladur devant la commission des finances fait figure d’exception : avec son langage très diplomatique, celui-ci nous a indiqué qu’il ne serait peut-être pas insensible de modifier le principe de libre administration des collectivités territoriales.
M. Edmond Hervé. Nous y sommes ! Je suis en effet intimement convaincu que le principe de libre administration des collectivités territoriales est aujourd’hui malmené.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est tout de même paradoxal de commencer une réforme des collectivités territoriales par la suppression de leur principale recette. Est-ce bien adroit que de mettre ainsi la charrue avant les bœufs ? Il eût fallu commencer par les règles d’organisation et les compétences des collectivités et conclure par les recettes. Le fait que vous inversiez cet ordre logique contribue inévitablement à susciter les réticences des élus. Vous n’avez donc qu’à vous en prendre à vous-même !
Le Conseil économique, social et environnemental avait proposé, il y a deux ou trois ans, un vaste plan de réforme et de remise en ordre de la fiscalité locale, un plan rationnel et progressif, restaurant la lisibilité perdue de l’impôt payé à chaque niveau de collectivité. Au lieu de cela, vous nous proposez une réforme bâclée, en l’absence de toute simulation, mais sans doute avec beaucoup de dissimulation, sans que les collectivités sachent comment cette recette manquante pourra être compensée.
La visibilité n’est pas au rendez-vous et je pourrais multiplier les exemples à ce sujet. La cotisation complémentaire, assise sur la valeur ajoutée, sera-t-elle déductible comme l’est la TVA ? Est-il bien raisonnable d’exonérer 90 % des entreprises, si c’est pour réintégrer ensuite leurs bases dans le calcul de ce que recevront les collectivités ? N’est-ce pas là une considérable entorse au principe de la territorialisation ? Comment, enfin, le coût pour les finances publiques va-t-il passer, en deux ans, de plus de 12 milliards d’euros à environ 4 milliards d’euros ?
Nous sommes dans le bleu, madame la ministre, monsieur le ministre !
Je ne veux pas faire l’éloge de la fiscalité locale actuelle : c’est un fouillis. Mais, à un fouillis, vous allez substituer un autre fouillis !
Sourires
L’argument de la compétitivité avancée par le Président de la République dans son discours de Saint-Dizier ne tient pas la route. Vous le savez si bien, madame la ministre, que vous avez déclaré qu’il fallait enlever aux entreprises qui délocalisent cet alibi selon lequel la taxe professionnelle handicaperait la compétitivité. Faites leur confiance, elles en trouveront d’autres !
Vous nous dites également qu’il ne faut pas décourager l’investissement des entreprises. Mais le montant de la taxe professionnelle n’est pas la principale motivation de l’investissement ; toutes les enquêtes ont démontré que la taxe venait en septième ou huitième position dans les motivations des chefs d’entreprises.
L’allègement au bénéfice des entreprises s’élèvera, si j’ai bien compris, à un peu plus de 4 milliards d’euros, quand nos exportations annuelles atteignent 400 milliards d’euros. Le regain de compétitivité ainsi obtenu est donc vraiment minime. Que représente-t-il au regard des dévaluations compétitives du dollar, du yuan accroché au dollar, de la livre britannique ? Plus de 30 % de dévaluation et on crie au protectionnisme ! Mais le protectionnisme monétaire existe !
Je crains donc que prétendre lutter ainsi contre les délocalisations industrielles ne soit qu’un effet de manche. L’entreprise mondialisée investit dans les pays à bas coûts, là où se trouvent les marchés du futur, et la France fait de moins en moins partie de son horizon. Voyez Renault, qui fabrique plus des deux tiers de ses voitures à l’étranger, et Peugeot, qui en réalise encore la moitié en France, mais qui vient d’annoncer la suppression de 6 000 emplois. Est-ce là la contrepartie du plan de soutien à l’automobile qui a alloué 3 milliards d’euros de crédits publics à ces deux entreprises, soit plus que la taxe professionnelle ?
Seul le rétablissement d’une concurrence équitable entre l’Europe et ses concurrents américain et asiatique est de nature à restaurer la compétitivité de nos entreprises et à redynamiser notre économie, par une réforme du système monétaire international et par des clauses anti-dumping en matière sociale et environnementale.
Cette suppression de la taxe professionnelle est revendiquée comme une décision personnelle par le Président de la République. Mais, depuis très longtemps, j’entends que cette revendication émane du MEDEF. Or, même du point de vue des entreprises, elle n’est pas très judicieuse.
La cotisation territoriale constituera un lien beaucoup plus ténu entre l’entreprise et le territoire que ne l’était la taxe professionnelle. Les entreprises ont besoin de services publics de qualité. Est-il bien opportun de pénaliser les entreprises de service et le développement du secteur tertiaire, qui est le plus créateur d’emplois ?
Il n’est pas convenable, madame la ministre, monsieur le ministre, de vouloir supprimer la taxe professionnelle sans avoir au préalable assuré aux collectivités territoriales un juste système de remplacement. Il est trop facile de remettre à plus tard la définition précise des règles fiscales en fonction des compétences qui seront ou non transférées et de laisser au Parlement le soin de préciser les mécanismes de répartition entre les différents niveaux de collectivités.
Vous avez dit vous-même, monsieur le ministre, que la répartition entre niveaux de collectivité n’est pas, à compétences inchangées, arrivée à son terme.
Vous avez ajouté que la loi sur les compétences viendra après et qu’il faudra alors faire jouer le curseur des compétences. Ai-je bien entendu ?
Mais comment mieux établir que votre projet marche sur la tête ? En effet, vous faites dépendre les compétences de ressources que vous ne connaissez pas encore ?
Ainsi, le Gouvernement prend le gage, supprime la taxe professionnelle et renvoie au Parlement le soin de définir à quelle sauce les collectivités vont être mangées. Mais, les collectivités ne veulent pas être mangées du tout ! Avec cette méthode, elles ne manqueront pas de se déchirer et vous pourrez alors vous frotter les mains !
Cette méthode est peu respectueuse de la dignité des élus et du consensus qu’il eût fallu rechercher, aux dires mêmes du Président de la République, pour réussir cette réforme. C’est pourquoi, comme nous l’ont suggéré deux anciens Premiers ministres, MM. Juppé et Raffarin, nous voterons contre cette réforme, en l’état.
Faut-il associer, comme le propose le Président de la République, les collectivités territoriales à l’effort de maîtrise budgétaire entrepris, selon lui, par l’État ? Laissez-nous rire, madame la ministre, monsieur le ministre ! Comment pouvez-vous parler d’effort de maîtrise budgétaire avec un déficit de 140 milliards d’euros ? La dette des collectivités locales n’est que le dixième de la dette publique totale. Celles-ci votent leur budget en équilibre. Faut-il casser, pour un si médiocre résultat prévisible, comme l’a souligné Yvon Collin, l’investissement des collectivités locales, qui représente 75 % de l’investissement public ?
Cet investissement contribue à la compétitivité du territoire français, à la qualité de vie et même à notre bon taux de natalité, notamment au travers des maternelles, des crèches et des haltes garderies.
La suppression de la taxe professionnelle ne sera pas intégralement compensée, pour un ensemble de raisons que je n’ai pas besoin de développer. M. Juppé vient de le confirmer ; je m’abrite donc derrière son autorité.
L’intercommunalité, en mettant en commun les compétences stratégiques des communes, a donné à ces dernières les moyens d’exercer ces compétences. Le Président de la République s’est étonné, dans son discours de Saint-Dizier, que les effectifs des EPCI aient crû de 64 % depuis dix ans, c’est-à-dire depuis le vote de la loi de 1999. Mais c’est une preuve de succès, parce que, à l’époque, l’intercommunalité urbaine n’existait quasiment pas, en dehors d’une douzaine de communautés urbaines et de cinq communautés de ville. Depuis cette date, se sont créées pas moins de 174 communautés d’agglomération et trois communautés urbaines de plus de 500 000 habitants : Marseille, Nantes et Nice.
Ces communautés exercent aujourd’hui dans des domaines stratégiques – le développement économique, l’habitat, les transports – des compétences que les communes adhérentes n’exerçaient pas ou exerçaient mal. Simplement, vous allez les priver de la ressource correspondante, la taxe professionnelle unique, qui représentait la quasi-totalité des ressources des intercommunalités très intégrées. Le dispositif qui va la remplacer – c'est-à-dire la cotisation foncière et 20 % de la cotisation sur la valeur ajoutée – représentera une recette notablement inférieure. Comment imaginer que les dynamiques engagées puissent se poursuivre, sinon par le recours accru à la fiscalité additionnelle pesant sur les ménages ? Ils seront les grands perdants de la réforme !
Il est donc tout à fait légitime de s’interroger sur la pertinence de certains cadeaux supplémentaires octroyés aux entreprises. Pourquoi avoir voulu substituer au taux unique de la taxe professionnelle, dans le ressort de l’intercommunalité, un taux progressif qui laissera 90 % des entreprises en dehors du champ d’application du nouvel impôt ? Pourquoi ne pas vouloir abaisser, comme l’avait proposé l'Assemblée nationale, le seuil d’exonération de cotisation complémentaire à 152 000 euros pour élargir l’assiette du nouvel impôt ? Pourquoi vouloir plafonner le montant de la cotisation économique à 3 % de la valeur ajoutée et l’assiette taxable à 80 % du chiffre d’affaires ? Et pour la taxe foncière, pourquoi la commission des finances veut-elle diminuer, par amendement, de 15 % la valeur locative des immobilisations industrielles ?
Toutes ces dispositions devraient être supprimées, car elles sont autant de cadeaux fiscaux arbitraires faits à certaines catégories. Oui à l’effort, madame la ministre, monsieur le ministre, à condition qu’il soit équitablement partagé !
La suppression de la taxe professionnelle n’est pas opportune, pour toutes les raisons qu’a fort bien développées Yvon Collin. En début d’année, le Gouvernement a lancé un plan de relance de l’économie et, maintenant, c’est un formidable coup de frein qui est donné !
Il est paradoxal de voir le Gouvernement et sa majorité proposer à la fois un budget en déséquilibre massif, bouclier fiscal et exonérations abusives aidant, et prononcer des vœux de continence à perpétuité à l’usage des collectivités locales. Il faut vous en rendre sinon hommage, du moins témoignage : seule la droite peut agir ainsi ; la gauche ne pourrait procéder de cette façon, et je parle d’expérience.
Le péché et la contrition se donnent en spectacle simultané ; les prédications en chaire de MM. Arthuis et Marini couvrent les affreux dérèglements au regard de l’orthodoxie de Mme Lagarde et de M. Woerth. C’est vraiment du grand Mauriac !
Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, l’organisation prioritaire d’un débat sur les recettes des collectivités territoriales et la suppression de la taxe professionnelle, immédiatement après la discussion générale sur le projet de loi de finances pour 2010, nous place directement au cœur des préoccupations des élus alors que s’achève le congrès de l’Association des maires de France.
Nous nous félicitons de ce qu’un accord ait été trouvé pour séparer le vote de la fin de la taxe professionnelle pour les entreprises du financement des collectivités territoriales, dont nous débattrons ultérieurement.
De même, nous sommes heureux que le président de notre groupe ait accepté qu’un amendement fixe une période probatoire avant l’adoption définitive du texte : la simulation, l’évaluation et la correction des données sont indispensables.
J’organiserai mon propos autour de deux grands axes : la fiscalité des entreprises et les ressources des collectivités territoriales. Ces deux thèmes correspondent aux deux temps de la réforme, telle qu’elle a été récemment redéfinie par le Gouvernement.
Nous examinerons donc dès à présent la suppression proprement dite de la taxe professionnelle et son remplacement par deux nouvelles cotisations pour les entreprises, tandis que le débat sur la compensation transitoire pour les collectivités en 2010 est reporté au mois de décembre.
La réforme de la taxe professionnelle ne sera définitive qu’après la réforme des collectivités et de leurs compétences, ce qui n’est que bon sens. Avec nombre de mes collègues, nous attendions ces décisions logiques et indispensables.
Permettez-moi de faire quelques remarques en tant que chef d’entreprise.
Pour les entreprises, la réforme de la taxe professionnelle doit permettre un allégement de charges d’environ 4, 3 milliards d’euros. Il est nécessaire de maintenir ce niveau d’allégement pour que la réforme contribue à l’amélioration de la compétitivité de l’économie française. Mais je tiens à souligner que la taxe professionnelle n’est que l’un des éléments du parcours en faveur de la compétitivité des entreprises ; ce n’est pas l’essentiel pour éviter le risque de délocalisation.
Il y a quelques mois, Carlos Ghosn, patron ô combien ! emblématique, indiquait que la problématique de son entreprise pour la production d’un nouveau modèle était un écart de 1 400 euros par voiture, selon qu’elle était fabriquée en France ou dans un pays de l’est de l’Union européenne : 240 euros sont liés à la taxe professionnelle et 1 160 euros aux charges sociales.
Depuis l’après-guerre, la France a fait le choix de faire supporter l’excès de charges sociales et fiscales par les entreprises en plombant leur croissance.
Il faut savoir que l’autofinancement des entreprises françaises représente à peine la moitié de celui des entreprises allemandes et britanniques, soit un manque de 120 milliards d’euros.
Les prélèvements obligatoires, par rapport au PIB, s’établissent ainsi à 44 % pour les entreprises françaises, à 37 % pour les entreprises britanniques et à 36 % pour les entreprises allemandes.
Comme vous le voyez, contrairement à certaines idées reçues, ce sont les entreprises et non pas les ménages qui assurent l’essentiel des prélèvements supplémentaires français. Voilà pourquoi, depuis un demi-siècle, nos entreprises n’ont pas la croissance de leurs voisins. Voilà pourquoi nous avons un parc d’entreprises vieillissant et atteint de nanisme.
On n’échappera pas, si l’on veut rétablir la compétitivité de nos entreprises, à une opération vérité sur les charges sociales. Le président Jean Arthuis avait évoqué la solution de la TVA sociale, que je reprends à mon compte.
Pour en revenir à la réforme de la taxe professionnelle pour les entreprises, je m’inquiète de la suppression du lien entre le taux de la cotisation foncière des entreprises, qui est basée sur les valeurs locatives foncières, et le taux des impôts locaux des ménages. Or ce lien est un élément indispensable de la réforme, destiné à éviter le renouvellement des conséquences de la déliaison des taux de la taxe professionnelle qui a conduit, dans un passé récent, à des augmentations substantielles de l’imposition locale des entreprises. Dans ce cas, on ne peut parler de compétitivité !
Si la possibilité pour les collectivités locales d’augmenter plus fortement les taux sur les entreprises était maintenue, l’allègement procuré par la réforme serait réduit dès 2010 et conduirait rapidement à effacer les effets de cette réforme.
En abordant le deuxième point de mon intervention, les recettes des collectivités territoriales, je tiens ici à réaffirmer solennellement mon attachement au principe de la décentralisation et à son corollaire, l’autonomie financière de nos collectivités locales.
J’ai, bien entendu, écouté avec attention le Premier ministre il y a deux jours et j’ai pris bonne note de ses propos rassurants quant à l’éligibilité au Fonds de compensation de la TVA des investissements 2009 non réalisés à la fin de cette année, la reconduction en 2010 du remboursement du FCTVA, la compensation intégrale de la taxe carbone versée par les collectivités, avec la création d’un fonds géré par l’ADEME, et l’appui aux territoires ruraux pour la couverture numérique à 100 %. Mais ces mesures conjoncturelles ne doivent pas nous faire oublier l’essentiel.
Pour le bloc communal – j’ai procédé à des simulations dans mon secteur –, il faut absolument maintenir le lien avec les entreprises et continuer à voter localement les quatre taxes, notamment la cotisation locale d’activité et la cotisation complémentaire sur la valeur ajoutée.
Vivant au cœur du Lauragais, berceau du catharisme, vous comprendrez mon opposition au pouvoir central, que le gouvernement soit de droite ou de gauche. Il faut poursuivre la décentralisation, ce qui n’exclut ni le contrôle ni l’animation par le Gouvernement.
Au vu des premières simulations, conserver au bloc communal 35 % de la cotisation complémentaire s’avère, de mon point de vue, indispensable. Ce taux correspond à la marge moyenne que j’ai pu constater, avec l’appui du ministère, dans mon secteur.
C’est en effet la cotisation complémentaire, recette dynamique ayant un bon levier fiscal, qui apportera logiquement et naturellement au bloc communal le bénéfice des sacrifices et investissements qu’il aura réalisés pour accueillir les entreprises et les accompagner. Il est donc légitime que ce soit le bloc communal qui profite du dynamisme de cet impôt.
De même, le parc d’activités du bloc communal, particulièrement en milieu rural, étant constitué le plus souvent de PME et de TPE, une cotisation complémentaire de base s’impose, ainsi que, au-delà de 500 000 euros, une cotisation progressive et non en paliers, en fonction du poids des entreprises.
Mes chers collègues, je m’interroge vraiment sur la situation qui serait la nôtre si l’État décidait seul de répartir cette ressource. Au-delà d’une recentralisation difficile à accepter, nous souhaitons le strict respect du principe constitutionnel de l’autonomie financière des collectivités territoriales et la reconnaissance de la primauté du bloc communal exprimée par l’attribution d’une part significative de cette cotisation complémentaire sur la valeur ajoutée. À défaut, ce serait nier le lien indispensable et historique entre les entreprises et leur territoire.
Madame la ministre, monsieur le ministre, je vous fais confiance, mais sachons prendre ensemble les bonnes décisions pour éviter, dans quelques mois, des regrets lourds et graves pour nos collectivités territoriales et notre pays !
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, la taxe professionnelle est un impôt efficace et intelligent dans son principe, puisqu’il pousse à l’utilisation efficace des facteurs de production. C’est en ces termes que, dans un élan d’analyse objective de la réalité, Michel Pébereau, président du conseil d’administration de BNP Paribas, a pu parler du sujet qui fait aujourd’hui débat.
Ce qui prédomine évidemment dans le débat fiscal, et singulièrement dans le débat fiscal local, c’est bien la suppression de la taxe professionnelle, qui ne fait nullement consensus, comme une certaine presse ou la plupart des grands médias audiovisuels tentent de le faire croire.
Le consensus, s’il en est un, ne figure pour l’heure que dans les rangs de la majorité parlementaire, et marque d’ailleurs, dans les franges de cette majorité, quelques difficultés à être totalement partagé.
Nous pouvons, mes chers collègues, nous entendre sur une chose. La suppression de la taxe professionnelle va rapporter 11, 7 milliards d’euros aux entreprises, soit à peine 0, 5 à 0, 6 point de PIB, mais coûtera beaucoup plus aux collectivités locales.
Nous pourrions aussi comparer ces 11, 7 milliards donnés aux entreprises aux perspectives de croissance inscrites dans la loi de finances, qui avoisinent 15 milliards d’euros, ce qui montre le très faible effet de levier de la mesure qui nous est proposée. Ces 15 milliards d’euros pourraient provenir autant d’une consommation des ménages marquée par la baisse du taux d’épargne que des effets de la suppression de la taxe professionnelle !
Mais au-delà du débat sur le devenir de la contribution des entreprises au financement du développement local se pose la vraie question, celle qui consiste à se demander ce que les élus locaux ont bien pu faire, dans leurs pratiques quotidiennes, dans leurs politiques d’investissement, souvent menées en lieu et place de l’Etat, dans leur dévouement à l’intérêt général, pour mériter d’être autant maltraités dans ce projet de loi de finances.
Nous pouvons, sans trop exagérer, affirmer que le pacte fondateur de la décentralisation est rompu par cette loi de finances, qui place la majeure partie des ressources des collectivités locales hors du champ de la pleine autonomie financière des élus.
La décentralisation était déjà particulièrement mise à mal. Mais l’annonce de la réforme des collectivités territoriales, avec son cortège de textes autoritaires, semble vouloir ranger les lois de décentralisation de 1982 et même de 2004 au rayon des souvenirs.
Cela fait déjà quelque temps que l’Etat se défausse sur les collectivités locales, ce que nous n’avons eu de cesse de dénoncer. Ainsi en est-il, pour ne donner qu’un exemple récent, de l’autonomie des personnes âgées, appréhendée au travers d’une allocation de plus en plus difficile à payer par les départements les plus touchés par le vieillissement démographique, alors même qu’un cinquième risque aurait dû être créé au sein de la sécurité sociale.
De la même façon, le revenu de solidarité active, destiné à se substituer au RMI, est devenu une source remarquable d’économies pour l’État. En effet, grâce à d’habiles dispositions légales, le RSA génèrera en 2010 un moindre coût au titre de la prime pour l’emploi et permettra à l’État de moins rembourser au titre des allégements de taxe d’habitation.
Ces sommes, pourtant, ne viendront certainement pas alimenter le fonds de développement pour l’insertion, ni compenser le reste à charge des départements : elles serviront uniquement à réduire le déficit de l’Etat.
Cette défausse se nourrit donc aujourd’hui de la contrainte renforcée, une contrainte qui vise notamment, sans le moindre respect ni de l’autonomie des collectivités locales ni des dispositions législatives contenues dans le code général des collectivités territoriales, à encadrer toujours plus le montant des concours et dotations.
Tout est mis en place, aujourd’hui, pour que l’État puisse ajuster à la baisse l’ensemble des concours apportés aux collectivités locales, y compris ceux qui découlent de ses propres choix politiques. Contrairement à ce que disent certains, la situation des finances locales ne peut manquer d’inquiéter les maires et, plus généralement, les élus locaux. J’ai eu l’occasion de le vérifier encore récemment, dans l’accomplissement de mon mandat d’élu. Réunissant les élus de mon canton, toutes sensibilités politiques confondues, j’ai pu entendre leur inquiétude, leurs interrogations et souvent aussi leur colère face à ce mauvais tour joué à la décentralisation et aux efforts que les élus locaux accomplissent pour le vivre ensemble et le développement de leurs territoires.
Cet indispensable dialogue républicain n’a, hélas ! pas présidé à la définition de la loi de finances pour 2010. Devant la manière autoritaire, peu respectueuse des droits du Parlement et sans écoute de la société civile, dont sont conduites les affaires du pays, nous devons faire entendre cette voix de la conception républicaine. Le pacte républicain, pourtant, fait partie intégrante de l’identité nationale.
II faut clairement rendre aux élus locaux, à ceux-là même qui, dans leur très grande majorité, font non pas de la politique un métier mais de l’accomplissement de leur mandat une mission de service public, toute faculté pour proposer, agir et construire.
Nous devons, dans le cadre d’une véritable réforme des collectivités locales, y compris son indispensable volet fiscal, mener une réflexion précise sur les compétences et les moyens dédiés à l’exercice de ces compétences et rendre possibles la consultation la plus large de la population, la définition des choix de gestion au plus près des besoins réels et la facilitation de la mise en œuvre des mesures adoptées.
II est grand temps que nous fassions le bilan réel de la décentralisation, de la pertinence des compétences dévolues aux uns et aux autres – communes, intercommunalités, départements, régions, État – comme des mesures d’ordre financier qui ont pu être mises en œuvre.
Au-delà du cas de la taxe professionnelle, les dispositions prises depuis plusieurs décennies en matière de dotations, notamment de DGF, appellent tout à la fois observations, critiques et inflexions.
Il suffit d’observer ce que représente aujourd’hui la DGF pour un budget communal « ordinaire » au regard de ce qu’elle était en 1979, lors de la naissance de la dotation. Bien que demeurant le premier concours de l’État aux collectivités locales, la DGF ne constitue souvent qu’une recette accessoire, en baisse constante, des budgets communaux.
Demandons-nous également s’il n’y a pas lieu de mettre en œuvre une réelle politique d’allégement des contraintes financières pesant sur les collectivités locales, d’autant que le regroupement des Caisses d’Épargne et des Banques Populaires, comme les difficultés durables de Dexia, semblent montrer que l’espérance de financements peu coûteux risque fort de ne rester qu’une espérance !
Quant à la réforme de la fiscalité locale, elle doit aussi intégrer, bien plus qu’aujourd’hui, la double dimension de la justice, indispensable du fait de l’inadaptation des valeurs cadastrales, et de l’efficacité. Dire que cela n’en prend pas le chemin est une évidence. Il importe cependant que nous rappelions ici quelques principes.
Le premier de ces principes est que nous ne devons pas faire du revenu, comme certains auraient tendance à le souhaiter, la base d’imposition de la fiscalité locale. Remplacer des impôts locaux fondés sur une base surannée par une poll tax à la française, mettant à contribution, par exemple, les jeunes salariés qui ne trouvent pas à se loger, ne serait pas un bon signe pour les citoyens.
La réalité de la capacité contributive doit servir à ajuster l’apport de chaque contribuable aux budgets locaux. Le revenu doit rester la variable d’ajustement du niveau des contributions demandées.
Nous avons eu l’occasion d’indiquer, dans la première intervention, celle de Marie-France Beaufils, ce que nous attendions d’une véritable réforme de la taxe professionnelle. Mais nous devons garder clairement à l’esprit cette donnée majeure : donner aux collectivités locales, dans le respect des principes républicains, les moyens de répondre aux besoins des populations et de participer par là même au développement du pays, constitue la seule finalité de tout effort budgétaire en leur direction.
Rendre leur autonomie et leur efficacité à l’ensemble des concours et dotations, en profiter pour réformer durablement et équitablement la fiscalité locale, voilà qui devrait constituer la feuille de route de ce débat budgétaire ! Mais ce n’est pas cette route qui semble être suivie pour le moment, sauf si la raison l’emporte sur les considérations de court terme.
Nous tenions à le rappeler ici et c’est ce qui conduira les membres de mon groupe à voter contre le volet « collectivités territoriales » de ce projet de loi de finances.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, la suppression de la taxe professionnelle est assurément la mesure emblématique de cette loi de finances. Nous sommes à peu près tous convaincus, sur l’ensemble des travées de cette assemblée, de son bien-fondé.
La taxe professionnelle avait été qualifiée d’« impôt imbécile » par le Président François Mitterrand il y a plus de vingt-cinq ans. Elle a été réformée vingt fois en trente-cinq ans sans que personne ait eu le courage d’aller au-delà.
En cette période de crise économique, cet impôt est particulièrement malvenu puisqu’il pénalise l’investissement, donc la compétitivité. Le Président de la République et le Gouvernement ont donc raison de vouloir sa suppression, même si celle-ci ne réglera pas par enchantement les difficultés que rencontre l’économie française.
Par conséquent, ce n’est pas la suppression de la taxe professionnelle qui pose problème : c’est la perte de recettes – 22, 6 milliards d’euros – qu’elle engendre pour les collectivités. La taxe professionnelle représente, vous le savez, la moitié des recettes fiscales des communes ; ce n’est donc pas une recette négligeable.
Par ailleurs, force est de reconnaître qu’en annonçant la suppression de la taxe professionnelle en février dernier sans préciser par quel dispositif elle serait remplacée, le Président de la République a créé une immense inquiétude parmi les élus de droite, de gauche et du centre. Or cette inquiétude n’est pas levée, comme l’a montré le congrès de l’Association des maires de France cette semaine.
Il a en effet fallu attendre le mois d’août pour connaître les propositions du Gouvernement, que l’Assemblée nationale a été conduite à modifier fortement, dans le bon sens, me semble-t-il, en donnant une part de la cotisation complémentaire aux communes et en territorialisant cet impôt.
Le dispositif peut-il pour autant être voté maintenant, ou dans quelques jours à l’occasion de la seconde partie de la loi de finances, comme on semble désormais nous le proposer ? Très honnêtement, je ne le crois pas. Pour une raison très simple : personne ne mesure l’impact du dispositif proposé sur nos territoires ; nous ne le connaissons pas pour 2011 et encore moins au-delà.
Est-il envisagé, par exemple, d’indexer les dotations de compensation, qui représentent 4 milliards d’euros, sur l’évolution des autres dotations, dont la hausse de 0, 6 % demeure très inférieure à celle des charges, surtout celles qui sont transférées par l’État?
Quelles seront les conséquences sur les finances des collectivités territoriales d’un impôt assis sur la valeur ajoutée et dont l’assiette est, par définition, susceptible de varier fortement ?
Le seuil de 500 000 euros ne défavorisera-t-il pas, une fois de plus, les territoires ruraux qui disposent de petites entreprises?
Est-il logique que le taux d’un impôt sur la valeur ajoutée soit fonction du chiffre d’affaires, et non de la valeur ajoutée ? Pourquoi ne pas appliquer un taux unique, quelle que soit l’entreprise ?
La répartition actuelle de la cotisation complémentaire entre les différentes collectivités est-elle pertinente ou doit-elle être modifiée ?
Le curseur entre territorialisation et mutualisation est-il bien positionné ?
Surtout, qui financera, au final, le coût de la réforme ?
Mme la ministre nous a dit l’autre jour que l’État financerait cette réforme. Mais, compte tenu de l’ampleur des déficits publics, il y a fort à parier que le coût de la réforme pèsera, en définitive, soit sur les entreprises, soit sur les ménages, soit sur les collectivités.
N’y a-t-il pas, en réalité, une volonté d’encadrer les ressources des collectivités territoriales pour maîtriser leurs dépenses, dont le Gouvernement ne manque pas de souligner la trop forte évolution ? Nous sommes nombreux à nous poser cette question.
En augmentant la part des dotations, ne veut-on pas réduire l’autonomie financière des collectivités locales et, plus généralement, leur autonomie ? Si tel était le cas, il vaudrait mieux nous le dire franchement et courageusement!
De nombreuses questions se posent encore, et nous ne pouvons pas, nous qui représentons les territoires, voter à l’aveuglette. Je fais partie de ceux qui pensent que la logique aurait été de se pencher sur les ressources des collectivités après avoir modifié leurs compétences, et non l’inverse.
Je crois également que c’est l’ensemble de notre fiscalité locale qui doit être revue, notamment la DGF, afin d’en faire un instrument de péréquation efficace et réel.
J’observe que lorsqu’on interroge les services de l’État pour savoir comment est calculée la DGF et pourquoi l’on perçoit telle somme, personne n’est capable de répondre, ce qui montre bien la nécessité de la réforme.
Je comprends qu’au stade où nous en sommes on ne puisse plus attendre que la loi sur les compétences soit adoptée – sans doute en 2012 –, mais au moins pouvons-nous attendre le 1er semestre 2010.
Nous pouvons parfaitement voter, dans le cadre de cette loi de finances, la suppression de la taxe professionnelle ainsi que le système mis en place pour 2010, et décider que le dispositif destiné à remplacer la taxe professionnelle à partir de 2011 sera adopté à la fin du premier semestre 2010, dans le cadre d’une loi de finances rectificative.
Nous voulons donc que les principes soient posés dans la seconde partie du projet de loi de finances et que les modalités soient définies dans le projet de loi de finances rectificative. Or on semble nous proposer, en jouant sur l’ambiguïté, que les principes soient définis dans la seconde partie du projet de loi de finances, c’est-à-dire dans une quinzaine de jours, avec une éventuelle clause de revoyure au premier semestre de 2010. Je crains que nous ne soyons pas tout à fait en phase avec le rapporteur général et le Gouvernement sur ce point.
Nous voulons non pas quelques jours de plus, qui, à mon avis n’apporteront pas grand-chose, mais quelques mois, afin d’examiner les différentes dispositions et leurs conséquences sur les collectivités locales, étant entendu que, une fois les compétences modifiées, il faudra en tout état de cause revoir l’ensemble du dispositif en 2012. Ce temps supplémentaire permettra au Gouvernement de nous communiquer toutes les simulations, afin que nous puissions examiner les différentes hypothèses et tenter de trouver les meilleures solutions, dans la transparence et la sérénité.
Je dois dire que cette volonté d’aller vite ne fait que renforcer notre inquiétude. Nous ne pouvons pas et nous ne voulons pas jouer aux apprentis sorciers avec les collectivités territoriales. Nous ne pouvons pas et nous ne voulons pas adopter un dispositif dont personne ne sait ce qu’il donnera.
Aussi, nous vous demandons de bien vouloir reporter l’établissement du dispositif de remplacement de la taxe professionnelle au premier semestre de 2010, et non à la prochaine quinzaine.
J’espère très sincèrement que vous entendrez nos demandes, afin que nous puissions ainsi vous apporter notre soutien.
Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
J’imagine bien, madame la ministre, monsieur le ministre, que mes propos, à cette heure-ci, n’entameront pas votre détermination et ne vous feront pas changer d’avis.
Je suis convaincu que le procès en dogmatisme qui nous est fait vaut plutôt pour le Gouvernement, qui n’entend pas les élus locaux. Au lieu de parler de caricature ou de mauvais procès, monsieur le ministre, répondez plutôt aux arguments que je vais développer.
Il est des jours où réforme est synonyme non pas de progrès, mais de recul. Vous cherchez à instaurer une recentralisation punitive contre des « féodalités » régionales. Mais quelles fautes les régions ont-elles commises ? De quel maléfice sont-elles coupables ?
Elles ont assumé leurs compétences, avec parfois beaucoup plus de brio que l’État, en matière d’enseignement supérieur, de recherche. Elles ont contribué à l’extension du haut débit. Elles ont aidé les territoires à lutter contre la désertification médicale. Elles ont payé pour le TGV. Elles ont acheté des trains pour la SNCF.
Ce qu’on leur reproche, c’est d’avoir trop dépensé ! S’agit-il des 54 milliards d’euros qu’elles ont mis dans le plan de relance, contrepartie exigée par vos services pour engager les crédits de l’État ?
Quand on les accuse d’avoir créé trop d’impôts, parle-t-on des 6 % à 7 % de la fiscalité régionale, alors que l’État prend 11 % pour prélever l’impôt ? Sur cinq ans, cela représente environ 30 euros par redevable de la taxe foncière, soit un habitant sur deux.
Quels péchés ont-elles commis ?
Celui d’avoir trop embauché pour prendre le relais de l’État qui leur a transféré des emplois précaires : les TOS de l’éducation nationale, le personnel chargé de la mise en œuvre de l’inventaire, et, aujourd’hui, celui des voies navigables et des canaux secondaires ? C’est vrai, elles sont coupables d’avoir respecté les indices, les salaires et les déroulements de carrière !
Celui d’avoir augmenté la TIPP pour mettre en place le plan climat ?
Pour les punir, vous allez vous y prendre en trois temps : en « cantonalisant » les régions, en instaurant un scrutin inique et en les asphyxiant.
On a beaucoup parlé de l’autonomie des communes et des intercommunalités, mais quid de l’autonomie des régions ? Aujourd’hui, leur autonomie fiscale est de 30 % environ. Que leur restera-t-il demain ? Rien, à part une dotation de l’État, qui occupe déjà une place importante ! M. Séguin lui-même, Premier président de la Cour des comptes, le dit : quand l’État verse 93 milliards d’euros de subventions d’investissement, les collectivités versent 427 milliards d’euros.
Chaque année, on investit dans le budget de l’État 12 ou 13 milliards d’euros. L’État consacre 10 milliards d’euros à la défense et 2 milliards d’euros seulement à l’investissement civil !
Qu’allez-vous leur laisser ? Une dotation et deux ressources : la cotisation complémentaire, dont le taux sera voté par le Gouvernement et par l’État, et l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux, dont le taux sera également voté par l’État et par le Gouvernement. Autrement dit, rien !
À partir de 2011, les régions n’auront plus à voter que deux impôts : d’une part, la taxe sur les permis de conduire, qu’elles ont réduite à zéro pour ne pas pénaliser les jeunes, surtout les plus en difficulté, et les sept millions de précaires que compte notre pays ; d’autre part, la TIPP. Mais à quoi servira celle-ci ? À payer des lignes à grande vitesse, ou LGV, que l’État devrait financer lui-même ! Sur les 15 milliards d’euros de la future LGV Paris-Lyon via Clermont-Ferrand, les collectivités devront débourser 50 %. Nous ne souhaitons pas les assumer !
Plutôt que de nous demander d’augmenter la TIPP et de nous reprocher ensuite d’avoir alourdi les impôts, prenez en charge l’augmentation de l’essence et celle de la TIPP et payez la LGV ! Après tout, c’est de la compétence de l’État !
L’État nous demande de financer la A 77, la RCEA, la future route Centre-Europe-Atlantique, ou le contournement de grandes villes, dans le cadre du plan de relance ou autres. Or ce n’est pas non plus de la compétence de la région. Pourtant, le préfet de région me dit : si vous n’intervenez pas, l’État ne le fera pas. Et après, on nous reproche de trop dépenser, de trop prélever et de ne pas rester dans le cadre de nos compétences ! Ce cynisme va-t-il durer encore longtemps ? Sachez-le, nous n’augmenterons pas la TIPP !
Que restera-t-il de l’autonomie fiscale ? Plus rien ! Nous allons en revenir à l’EPR, l’établissement public régional, doté d’un budget affecté, les régions n’ayant plus de ressources à voter.
Vous voulez punir les régions de gauche, parce qu’elles représentent pour vous des féodalités. Leurs présidents, je vous le rappelle, ont été élus avec 300 000, 400 000, 500 000 ou 600 000 voix. Quel mépris à leur égard ! Quel recul dans la décentralisation !
On ne peut pas, d’un côté, dire que l’on va engager une nouvelle étape de la décentralisation et, de l’autre, museler, la région, la plus jeune collectivité, la plus moderne, celle qui répond aujourd’hui aux aspirations de l’aménagement du territoire de nos compatriotes.
Vous nous dites que vous compenserez demain la taxe carbone. Pour la région Bourgogne, la taxe carbone, ce sera 650 000 euros. Existera-t-il demain un fonds de compensation ? De toute façon, sur quelle ressource la région la financera-t-elle ? Sans autonomie, elle ne pourra plus faire face à ses charges.
Il en va de même pour la hausse mécanique des salaires. Pour l’année 2010, la région Bourgogne dépensera 79 millions d’euros, contre 75 millions d’euros cette année. Eh oui ! nous appliquons la loi, nous respectons notre personnel ! Sans ressource nouvelle, comment allons-nous financer cette hausse, sinon au détriment des investissements dans les lycées, les trains, la formation professionnelle, l’économie ?
Madame la ministre, vous qui avez reçu le titre de meilleure ministre de l’économie, savez-vous que, entre la mi-2008 et la fin de cette année, la Bourgogne aura perdu 20 000 emplois, dont 10 000 emplois industriels, dans l’indifférence totale des pouvoirs publics ?
La région, les départements et les communes rencontrent les chefs d’entreprise, les salariés. Ces collectivités vont sur le terrain pour tenter de trouver des repreneurs, de pallier au plus pressé. Je pense à Michelin, à LCC, à Fruehauf ; cette semaine encore, des entreprises comme Fulmen ont fermé leur porte sur le territoire bourguignon. Que fait l’État ? Il est aux abonnés absents !
Le préfet se contente d’organiser des rencontres pour la reconversion des salariés, et l’État ne débloque aucun crédit pour ces entreprises !
Vous le savez, et je pourrais vous citer d’autres exemples !
En fin de compte, ce sont bien les ménages qui compenseront demain les 12 milliards d’euros de taxe professionnelle qui manqueront.
En dépit de votre dogmatisme, nous continuons à vous demander que l’impôt foncier reste à la disposition des régions, afin que celles-ci aient encore une certaine liberté pour pouvoir voler au secours des territoires que vous abandonnez chaque jour.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais revenir quelques instants à la source de la réforme. En effet, le débat qui s’est engagé très largement sur la répartition du futur impôt nous a fait quelque peu oublier les raisons qui ont conduit à la suppression de la taxe professionnelle : favoriser la compétitivité des entreprises, donc de notre économie. Y avait-il urgence à la supprimer ?
Pour les entreprises, qui subissent une crise sans précédent, il y a lieu d’accompagner le début de reprise en améliorant leur compétitivité.
Pour les collectivités, l’exemple que vient de citer à l’instant François Patriat le démontre, la crise se traduit par des fermetures d’entreprises et des licenciements. C’est un drame pour les salariés, sans aucun doute, mais également pour les collectivités, qui enregistrent des pertes de ressources.
Il est donc nécessaire de trouver une ressource plus dynamique et ne dépendant pas exclusivement des bases industrielles. Je pense que nous aurions eu de très belles surprises si nous avions maintenu la taxe professionnelle en l’état.
Il y a donc urgence à modifier en profondeur la fiscalité économique locale.
Si une telle réforme est urgente et nécessaire, elle est, vous le savez tous, difficile. La taxe professionnelle est en effet devenue complexe au gré des réformes successives. Depuis 1975, elle a fait l’objet de soixante-huit réformes. La complexité de l’exercice a sans doute fait reculer nombre de gouvernements. Pourtant, la commission Fouquet avait conclu à la nécessité de réformer cette taxe. Il aura donc fallu le courage du Président de la République et du Gouvernement pour aller jusqu’au bout.
Pourquoi la taxe professionnelle doit-elle être supprimée ? Comme cela a été dit, il s’agit d’un impôt fondé sur l’investissement. Il nuit donc à la compétitivité des entreprises et constitue un facteur de délocalisation.
Il faut le reconnaître, ce n’est pas l’unique facteur de délocalisation.
Le niveau des salaires, celui des charges sociales et d’autres éléments comme la fiscalité jouent également un rôle. Cependant, la suppression de la taxe professionnelle s’inscrit dans une réforme globale et vise à améliorer notre compétitivité.
Cela passe, bien sûr, par la modification de notre fiscalité et des prélèvements sociaux. Je pense, en particulier, à la baisse des charges sur les bas salaires, à la suppression de l’imposition forfaitaire annuelle, ou encore au crédit d’impôt recherche. Bref, la suppression de la taxe professionnelle complète cet ensemble et permettra d’alléger de 4, 3 milliards d’euros la fiscalité des entreprises.
La taxe professionnelle est une spécificité bien française, comme l’a constaté la commission des finances, qui a examiné l’ensemble des systèmes fiscaux européens. La France est en effet le seul pays où un impôt sur l’investissement existe.
La taxe professionnelle présente d’ailleurs des caractéristiques incompréhensibles. Elle est en effet payée par les entreprises, bénéficiaires ou non, qui investissent, alors même que ces investissements ne sont pas encore productifs.
Madame la ministre, vous avez visité cette semaine à Anet, en Eure-et-Loir, une entreprise dont les marges sont quasiment nulles et dont les outils industriels sont anciens. Malgré cela, elle paie la taxe professionnelle. Vous avez également visité une entreprise nouvelle qui perd de l’argent et qui paie la taxe professionnelle, alors même que ses investissements ne sont pas encore producteurs de richesse.
C’est pourquoi la taxe professionnelle n’est pas comprise, en particulier par les investisseurs étrangers. Vous avez pu le constater cette semaine, madame la ministre, en visitant une entreprise américaine. Le dirigeant, et non le représentant d’un quelconque parti politique, a expliqué que son groupe avait choisi d’investir massivement après l’annonce de la suppression de la taxe professionnelle.
Dans la comparaison des systèmes fiscaux, la France était clairement désavantagée du fait de la taxe professionnelle. Le constat de l’urgente nécessité de s’attaquer à ce problème est donc partagé.
Fallait-il non pas supprimer la taxe professionnelle mais la réformer ?
À l’évidence non, car la taxe professionnelle est assise à 80 % sur l’investissement. La suppression de la part salariale par Dominique Strauss-Kahn a sans doute déséquilibré le système d’origine en faisant porter la fiscalité exclusivement sur l’investissement, et singulièrement sur l’industrie. Or la part de la valeur ajoutée de l’industrie est passée de 21 % en 1988 à moins de 14 % aujourd’hui. On ne pouvait donc réformer un impôt qui, du fait des réformes successives, était appelé à s’éteindre progressivement. L’État en est d’ailleurs devenu le premier contributeur.
La raison principale de la suppression de la taxe professionnelle, c’est donc la nécessité de créer un impôt économique local moderne, c’est-à-dire imposant l’activité économique contemporaine, de plus en plus immatérielle. Aujourd’hui, la taxe professionnelle est payée principalement par l’industrie, qui a perdu 500 000 emplois en quinze ans, alors que les secteurs de services tels que la banque et l’assurance ne paient pratiquement pas de taxe professionnelle. On ne pouvait donc plus réformer un impôt dont la base était appelée à se réduire comme peau de chagrin.
Dans ces conditions, la création d’un impôt économique s’imposait.
Pour remplacer la taxe professionnelle par un nouvel impôt économique local, le Gouvernement s’est appuyé sur un groupe de travail composé de représentants des associations d’élus et du monde économique. Un consensus s’est rapidement dégagé sur le choix d’une contribution assise sur la valeur ajoutée, également préconisée par la commission Fouquet.
Cet impôt économique serait assis, pour une part, sur le foncier et, pour une autre part, sur la valeur ajoutée, avec un barème progressif en fonction du chiffre d’affaires, barème qui favorise très largement les PME. Il s’agit d’un impôt moderne, car il ne frappe plus l’industrie. Certes, les collectivités ne pourront pas en fixer le taux, mais je préfère largement des ressources pérennes et dynamiques, sans possibilité de fixation du taux, à un impôt qui se réduit progressivement. Je souligne que, depuis cinq ans, la valeur ajoutée a progressé de plus de 4, 1 % par an, contre 3 % pour la taxe professionnelle.
Nous traiterons du produit de cet impôt pour les collectivités dans la seconde partie de la loi de finances. D’ores et déjà, on ne peut que souscrire aux orientations définies par la commission des finances et son rapporteur général.
Pour le bloc communal, la commission a fait le choix de territorialiser l’impôt en maintenant le lien entre entreprises et territoires. La difficulté provient de l’inégale répartition de cette richesse sur le territoire, difficulté accrue par la progressivité du taux. Il conviendrait donc, comme le propose la commission des finances, de créer un taux moyen national : serait territorialisé non pas le taux, mais la base de l’impôt. Les effets du barème seraient en quelque sorte neutralisés.
Pour les départements et les régions, c’est incontestablement la répartition nationale qui s’impose. Les départements ont en effet des charges incompressibles correspondant à près de 40 % de leur budget, essentiellement liées aux dépenses sociales, dont ils ne contrôlent ni le taux ni les conditions d’accès. Seule la création d’un cinquième risque faisant appel à la solidarité nationale – je pense que cette conviction est partagée par les membres de l’opposition – permettra de répondre à la difficulté spécifique des départements.
En attendant, la répartition au niveau national de cet impôt économique local assis sur la valeur ajoutée constituera l’amorce d’une péréquation. Pour la première fois dans notre système de fiscalité locale, la péréquation s’opérera non pas par écrêtement, mais par le taux même de l’impôt.
Je me réjouis également des garanties apportées en matière de ressources, ainsi que de la clause de revoyure, qui permettront de tenir compte de la future évolution des compétences. Celle-ci concernera presque exclusivement les départements et les régions.
Nous aurons l’occasion de débattre de ces sujets lors de l’examen de la seconde partie du projet de loi de finances. Le Gouvernement a clairement exprimé sa volonté de laisser le Parlement légiférer. En définitive, à l’article 2 de ce projet de loi de finances, nous avons l’opportunité de créer un impôt à la fois moderne et dynamique, bon pour les entreprises comme pour les collectivités.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, à cette heure avancée, je ne reviendrai pas sur les critiques de fond concernant le caractère précipité de ces réformes, l’insuffisance des simulations et le manque de concertation préalable.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Cela commence bien !
Sourires
J’aborderai d’emblée la question des relations financières entre l’État et les collectivités locales.
Monsieur le ministre, vous dites avoir eu le sentiment, à l’issue du congrès de l’Association des maires de France, que les esprits étaient apaisés, que les arguments avaient été compris. Il est vrai que le Premier ministre a apporté, mardi dernier, des assurances concernant l’assouplissement du FCTVA et la ristourne partielle de taxe carbone. Ces récentes avancées sont positives.
Toutefois, la résolution générale du congrès de l’Association des maires de France, adoptée à l’unanimité moins une abstention – près de trois mille maires étaient présents – est très critique sur plusieurs points.
Je voudrais également attirer votre attention sur la hausse des dotations, qui s’élève, dites-vous, à 1, 2 % par rapport à l’année dernière. Mais c’est toutes dotations comprises ! Si l’on soustrait les versements au titre du FCTVA, la hausse n’est plus que de 0, 6 %.
Tout à l’heure, ce n’était pas si clair !
Cette hausse de 0, 6 %, monsieur le ministre, a été établie pour une configuration identique à celle de l’année dernière. Or vous omettez de prendre en compte l’incidence de la réévaluation de la population.
Nous disposons, depuis l’année dernière, d’un nouveau système de comptabilisation de la population de chacune des collectivités locales, avec une réactualisation chaque année et non plus seulement tous les huit ou neuf ans.
Or, dans certaines communes – M. Philippe Dallier ne me contredira pas –, l’augmentation a été quelque peu étalée. Des reliquats seront donc imputés cette année, sans oublier les dernières augmentations.
Il convient d’ajouter la question des résidences secondaires, monsieur le ministre, …
… dont l’incidence sur la DGF est calculée en fonction d’une estimation datant de 1999. Leur nombre sera réactualisé cette année.
Au terme du recensement, la population devrait probablement croître de 0, 7 % à 0, 8 %, ce qui réduira à néant l’augmentation nominale par habitant de la DGF. Les communes dont la population n’aura pas augmenté verront leur DGF baisser.
Je voudrais par ailleurs évoquer la révision des bases. Le comité des finances locales, en 1996 et en 1997, sous la présidence de M. Fourcade, avait déjà réalisé un important travail d’évaluation. Vous avez dit, monsieur le ministre, que vous étiez prêt à recommencer. Essayons de prendre en compte les éléments dont nous disposons déjà.
J’en viens à la question de la révision de la taxe professionnelle. Je commencerai par un rappel concernant la notion d’autonomie financière. Pour ce qui est de l’autonomie fiscale, nous verrons ultérieurement.
Nous avons procédé à une révision de la Constitution en 2003, qualifiée d’acte II de la décentralisation.
Le principe de libre administration des collectivités, datant de 1982, a été conservé. Il a également été affirmé que le taux de ressources propres de chaque catégorie de collectivité serait maintenu.
En 2005, la France a ratifié la charte européenne de l’autonomie locale, qui définit les fonds propres d’une manière légèrement différente de la nôtre.
Cet après-midi, au congrès de l’Association des maires de France, une étude a été présentée à ce sujet. J’en citerai quelques extraits : « Mais qu’en est-il du pouvoir fiscal ? Qu’en est-il de cette responsabilité majeure de toute assemblée politique, locale ou nationale, de lever l’impôt ? Dans notre pays, dans lequel on ne partage pas l’impôt national, l’autonomie fiscale, c'est-à-dire la capacité que doivent avoir les assemblées locales élues au suffrage universel et participant de la définition et de la mise en œuvre de l’intérêt général de voter l’impôt, est une condition absolument nécessaire des libertés locales, de la libre administration. C’est, en même temps, un formidable outil de responsabilisation quant au niveau des dépenses publiques. Celui qui décide de la dépense doit aussi porter la responsabilité de la recette. »
C’est un bon principe et je suis persuadé que nous sommes nombreux, dans cet hémicycle, à penser la même chose.
Bien sûr ! Mais si la réforme de la taxe professionnelle se met en place, elle réduira d’environ 30 % le pouvoir fiscal du bloc communal. Et cette réduction atteindra 70 % si l’on considère l’ensemble des collectivités territoriales !
Or, madame la ministre, monsieur le ministre, depuis quelques mois, les collectivités locales et les grandes associations d’élus, que ce soit celles des maires, des départements ou des régions, font front commun, si je puis dire, car elles ont besoin d’une réponse commune.
Madame la ministre, vous nous avez déjà dit que le dispositif proposé était conforme à la Constitution et respectait parfaitement le principe d’autonomie financière des collectivités territoriales. Vous avez peut-être raison s’agissant du droit français, mais je ne suis pas sûr que tel soit le cas en matière de droit européen.
En conclusion, madame la ministre, monsieur le ministre, permettez-moi de revenir sur votre projet initial, dont on nous dit depuis un jour ou deux qu’il est en train d’évoluer, ce que j’espère.
Au départ, il était question que la nouvelle cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises ne concerne que les entreprises réalisant un chiffre d’affaires de 550 000 euros, ce qui signifierait que 90 % des entreprises n’y seraient pas soumises. Vous envisageriez aujourd'hui d’abaisser ce seuil. Je ne peux que vous y encourager, madame la ministre ! Pour ma part, à l’instar du congrès de l’Association des maires de France, je suis favorable à l’abaissement de ce chiffre à 152 500 euros. Cela me paraît convenable.
Quant au montant du forfait – sur ce sujet, je m’adresse à M. le rapporteur général –, il devrait être supérieur à 250 euros, car c’est très peu !
Telles sont, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, les réflexions que m’inspire le projet de loi de finances pour 2010.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Permettez-moi tout d’abord, madame la ministre, de vous présenter mes chaleureuses et amicales félicitations pour votre désignation au premier rang des décideurs politiques de la finance mondiale, classement récemment établi par un célèbre quotidien londonien. C’est pour nous une agréable nouvelle !
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, le projet de loi de finances pour 2010 qui nous est aujourd'hui soumis prévoit la suppression de la taxe professionnelle et la définition de nouvelles modalités d’imposition locale des entreprises.
Il s’agit, dans un premier temps, de mettre fin à un impôt jugé absurde – je ne rappellerai pas le qualificatif utilisé par une haute personnalité de notre pays –, parce qu’il présente la particularité de peser essentiellement sur les investissements productifs. En effet, plus une entreprise investit en France, et plus elle est imposée au titre de la taxe professionnelle.
À cet égard, permettez-moi de vous donner un exemple concret. Prenons le cas d’un atelier de tissage ayant acheté, voilà quelques années, douze métiers à tisser à 1 000 euros pièce et qui doit renouveler son équipement industriel. Les matériels que celui-ci doit acquérir étant plus performants et plus productifs, ils coûtent plus cher : 10 000 euros pièce. Cet atelier ne pourra pas renouveler la totalité de son équipement et n’achètera que six métiers à tisser, ce qui représentera 60 000 euros, contre 12 000 euros précédemment pour douze métiers à tisser. Du fait de la modernisation, le montant de la taxe professionnelle de cet atelier sera multiplié par cinq. C’est incontestable !
Donc, plus une entreprise investit en France, et plus elle est imposée, ce qui la pénalise par rapport à ses concurrentes étrangères. Cela encourage les délocalisations et, en définitive, affaiblit le tissu industriel de notre pays. C'est la raison pour laquelle on assiste à des délocalisations au sein même de l’Union européenne, en Slovaquie ou en Slovénie, où les charges sont moins élevées.
Force est de reconnaître que la taxe professionnelle a constitué un outil essentiel de la fiscalité locale. Je rappelle que cette taxe s’est substituée à un vieil impôt appelé la patente, qui était devenue si impopulaire qu’elle avait donné naissance à un mouvement de révolte appelé le poujadisme, puis à une formation politique ayant réussi à faire élire cinquante-deux députés.
C’est dire si le mécontentement était profond ! Il avait donc fallu faire quelque chose. C’est pour apaiser le monde des entreprises que nous avions alors, mon collègue Jean-Pierre Fourcade et moi-même, fait adopter la taxe professionnelle, qui reposait à l’origine, de manière équilibrée, il faut le souligner, sur deux bases : l’investissement, d’une part, les salaires, d’autre part.
Cependant, au fil du temps, cet impôt a connu une évolution particulièrement néfaste : pas moins de soixante-huit textes en ont modifié la structure depuis sa création en 1975. C’est ainsi que la base « salaires » s’est complètement délitée et qu’elle a été supprimée sur l’initiative de M. Strauss-Kahn, alors ministre des finances. Ainsi déséquilibrée, cette taxe a freiné l’investissement productif, conduisant à une perte de richesses pour l’industrie française ; elle est à l’origine du décrochage de celle-ci par rapport à d’autres pays européens comme l’Allemagne, puisque sa part du marché européen s’en est trouvée sensiblement réduite.
Tenant compte des vives critiques émises contre la taxe professionnelle, tant par les agents économiques que par les élus – et non des moindres ! –, conscient que, malgré son caractère pénalisant, cette imposition constituait une ressource essentielle pour les collectivités territoriales, et singulièrement pour les communes, les intercommunalités et les départements, le Gouvernement en propose la suppression à compter du 1er janvier 2010, tout en assurant qu’il compensera intégralement les effets financiers de la réforme et qu’il le fera collectivité par collectivité. Vous allez nous le confirmer dans un instant, madame la ministre, en nous précisant par ailleurs les conditions de cette compensation.
La question qui se pose aujourd'hui est de savoir de quelles nouvelles ressources disposeront les collectivités territoriales à partir de 2011 – l’année 2010 sera considérée comme une année neutre – et comment, à compter de cette date, elles pourront continuer à apporter leur participation prépondérante, de l’ordre de 71 %, à l’investissement public de notre pays. Il faut savoir, en effet, que l’investissement public est financé entre 71 % et 73 % par les collectivités territoriales, en particulier par les départements et les communes. Sans l’intervention des collectivités locales, il n’y aurait plus, ou presque plus, d’investissement dans notre pays.
Il faut le souligner avec force : permettre à ces collectivités, en conservant leur liberté et leur responsabilité d’imposition, de recueillir les ressources dont elles ont besoin, c’est par là même garantir le développement de l’investissement public, puisque l’État, compte tenu de son endettement et de son déficit, n’est plus en mesure de faire face à ses obligations en la matière, même lorsqu’il s’agit d’équipements relevant de sa compétence.
À cet égard, nous avons enregistré avec satisfaction le fait que M. le Premier ministre ait permis aux collectivités territoriales de continuer à bénéficier du remboursement anticipé du Fonds de compensation pour la TVA pour les dépenses qu’elles se sont fermement engagées à réaliser en 2009, mais qu’elles n’ont pu réaliser ou mandater, comme cela leur était imposé initialement, avant le 31 décembre de cette année, compte tenu des délais de procédure de la commande publique. Elles ne seront donc pas pénalisées. M. le Premier ministre a également accepté de prolonger le dispositif de remboursement anticipé dudit Fonds en 2010. Pouvez-vous nous le confirmer, madame la ministre ?
Les collectivités territoriales ont été invitées à signer une convention avec l’État, sous l’autorité du préfet, dans laquelle elles devaient s’engager à investir en 2009 au moins un euro de plus.
Elles doivent toutefois avoir honoré les factures pour le 31 décembre 2009.
L’engagement a été pris qu’elles seraient remboursées au cours de l’année 2010. La crainte est donc levée ?...
Je vous remercie de le confirmer !
Il nous faut souligner que ces collectivités sont aujourd’hui victimes à la fois de la crise financière et d’un manque à gagner lié à la décentralisation. À ce sujet, je tiens à préciser qu’aucun gouvernement, j’y insiste, qu’il soit de droite ou de gauche, n’a jamais respecté la loi de 1982, présentée par Gaston Deferre, qui prévoyait que tout transfert de compétences devait être accompagné du transfert de moyens à due concurrence.
Permettez-moi de vous donner l’exemple de mon département. À la perte nette résultant d’une collecte sensiblement diminuée au titre des droits d’enregistrement, il faut ajouter une compensation partielle, mais partielle seulement, contrairement à ce qui nous avait été annoncé, des transferts de certaines charges, telles que le RMI ou l’APA.
Je constate, toujours dans mon département, que 45 millions d’euros manquent à chaque exercice au titre des compétences transférées et non compensées. C’est l’occasion de rappeler que, pour l’État, comme l’a écrit la Cour des comptes, « l’objectif de péréquation […] devient, sinon lettre morte, du moins très marginal par rapport à la préservation des acquis budgétaires ».
Cependant, fort de la liberté fiscale qui lui est actuellement reconnue, et bien qu’il voie sa marge de manœuvre se restreindre année après année, le département des Vosges s’est engagé à investir à un niveau convenable en 2009, après avoir enregistré une progression de 14 % de ses investissements en 2008, la volonté du département étant en effet de réduire les crédits de fonctionnement et de privilégier les crédits d’investissement.
Ainsi, un tiers du budget – il s’élève à 510 millions d’euros exactement – du département des Vosges est consacré à l’investissement, en étroite coopération, bien sûr, avec les entreprises vosgiennes. C’est dire que, malgré les difficultés financières, le lien a été maintenu entre le territoire et les entreprises. Madame la ministre, qu’en sera-t-il demain ?
Une autre de mes préoccupations, qui est d’ailleurs partagée par de nombreux collègues, est de savoir sur quelles bases sera assuré le financement des collectivités territoriales pendant l’année 2010, donc la compensation de la perte de recettes de la taxe professionnelle.
D’après ce qui nous a été précisé, pendant cette année considérée comme neutre, les collectivités locales bénéficieraient des recettes qu’elles auraient perçues en l’absence de suppression de la taxe professionnelle. Vous nous l’avez confirmé, madame la ministre. Pourriez-vous nous indiquer sur quelles bases cette compensation sera établie ?
Il est urgent que nous sachions comment seront calculées ces recettes, car nous sommes pour le moment dans l’ignorance. À ce jour, il est impossible aux départements d’organiser le débat d’orientation budgétaire imposé par la loi. Ne connaissant pas leurs recettes, il leur est impossible de prévoir leurs dépenses. C’est d’ailleurs le Sénat qui avait décidé de cette disposition.
La question se pose également de savoir comment la cotisation complémentaire assise sur la valeur ajoutée confortera, comme le prévoit le Gouvernement, le lien entre la collectivité et le monde économique. L’objectif est que la collectivité puisse continuer – c’est indispensable – à s’intéresser à la situation économique de son territoire.
En outre, nous sommes en droit de nous demander comment fonctionnera le curseur du prélèvement sur la valeur ajoutée dans l’hypothèse où le nouveau système fiscal pénaliserait fortement soit les entreprises, au bénéfice de la collectivité locale, soit les collectivités locales. Il y a là un point à clarifier.
J’ajoute qu’avec un certain nombre de collègues il nous a paru utile d’obtenir de plus fortes garanties ; nous avons déposé des amendements en ce sens. D’une part, la compensation intégrale des charges nouvelles qui incomberaient aux départements du fait de l’exercice de compétences sociales transférées ou exercées doit être assurée ; nous avons d’ailleurs indiqué les moyens qui devraient permettre d’y parvenir dans les conditions fixées par la loi de 1982. D’autre part, l’État doit rétrocéder le produit de la taxe carbone aux collectivités territoriales et aux EPCI, ainsi qu’aux services départementaux d’incendie et de secours. Comment ces crédits seront-ils répartis ?
Telles sont, madame la ministre, monsieur le ministre, les questions que je souhaitais vous poser. Je vous remercie dès maintenant des réponses que vous pourrez m’apporter. Je pourrai ainsi en faire part aux élus locaux qui m’interpellent et apaiser leurs légitimes inquiétudes.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP, ainsi que sur plusieurs travées du groupe socialiste.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme tout ou presque a déjà été dit, à cette heure tardive, je m’en tiendrai à l’essentiel et poserai trois questions, certes liées, mais distinctes.
D’abord, faut-il modifier les bases de l’impôt économique territorial ? Ensuite, faut-il réduire et, à la limite, supprimer cet impôt ? Enfin, faut-il redistribuer les impôts locaux entre collectivités ?
Je crois que le consensus était possible sur le premier point. La durée de vie d’une taxe professionnelle reposant sur deux pieds de longueur très inégale, la valeur locative des immobilisations et les investissements, ainsi que sur une béquille de dotation d’État représentant près du tiers du produit, elle ne pouvait qu’être limitée.
Le rapport Fouquet avait fourni les grandes lignes de la réforme, avec un impôt assis sur une double assiette, le foncier bâti et la valeur ajoutée, sans liaison des taux. À cet égard, le projet du Gouvernement reprend une partie des préconisations du rapport Fouquet. S’il s’en était tenu là, nous n’aurions plus à débattre, me semble-t-il, que de détails, même s’ils sont importants. Malheureusement, l’objectif du Gouvernement était non pas de réformer la taxe professionnelle, mais de la supprimer, conformément à la promesse électorale du candidat Nicolas Sarkozy.
La suppression pure et simple posant quelques problèmes budgétaires, on a dû se contenter de la réduire de 9 milliards d’euros. Compte tenu de l’augmentation prévisible de l’impôt sur les sociétés et de la création de l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseau, l’IFER, cela représente une ristourne de 4 milliards à 4, 5 milliards d’euros pour les entreprises.
Selon la version pour enfants qui nous est habituellement servie
Mme Nicole Bricq s’esclaffe
Mais il est impossible d’échapper au moulin à prières tournant pour la disparition de l’impôt « stupide ». Nous en avons encore eu quelques démonstrations tout à l’heure.
Pourtant, nous savons tous – cela a d’ailleurs été rappelé par un récent rapport du Conseil des prélèvements obligatoires – que le taux de taxe professionnelle arrive en queue de liste des critères déterminant les décisions d’implantation des chefs d’entreprises. En outre, la baisse de la taxe professionnelle n’affectera que marginalement les entreprises les plus soumises à la concurrence internationale.
En 2008, seulement 95 500 entreprises françaises, soit 3, 2 % des entreprises qui paient la taxe professionnelle, ont été exportatrices. Les exportations ont représenté 410 milliards d’euros, soit presque cent fois plus que la baisse de taxe professionnelle dont bénéficieront la totalité des entreprises ! En d’autres termes, vous réduisez la contribution économique de toutes les entreprises pour améliorer, à la marge, la compétitivité de 3, 2 % d’entre elles. Avouez qu’il y a tout de même de quoi douter de la pertinence de la méthode !
L’observation de l’évolution de l’indice des prix industriels en sortie d’usine à l’exportation ne montre pas non plus de sensibilité particulière de ces prix aux baisses de taxe professionnelle, qu’il s’agisse de la suppression progressive de la part salariale décidée entre 1999 à 2002 ou du plafonnement à 3, 5 % de la valeur ajoutée mis en place à partir de 2007 ; je tiens les graphiques à votre disposition.
Selon l’étude d’impact annexée au projet, « la réforme cible les secteurs économiquement exposés à la concurrence économique internationale : la minoration de 15 % des valeurs locatives foncières des établissements industriels bénéficie par nature au secteur industriel, tandis que le passage d’une assiette constituée des EBM à une assiette valeur ajoutée est favorable à l’investissement ; à l’inverse, la proposition de maintien de l’assiette des bénéfices non commerciaux, qui ne sont pas soumis à la concurrence internationale, procède de la même volonté de cibler les effets de la réforme sur les secteurs exposés ». C’est du pur verbiage !
Toujours selon le Conseil des prélèvements obligatoires, la valeur ajoutée « particulièrement élevée dans le secteur industriel, qui est le plus affecté par la concurrence internationale […], ne permettrait pas d’alléger les coûts de production ».
D’ailleurs, à la lecture du tableau de l’étude d’impact, il est assez amusant de constater que, malgré la minoration des bases, la baisse de l’impôt économique bénéficie essentiellement non pas au secteur industriel, mais à la construction, à l’agriculture ou aux services aux particuliers, c'est-à-dire à des secteurs qui ne sont pas spécialement exposés à la concurrence internationale ! En outre, on se demande bien ce que les bénéfices non commerciaux viennent faire là-dedans…
La « compétitivité internationale » n’est qu’un cache-misère, invoqué pour faire payer les promesses électorales du candidat Nicolas Sarkozy par les collectivités locales.
On procède en diminuant le poids de l’impôt économique, comme nous l’avons vu, et en corsetant l’autonomie fiscale des collectivités par l’étatisation des taux de l’essentiel de la contribution économique, c'est-à-dire la cotisation complémentaire, par l’augmentation de la part des dotations et des impôts sous maîtrise étatique dans les recettes des collectivités, par le rétablissement de la liaison des taux entre impôts sur les ménages et contribution économique, enfin, par le transfert, à terme, sur les ménages de l’ajustement budgétaire des collectivités.
Plus encore que la recherche d’une spécialisation des impôts par collectivité – c’est le type même de la fausse bonne idée –, la complexe « plomberie » de redistribution de l’impôt local qui nous est proposée, avec ses vases d’expansion, ses siphons, sa tuyauterie et ses by-pass, trouve là son origine.
Sourires.
C’est parce qu’il manquait 9 milliards d’euros de taxe professionnelle et qu’il fallait ôter aux irresponsables locaux la possibilité d’augmenter la contribution économique des entreprises au développement du territoire qu’une telle redistribution alambiquée s’imposait !
Je salue votre ingéniosité, monsieur le rapporteur général. Mais que reste-il à discuter dès lors que vous avez accepté l’essentiel, c'est-à-dire la baisse de la contribution économique ?
Que reste-t-il à revoir ? Le pourcentage de cotisation complémentaire affecté à chaque type de collectivité ?
Le mode de redistribution de la cotisation complémentaire, « macro » ou « micro », pour jargonner ? M. le rapporteur général nous a donné quelques pistes là-dessus.
Même ce débat, qui aurait pu être celui de la péréquation, d’ailleurs absente du projet, n’a plus de sens, faute de recettes suffisantes. Que vous le vouliez ou non, puisque les recettes font défaut, il n’y aura plus rien à répartir. L’emportera le principe selon lequel il faudra qu’après la réforme les collectivités locales aient au moins les mêmes recettes qu’avant.
Bien entendu, on nous proposera toute une collection de rustines ; nous en avons déjà eu un avant-goût.
Puisque l’essentiel manque, de telles questions perdent l’essentiel de leur intérêt. Il n’y a pas si longtemps, un sénateur de la majorité, qui se reconnaîtra, me résumait la situation par cette formule : « Ils vont réussir l’exploit de nous faire battre devant un râtelier vide ! »
Sourires.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, au moment d’aborder l’examen de ce projet de loi de finances pour 2010, qui, au travers de la réforme de la taxe professionnelle, bouleversera profondément le mode de financement de nos collectivités locales, je veux tout d’abord saluer l’état d’esprit qui prévaut depuis quelques jours du côté du Gouvernement et qui devrait nous permettre, je l’espère, de parvenir à un compromis acceptable : acceptable d’abord par le Gouvernement, parce que ce compromis permettrait, conformément au souhait du Président de la République, de supprimer la taxe professionnelle dès le 1er janvier prochain ; acceptable ensuite par le Parlement – c’est le souhait que je forme –, parce qu’il lui permettrait de disposer du temps nécessaire pour travailler dans de bonnes conditions.
N’en doutons pas, l’exercice sera difficile, d’autant qu’à l’occasion de la réforme de la taxe professionnelle le Gouvernement a souhaité redistribuer les cartes de la fiscalité locale et des dotations entre les différentes strates de collectivités.
Nous aurions pu faire différemment, en procédant, comme souvent par le passé, par exonérations compensées pour les collectivités locales. Le Gouvernement a préféré rebattre les cartes ; je n’y vois que des avantages, à deux conditions : d’une part, il faudra faire preuve d’humilité et bien mesurer l’ampleur de la tâche, ainsi que les risques inhérents à l’exercice ; d’autre part, il faudra tout remettre à plat, y compris les mécanismes de péréquation.
Cette réforme, difficile en soi, se révèle plus compliquée encore, en raison du contexte économique et budgétaire, qui nous contraint très fortement. Raison de plus, faute de grain à moudre, pour prendre le temps nécessaire à la réflexion.
Or, ce temps, et ce n’est pas si souvent le cas, nous l’avons ! En effet, le volet « collectivités locales » de la réforme ne s’appliquera qu’à partir du 1er janvier 2011. Dès lors, pourquoi nous précipiter ?
Voilà pourquoi je salue la proposition de notre rapporteur général, visant à scinder l’article 2 du présent projet de loi de finances, repoussant ainsi à la seconde partie l’examen des dispositions relatives aux collectivités locales.
Dix jours supplémentaires seront les bienvenus, certes, mais resteront insuffisants, d’une part, pour évaluer des dispositions qui auraient un caractère quasi définitif, parce que rentrant, en tout point, dans le détail des choses, d’autre part, pour mettre sur pied les nouveaux mécanismes de péréquation.
C’est pourquoi je soutiendrai également l’idée de nous limiter, en seconde partie, à formuler des hypothèses de travail, qui devront, au cours de l’année 2010, faire l’objet de simulations précises, afin de retenir, dans un projet de loi ultérieur, la meilleure solution.
Est-ce l’incertitude qui créée l’angoisse perceptible chez les élus locaux et qui justifierait donc l’urgence de trancher ce débat ? Je ne le pense pas ! C’est, au contraire, la crainte de voir boucler trop rapidement une réforme aussi importante, sans être capable d’en mesurer précisément l’impact, qui suscite le doute chez les élus locaux.
C’est la raison pour laquelle me semble également très judicieuse la proposition d’inscrire dans ce projet de loi de finances deux clauses de revoyure obligatoires, permettant, d’une part, de corriger le tir lorsque nous disposerons des simulations relatives aux hypothèses de répartition des recettes fiscales et, d’autre part, de tirer les éventuelles conséquences de la prochaine réforme des collectivités locales, dont nous ne connaissons pas encore précisément le contenu en matière de redistribution des compétences.
C’est bien en ne bouclant pas définitivement le débat que le Sénat montrera aux élus locaux son souci d’adopter un texte clair, compréhensible par tous, et équitable.
En l’état actuel, qui pourrait soutenir que les 135 pages de l’article 2 sont claires et compréhensibles par tous ? Personne ! Et Jean Arthuis nous l’a démontré. Nous ne pouvons pas, selon la formule du président de la commission des finances, prendre le risque d’acheter un lapin dans un sac.
Si nous adoptons un texte complètement ficelé, aucun gouvernement ne sera pressé de rouvrir la boîte de Pandore. Tant pis alors pour les collectivités locales victimes des inévitables effets de bord, que nous découvrirons forcément a posteriori dans une matière aussi complexe !
Raison de plus, mes chers collègues, pour ne pas trancher ce débat avant de disposer des outils nous permettant d’apprécier la portée des dispositions que nous adopterons. Pour cela, il nous faut des simulations fiables. Est-ce le cas aujourd'hui ? À l’évidence, non !
Pour ma part, alors que, sur le texte du Gouvernement, j’avais obtenu, certes par la bande, de telles simulations assez facilement, sur le texte issu de l’Assemblée nationale, je ne dispose que des simulations concernant les communes de mon département, et ce depuis deux jours seulement. Madame la ministre, alors que, une énième fois, je réclamais à un membre de votre cabinet les simulations sur les communes des autres départements, notamment d’Île-de-France, je me suis entendu répondre : « on ne va tout de même pas donner à tous les sénateurs les simulations pour toutes les communes, et puis il y a le secret fiscal ». Vous entendez bien : on m’a opposé le secret fiscal !
Les bras m’en sont tombés, car je ne savais pas que le secret était opposable aux sénateurs en matière de fiscalité des collectivités locales !
Avec l’indulgence qui me caractérise, je mettrai bien volontiers cette réponse étonnante sur le compte d’un écart d’humeur lié à la fatigue du moment, mais j’espère, madame la ministre, que vous donnerez les consignes nécessaires, afin que, dans les plus brefs délais, chaque sénateur qui le souhaite puisse obtenir l’ensemble des simulations disponibles.
À défaut, comment évaluer dans une région aussi disparate que l’Île-de-France, par exemple, les conséquences des inévitables transferts de base imposable en matière de valeur ajoutée entre, d’une part, les territoires accueillant aujourd’hui des entreprises à caractère industriel ou des entreprises de transports et, d’autre part, les territoires sur lesquels sont plutôt implantées des banques, des assurances et des entreprises de services ?
Ce risque de transfert de base d’imposition, donc d’appauvrissement de certaines communes ou départements au bénéfice d’autres, est bien réel et nous avons pour devoir, faut-il le rappeler, de veiller au respect du principe constitutionnel de péréquation financière entre collectivités locales. Il est impossible de le faire sans disposer de simulations.
Aujourd’hui, chacun le sait, la DGF ne joue plus son rôle de péréquation. Les écarts entre collectivités de même nature et de même taille sont exorbitants, allant parfois du simple au double en Île-de-France, selon que la commune se soit trouvée, avant 1964, dans l’ancien département de la Seine ou dans celui de la Seine-et-Oise ; telle est en tout cas l’explication que l’on m’a donnée ! Il semblerait que cette situation pèse encore aujourd'hui sur les communes.
À l’évidence, en Île-de-France comme ailleurs, les autres mécanismes de péréquation ne parviennent que très imparfaitement à corriger cela. Cette réforme nous offre enfin l’opportunité de tout repenser en revenant sur la sédimentation des situations acquises, qui a marqué les réformes précédentes de la fiscalité locale et des dotations.
Mes chers collègues, cette réforme de la taxe professionnelle est difficile et naturellement anxiogène. Mais, si le Gouvernement l’accepte, elle peut être l’occasion de refonder pour vingt ou trente ans, sur de bonnes bases – justes, équitables et donc durables – le financement de nos collectivités locales.
Pour cela, il nous faut un peu de temps, des simulations et la volonté politique de mettre un terme à des situations acquises au fil des années, sans que, forcément, il y ait un lien direct entre le niveau de richesse de certaines collectivités et le talent de leurs élus, qui, souvent, se sentent responsables, alors que bien d’autres causes existent. Contrairement à ce qu’osent affirmer certains, les élus qui réclament une réforme des mécanismes de péréquation ne sont pas tous des incapables qui n’ont pas su développer leur territoire, comme je l’ai, hélas ! entendu dire. Il y a de bons gestionnaires dans les villes pauvres et, à l’inverse, toutes les villes riches ne sont pas nécessairement bien gérées.
On connaît de fameux exemples, à droite comme à gauche. Tout un chacun devrait s’en souvenir !
Mes chers collègues, il est temps de redéfinir ce que devraient être des mécanismes de péréquation conformes aux valeurs de notre République : c’est la condition de la réussite de la réforme de la taxe professionnelle.
Cette réforme devra porter non pas seulement sur le flux de création de richesse, comme l’a proposé M. Fourcade, mais aussi sur le stock. C’est d’ailleurs le cas aujourd’hui avec le fonds de solidarité des communes de la région d’Île-de-France, le FSRIF, et la dotation de solidarité urbaine, la DSU. Si les effets de cette réforme doivent naturellement être progressifs, nous ne pouvons plus différer celle-ci.
Je souhaite donc que nos travaux ouvrent la voie à cette réforme ô combien ! nécessaire, pour qu’elle prenne effet au 1er janvier 2011, en même temps que la nouvelle distribution des cartes de la fiscalité locale. En agissant ainsi, le Sénat aura pleinement rempli son rôle.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, souvenez-vous de l’époque où les gouvernements ont lancé les programmes nucléaires. Pour les faire accepter par l’opinion publique, ils ont parlé d’avancées énergétiques, de performance, d’absence de pollution, d’énergie propre, mais aussi de créations d’emplois et de taxe professionnelle. Ces points ont été essentiels pour faciliter la réussite de ces programmes nucléaires.
Ma question, qui tracasse de nombreux élus, porte sur les incidences de la réforme de la taxe professionnelle sur le fonds départemental de péréquation de la taxe professionnelle pour les grandes entreprises du nucléaire.
Le système actuel permet non plus à la seule commune sur laquelle est implanté le site, mais aussi à une grande partie des communes du département, voire d’un autre département, de percevoir les revenus de la taxe professionnelle. Aujourd’hui, près de vingt départements qui accueillent des centrales nucléaires sont concernés.
Le fonds départemental de péréquation de la taxe professionnelle permet aux communes de rembourser des annuités d’emprunts dus aux grands chantiers et de répondre, par des investissements lourds, à l’arrivée de nouveaux résidents ou au maintien de la population existante. Les crédits alloués par ce fonds étant sans affectation d’utilisation, les communes en disposent pour élaborer leur budget. Ils sont donc indispensables pour la vie et le développement de petites communes.
Dans mon département, la Vienne, plus de 250 communes sur 283 sont concernées par ce fonds, et elles ont pris des engagements. Les sommes sont ventilées par les conseils généraux, qui déterminent eux-mêmes les pourcentages accordés aux communes d’accueil et aux communes dites « défavorisées », dans le cadre d’une règle.
Le projet de loi de finances prévoit la suppression de la taxe professionnelle. La commission des finances propose de maintenir le système en l’état en 2010 et de définir un autre système, qui se substituera ensuite au dispositif actuel. Monsieur le ministre, cette suppression sera-t-elle entièrement compensée par l’État en 2010, particulièrement pour ce qui concerne le nucléaire ?
À partir de 2011, la taxe professionnelle n’existera donc plus, mais nous savons qu’EDF sera ponctionnée au titre de l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux. Par le biais de quel mécanisme l’État permettra-t-il la compensation pour les collectivités ? Les sommes attribuées seront-elles identiques à celles d’aujourd’hui ou seront-elles évolutives ? Seront-elles toujours ventilées sur l’initiative des conseils généraux ?
Les élus locaux sont très inquiets. Nombre de chantiers programmés par les communes pour les mois à venir ont été délaissés et les entreprises nous appellent. Il est donc urgent, monsieur le ministre, qu’une décision soit prise.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.
M. Adrien Gouteyron. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, nul plus que moi n’a le droit de déclarer : « tout est dit et j’arrive trop tard » !
Sourires
Monsieur le ministre, nous n’avons pas le droit de manquer l’occasion que nous donne la réforme de la taxe professionnelle de renforcer la solidarité entre les collectivités locales et, par conséquent, d’améliorer la péréquation, mot que nous prononçons tous souvent, mais qui, hélas ! a fort peu de réalité actuellement.
Le Gouvernement laisse au Parlement le soin d’affiner le dispositif, en particulier de trouver le juste équilibre entre une nécessaire mutualisation des moyens, afin que la péréquation soit réelle, et le lien entre la réalité économique et les collectivités dans lesquelles les entreprises sont implantées. Cette mission difficile, nous devons la mener à bien ; la commission des finances y travaille.
Il ne faut pas que le barème progressif du nouvel impôt sur la valeur ajoutée et l’exclusion des petites et moyennes entreprises pénalisent les territoires les moins favorisés. Ce risque, que nous saurons éviter, je le sais, serait mortel !
Aussi affiné que soit le dispositif que nous élaborerons, il est indispensable que nous saisissions l’occasion de la réforme pour mettre en place des mécanismes extérieurs, en quelque sorte, et un véritable fonds de péréquation. Comment sera alimenté ce dernier ? On peut en débattre, mais ne manquons pas l’opportunité qui nous est offerte.
Bien entendu, la péréquation doit concerner tous les niveaux de collectivités. À ce moment de mon propos, je veux évoquer la situation des départements qui ne sont pas les plus favorisés, à savoir les départements éligibles à la dotation de fonctionnement minimale, la DFM, qui a perdu un peu de sa force, monsieur le président de la commission, depuis que la liste des bénéficiaires a été très allongée.
Je vous citerai l’exemple de mon département, qui illustre une situation dramatique. Le budget du département de la Haute-Loire s’élève à 245 millions d’euros. Sont consacrés à l’APA 24 millions d’euros, compensés à hauteur de 8 millions d’euros. Cette situation doit se trouver ailleurs !
Toutefois, étant donné l’importance de ce budget, la situation prend un tour particulièrement grave.
Quelle en est la conséquence sur la marge de manœuvre du département en matière d’investissement ? À une certaine époque, celui-ci investissait presque 50 % de son budget. Je vous livre, mes chers collègues, l’évolution du pourcentage des investissements dans le budget global : en 1999, 42 % ; en 2005, 31 % ; en 2009, 23 % ; en 2010, je crains qu’il ne soit inférieur à 20 %.
Ces pourcentages illustrent assez bien ce que nous tentons de faire comprendre depuis longtemps. Si nous ne saisissons pas l’occasion de ce texte pour remédier à cette situation, nous aurons manqué à notre devoir de parlementaire qui nous commande de mettre en œuvre une véritable solidarité nationale.
Je sais bien, monsieur le ministre, que ce texte ne suffira pas à régler tous les problèmes des départements, qu’il faut envisager d’autres mesures et que le cinquième risque doit être et, je l’espère, sera prochainement institué. Profitons de ce texte pour faire avancer les choses.
Je voudrais aussi évoquer le problème de la part des communes dans le prélèvement sur la valeur ajoutée. L’Assemblée nationale a prévu un taux de 20 % pour le bloc regroupant intercommunalité et commune. C’est un sujet qui sera traité lors de l’examen des articles de la seconde partie, mais la référence à l’actuelle répartition de la taxe professionnelle entre les niveaux de collectivités, c’est-à-dire entre le bloc communal, les départements et les régions, me paraît très intéressante.
Je rappelle brièvement cette répartition : le bloc communal reçoit près de 60 % de la taxe professionnelle, les départements en reçoivent 30 % et les régions 10 %. À compétence constante, franchement, je ne vois pas de raison de s’éloigner par trop de ces pourcentages. Je ne dis pas qu’il faut se caler exactement sur eux, mais nous considérons qu’il faut tenter de s’en approcher.
Enfin, j’ai interrogé plusieurs fois Mme la ministre de l’économie à propos des communes qui appartiennent à des EPCI à fiscalité additionnelle, et je n’ai pas obtenu de réponse satisfaisante. Or, j’ai entendu dire que les communes appartenant à ce type d’EPCI à fiscalité additionnelle ne bénéficieraient pas de la cotisation complémentaire.
Une telle solution, monsieur le ministre, serait absolument inadmissible.
Je rappelle que ces communes ont fait des efforts d’investissement, qu’elles ont attiré des entreprises. Il n’est donc pas normal qu’elles n’aient pas leur part. Si ce point n’était pas traité de manière convenable, je comprendrai mal une injustice à ce point criante, insupportable.
Je terminerai en saluant les efforts considérables déployés par notre rapporteur général et notre commission des finances pour introduire de la clarté dans un texte difficile. C’est un enjeu national, parce que c’est toujours à la faveur de l’obscurité que le doute s’introduit. Je voudrais féliciter la commission pour la démarche qu’elle a suivie et qu’elle va continuer à suivre.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et sur certaines travées de l ’ Union centriste.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je ne répondrai pas à tout le monde à cette heure avancée, d’autant plus que le débat de l’article 2 est déjà largement engagé. Or, vous aurez tout loisir de le faire au cours des prochains jours. Je me contenterai pour ma part d’un propos introductif.
Le remplacement de la taxe professionnelle par la cotisation territoriale, c’est la territorialisation, introduite lors des débats au sein de l’Assemblée nationale, la péréquation, la compensation, mais aussi le dynamisme, puisque les recettes en termes de valeur ajoutée sont plus dynamiques que la plupart des autres recettes.
Franchement, on peut difficilement prendre au sérieux les arguments qui sont employés, souvent de manière abrupte, notamment dans les courriers envoyés par certains départements aux maires pour expliquer qu’il n’y aura plus de subventions, comme si une bombe nucléaire était tombée sur la décentralisation. Bien sûr, de tels propos créent de l’inquiétude, mais c’est de la pure désinformation.
Face à ces arguments, le Gouvernement et les élus continueront à fournir des explications, mais c’est assez difficile de le faire avant que le texte soit sorti du Sénat.
Ce serait manquer de respect à l’égard de la Haute Assemblée, qui va modifier ce texte. On en détaille les bases telles qu’elles sont aujourd’hui, mais elles vont évoluer dans les deux ou trois jours qui viennent, à l’issue des débats que vous aurez sur le remplacement de la taxe professionnelle.
Sur ce point, il n’y a pas de place au doute : les choses vont encore être probablement améliorées.
J’indiquerai à M. Charles Guené que le Gouvernement soutiendra les deux amendements en faveur de l’investissement des collectivités locales dans le cadre du plan de relance de l’économie. Je le dis en face de M. Christian Poncelet, nous sommes favorables à l’assouplissement de la mesure 2009, en prenant évidemment en compte les délais pour réussir à investir. Très souvent, les communes engagent les investissements avant de payer et de remplir une facture. On sait tout cela. Cela a d’ailleurs été acté par le Premier ministre.
Un amendement déposé par le groupe UMP sur ce point ne manquera pas de rassurer les maires qui ont engagé des fonds en espérant un double remboursement de TVA. Ils y auront bien évidemment droit. La reconduction de la mesure, en 2010, pour les collectivités qui n’avaient pas choisi de l’utiliser en 2009 pour des raisons qui leur étaient propres, est aussi une mesure importante. Les collectivités gagneront ainsi un peu plus d’investissements, et cela aura un impact positif sur la relance.
En ce qui concerne l’affaire des bases et des taux, évoquée par Mme Jacqueline Gourault et d’autres sénateurs, je rappelle que le choix sorti de l’Assemblée nationale – produit base 2009 par taux 2009, produit base 2010 par taux 2008 – est une bonne manière de procéder. Ce n’est pas, comme je l’ai entendu dire, un signe de défiance vis-à-vis des élus, ni une crainte de voir les taux abusés. Le problème était le suivant : il fallait choisir des données très récentes et incontestables, chacun disposant du même niveau d’information sur les taux votés en 2008. Les bases 2010 sont très dynamiques : elles datent de deux ans, comme vous le savez. L’investissement des entreprises a augmenté de 5, 5 % en 2008, c’est-à-dire avant la crise.
C’est une bonne manière d’assurer une base de remboursement pour la dotation de l’année 2010, et c’est une bonne base de départ pour la compensation qui se fera année après année, en fonction de l’évolution des impôts. Je tiens également à rappeler que le mécanisme de garantie sera bien indexé, et vous aurez d’ailleurs à décider de la nature de l’indexation.
Le Premier ministre a dit devant le congrès de l’Association des maires de France que le choix devait être fait, et j’imagine qu’il sera fait ici même. Je voudrais remercier M. Philippe Dallier d’avoir montré que nous avons bougé. Nous nous sommes en partie compris. Certes, j’ai le sentiment qu’il y a encore un peu de chemin à faire, mais je ne doute pas qu’il soit fait dans les jours qui viennent.
Je dirai à MM. Marc et Hervé que je ne suis pas favorable à l’idée que l’on puisse verser une partie de la CSG aux départements. Comme je l’ai déjà dit à plusieurs reprises, la CSG ne parvient même pas à financer le régime de sécurité sociale. Dans ces conditions, on ne peut pas l’utiliser pour financer autre chose. Je suis conscient, bien sûr, que les départements rencontrent des difficultés, liées aux dépenses occasionnées par l’ancien RMI et aux dépenses sociales galopantes. Des compléments aux engagements de compensation pris par l’État ont été mis en place pour cette raison. Pour autant, l’augmentation de la CSG n’est pas une bonne solution, et je souhaitais l’affirmer dans cette enceinte. Reste que je suis pleinement conscient des difficultés rencontrées par les départements pour faire face aux augmentations des prestations sociales.
En ce qui concerne la question posée par M. Alain Fouché sur le fond départemental et l’industrie nucléaire, je rappelle que le texte initial prévoyait un gel des fonds départementaux de péréquation de taxe professionnelle. L’Assemblée nationale l’a remplacé par un autre dispositif, et je crois savoir que la commission des finances est en train de revenir à la rédaction initiale, ou tout du moins à une autre rédaction. La question des fonds départementaux de taxe professionnelle et le principe de péréquation seront de toute façon traités dans cette assemblée.
Je terminerai en répondant à M. Adrien Gouteyron. Dans les EPCI à fiscalité additionnelle, c’est l’EPCI qui va toucher la cotisation complémentaire. Les communes ne touchent pas la valeur ajoutée dans le texte retenu par l’Assemblée nationale. Les communes touchent d’autres taxes, comme les taxes d’habitation et les taxes foncières. L’Assemblée nationale a situé la répartition de la cotisation complémentaire et l’a fixée sur les EPCI. Cette répartition diffère en fonction de l’organisation de ces derniers, selon qu’il s’agit d’EPCI à fiscalité mixte, à taxe professionnelle unique ou à fiscalité additionnelle. C’est en tout cas ce que prévoit le texte en l’état.
Dans le texte initial, il n’y avait pas de répartition de la cotisation complémentaire au sein du pôle regroupant commune et intercommunalité. L’Assemblée nationale a choisi les intercommunalités.
Je vous ai présenté l’état du débat aujourd’hui. Je ne vais pas l’ouvrir aujourd’hui, puisque vous aurez tout lieu d’en débattre durant les deux prochains jours et que ce dossier est plutôt piloté par Mme Christine Lagarde.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
La suite du débat est renvoyée à la prochaine séance.
La parole est à M. le président de la commission des finances.
La commission des finances se réunira ce matin à dix heures pour examiner les sous-amendements à son amendement à l’article 2, pour lequel elle demandera la priorité.
Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, vendredi 20 novembre 2009 à quatorze heures trente et le soir :
- Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2010, adopté par l’Assemblée nationale (n° 100, 2009-2010). Examen des articles de la première partie.
Rapport (n° 101, 2009-2010) de M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
La séance est levée le vendredi 20 novembre 2009, à deux heures trente.